Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne analyse la proposition de règlement européen portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques. Le texte européen élabore une refonte du régime POSEI, dont l’objectif est d’améliorer la compétitivité de l’agriculture et des industries agroalimentaires et de consolider une agriculture de proximité dans nos départements ultramarins.
En fait, cette proposition de règlement européen s’attarde peu sur les modifications proposées par la Commission européenne sur le fonctionnement du POSEI, mais se polarise surtout sur les risques importants pour l’agriculture des DOM posés, notamment, par la signature de l’accord multilatéral de Genève sur les bananes le 15 décembre 2009 et les accords commerciaux passés entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, le Pérou et la Colombie en particulier.
Elle se polarise également sur les éventuelles mesures de compensation ainsi que sur les études d’impact systématiques des effets commerciaux sur les RUP à proposer préalablement à leur conclusion.
Le POSEI, à travers le régime spécifique d’approvisionnement, ou RSA, et les mesures en faveur des produits agricoles locaux, a montré son efficacité, soulignée par la Cour des comptes européenne, qui a d’ailleurs mis en avant la nécessité de maintenir cette aide pour l’agriculture des régions concernées.
Aussi, cette proposition de règlement devait constituer une réelle opportunité pour dénoncer les effets néfastes de la politique commerciale européenne sur l’agriculture ultramarine. Or il semble bien que l’Union fait actuellement le choix de gommer peu à peu les différences de traitement et les avantages dont bénéficieraient ces territoires, sous couvert de libéralisation des échanges, de restrictions budgétaires et de changement de priorités vers d’autres zones régionales dans le monde.
Les récentes négociations sur la banane avec les pays non ACP ou encore l’accord de libre-échange avec le Pérou ou la Colombie sont là pour le prouver. Les analyses d’impact de ces accords sur les RUP ont fait défaut et la Commission européenne n’a pas proposé de compensation réglementaire. En tout état de cause, on peut douter de la détermination de la Commission européenne et des États de mettre en danger de tels accords pour protéger « quelques petits territoires d’outre-mer ».
Il importe donc que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne soit le socle juridique principal sur lequel les dispositions financières en faveur des RUP peuvent s’appuyer, aux côtés des articles concernant directement la politique agricole. Dès lors, toute compensation financière accordée aux RUP françaises du fait de leurs réalités devra être réalisée en prenant en compte les conséquences négatives d’une politique commerciale de l’Union sur des économies agricoles ultramarines fragiles, d’autant que les pays andins ou d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales.
Il importe également que soit systématisée la réalisation d’études d’impact par la Commission européenne lors de la négociation d’accords commerciaux susceptibles d’affecter l’économie des RUP. Ces études permettraient de mettre en avant préalablement à chaque signature d’accord les risques potentiels pour les économies locales. De même, l’abaissement des droits de douane devrait être conditionné à un meilleur respect d’un certain nombre de normes sociales et environnementales. Là, je pense particulièrement à la filière rizicole en Guyane, ce riz produit dans la commune dont je suis le maire, qui souffre notamment de l’application inappropriée de certifications européennes, alors que le riz produit dans les pays voisins, issu de semences non homologuées « Europe » – interdites en Guyane française – est vendu en Europe !
Il faudrait, enfin, que les mesures de compensation financière, même si elles ne peuvent neutraliser les effets négatifs de l’arrêt de certaines productions agricoles car l’agriculture assure un rôle multifonctionnel majeur, soient calculées à la hauteur du préjudice, compte tenu de l’absence encore trop marquée d’une réelle prise en compte des difficultés structurelles des RUP lors de la signature des accords de partenariat économique.
Le Gouvernement, dans ses négociations avec la Commission européenne, doit être particulièrement vigilant sur ce point ainsi que sur la mise en œuvre des autres mesures de protection du marché des RUP.
Aussi, je partage totalement les objectifs de la présente proposition de résolution européenne dont les deux axes essentiels sont la nécessaire compensation des effets des accords commerciaux et l’évaluation systématique de l’impact de ces accords sur les RUP. Il appartient maintenant aux gouvernements français, espagnol et portugais de trouver de nouvelles alliances dans une Europe à vingt-sept et de conditionner leur accord sur les grandes réformes européennes à venir dans un respect des dispositions des traités en faveur de l’outre-mer comme du principe de solidarité qui fonde le projet européen.
Par ailleurs, si à court et moyen termes l’aide financière aux filières principales – banane, sucre, rhum notamment – doit être maintenue compte tenu de leur poids économique et social, la trop forte dépendance des territoires ultramarins à quelques produits qui subiraient inévitablement une baisse très importante des droits de douane d’ici à 2020 peut être un frein à moyen et long termes au développement d’une économie agricole performante et compétitive. Les financements agricoles au titre du POSEI doivent davantage permettre à moyen terme de mettre en œuvre une diversification des produits et des circuits de transformation. Les filières canne-sucre-rhum et bananes, culture d’exportation, prédominent largement, alors que les filières animales et végétales de diversification – fruits et légumes, riz, fleurs, plantes à parfum, aromatiques et médicinales – sont en plein développement. Le partage de l’enveloppe française mériterait à ce titre d’être revu. En 2005, lors de la dernière répartition, 56 % étaient consacrés à la Réunion, 37 % à la Martinique, 17 % à la Guadeloupe et seulement 2 % à la Guyane, sous le prétexte de la faible organisation des filières. Or la Guyane est la seule région de France qui connaît une augmentation du nombre d’exploitations, de 20 % en dix ans. Cette activité concerne 20 000 personnes, soit près de 10 % de la population, plus de 80 % des exploitants s’adonnant à l’agriculture traditionnelle ! N’est-ce pas une réalité qui mérite d’être prise en considération quand on veut bâtir le développement de nos territoires à partir du concept de développement endogène ?