Monsieur le ministre, c'est la deuxième fois que vous venez devant notre commission. Nous avions décidé, avec votre accord, que vous viendriez régulièrement faire le point devant nous, notamment sur la question des déploiements de la téléphonie mobile et de l'Internet fixe. Nous étions convenus d'une date en octobre, mais le remaniement vous a empêché de venir. Nous sommes très heureux que vous ayez conservé la responsabilité du dossier important qu'est le numérique, car nous connaissons votre implication et votre compétence sur ce sujet.
Tout ce qui concerne l'aménagement numérique des territoires est important pour notre commission, et plus généralement pour le Sénat. Où en est le déploiement de la téléphonie mobile et du très haut débit fixe ? Un accord a été signé avec les opérateurs début 2018, qui promet un certain nombre d'avancées et, pour la première fois, la prise en compte de l'aménagement du territoire et non plus seulement la valorisation des fréquences ; mais il ne fixe pas d'échéance. Pourtant, le Gouvernement a annoncé il y a un an que 100 % de la population serait couverte en 2020. On ne sait plus à quelle date on peut espérer cette couverture du territoire, ni à quel taux de couverture s'attendre.
Puisque un objectif de 5 000 sites a été annoncé, et qu'il y aura entre 600 et 800 pylônes supplémentaires par an, la fin de l'affectation des pylônes devrait intervenir entre 2023 et 2025. Et il faut compter deux années supplémentaires pour le déploiement. Bref, à la fin de la prochaine décennie, on n'aura sans doute pas achevé la couverture en téléphonie mobile. Dans mon département, 200 sites sont mal couverts ou non couverts et, avec 6 ou 8 pylônes par an, je vois mal quand le problème sera résolu.
Nous avons besoin de visibilité, et il faut qu'un vrai diagnostic de la couverture du territoire soit enfin posé avant de prescrire le traitement, qui devra être une programmation pluriannuelle, afin que chaque commune, chaque habitant même puisse savoir à quoi s'en tenir. Ce que la France a fait pour le téléphone fixe, elle est pour l'instant incapable de le reproduire pour la téléphonie mobile, alors que c'est une demande forte des territoires.
Vous avez signé il y a quelques mois une circulaire d'application de l'accord avec les opérateurs, qui a conduit à la mise en place d'équipes-projets auxquelles, selon les départements, les parlementaires sont plus ou moins associés, et qui doivent choisir les implantations de pylônes.
Pour l'Internet fixe, vous avez lancé l'an dernier un appel à manifestation d'engagements locaux (Amel) mais nous sommes très inquiets car, depuis un peu plus d'un an, vous avez fermé le guichet qui finance le déploiement de la fibre optique dans les territoires. Pouvez-vous nous donner des assurances sur la réouverture de ce guichet ? Elle conditionne la fin du déploiement de la fibre optique sur le territoire.
Pour le téléphone fixe, la mauvaise qualité du cuivre a conduit l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) à mettre les opérateurs en demeure de remplir leurs obligations au titre du service universel. Vous nous parlerez aussi du déploiement de la 5G.
Je suis ravi de continuer à échanger avec vous sur ce sujet d'importance pour l'ensemble de notre nation : le numérique, fixe ou mobile, n'est pas un luxe, c'est un droit. Les gilets jaunes expriment un sentiment d'abandon qui a des causes multiples, mais auquel la fracture numérique n'est pas étrangère : il est insupportable de vivre dans un endroit où il est impossible de trouver des barres sur son téléphone portable.
Cela dit, si l'on dit souvent que le numérique lutte efficacement contre les fractures territoriales, on constate parfois qu'il les accentue. Ainsi, le fait d'avoir rendu le télétravail opposable crée, pour la moitié des Français qui n'ont pas accès au haut débit, un droit qui reste virtuel. Et le processus d'octroi des licences, que certains d'entre vous ont tant dénoncé, consistait simplement pour l'État à demander aux opérateurs le plus d'argent possible. Résultat : ceux-ci avaient pour seul objectif de s'installer là où la rentabilité serait la plus forte, c'est-à-dire aux endroits les plus densément peuplés. L'État se contentait de leur demander de prendre des engagements non contraignants, quitte à leur reprocher ensuite de n'avoir investi que dans les zones les plus rentables !
Avec l'accord de janvier dernier, nous avons changé les choses. Pour la première fois, l'État ne fera pas des enchères sur une base budgétaire mais sur la base d'un engagement des opérateurs à investir dans les territoires ruraux. Cela représente 3 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pour ces territoires.
