Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission, et je m’exprime ici à titre personnel.
Derrière la rigueur des chiffres du projet de budget, il y a des politiques qui résultent de choix opérés par le Gouvernement dans ce domaine éminemment régalien qu’est la justice.
Vous avez engagé une réforme importante, madame la ministre, en saisissant de votre projet de loi d’abord le Sénat. Le texte est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, et une commission mixte paritaire se tiendra sans doute bientôt.
Certes, la justice doit être modernisée, renforcée, ses moyens humains, immobiliers et numériques doivent être accrus, les procédures doivent évoluer, ainsi que l’organisation de la justice elle-même. Sur tous ces points, nous sommes d’accord avec vous, mais nous avons fait valoir, lors de l’examen de votre texte, un certain nombre de différences. Nous avons en particulier souhaité défendre des valeurs d’équilibre de la justice et des procédures, notamment en matière pénale : je pense à la présence d’un avocat dans les procédures d’instruction ou au maintien du juge à portée du justiciable, par exemple.
Or nous constatons aujourd’hui, au terme de l’examen de votre projet de loi par l’Assemblée nationale, que tout ce qui avait été proposé par le Sénat a été purement et simplement supprimé.
Incontestablement, nous ne partageons pas le même point de vue sur l’organisation de notre justice. Ce qu’a dit Jean-Pierre Sueur est juste, les propos tenus par Sophie Joissains sont frappés au coin du bon sens. Vous augmentez les crédits, madame la ministre ; c’est très bien, mais pour quoi faire ? C’est sur la réponse à cette question que nous divergeons.
En matière pénitentiaire, par exemple, nous avons besoin de nouvelles places de prison, non parce qu’il faut privilégier l’incarcération, mais simplement pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale.
En même temps – puisque c’est l’expression consacrée de cette mandature –, il faut mener des politiques de développement des peines alternatives à la prison. Nous sommes d’accord avec cette approche, mais, si vous ne réglez pas d’abord le problème des places de prison et de l’accueil des personnes condamnées dans les maisons d’arrêt, on ne parviendra jamais à une solution équilibrée.
Avec Yves Détraigne, je suis corapporteur pour la commission des lois du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice. Je trouverais quelque peu exotique d’émettre aujourd’hui un avis favorable sur votre projet de budget, alors que je suis personnellement en désaccord avec la manière dont les apports du Sénat ont été balayés à l’Assemblée nationale. Certes, la navette n’est pas terminée, mais les derniers événements sont de mauvais augure, à tout le moins sur les sujets qui me semblent importants pour notre justice.
À titre personnel, je ne voterai donc pas les crédits de la mission « Justice », nonobstant leur augmentation, pour des raisons tenant au fond de la politique menée en matière de justice.