Intervention de François Bonhomme

Réunion du 6 décembre 2018 à 21h15
Loi de finances pour 2019 — Immigration asile et intégration

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays, comme de nombreux pays européens, doit faire face à un phénomène migratoire majeur, qui devrait conduire à la mise en œuvre de politiques et de mécanismes appropriés.

C’est la raison pour laquelle la mission « Immigration, asile et intégration » est éminemment prioritaire.

Je veux évoquer ici une question qui occupe tout particulièrement le sud-ouest de notre pays, celle de l’augmentation sensible des flux transitant par la route dite « de la Méditerranée occidentale ». L’Espagne est en effet aujourd’hui le premier point d’entrée des migrants dans l’Union européenne, avec plus de 41 000 migrants arrivés en Espagne au cours des neuf premiers mois de 2018, soit une hausse de plus de 143 % par rapport à 2017.

Nos voisins espagnols sont par là même exposés à une très forte augmentation de la demande d’asile, avec une proportion importante de mineurs non accompagnés. Ces migrations donnent bien souvent lieu à des flux dits « de rebond » vers la France, puisque nombre de ces migrants ne font que transiter par l’Espagne et cherchent à franchir les Pyrénées. En témoigne la forte hausse du nombre de refus d’entrée à la frontière franco-espagnole.

Comme je le disais dans mon propos liminaire, la France est confrontée, non pas à un, mais à des phénomènes migratoires sans précédent, protéiformes et aux résonnances multiples.

Pour ce projet de loi de finances pour 2019, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » représentent 1, 86 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1, 69 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 38 % en autorisations d’engagement et de 22 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. À périmètre constant, ces crédits augmenteront donc de 12 %.

Néanmoins, si le budget de la mission et de ses deux programmes affiche des crédits en hausse, ces derniers sont loin d’être suffisants.

Je voudrais parler plus particulièrement de la problématique du règlement de Dublin. En 2017, près de 36 % des demandes d’asile déposées au guichet unique des préfectures s’inscrivaient dans le cadre de ce règlement, soit 36 000 demandes. Il s’agit là d’un niveau sans précédent : pour rappel, les demandes sous procédure Dublin étaient au nombre de 22 300 en 2016.

L’année 2018 confirme par ailleurs cette tendance, puisque, au cours du seul premier semestre 2018, on comptabilisait 19 400 demandes. Notre pays reste ainsi confronté, cette année encore, à une forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile placés sous cette procédure.

Je regrette donc le refus du Gouvernement d’une éventuelle abrogation de la circulaire Valls ou, a minima, d’un durcissement des règles fixées par cette circulaire, alors même que cette dernière a contribué à l’augmentation significative des régularisations : plus de 30 % en cinq ans !

Afin d’élaborer le présent projet de loi de finances, le Gouvernement a retenu une hypothèse particulièrement basse, pour ne pas dire chimérique, de progression de la demande d’asile, puisqu’il table sur une hausse de 10 % seulement en 2018, et de 0 % en 2019 puis en 2020 !

Le Gouvernement considère que le flux des personnes placées sous la procédure Dublin n’augmentera que de 10 % en 2018 et diminuera de 10 % en 2019 puis en 2020.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de m’interroger sur les éléments factuels, sources et autres mesures ayant amené le Gouvernement à de telles hypothèses. Je rejoins les propos émis par le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet, et m’interroge, à juste titre, sur la « crédibilité des hypothèses sur lesquelles le Gouvernement a calibré les crédits relatifs à l’asile au sein de ce budget, minorant exagérément une demande d’asile toujours très dynamique, au risque de fausser la sincérité de la programmation budgétaire ».

C’est donc sans états d’âme que notre groupe ne s’associera pas à ces orientations et ne votera pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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