Le Gouvernement a pour objectif d'accélérer considérablement le déploiement d'Internet et de la téléphonie mobile sur notre territoire.
Il fallait d'abord changer de méthode, ce qui est chose faite, et obtenir que les engagements soient pris sur une base contraignante. Même pour le fixe, les quatre opérateurs effectueront le déploiement sous le régime de l'article L 33-13 du code des postes et des communications électroniques, qui découle d'un amendement du Sénat à la loi pour une République numérique. La confiance est une chose mais, si l'on veut des résultats certains, mieux vaut signer un acte contractuel fixant des droits et devoirs.
Nous avons aussi fait en sorte de ne pas revoir les équilibres existants. Fallait-il remettre à plat les réseaux d'initiative publique (RIP) ? J'ai toujours plaidé pour le maintien des zones RIP et des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). On aurait pu renverser la table mais, quand on veut accélérer, il vaut mieux consolider d'abord l'existant. Bien sûr, notre soutien aux RIP nous engage, car en cas de dysfonctionnement, c'est vers nous qu'on se tournera.
Troisième gage de confiance : l'accélération du financement. Depuis janvier, le plan très haut débit a engagé pour le fixe, en sus des 3,3 milliards d'euros que vous aviez votés, un milliard d'euros supplémentaire, à travers le guichet que vous évoquiez. Beaucoup d'opérateurs souhaitent investir, c'est pourquoi nous avons mis en place le dispositif des Amel. Il n'est aucunement obligatoire pour les collectivités territoriales, qui restent les donneurs d'ordre, mais nous les incitons à se demander si la phase 3 ou 4 ne pourrait pas être financée par des fonds privés et non pas uniquement par des fonds publics. D'où la pause que nous avons marquée pour le guichet très haut débit, qui est bien une pause et en aucun cas un arrêt. Certains territoires ont fait le choix de se lancer dans des Amel, pour un total d'un million de prises. D'autres l'ont refusé absolument, de crainte de déstabiliser les RIP existants. Je respecte ces différents choix.
Notre travail est de finaliser ces Amel et d'identifier, en 2019, les autorisations d'engagement nécessaires pour la remise en place du guichet très haut débit pour les phases 3 et 4 des RIP existants. Il s'agit des investissements nécessaires au-delà de l'année 2020, mais nous souhaitons donner un maximum de visibilité dès le PLF pour 2020.
Nous souhaitons enfin donner aux collectivités territoriales un maximum de transparence. C'est tout le volet « n » de la loi Elan, que nous avons porté avec Jacques Mézard, et qui a simplifié et accéléré le déploiement des réseaux numériques. Les débats ont été intenses, notamment sur le rôle des architectes des bâtiments de France lors des mises en place d'antennes de téléphonie mobile.
Sur le fixe, le Président de la République a été très clair : du haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022, sachant que le haut débit est de 8 mégabits et le très haut débit, de 30 mégabits. Nous effectuons un suivi très régulier : tous les mois on me fait un rapport de l'avancement, département par département. Je suis assez confiant, sauf pour onze départements, qui font l'objet d'une attention particulière de notre part. Depuis le 1er janvier, chaque jour ouvré, 11 000 prises raccordables sont faites. C'est significatif ! J'annoncerai demain en conférence de presse l'état du déploiement au troisième trimestre 2018 : ce sera le trimestre qui aura connu le plus de déploiement de fibre de toute l'histoire du plan très haut débit. Avec 30 % de plus qu'au troisième trimestre 2017, on constate donc une accélération massive du dispositif.
Cinquième gage de réussite, la transparence vis-à-vis de nos concitoyens, qu'on a trop souvent bernés par des fausses promesses, ce qui a abouti à un sentiment d'abandon qui s'exprime à travers le mouvement des gilets jaunes. Nous avons donc demandé à l'Arcep de tenir un site reflétant la mise en oeuvre de l'accord de janvier.
Je donnerai aussi demain les chiffres sur la couverture mobile du territoire. À mon arrivée, il y avait 600 zones blanches en France. Nous avons changé la définition des zones blanches car une zone où, pour avoir une barre sur votre téléphone, vous êtes obligé d'aller au fond du jardin ou de monter sur la colline, pour moi ce n'est pas une zone grise mais une zone blanche ! Cette redéfinition, bien sûr, a alourdi le fardeau mais elle était nécessaire si l'on voulait une description sincère de la situation.
