Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le vaste paysage des institutions dont nous examinons les crédits, il faut forcément faire des choix pour apporter une appréciation politique. Le mien sera, cette année, centré sur les juridictions administratives.
Une partie substantielle, et, à certains égards, décisive de la mission de la première d’entre elles, c’est-à-dire le Conseil d’État, n’est pas juridictionnelle, mais consultative. Le Conseil d’État est, au fond, l’agent juridique du Gouvernement, et tend à devenir aussi, d’ailleurs, celui du Parlement, depuis que ses formations consultatives peuvent être sollicitées pour apprécier les propositions de loi.
Son activité à cet égard est également en augmentation du fait de la dimension européenne croissante de l’activité législative, qui oblige à un travail d’analyse des conséquences en droit communautaire de beaucoup de projets de loi et de décrets.
Ce travail est une composante spécifique de l’activité du Conseil d’État.
Pour le reste, s’agissant des juridictions administratives globalement, je souhaite souligner leur capacité, avec quelques augmentations de crédits et de ressources humaines, à juguler une croissance massive du contentieux. D’après les chiffres qui figurent dans le bleu, les juridictions administratives ont connu une augmentation de 74 % du nombre de recours entre 2000 et 2017 en première instance, tandis que les cours administratives d’appel voyaient leurs saisines augmenter de 89 %.
Il faut donc se féliciter de ce que les juridictions administratives, sous la direction du Conseil d’État, qui joue le rôle d’administrateur de cet ordre juridictionnel, aient su faire face à cette hausse de contentieux en assurant une réduction des délais de jugement et en développant la numérisation.
J’ouvre une parenthèse souriante pour souligner, à l’adresse des catégories qui se plaignent de la future réforme de la justice en disant qu’elle va être un facteur de déshumanisation, que ce travail de numérisation et de dématérialisation a été mené à bien, presque entièrement, par les juridictions administratives. Or je n’entends personne, y compris parmi les mêmes catégories professionnelles, se plaindre d’une déshumanisation ou d’une baisse de qualité de la justice dans cet ordre juridictionnel.
Dans le projet de loi de finances pour 2019, comme dans le budget 2018, le grand changement réside dans le renforcement massif, qu’a bien souligné le rapporteur pour avis Patrick Kanner, de la Cour nationale du droit d’asile, de manière à mener à bien le rattrapage de ses capacités de traitement face au flux croissant de demandeurs d’asile et à répondre à l’exigence, manifestée par les gouvernements successifs, d’atteindre des délais de jugement inférieurs à six mois.
Il nous faut rendre hommage à l’énorme progrès déjà accompli par la CNDA dans le traitement des demandes, alors que la quasi-totalité des personnes ayant fait l’objet d’un refus de l’OFPRA font un recours. Si l’on fait la comparaison avec l’année 2010, la CNDA juge deux fois plus de dossiers en deux fois et demie moins de temps. Certes, elle a bénéficié d’un accroissement de moyens, mais cela est quand même le signe d’un effort, d’une mobilisation et d’un progrès indéniables dans les méthodes de gestion, et ce dans un contexte humain respectueux, tout le monde pouvant apprécier le scrupule et l’humanité des magistrats de la CNDA, ainsi que des instructeurs de l’OFPRA, dont ils contrôlent le travail. Qui dit mieux ?
Le Conseil d’État, qui administre l’ensemble des ressources humaines de cet ordre juridictionnel a bien fait d’orienter, comme le disait Patrick Kanner, 90 % des créations de postes, c’est-à-dire 122 emplois supplémentaires en 2019, qui viennent s’ajouter aux 100 emplois supplémentaires de 2018, vers la CNDA, pour qu’elle finisse de réussir sa complète transformation.
Il me reste une minute, que je consacrerai à la mission « Direction de l’action du Gouvernement, et plus particulièrement au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, en soulignant le bien-fondé de l’augmentation de moyens humains en faveur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont les missions et les responsabilités continuent de s’accroître avec la numérisation de l’État et la montée d’un certain nombre de menaces de subversion numérique.
Ne vivons pas dans l’illusion, il est très difficile – c’est vrai pour toutes les capitales européennes – de recruter et de fidéliser les techniciens dont on a besoin dans ce domaine. Je rejoins tout à fait ce qu’a dit Rachel Mazuir : il faut aussi que notre outil de formation initiale, que nos universités et nos écoles amènent sur le marché de l’emploi plus de jeunes capables d’assurer ces missions. Le fait qu’il y ait une rotation est bien entendu un facteur de regrets, à certains égards, mais il n’est pas illogique que, dans des matières qui évoluent aussi vite, les gens ne fassent pas toute leur carrière dans la même institution. Au fond, que des agents qui sont passés par l’ANSSI aillent ensuite exercer leurs fonctions dans le marché privé fera aussi diffuser la culture de sécurité, ce qui n’est pas dommage. Madame la présidente, j’ai respecté le temps de parole, ce qui est rare, pour ma part…