Intervention de Julien Denormandie

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 décembre 2018 à 17h35
Aménagement numérique du territoire — Audition de M. Julien deNormandie ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales chargé de la ville et du logement

Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement :

Je suis ravi de continuer à échanger avec vous sur ce sujet d'importance pour l'ensemble de notre nation : le numérique, fixe ou mobile, n'est pas un luxe, c'est un droit. Les gilets jaunes expriment un sentiment d'abandon qui a des causes multiples, mais auquel la fracture numérique n'est pas étrangère : il est insupportable de vivre dans un endroit où il est impossible de trouver des barres sur son téléphone portable.

Cela dit, si l'on dit souvent que le numérique lutte efficacement contre les fractures territoriales, on constate parfois qu'il les accentue. Ainsi, le fait d'avoir rendu le télétravail opposable crée, pour la moitié des Français qui n'ont pas accès au haut débit, un droit qui reste virtuel. Et le processus d'octroi des licences, que certains d'entre vous ont tant dénoncé, consistait simplement pour l'État à demander aux opérateurs le plus d'argent possible. Résultat : ceux-ci avaient pour seul objectif de s'installer là où la rentabilité serait la plus forte, c'est-à-dire aux endroits les plus densément peuplés. L'État se contentait de leur demander de prendre des engagements non contraignants, quitte à leur reprocher ensuite de n'avoir investi que dans les zones les plus rentables !

Avec l'accord de janvier dernier, nous avons changé les choses. Pour la première fois, l'État ne fera pas des enchères sur une base budgétaire mais sur la base d'un engagement des opérateurs à investir dans les territoires ruraux. Cela représente 3 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pour ces territoires.

Le Gouvernement a pour objectif d'accélérer considérablement le déploiement d'Internet et de la téléphonie mobile sur notre territoire.

Il fallait d'abord changer de méthode, ce qui est chose faite, et obtenir que les engagements soient pris sur une base contraignante. Même pour le fixe, les quatre opérateurs effectueront le déploiement sous le régime de l'article L 33-13 du code des postes et des communications électroniques, qui découle d'un amendement du Sénat à la loi pour une République numérique. La confiance est une chose mais, si l'on veut des résultats certains, mieux vaut signer un acte contractuel fixant des droits et devoirs.

Nous avons aussi fait en sorte de ne pas revoir les équilibres existants. Fallait-il remettre à plat les réseaux d'initiative publique (RIP) ? J'ai toujours plaidé pour le maintien des zones RIP et des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). On aurait pu renverser la table mais, quand on veut accélérer, il vaut mieux consolider d'abord l'existant. Bien sûr, notre soutien aux RIP nous engage, car en cas de dysfonctionnement, c'est vers nous qu'on se tournera.

Troisième gage de confiance : l'accélération du financement. Depuis janvier, le plan très haut débit a engagé pour le fixe, en sus des 3,3 milliards d'euros que vous aviez votés, un milliard d'euros supplémentaire, à travers le guichet que vous évoquiez. Beaucoup d'opérateurs souhaitent investir, c'est pourquoi nous avons mis en place le dispositif des Amel. Il n'est aucunement obligatoire pour les collectivités territoriales, qui restent les donneurs d'ordre, mais nous les incitons à se demander si la phase 3 ou 4 ne pourrait pas être financée par des fonds privés et non pas uniquement par des fonds publics. D'où la pause que nous avons marquée pour le guichet très haut débit, qui est bien une pause et en aucun cas un arrêt. Certains territoires ont fait le choix de se lancer dans des Amel, pour un total d'un million de prises. D'autres l'ont refusé absolument, de crainte de déstabiliser les RIP existants. Je respecte ces différents choix.

Notre travail est de finaliser ces Amel et d'identifier, en 2019, les autorisations d'engagement nécessaires pour la remise en place du guichet très haut débit pour les phases 3 et 4 des RIP existants. Il s'agit des investissements nécessaires au-delà de l'année 2020, mais nous souhaitons donner un maximum de visibilité dès le PLF pour 2020.

Nous souhaitons enfin donner aux collectivités territoriales un maximum de transparence. C'est tout le volet « n » de la loi Elan, que nous avons porté avec Jacques Mézard, et qui a simplifié et accéléré le déploiement des réseaux numériques. Les débats ont été intenses, notamment sur le rôle des architectes des bâtiments de France lors des mises en place d'antennes de téléphonie mobile.

Sur le fixe, le Président de la République a été très clair : du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022, sachant que le haut débit est de 8 mégabits et le très haut débit, de 30 mégabits. Nous effectuons un suivi très régulier : tous les mois on me fait un rapport de l'avancement, département par département. Je suis assez confiant, sauf pour onze départements, qui font l'objet d'une attention particulière de notre part. Depuis le 1er janvier, chaque jour ouvré, 11 000 prises raccordables sont faites. C'est significatif ! J'annoncerai demain en conférence de presse l'état du déploiement au troisième trimestre 2018 : ce sera le trimestre qui aura connu le plus de déploiement de fibre de toute l'histoire du plan très haut débit. Avec 30 % de plus qu'au troisième trimestre 2017, on constate donc une accélération massive du dispositif.