Nous avons fait prendre aux opérateurs des engagements très fermes dans l'accord de janvier dernier. Le premier est de remédier le plus rapidement possible aux zones blanches ainsi redéfinies. Chacun d'entre eux s'est engagé à traiter 5 000 sites, sachant que certains sites sont mutualisés car parfois, si un opérateur vient sur un site, les autres se doivent d'y aller aussi pour préserver leur compétitivité mais, dans d'autres cas, même cette incitation est insuffisante et il faut imposer la mutualisation. Comme il y a environ 2 000 sites mutualisés, chaque opérateur devra faire 3 000 points et on aboutit à un total de 14 000 ou 15 000 sites qui seront couverts aux termes de l'accord - à comparer aux 600 qui étaient prévus à notre arrivée.
Comment ces sites ont-ils été identifiés ? Ce ne sont pas les opérateurs qui comparent et choisissent, c'est le ministre qui signe un arrêté. Nous avons décidé de laisser les collectivités territoriales les choisir, grâce à la dotation que nous avons donnée aux départements et avec l'aide des équipes-projets mises en place par l'un de mes collaborateurs, qui a parcouru pour cela à peu près tout le territoire national depuis quatre mois.
Nous allons commencer par mutualiser chaque année 600 à 800 sites, via un arrêté que nous transmettons aux opérateurs. En juillet, j'ai annoncé 485 sites et, demain, j'en annoncerai 115 supplémentaires. En février, j'en annoncerai encore 700 pour 2019, et il y en aura encore 800 en 2020, 800 en 2021, 800 en 2022, 600 en 2023 et 100 en 2024.
L'octroi des quelque 15 000 sites non mutualisés s'étalera entre 2019 et 2025, car la charge est lourde en matière d'infrastructures. Alors qu'il suffisait autrefois de construire le pylône, c'est désormais sa mise en service qui est exigée, avant un an si la collectivité a donné un terrain viable, et deux à défaut. De plus, les pylônes sont à la charge des opérateurs et non plus des collectivités. Cela permet d'avancer beaucoup plus vite.
En outre, il faut absolument augmenter la qualité du service de notre réseau. Nous avons redéfini les zones blanches et demandé que, partout, la 4G supplante les technologies précédentes. D'ici fin 2020, 10 000 communes passeront à la 4G. C'est essentiel, car cela donne internet sur le téléphone. La carte sera publiée : depuis le 1er janvier, 3 000 points sont passés du 2G ou 3G à la 4G. Nous souhaitons encore accélérer, pour que les Français perçoivent réellement une amélioration de la couverture.
Nous avons vraiment voulu partir des territoires. C'est pour cela que nous avons créé des équipes-projets au niveau des départements, ou parfois à l'échelle interdépartementale. Nous avons toujours laissé les collectivités déterminer les sites à couvrir. Nous avions hésité entre plusieurs idées, et j'ai finalement retenu la méthode consistant à donner des dotations aux départements pour qu'ils identifient les sites. La mission France Mobile a pour seul souci de se mettre au service des élus locaux.
Nous devons aussi faire en sorte que téléphone filaire fonctionne partout. Dans le Cantal, suite à une intempérie très importante, il y a eu un mois et demi de coupure totale du téléphone dans certains endroits. Ce n'est pas acceptable. L'opérateur historique, qui a remporté le service universel, a des droits mais aussi des devoirs. Nous le lui avons rappelé très fermement, et l'Arcep a fait un certain nombre de rappels importants. Jacqueline Gourault a vu le PDG d'Orange, Stéphane Richard, il y a quelques jours, et nous serons très vigilants à l'avenir.
Enfin, nous savons que certains territoires, plus difficiles d'accès, n'auront pas accès à court terme aux techniques filaires les plus avancées, et qu'il faudra pour eux des boucles hertziennes ou du satellitaire, ce qui est beaucoup plus onéreux. Nous ouvrirons donc le 1er janvier un guichet pour la cohésion numérique, doté de 100 millions d'euros, pour les accompagner dans l'acquisition de ces technologies.
De votre liste des pylônes à attribuer jusqu'en 2025 ne ressort pas un total de 15 000 pylônes.
Je vous ai donné des chiffres par opérateur. On arrive ainsi à 5 000 pylônes environ par opérateur, sachant qu'un certain nombre de pylônes sont mutualisés - à peu près 2 000, je pense. Resteront 3 000 pylônes par opérateur.
C'est même contractuellement prévu. Si le résultat n'est pas atteint, il y aura des sanctions. Dès la fin du quinquennat, l'accélération sera massive. Pendant le précédent quinquennat, 600 sites avaient été identifiés, et seuls vingt ou trente ont été finalisés.
