Monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 constitue, s’agissant des finances des collectivités territoriales, un texte de transition.
Nous allons discuter de l’évolution des dotations ou de la réforme de la dotation d’intercommunalité et nous prononcer sur des amendements qui visent à déplacer parfois quelques centaines de milliers d’euros, alors que nous ne savons même pas quel sera le panier des ressources fiscales de chaque échelon dans quelques mois.
En effet, la loi de finances pour 2018 prévoit de dégrever de taxe d’habitation 80 % des Français d’ici à 2020 et le Gouvernement, « encouragé » en cela par le Conseil constitutionnel, a annoncé la suppression totale de cette imposition d’ici à 2021.
Monsieur le ministre, vous le savez, le Sénat s’est opposé à cette réforme l’an dernier. Certes, il est indispensable de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Mais la suppression de la taxe d’habitation ne résout pas le problème de l’obsolescence des valeurs locatives, véritable source des injustices de la fiscalité locale, qui continueront à être utilisées pour la taxe foncière ou pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
De plus, le lien entre le contribuable/citoyen et le financement des services publics locaux sera rompu ou, à tout le moins, affaibli. À l’heure où le consentement à l’impôt est questionné, nous ne pouvons que le regretter.
Il s’agit enfin d’un véritable affaiblissement de nos collectivités territoriales dans la mesure où la taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local. En tout état de cause, cette décision achève notre système fiscal local et consacre définitivement son caractère « à bout de souffle ».
La question qui se pose désormais est celle du remplacement de cette ressource fiscale. Plusieurs hypothèses ont été envisagées au cours de l’année, notamment un transfert de la part départementale de la taxe foncière au bloc communal, compensé par une fraction de TVA ou de CSG. Si l’inquiétude des élus locaux persiste, c’est parce que les zones d’ombre demeurent et parce que les scénarios sur la table s’inscrivent tous dans la logique d’un affaiblissement du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. L’éventuel partage d’impôts nationaux les privera du pouvoir de taux et la tentative du Gouvernement, dans le présent projet de loi de finances, de priver les régions d’une partie de la dynamique de la TVA n’est pas de bon augure.
J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2019.
Dotée de 3, 9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission comprend les crédits de certaines dotations versées par l’État aux collectivités territoriales, soit en compensation de transfert de compétences, soit pour subventionner des projets, notamment en matière d’investissement.
Les autorisations d’engagement augmentent de 97 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, du fait, d’une part, du versement par l’État de 84 millions d’euros aux départements au titre de la dotation générale d’équipement, la DGE, afin d’apurer une dette de l’État, et, d’autre part, du versement d’une aide exceptionnelle de 50 millions d’euros à Saint-Martin. Cette hausse des crédits de la mission est toutefois financée par une minoration des variables d’ajustement, prévue en première partie.
Si l’on s’intéresse plus précisément aux dotations de soutien à l’investissement local versées par l’État au bloc communal, on observe qu’elles diminuent de 45 millions d’euros en 2019, en raison de la suppression des crédits dédiés aux contrats de ruralité, qui avaient été intégrés au sein de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL. Cette suppression s’ajoute à celle d’une partie des crédits de la réserve parlementaire, intervenue en 2018.
Sur ces dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales, en particulier de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, nos collègues ont déposé un grand nombre d’amendements afin de réformer le fonctionnement des commissions départementales. Sans entamer dès maintenant le débat que nous aurons tout à l’heure, nous pensons, Claude Raynal et moi-même, qu’il n’est pas véritablement souhaitable de modifier outre mesure le fonctionnement des commissions départementales, qui donnent plutôt satisfaction et restent suffisamment efficaces.
Mon collègue Claude Raynal traitera plus longuement de la réforme de la dotation d’intercommunalité. Avec les modifications successives intervenues depuis l’Assemblée nationale ou dans les officines, on s’est considérablement éloigné, nous semble-t-il, des hypothèses envisagées par le comité des finances locales, le CFL, qui souhaitait s’appuyer essentiellement sur le CIF. Nous accepterons ces évolutions dans la mesure où la réforme va plutôt dans le bon sens, mais nous sommes d’accord pour reconnaître que le dispositif est loin d’être satisfaisant et qu’il faudra très rapidement le revoir.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».