Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 4 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’étude des crédits des juridictions administratives et des juridictions financières nous inspire un point de satisfaction et des points d’interrogation. Dans le contexte budgétaire actuel, pour fabriquer un gagnant, il faut accepter des perdants. Si le mot perdant est un peu fort, on parlera plutôt de laissés pour compte.

Pour le programme 165, la grande gagnante de ce budget, c’est la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. C’est chose utile, parce que son activité, à l’évidence, le requiert. Elle est à la fois confrontée à une hausse constante des affaires jugées et à une baisse drastique des délais de jugement qui lui sont imposés par la loi de 2015 – 5 mois en formation collégiale et 5 semaines en juge unique. On peut espérer que, dès 2019, grâce aux moyens nouveaux, à savoir 122 ETP ouverts pour l’année à venir, ces délais de jugement soient enfin respectés.

Passons maintenant à ceux qui sont moins bien lotis. Pour les juridictions administratives – tribunaux administratifs et cours administratives d’appel –, le hiatus entre la quasi-stabilité des moyens et la hausse sensible de l’activité crée une tension dont il faut rappeler les effets.

Ces juridictions sont prises en étau entre la progression des contentieux de masse – contentieux des étrangers, contentieux sociaux, contentieux de la fonction publique – et les nouvelles compétences dévolues par le législateur, notamment la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Pour cette dernière, je pense en particulier aux effets du caractère suspensif de certains recours devant la CNDA.

Il faut souligner que les gisements d’économies commencent à se tarir. De même, les gains de productivité qu’ont entraînés les réformes de procédure, c’est-à-dire la médiation, le recours aux effectifs d’aide à la décision ou la multiplication des procédures à juge unique commencent, eux aussi, à toucher leurs limites.

Si, aujourd’hui, les délais de jugement ou la qualité des décisions rendues ne sont pas remis en question, le mouvement général fait craindre une altération, à terme, du travail de ces juridictions. La progression des jours d’arrêt maladie est, à cet égard, un signal faible qui doit nous alerter.

S’agissant des juridictions financières, à savoir le programme 164, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le pourcentage d’augmentation des crédits n’invalide pas l’équation présentée ci-dessus : stabilité des effectifs plus nouvelles missions égalent tension sur l’activité.

La multiplication des missions de ces juridictions bute en effet sur un plafond d’emplois qui n’a pas progressé depuis 2010, et ce malgré l’impact de la loi NOTRe ou l’extension de la compétence de contrôle des juridictions financières à l’égard des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Là encore, des motifs d’inquiétude sont perceptibles : vieillissement du corps des magistrats, insuffisance des crédits disponibles pour les projets de transformation et d’adaptation des systèmes d’information. Or, nous le savons, ce développement de projets informatiques revêt un enjeu crucial et urgent pour ces juridictions. Pourtant, le budget 2019 est construit à moyens constants, alors que toutes les mutualisations et les restructurations possibles ont été engagées. Cette alerte sur la saturation de l’activité des juridictions financières est un point particulier de vigilance pour nos collectivités locales.

Notre groupe donne un avis favorable aux crédits proposés pour 2019 en manifestant toutefois une réelle inquiétude pour les années à venir.

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