Tournons-nous plutôt vers l'avenir... Avons-nous la certitude qu'avec ces pylônes on couvre réellement tout le territoire, puisqu'aucun diagnostic exhaustif n'a jamais été fait ?
Nous visons en priorité les zones habitées.
A-t-on la certitude que ces pylônes couvriront réellement tout le territoire ou bien ne s'agit-il que d'une approximation ?
Il faut s'entendre sur ce qu'on appelle « tout le territoire ». Pour moi, ce sont les zones habitées. La perception est un autre critère essentiel. Officiellement, j'aurais pu annoncer de bonne foi la fin des zones blanches en France dès la fin de cette année.
Voilà des années que le Sénat demande que l'on revoie la manière dont on mesure ces zones blanches.
La nouvelle définition des zones blanches est sans commune mesure par rapport à l'ancienne. Cependant, c'est la perception des Français qui tranchera.
Pourquoi ne pas faire le diagnostic que nous demandons instamment avec mon collègue Chaize ?
Le diagnostic doit tenir compte de ce qui a été mis en place. La plateforme France Mobile est un outil de décision que les collectivités peuvent exploiter. Elle est en cours de rénovation et offre un diagnostic utile. C'est aux collectivités locales de décider des sites à couvrir, pas aux opérateurs, ni aux administrateurs, ni même aux ministres.
J'ai beaucoup de satisfaction à vous retrouver sur le sujet du numérique qui a besoin d'un suivi continu. Initialement, une date d'extinction avait été fixée pour les zones Amel. Elles ont été prolongées. Quand donnerez-vous le stop final ?
L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) intègrera l'Agence du numérique. Pouvez-vous nous garantir que le transfert se fera avec le minimum de perturbations et de retards structurels ?
Enfin, vous seriez déçu si je ne vous posais pas la question du fameux guichet. Vous la renvoyez au budget de 2020. Dans le PLF, tel que nous l'avons voté au Sénat, une ligne budgétaire a été ouverte pour financer ce guichet. C'est un signal fort donné aux collectivités et aux acteurs du numérique. En tiendrez-vous compte ?
Les évolutions réglementaires sur Enedis doivent se concrétiser. L'entreprise est de bonne volonté. Saisirez-vous la balle au bond pour aboutir rapidement ?
En ce qui concerne les garanties d'emprunt demandées aux conseils départementaux, mes amendements ont été rejetés au nom de l'article 40. Un coup de pouce de votre part ne coûterait pas grand-chose.
Le drame du mobile, c'est que si la dynamique est claire pour les avertis, elle ne l'est pas forcément pour les autres. Nous avons tous intérêt à ce que nos administrés en voient la concrétisation sur le terrain. Des mesures réelles de terrain avaient été proposées lors de l'examen de la loi Elan qui auraient permis de clore le débat. Elles n'ont pas abouti. Nous devrons unir nos efforts lors d'un prochain texte.
Enfin, on parle de manière cyclique de la consolidation du champ de la télécommunication en général. Pouvez-vous nous confirmer cette tendance ?
Les zones Amel seront définitivement closes à la fin du mois de décembre. Quant au guichet, l'année 2019 sera consacrée à déterminer le nombre de prises qu'il reste à couvrir et leur coût pour évaluer les autorisations d'engagements à ouvrir.
Il y en avait 4 millions et on en a couvert un seul.
Nous devons déterminer leur localisation et leur coût. Je comprends que vous souhaitiez que nous le fassions dès maintenant plutôt qu'à la fin de 2020. C'est une question d'équilibre budgétaire. Quoi qu'il en soit, il faut éviter le manque de visibilité pour les acteurs. Ces prises concernent le plus souvent les phases 3 ou 4 des réseaux d'initiative privée (RIP) qui dépassent la date de 2022 et les objectifs fixés tout à l'heure. Il faudra que nous portions ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances en 2019.
Je souhaite vous rassurer sur l'ANCT. Les services très haut débit et France Mobile fonctionnent très bien. Je tiens à saluer le travail de leurs agents qui oeuvrent sous une forte pression. Je garantis que leur intégration dans l'ANCT se fera dans les meilleures conditions possibles.
Les avancées que nous avons faites sur Enedis sont inédites. Le fameux arrêté de 2001, très technique, sur les portages, n'avait jamais été revu. Enedis a pris des engagements. Je suis très confiant. Il ne s'agit plus que d'une mise en oeuvre technique.
Toute garantie d'emprunt a forcément un impact. La question n'est pas aussi légère que vous le laissez entendre. Je reste à votre disposition pour y travailler.
