Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés à un sujet de principe qui, au fond, est celui-ci : quelles conséquences faut-il tirer, dans l’effectivité du déroulement des célébrations funèbres, du principe de la liberté de choix, consacrée en effet par la loi de 1887, loi qui fait partie de ce cortège de lois postérieures à la consolidation, en 1879, de la République, avec la loi sur les communes, la loi sur les syndicats, la loi sur le divorce, et bien d’autres encore ?
Cette liberté de choix existe, et je préfère ne pas évoquer les chiffres de la répartition entre funérailles religieuses et funérailles civiles. Quelle que soit la proportion de familles ou de testateurs faisant le choix d’obsèques civiles, il faudrait, me semble-t-il, s’intéresser à l’exercice concret de ce droit qui leur revient.
À la différence des orateurs précédents, y compris le ministre, et puisque le code général des collectivités territoriales comporte de toute façon un très grand nombre d’articles offrant aux communes des facultés en matière d’organisation des funérailles, je ne considère pas comme vaine la mention dans la loi d’un choix qu’auraient les communes d’accueillir dans une salle municipale une partie d’une célébration funéraire, celle qui est destinée au public le plus large.
Je souhaite qu’un texte soit adopté, et c’est ce qui me conduit à en proposer un qui est assez substantiellement différent de celui de nos collègues du groupe socialiste et républicain.
En effet, en faire une obligation générale pour toutes les communes ne me paraît pas adapté, alors que certaines n’ont pas la possibilité d’offrir cet espace de rencontre. Il ne me paraît pas non plus judicieux de fixer le principe de la gratuité : pardon de le dire, mais si tout le reste du déroulement d’une célébration funéraire était gratuit, nous nous en serions aperçus depuis quelque temps !
Lorsque, par exemple, une famille organise des obsèques civiles se concluant par une crémation, naturellement elle va payer, sous l’effet d’ailleurs d’une concession municipale, l’usage de la salle pour la partie de célébration publique. Il ne me paraît donc pas nécessaire, pour le respect du principe de liberté, d’énoncer dans ce cas-là le principe de gratuité.
Si tant est qu’il soit examiné par le Sénat, je propose, dans mon amendement, et parce que cela paraît logique, que, lorsque la commune dispose d’une salle destinée à l’accueil du public, ce qui est assez souvent le cas, elle applique, pour cette célébration funèbre civile, les mêmes conditions tarifaires que pour n’importe quelle autre réunion, par exemple une activité associative.
Par ailleurs, je ne crois pas nécessaire ni même véritablement justifiée l’entrée en scène, si j’ose dire, de l’officier de l’état civil. Celui-ci est détenteur de droits et d’obligations qui tiennent aux règles de l’état civil, lesquelles font mention de la naissance, du mariage et de la rédaction de l’acte de décès.
Nous qui avons tous ou presque exercé cette mission, nous savons que l’officier d’état civil n’intervient que pour appliquer des obligations légales. Bien évidemment, l’accueil d’une célébration familiale ou amicale n’a pas le caractère d’une telle obligation. Il ne requiert donc pas l’intervention de l’officier d’état civil, qui n’aurait en l’espèce pas de texte légal à appliquer. Par conséquent, cette disposition ne me semble pas non plus véritablement justifiée.
Enfin, la proposition de loi prévoit que le service offert par la commune ne sera destiné qu’aux habitants de celle-ci. Je comprends tout à fait cette disposition, qui est conforme au droit commun en matière funéraire. Toutefois, comme la mise à disposition d’une salle est possible pour certaines communes et pas pour d’autres, il ne me paraît pas très cohérent d’empêcher, par exemple, une commune située dans un espace rural qui serait un peu plus peuplée et dotée d’un peu plus de moyens que ses voisines d’accueillir aussi les familles habitant celles-ci.
C’est ce qui m’a conduit à préconiser une formule qui me semble beaucoup plus flexible et beaucoup plus cohérente avec l’état général du droit funéraire communal.
Je trouve dommage qu’une majorité des membres de la commission aient estimé qu’il n’était pas souhaitable d’en débattre. En effet, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission, il ne me paraît pas du tout inutile de proposer aux conseils municipaux, comme le prévoit déjà le code général des collectivités territoriales pour les communes voulant adopter des compléments au règlement général des ordonnancements funéraires, de cadrer, par une délibération, les conditions d’accueil des familles dans une salle municipale, de réservation et de durée d’utilisation de celle-ci ainsi que de facturation de la mise à disposition, en conformité avec leur usage local.
La fin de non-recevoir de la commission, qui, du reste, me semble légèrement « surargumentée », n’est pas la seule solution à apporter aux problèmes que nous soulevons. Au nom de l’exercice concret et égalitaire entre les citoyens de la liberté d’organisation des funérailles, j’estime qu’une solution pragmatique et respectueuse de la liberté des communes, mais répondant aux besoins des familles des personnes décédées, serait une bien meilleure réponse à la question posée par nos collègues.