Cinquième gage de réussite, la transparence vis-à-vis de nos concitoyens, qu'on a trop souvent bernés par des fausses promesses, ce qui a abouti à un sentiment d'abandon qui s'exprime à travers le mouvement des gilets jaunes. Nous avons donc demandé à l'Arcep de tenir un site reflétant la mise en oeuvre de l'accord de janvier.

Je donnerai aussi demain les chiffres sur la couverture mobile du territoire. À mon arrivée, il y avait 600 zones blanches en France. Nous avons changé la définition des zones blanches car une zone où, pour avoir une barre sur votre téléphone, vous êtes obligé d'aller au fond du jardin ou de monter sur la colline, pour moi ce n'est pas une zone grise mais une zone blanche ! Cette redéfinition, bien sûr, a alourdi le fardeau mais elle était nécessaire si l'on voulait une description sincère de la situation.

Nous avons fait prendre aux opérateurs des engagements très fermes dans l'accord de janvier dernier. Le premier est de remédier le plus rapidement possible aux zones blanches ainsi redéfinies. Chacun d'entre eux s'est engagé à traiter 5 000 sites, sachant que certains sites sont mutualisés car parfois, si un opérateur vient sur un site, les autres se doivent d'y aller aussi pour préserver leur compétitivité mais, dans d'autres cas, même cette incitation est insuffisante et il faut imposer la mutualisation. Comme il y a environ 2 000 sites mutualisés, chaque opérateur devra faire 3 000 points et on aboutit à un total de 14 000 ou 15 000 sites qui seront couverts aux termes de l'accord - à comparer aux 600 qui étaient prévus à notre arrivée.

Comment ces sites ont-ils été identifiés ? Ce ne sont pas les opérateurs qui comparent et choisissent, c'est le ministre qui signe un arrêté. Nous avons décidé de laisser les collectivités territoriales les choisir, grâce à la dotation que nous avons donnée aux départements et avec l'aide des équipes-projets mises en place par l'un de mes collaborateurs, qui a parcouru pour cela à peu près tout le territoire national depuis quatre mois.

Nous allons commencer par mutualiser chaque année 600 à 800 sites, via un arrêté que nous transmettons aux opérateurs. En juillet, j'ai annoncé 485 sites et, demain, j'en annoncerai 115 supplémentaires. En février, j'en annoncerai encore 700 pour 2019, et il y en aura encore 800 en 2020, 800 en 2021, 800 en 2022, 600 en 2023 et 100 en 2024.

L'octroi des quelque 15 000 sites non mutualisés s'étalera entre 2019 et 2025, car la charge est lourde en matière d'infrastructures. Alors qu'il suffisait autrefois de construire le pylône, c'est désormais sa mise en service qui est exigée, avant un an si la collectivité a donné un terrain viable, et deux à défaut. De plus, les pylônes sont à la charge des opérateurs et non plus des collectivités. Cela permet d'avancer beaucoup plus vite.

En outre, il faut absolument augmenter la qualité du service de notre réseau. Nous avons redéfini les zones blanches et demandé que, partout, la 4G supplante les technologies précédentes. D'ici fin 2020, 10 000 communes passeront à la 4G. C'est essentiel, car cela donne internet sur le téléphone. La carte sera publiée : depuis le 1er janvier, 3 000 points sont passés du 2G ou 3G à la 4G. Nous souhaitons encore accélérer, pour que les Français perçoivent réellement une amélioration de la couverture.

Nous avons vraiment voulu partir des territoires. C'est pour cela que nous avons créé des équipes-projets au niveau des départements, ou parfois à l'échelle interdépartementale. Nous avons toujours laissé les collectivités déterminer les sites à couvrir. Nous avions hésité entre plusieurs idées, et j'ai finalement retenu la méthode consistant à donner des dotations aux départements pour qu'ils identifient les sites. La mission France Mobile a pour seul souci de se mettre au service des élus locaux.

Nous devons aussi faire en sorte que téléphone filaire fonctionne partout. Dans le Cantal, suite à une intempérie très importante, il y a eu un mois et demi de coupure totale du téléphone dans certains endroits. Ce n'est pas acceptable. L'opérateur historique, qui a remporté le service universel, a des droits mais aussi des devoirs. Nous le lui avons rappelé très fermement, et l'Arcep a fait un certain nombre de rappels importants. Jacqueline Gourault a vu le PDG d'Orange, Stéphane Richard, il y a quelques jours, et nous serons très vigilants à l'avenir.

Enfin, nous savons que certains territoires, plus difficiles d'accès, n'auront pas accès à court terme aux techniques filaires les plus avancées, et qu'il faudra pour eux des boucles hertziennes ou du satellitaire, ce qui est beaucoup plus onéreux. Nous ouvrirons donc le 1er janvier un guichet pour la cohésion numérique, doté de 100 millions d'euros, pour les accompagner dans l'acquisition de ces technologies.

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