Quant à la communication sur le terrain, tous les acteurs du secteur saluent le mouvement qui est en cours. Nous avons lancé des initiatives nouvelles. Pas moins de 3 000 sites sont en train de basculer vers un matériel de nouvelle génération. Le chantier est en cours et se concrétisera bientôt.
Je n'ai pas d'information sur la consolidation du secteur. Elle ne peut être mesurée qu'au prisme de sa définition, car les combinaisons ont chacune des impacts différents.
Je salue les efforts louables du Gouvernement sur la couverture mobile du territoire et l'Internet. Notre société compte de nombreuses personnes vulnérables au numérique, qu'elles se trouvent en zone blanche, qu'elles ne disposent pas du matériel adéquat faute de moyens ou bien qu'elles ne soient pas capables d'utiliser le numérique. L'abandon n'est pas chez elles qu'un sentiment. Elles le vivent depuis des années. Des millions de personnes sont concernées. Comment les accompagner ? Une solution pourrait être de conserver des guichets pour les démarches administratives.
L'Internet représente 10 % de la consommation mondiale d'électricité. Le tout numérique ne réduit pas forcément notre consommation d'énergie.
Vous nous avez parlé de 500 à 800 sites par an pour chaque opérateur. Mais combien d'opérateurs comptez-vous ?
Mounir Mahjoubi s'occupe du volet sur l'inclusion numérique, essentiel. Il ne peut se développer qu'avec les infrastructures nécessaires. En juillet dernier, le président de la République avait annoncé un pack numérique pour venir en aide aux 13 millions de Français qui connaissent des difficultés vis-à-vis du numérique. Pas moins de 10 millions d'euros ont été votés dans le PLF pour renforcer ce pack.
Je crois à la société du numérique, mais pas à celle du tout numérique. Pour les personnes qui n'y ont pas accès, nous tentons d'élaborer les structures qui correspondent à leurs usages, dont les maisons d'accès aux services publics, mais pas seulement.
Si nous sommes persuadés qu'une dynamique est enclenchée, il reste qu'on peine à avoir une date d'installation des pylônes établie à six mois près dans les territoires. La tension monte.
Au Congrès des maires, nous avons rencontré les représentants de Bouygues, l'opérateur qui oeuvre dans la Sarthe. Ils nous ont dit ne pas tenir compte des remontées de la plateforme France Mobile, mais s'en tenir à la carte de l'Arcep.
Le ministre de l'économie a annoncé en séance publique qu'Orange serait chargé de réparer les fils téléphoniques dans les 48 heures en cas de dégâts occasionnés par une tempête. Dans certains cas, on est à plus d'un mois et demi d'attente et rien ne bouge.
En matière d'installation de pylônes, nous ne disposons que d'une visibilité annuelle. Pour l'élargir, il faudrait que les dotations se fassent sur une base pluriannuelle avec des cibles pluriannuelles. Quoi qu'il en soit, plus la visibilité sera grande, mieux ce sera.
Sur la plateforme France Mobile et la carte de l'Arcep, je veux être clair : les collectivités décideront. La rumeur met en avant les 2 000 points de la carte de l'Arcep. Dans les comités de suivi, les associations d'élus avaient demandé que cette carte soit donnée aux équipes projets comme un appui d'aide à la décision. Cependant, les seules remontées qui sont retenues dans les arrêtés que je signe sont celles venant des équipes-projets du territoire.
Enfin, il est insupportable que l'on doive attendre deux mois pour qu'une ligne de téléphone fixe soit réparée. Nous avons rappelé aux opérateurs leurs droits et devoirs. L'Arcep a mis en demeure l'opérateur historique au regard de ses obligations.
On manque de communication dans les départements au sujet des sites retenus.
J'insiste sur la visibilité pluriannuelle. Les maires veulent savoir en quelle année leur commune disposera de la téléphonie mobile. Les équipes-projets ont besoin de cette vision pluriannuelle.
Enfin, je ne suis pas certain que les services de l'État aient bien compris le rôle de ces équipes. Dans mon département, j'ai dû intervenir pour que l'équipe-projet se réunisse, car le secrétaire général avait tout simplement oublié de le faire, arrêtant seul avec le département la liste des projets à mener.
Monsieur le ministre, merci pour votre volontarisme dans ce dossier. Je vous ai écrit récemment au sujet du nombre insuffisant de pylônes dans mon département, où on n'en déploie que quatre ou cinq par an, alors qu'il en faudrait le double. Il faudrait davantage de transparence et de rapidité sur le déploiement de la téléphonie mobile.
