Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est rare que notre Haute Assemblée examine en séance publique une proposition de résolution européenne.
Depuis 1999, seules treize propositions de résolution ont ainsi été discutées dans cet hémicycle, et dix d’entre elles ont été adoptées. La dernière proposition de résolution adoptée en séance date de mars 2009, et portait sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes.
Notre discussion d’aujourd’hui illustre une nouvelle fois l’attention portée par notre Haute Assemblée à nos outre-mer. Je tiens d’ailleurs à remercier les présidents Jean-Paul Emorine et Jean Bizet qui ont demandé que nous débattions en séance publique de cette proposition de résolution.
Je rappelle au préalable que la proposition de résolution a été déposée le 18 janvier 2011 par nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé, respectivement président et rapporteur du comité de suivi de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. Je tiens à saluer leur initiative qui se situe dans la droite ligne des conclusions de la mission d’information, dont ils ont été les excellents président et rapporteur.
La commission des affaires européennes a examiné la proposition de résolution le 2 février 2011. Elle a voté six amendements présentés par son rapporteur, Christian Cointat, avant d’adopter le texte à l’unanimité.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est alors saisie du texte. Elle m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur. Le 15 février dernier, elle l’a adopté, également à l’unanimité, après avoir accepté deux amendements que je lui avais proposés.
Avant d’en venir au contenu de la proposition de résolution, je souhaite « planter le décor ».
À cette fin, monsieur le ministre, je voudrais citer un court passage de votre excellente intervention lors du débat organisé dans ce même hémicycle le 11 janvier dernier, sur l’initiative des commissions de l’économie et des affaires européennes sur l’avenir de la politique agricole commune : « il ne sert à rien de se battre pour la PAC si on ne se bat pas non plus dans le cadre des négociations commerciales et du G 20. Il faut aborder les négociations commerciales internationales, notamment avec le MERCOSUR et dans le cadre de l’OMC, sans aucune naïveté et sans aucun complexe. C’est sans complexes que nous devons défendre notre agriculture, refuser les accords qui se feraient au détriment de l’agriculture et ne pas accepter que l’agriculture soit une nouvelle fois la monnaie d’échange dans un marché de dupes entre les pays sud-américains et l’Union européenne ».
Comment ne pas partager vos propos, monsieur le ministre ? Vous connaissez en effet tous, mes chers collègues, le risque que ferait peser un accord commercial entre l’Union européenne et le MERCOSUR sur l’agriculture européenne, notamment sur nos éleveurs. Une étude d’impact réalisée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, a d’ailleurs montré qu’un tel accord pourrait conduire à une baisse du revenu agricole en France allant jusqu’à 3 %.
S’agissant des départements d’outre-mer, les DOM, il ne me semble pas exagéré de dire que des accords emportant des conséquences similaires pour les DOM à celles que pourrait avoir pour notre pays un accord avec le MERCOSUR ont été conclus par l’Union européenne au cours des derniers mois. C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution a été déposée.
Pourquoi les problématiques agricoles sont-elles vitales pour nos outre-mer ? Parce que, comme dans bien d’autres domaines, la situation des outre-mer est très spécifique en matière agricole. Je ne vous livrerai que quelques illustrations.
Tout d’abord, le poids économique de l’agriculture est essentiel dans les DOM : entre 1, 7 % et plus de 4 % du PIB, contre 2, 2 % pour la France hexagonale, et entre 2 % et 7, 2 % de l’emploi, contre 2, 3 % pour le territoire métropolitain. Les produits agricoles et agroalimentaires représentent 53 % des exportations de la Guadeloupe et 65 % de celles de la Réunion !
Par ailleurs, le législateur a fait de l’agriculture l’un des secteurs clés du développement endogène de ces territoires, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer.
Enfin, l’agriculture des départements d’outre-mer reste dominée par deux filières traditionnelles d’exportation : la banane et la filière canne-sucre-rhum. Ces deux filières structurent l’économie des DOM : la filière banane représente près de 10 000 emplois dans les Antilles, ce qui en fait le premier employeur privé. La filière canne-sucre-rhum occupe près de 30 % de la surface agricole utile.
L’Union européenne prend d’ailleurs en compte ces spécificités. Sur le fondement de l’ancien article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, qui autorisait, au vu de leurs handicaps, la prise de mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, c’est-à-dire les DOM, les Açores, les Canaries et Madère, l’Union européenne a mis en place, au début des années quatre-vingt-dix, un dispositif spécifique de soutien, le programme POSEI.
Ce programme comprend deux volets : un régime spécifique d’approvisionnement, dont l’objet est d’alléger les coûts relatifs à l’approvisionnement, et des mesures d’aide à la production locale. Son bilan positif est reconnu par tous, y compris par la Commission européenne.
Ce programme n’est d’ailleurs pas en danger : la proposition de règlement sur laquelle s’appuie la proposition de résolution ne comporte que des ajustements formels et des modifications de fonds mineures.
Quels sont donc les faits à l’origine du dépôt de la proposition de résolution ?
Plusieurs accords signés par l’Union européenne mettent aujourd’hui en danger l’agriculture ultramarine et ont conduit les élus ultramarins à protester énergiquement.
D’une part, en décembre 2009, l’Union européenne a conclu à Genève avec certains pays sud-américains, un accord sur le commerce des bananes. Cet accord est censé, mais seulement censé, mettre fin à la « guerre de la banane » qui dure depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il prévoit ainsi, en contrepartie de l’arrêt des procédures lancées contre l’Union européenne par les pays producteurs de banane latino-américains devant l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, une baisse importante des droits de douane européens, de 176 euros en 2009 à 114 euros en 2017, soit une diminution de 35 % en six ans.
D’autre part, en mai 2010, lors du sommet de Madrid, l’Union européenne a conclu deux nouveaux accords : le premier avec la Colombie et le Pérou, le second avec l’Amérique centrale.
Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à souligner qu’il m’a été impossible d’obtenir le texte consolidé et traduit de ces accords avant l’examen de mon rapport en commission, soit près de dix mois après leur conclusion.