L’Union européenne a conclu, au cours des deux dernières années, plusieurs accords commerciaux qui représentent un danger pour l’agriculture de nos départements d’outre-mer : en décembre 2009, a été signé à Genève un accord sur le commerce des bananes avec les pays sud-américains, accord qui devait mettre un terme à la « guerre de la banane » ; lors du sommet de Madrid de mai 2010, deux accords commerciaux ont été officialisés avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec l’Amérique centrale, d’autre part.
L’impact de ces accords sur l’agriculture des outre-mer est potentiellement dévastateur. En échange de la levée des barrières commerciales sur les produits industriels européens, les accords avec les pays andins et d’Amérique centrale prévoient en effet une ouverture du marché européen en matière agricole, notamment pour les productions de banane, de sucre et de rhum.
La Commission européenne reconnaît elle-même le danger de ces accords pour les économies ultramarines. Elle affirme, dans son rapport d’évaluation de la réforme du régime POSEI, qu’ils pourraient « avoir un effet sur la capacité concurrentielle des producteurs des régions ultrapériphériques sur le marché de l’Union européenne ».
Le Parlement européen a estimé, quant à lui, dans une résolution adoptée le 3 février dernier, que l’accord de Genève « met en danger les petits et moyens producteurs des ACP, de l’Union et de ses régions ultrapériphériques » qui « pourraient être significativement affectés ».
Les intérêts des agriculteurs ultramarins semblent donc avoir été sacrifiés par la Commission européenne au profit des intérêts de l’industrie européenne.
Face au danger représenté par ces accords, la proposition de résolution que nous avons déposée avec Serge Larcher, et dont je remercie les présidents Emorine et Bizet d’avoir demandé l’examen en séance publique, formule deux demandes essentielles.
La première est la compensation des effets de ces accords commerciaux sur les régions ultrapériphériques, la proposition de règlement opérant la refonte du régime POSEI paraissant le véhicule adapté pour déterminer les modalités de cette compensation.
La seconde est la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques dans la politique commerciale de l’Union, via l’évaluation systématique de l’impact sur ces régions des accords commerciaux négociés par la Commission européenne.
Notre collègue Serge Larcher a évoqué l’indispensable compensation des effets de ces accords sur les régions ultrapériphériques, je ne reviendrai donc pas sur cet aspect de la proposition de résolution.
Je souhaite, en revanche, m’attarder sur la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques sur le plan européen : il s’agit en effet, à mes yeux, d’un sujet essentiel, qui dépasse le simple cadre de la politique commerciale. La mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, l’avait souligné et la proposition de résolution se situe donc, de ce point de vue, dans la droite ligne de ses conclusions.
La proposition n° 62 de la mission commune d’information appelait ainsi à « renforcer la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques par l’Union européenne », tandis que la proposition n° 35 indiquait qu’il était nécessaire de « défendre une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture et de la pêche ultramarines dans la réglementation européenne ».
La Commission européenne est peu sensible aux spécificités des régions ultrapériphériques. La proposition de refonte du règlement POSEI sur laquelle s’appuie la proposition de résolution en est une nouvelle illustration.
Ce texte repose, pour l’heure, sur les articles 42 et 43 du traité sur l’Union européenne, articles qui portent sur la politique agricole commune, la PAC, et non pas sur l’article 349 du traité, qui autorise des dérogations aux règles communautaires pour les régions ultrapériphériques. Il est pourtant indispensable que l’article 349 figure parmi les bases juridiques du règlement POSEI, d’un point de vue symbolique bien entendu, mais aussi et surtout parce que cela permettrait les exonérations de droits de douane prévues par le régime spécifique d’approvisionnement.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer la mobilisation du gouvernement français sur cette question : son intervention a porté ses fruits. Il semble en effet que la Commission ait fait machine arrière et accepté de faire figurer l’article 349 parmi les bases juridiques du règlement.
La proposition de résolution demande donc que les spécificités des régions ultrapériphériques soient prises en compte par la Commission européenne dans les accords commerciaux qu’elle négocie, et ce notamment par des études d’impact préalables, semblables à l’étude d’impact de l’accord commercial envisagé avec le MERCOSUR, qui a été effectuée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, pour l’ensemble de l’Union.
Cette demande est essentielle : la proposition de résolution constitue sur ce point un soutien à la position du Gouvernement.
Au cours des dernières années, les régions ultrapériphériques, la France, l’Espagne et le Portugal ont en effet demandé de façon récurrente la mise en place d’études d’impacts spécifiques aux régions ultrapériphériques : dans le mémorandum conjoint des RUP de 2009, était évoquée l’institution d’une « étude d’impact actualisée sur les effets sur l’économie des RUP de la libéralisation commerciale », tandis que le mémorandum de l’Espagne, de la France, du Portugal et des RUP de 2010 va plus loin en estimant indispensable « d’évaluer systématiquement les effets attendus des politiques de l’Union dans les RUP ».
Enfin, le 14 juin 2010, le Conseil de l’Union européenne a invité la Commission à « continuer à élaborer […] des mesures spécifiques pour les régions ultrapériphériques, à renforcer le partenariat et à évaluer systématiquement les effets des politiques de l’Union européenne sur les régions ultrapériphériques, notamment lors de la réalisation d’analyses d’impact ».
Ces études d’impact seront très utiles. Elles permettront au Gouvernement français d’influer sur la conclusion de tels accords et pourront, le cas échéant, justifier la mise en place de compensations.
Je remercie la commission de l’économie d’avoir complété utilement la proposition de résolution sur ce point : l’évaluation des effets de ces accords doit s’effectuer non seulement a priori, mais également au cours de la mise en œuvre des accords.
En conclusion, je souhaite saluer l’excellent travail effectué tant par la commission des affaires européennes et son rapporteur, Christian Cointat, que par la commission de l’économie et son rapporteur, Daniel Marsin.
J’espère que notre Haute Assemblée s’exprimera de façon unanime sur ce texte, démontrant ainsi, une fois encore, son attachement profond aux intérêts de nos outre-mer.