Le Gouvernement a accéléré le développement de la fibre optique en autorisant les opérateurs privés à apporter un complément de financement aux initiatives publiques dans les zones Amel. C'est le sens de l'article L. 33-13. Certains départements s'y sont engagés comme le Lot-et-Garonne, la Haute-Vienne, la Savoie ou l'Eure-et-Loir. Vous nous avez confirmé qu'elles seront éteintes à la fin du mois de décembre 2018.
Dans mon département, nous avons choisi de nous passer des opérateurs privés pour nous lancer dans la construction d'un réseau FttH 100 % publique, financé uniquement par la contribution des collectivités, et notamment du bloc communal qui sera sollicité pendant 30 ans. Dans un souci de réduction de la dépense publique et eu égard aux obligations de résultat pour les opérateurs privés, ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de revoir ce modèle d'un réseau financé à 100 % par de l'argent public ?
Vous faites un plaidoyer en faveur des Amel qui diminuent la contribution prise dans les poches de nos concitoyens. Je ne peux que m'en féliciter. Cependant, l'État ne peut pas imposer un modèle dans les territoires. C'est aux donneurs d'ordre d'en décider. Nous les avons invités à saisir l'opportunité des Amel pour alléger la charge du bloc communal. Certains départements ont choisi de s'y engager, d'autres non.
Quant à la dimension pluriannuelle pour le mobile, plus je peux donner de visibilité aux acteurs, mieux c'est. Nous pourrons inscrire le sujet à l'ordre du jour du comité présidé par Pierre Mirabaud auquel vous participez avec M. Chaize.
Enfin, l'enjeu de communication est important, je vous l'accorde.
Il est nécessaire d'améliorer l'accès mobile au numérique sur le terrain. Les disparités subsistent et les attentes sont fortes. Les coupures d'électricité sont fréquentes et affectent la téléphonie fixe. Dans mon département, une commune est restée privée de courant pendant plusieurs jours. Les élus locaux souhaitent que des interlocuteurs d'État puissent agir immédiatement si l'opérateur tarde. Que proposez-vous ?
Quand la fibre doit passer par des lignes aériennes, l'impact environnemental sur la biodiversité peut être lourd avec par exemple des élagages de forêts ou des arrachages de haies. Comment peut-on le limiter ? La maintenance de ces lignes aériennes en fibre, plus fragile que le cuivre, aura un coût conséquent. Avez-vous des éléments sur ce sujet ?
Je me suis rendu à trois reprises en Mayenne et je voudrais saluer le travail qui y a été mené. Le déploiement y est très efficace. Il s'est opéré dans le cadre d'une délégation de service public où le conseil régional a pris en charge le financement. C'est exemplaire.
Les coupures d'électricité posent problème pour la téléphonie. Il s'agit d'un sujet de service universel.
Pour ce qui est de la biodiversité, la principale avancée est la révision de l'arrêté de 2001. Les poteaux existants devraient supporter la fibre, ce qui évitera la construction d'un deuxième poteau, minimisant ainsi l'impact sur l'aménagement du territoire et l'élagage des forêts.
Les moyens de paiement témoignent de la fracture numérique. L'objectif du zéro cash et le paiement numérique nécessitent une couverture correcte du territoire. La fracture numérique pourrait encore s'accentuer dans ce domaine.
Vous avez parlé de la création de droits qui ne sont pas des droits réels. Dans le domaine des moyens de paiement, je crains qu'on mette la charrue avant les boeufs. On commence à supprimer des distributeurs automatiques sans prévoir d'alternative. En outre, la communication sur le sujet est insuffisante.
Je partage vos inquiétudes. Les modes de paiement automatique sont un progrès essentiel à mettre en place. Chaque année, 70 entreprises ferment à cause des conséquences liées aux délais de paiement. La facturation numérique permettrait d'accélérer le processus. Nous avions beaucoup débattu de ce sujet lors de l'examen de la loi Macron, il y a trois ans.
Vous nous avez dit qu'il était insupportable qu'aucune barre ne s'affiche sur son téléphone. Dans la Nièvre, cela arrive tout le temps : on ne peut pas faire venir le médecin, ni aucune entreprise et encore moins télétransmettre. Vous vous emparez du problème avec énergie. Tant mieux.
Les équipes-projets ont donné beaucoup d'espoir. Dans ce cadre, j'ai consciencieusement fait remonter les difficultés du terrain. Pourtant, la carte des priorités n'en a tenu aucun compte. Comment être plus efficace pour relayer les difficultés des communes et éviter que se crée une super-fracture ?
