Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une appréciation positive pour nos territoires.
En effet, nos produits agricoles se caractérisent par leur qualité, leur authenticité, leur production en toute saison, et disposent d’atouts qui, incontestablement, doivent en faire une production à valeur ajoutée.
Notre agriculture, organisée essentiellement autour de la canne à sucre et de la banane, représente un secteur important de l’économie guadeloupéenne ; environ un tiers de la surface totale de notre territoire lui est consacré. Elle emploie 12 % de la population active et contribue pour 6 % au produit intérieur brut régional.
En 2010, la banane représente 2 000 emplois directs, 1 000 emplois indirects ; c’est le premier secteur d’exportation en Guadeloupe et le premier employeur du secteur agricole.
La culture de la canne à sucre constitue la deuxième activité agricole, avec une production de 60 000 tonnes de sucre.
Ces quelques chiffres témoignent à eux seuls, s’il en était besoin, du poids économique et de l’importance sociale de ce secteur, véritable pilier déterminant pour l’équilibre socioéconomique de notre société.
L’activité souffre néanmoins de certains handicaps liés à son histoire et à sa géographie, en particulier à l’étroitesse du marché local, à l’insularité et à la dépendance à l’égard d’un petit nombre de produits.
Ainsi, l’ouverture des marchés, notamment celui de la banane, intervenue du fait des deux accords commerciaux conclus en 2010 entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie d’une part, et avec les autres pays de l’Amérique latine, d’autre part, fait peser de sérieuses menaces sur ce fragile équilibre économique, à l’horizon du premier semestre 2012, période d’entrée en vigueur de ces accords.
Une baisse de 35 % des droits de douane entre 2009 et 2017 est donc prévue, avec une nouvelle baisse des tarifs douaniers d’ici à 2020.
Les départements d’outre-mer vont donc devoir affronter la concurrence des pays d’Amérique latine, qui bénéficient de faibles coûts de production, largement inférieurs à ceux que connaissent les régions ultrapériphériques.
Ces accords sont d’autant plus inquiétants que de nouvelles négociations bilatérales avec l’Amérique centrale, voire le MERCOSUR, sont prochainement programmées et entraîneront vraisemblablement des concessions supplémentaires sur ces mêmes produits et par conséquent une accentuation de leurs effets sur nos régions.
Comment ne pas penser que notre agriculture est ainsi sacrifiée et bradée au profit du libre-échange, ce qui laisse apparaître in fine la véritable doctrine commerciale de l’Union européenne, celle de se garantir un succès commercial dans d’autres secteurs industriels – ouverture du marché automobile aux entreprises européennes –, en réalisant de fortes concessions sur les secteurs agricoles des régions ultrapériphériques ?
Par ailleurs, qu’en est-il de l’application des normes environnementales, sanitaires ou sociales chez ces nouveaux concurrents directs ?
En effet, les normes phytosanitaires imposées à nos producteurs sont nettement plus exigeantes que celles qui sont mises en œuvre dans ces pays. Le secteur agricole de nos territoires s’en trouvera donc d’autant plus affaibli, alors même qu’il ne doit déjà sa survie qu’aux aides publiques qui lui sont allouées.
De plus, quelles garanties sanitaires l’Union européenne peut-elle, dans ces conditions, apporter aux consommateurs de ces productions extracommunautaires ?
Toutes ces raisons nous conduisent à nous interroger sur la cohérence de la politique de l’Union européenne.
En effet, ces négociations commerciales, menées par l’Union, hors toute concertation avec les responsables régionaux, soulèvent des interrogations essentielles, notamment quant à la cohérence des politiques européennes entre elles et singulièrement entre la politique commerciale et la politique de cohésion qui visent des objectifs fondamentalement contradictoires.
Rappelons que l’Union européenne investit largement à travers les instruments que sont le Fonds européen agricole pour le développement rural et l’outil spécifique qu’est le POSEI pour favoriser le développement de ce secteur.
Mais parallèlement et de manière surprenante, elle compromet tous ces efforts en multipliant des accords de libre-échange commerciaux qui pénalisent le développement de nos régions d’outre-mer.
Vous comprendrez donc, sans difficulté, monsieur le ministre, que je souscrive à la proposition qui est faite d’obtenir de l’Union européenne des compensations qui pourraient prendre la forme d’une augmentation de l’enveloppe globale du POSEI en cours d’élaboration.
Une telle mesure permettrait de renforcer toutes les filières agricoles et ainsi de mieux les préparer à faire face à ces importations massives, tant sur le marché européen que sur leur propre marché régional.
En outre, la question de l’évaluation par la Commission européenne de l’impact sur les régions ultrapériphériques de nouveaux accords commerciaux qu’elle négocie est d’autant plus justifiée que d’autres accords sont envisagés, notamment avec le MERCOSUR.
De plus, la Commission devrait aussi envisager plus de flexibilité lors des discussions qu’elle engage notamment sur d’autres instruments tel l’octroi de mer, dont chacun s’accorde à dire qu’il constitue un instrument incitatif pour le développement de la production locale.
Il apparaît de surcroît utile et impératif que la Commission européenne, et singulièrement la DG commerce, intègre le fait que l’agriculture n’est pas un bien marchand comme les autres, car elle s’identifie à la vie même des êtres humains. Notre potentiel agricole est avant tout un potentiel humain.
Monsieur le ministre, face à ces enjeux majeurs pour les économies des régions ultrapériphériques, les RUP, il est indispensable que la France, au besoin en partenariat avec d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal, agisse plus directement et sur la durée, afin de promouvoir une action européenne plus forte et cohérente en faveur des RUP, conformément à la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008. Celle-ci qualifie les RUP d’avant-postes stratégiques de l’Union européenne dans diverses parties du monde, qui représentent à ce titre des atouts à valoriser et non des monnaies d’échange d’accords commerciaux.