Certains territoires sont plus affectés que d'autres. La Nièvre fait partie des départements qui reçoivent le plus de dotations annuelles.
Le comité Mirabaud est la bonne enceinte pour faire remonter les améliorations possibles. Il permet d'assurer un suivi.
Enfin les parlementaires sont conviés de plein droit à participer aux travaux de France Mobile. Nous voulons rendre publics les résultats des réunions des équipes-projets sur le territoire. Les comptes rendus sont disponibles.
Mais les parlementaires ne sont pas représentés au comité de concertation. Patrick Chaize y siège en tant que président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), et j'y siège comme représentant de Régions de France, non en tant que parlementaire. Il n'y a aucun député.
La mobilité numérique sera-t-elle abordée dans la future loi sur les mobilités ? Le développement des mobilités numériques nécessite l'accès à internet sur son terminal mobile, avec une double exigence de continuité de service et de débit suffisant. Les applications de mobilité ne peuvent fonctionner qu'en l'absence de coupures de réseau, ce qui suppose que le basculement entre les antennes relais se déroule parfaitement. Ces applications consomment aussi beaucoup de données. L'Arcep a fixé l'objectif d'un taux de couverture des lignes ferroviaires de 90 % en 2025 ; la SNCF travaille aussi sur des applications nouvelles et interactives.
L'accord de janvier comprend aussi un volet sur la couverture du fixe dans les maisons, via des box pour amplifier le signal, et un volet relatif à la couverture des axes de transport pour couvrir 50 000 kilomètres de routes et les principaux axes ferrés, notamment régionaux. Cela figurera aussi dans la loi sur les mobilités.
Je tiens à saluer la qualité de ce dialogue franc et direct. Vous nous avez dit que les engagements de couverture par les opérateurs relevaient d'actes contractuels. En effet, mais ils fonctionnent selon une logique de pourcentage de couverture et non de lieux à couvrir précisément. En cas de désaccord avec les opérateurs, l'Arcep aura-t-elle la possibilité de prononcer des sanctions ou des pénalités ? Ces accords sont-ils opposables ? En Angleterre, des panneaux indiquant le prix de la minute de retard sont affichés dans les cabines des conducteurs. En effet, le ministère des transports effectue les contrôles et a le pouvoir de prononcer des sanctions.
En France, nous sommes passés d'un cadre qui n'était pas contraignant, fondé sur des engagements de bonne foi, à un cadre qui est devenu contraignant, tant pour les RIP que pour les zones Amii ou Amel. Pour le mobile, l'Arcep a un pouvoir de contrôle. Ainsi, lorsque les fréquences sont attribuées, les contrats prévoient explicitement qu'en cas de non-respect des engagements l'Arcep aura la possibilité de prendre des sanctions, qui peuvent s'élever jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires. Le changement d'approche qui consiste à conditionner l'attribution des fréquences à la réalisation des investissements joue aussi : si un opérateur veut de nouvelles fréquences, il doit investir. Or les fréquences sont vitales pour les opérateurs.
En septembre vous êtes venu dans le Gard signer la convention avec le conseil général pour le déploiement du très haut débit : 50 000 prises devront être posées en 2019, 80 000 en 2020. Mais selon le sondage d'un journal local, seuls 14 % des Gardois ont confiance dans le respect du planning annoncé. Le manque de confiance est net, à cause des retards accumulés. Un besoin de pédagogie et de communication est crucial.
Il faudrait aussi faire une priorité du déploiement de la téléphonie mobile dans les zones blanches. Nous avons dans le département des zones blanches où en plus le réseau fixe est très mal entretenu.
Enfin, on entend de plus en plus parler du déploiement de la 5G dans certains pays. L'Arcep devrait proposer des fréquences en 2019. N'aurions-nous pas intérêt à passer directement à la 5G dans les zones mal couvertes aujourd'hui ?
Je partage votre diagnostic. Le président Maurey a vu avec jalousie les engagements concernant la Nièvre ; sa jalousie aurait été encore plus forte pour le Gard, preuve que nous prenons en compte les difficultés que vous avez évoquées... Faut-il passer directement de la 2G ou de la 3G à la 5G ? Le mieux est parfois l'ennemi du bien. La 5G est en voie d'expérimentation et la France prend de l'avance sur ce sujet. Tant mieux. Mais préférer le statu quo de la 2G ou de la 3G, en espérant passer directement à la 5G, serait une erreur. Il est indispensable de permettre à tous les territoires de passer le plus vite possible à la 4G.
J'avais des questions sur les zones Amel. Vous y avez déjà répondu. Je partage les remarques de Mme Bonnefoy à ce sujet.
Le paysage du numérique est en pleine mutation avec la fermeture du guichet financier du plan France très haut débit, l'intégration des missions de l'Agence du numérique dans l'Agence nationale de cohésion des territoires ou le mécanisme de couverture ciblée, pris en charge par la plateforme France Mobile. Comment ces dispositifs vont-ils s'articuler ?
Enfin, élue du département du Nord, je suis très sensible à la question de l'emploi. Le numérique est en effet un gisement d'emplois. Vous aviez déclaré que les industriels du secteur des télécoms seraient mis en relation avec les territoires en difficulté. Vous avez évoqué des emplois francs. Où en est-on ?
Tous les dispositifs ont leur importance, le fixe comme le mobile. Il faut mener les deux de front. Parfois le mobile permet de donner accès à internet, grâce notamment à la 4G. Mais si l'on veut parvenir à cette « société du gigabit », pour reprendre l'expression des instances européennes, où chacun puisse avoir un accès internet de très bonne qualité, il faut aussi développer des infrastructures pour le fixe.
Disposons-nous d'assez de moyens humains et techniques pour faire face au déploiement? Avons-nous assez de fibres ? Avons-nous des difficultés de recrutement ? Nous suivons ce sujet de très près pour nous assurer que tout est bien calibré.
Pour beaucoup de jeunes, le numérique représente une formidable opportunité. C'est pourquoi nous soutenons toutes les initiatives, à l'image de l'École des plombiers du numérique qui forme des jeunes, issus souvent des territoires défavorisés, à ces métiers. Les emplois francs visent à donner un coup de pouce aux entreprises qui embauchent des jeunes venant des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Ma question concerne l'accord du 14 janvier. Il semble que le calendrier du déploiement du haut débit le long des 55 000 kilomètres de routes d'ici fin 2020 sera tenu. Est-il juste, en revanche, que l'engagement de déploiement le long des principales voies ferrées est conditionné à la réattribution des licences dans la bande des 1 800 MHz et que les travaux ne pourraient intervenir qu'à partir de 2021? Ensuite, on évoque beaucoup une consolidation dans le secteur des télécoms. Y-a-t-il la place pour quatre opérateurs en France ?
L'enjeu est de savoir si la consolidation du secteur, ou « market repair » pour reprendre les termes des économistes, se fait au détriment des consommateurs ou non. Régulièrement la rumeur d'une consolidation revient, sous différentes formes. Pour nous, l'essentiel est qu'une consolidation éventuelle n'entrave pas le développement des infrastructures et n'entraine pas de surcoût pour les consommateurs.
En ce qui concerne le déploiement du haut débit le long des voies ferrées, l'obligation qui figure dans l'accord porte sur 2025. Mais je note que la SNCF a déjà fait des efforts pour déployer le Wifi dans ses trains.
Le déploiement de notre réseau numérique sera-t-il prêt pour faire face au développement du véhicule autonome ?
Je ne sais pas si les véhicules autonomes ne nécessitent pas le passage à la 5G. Il appartient aux responsables politiques de se poser la question de savoir quel sera l'aménagement du territoire d'ici 15 ou 20 ans. À cette date, en effet, d'autres modes de mobilités existeront. Il y a 20 ans, l'aménagement du territoire relevait du Commissariat général au plan, dans une approche centralisée. Aujourd'hui cette compétence a été territorialisée. Pendant les Trente Glorieuses, les bassins de vie et les bassins d'emploi se confondaient. Depuis, les deux se sont dissociés, avec les fermetures d'usines dans les zones rurales. Les temps de trajet se sont allongés. La ruralité devient un bassin de vie, mais pas toujours un bassin d'emploi. On peut habiter à la campagne et devoir faire 50 kilomètres pour aller travailler ou emmener son enfant chez le pédiatre, avec parfois du mal à boucler ses fins de mois. Le mouvement des gilets jaunes s'explique aussi par cette dissociation entre bassins de vie et bassins d'emploi. Les révolutions actuelles, numériques ou écologiques, permettent d'envisager de réconcilier les deux. Le rôle des politiques est d'anticiper pour comprendre comment les nouvelles technologies modifieront notre quotidien.
Je vous remercie. Nous avons bien noté votre engagement en faveur d'une programmation pluriannuelle pour le déploiement de la téléphonie mobile.
La réunion est close à 19h10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.