Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir a un objectif simple : mieux organiser le service de la navigation aérienne en cas de grève, au profit des usagers.
Joël Guerriau vient de le dire, nous avons tous été témoins de scènes insupportables dans les aéroports, et vu des passagers dont le vol venait d’être annulé attendre désemparés pendant des heures sans qu’aucune solution leur soit proposée.
Les grèves des contrôleurs aériens ne sont pas, bien sûr, la seule cause des annulations et des retards de vols, puisque ceux-ci sont aussi imputables aux conditions météorologiques, aux difficultés de gestion des compagnies aériennes ou à la saturation des capacités de contrôle aérien, dans un contexte de très forte croissance du trafic aérien.
Toutefois, les mouvements sociaux qui touchent les services de la navigation aérienne sont une cause non négligeable des perturbations en France, qui, au demeurant, est le pays qui détient le record européen du nombre de grèves de contrôleurs aériens.
Le rapport d’information sur le contrôle aérien que notre collègue Vincent Capo-Canellas a publié l’été dernier est assez éloquent sur ce point : entre 2004 et 2016, la France a enregistré 254 jours de grève et a été responsable de 67 % des jours de grève qui se sont produits en Europe !
La France se distingue notamment par le fait que de nombreuses grèves de contrôleurs aériens ne sont pas seulement liées à des revendications propres aux métiers de la navigation aérienne, mais sont des grèves de solidarité avec la fonction publique, qui portent sur des préoccupations communes à l’ensemble des fonctionnaires et n’ont rien à voir avec l’aéronautique : je veux parler de l’enseignement, du secteur hospitalier, etc.
Comme je l’indiquais, ces grèves provoquent des annulations et des retards de vols importants. Si, la plupart du temps, les compagnies aériennes sont en mesure d’informer leurs passagers des annulations de vols en amont, il arrive, du fait des difficultés à anticiper le nombre de grévistes et à organiser le service en conséquence, que certains vols soient annulés « à chaud », alors que les passagers sont déjà présents dans l’aéroport, voire dans les avions, ce qui est particulièrement difficile à vivre pour eux.
Cette situation s’explique par le fait que le cadre actuel du droit de grève des contrôleurs aériens ne permet pas à la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, d’organiser au mieux le service, afin de limiter au maximum les perturbations pour les passagers.
Quel est ce cadre et pourquoi est-il insuffisant ? En tant que fonctionnaires d’État, les contrôleurs aériens et les autres personnels des services de la navigation aérienne ne peuvent participer à une grève que dans le cas où ils sont couverts par un préavis déposé cinq jours avant le déclenchement de la grève, sous peine de sanctions.
Par ailleurs, ces agents sont soumis à une obligation de service minimum en cas de grève. Cela signifie qu’un certain nombre d’entre eux sont réquisitionnés par l’administration, afin que certaines missions soient assurées, notamment les missions de défense et de secours, que 50 % de la capacité de survol de l’espace aérien français soit maintenue, et que des aéroports soient ouverts sur l’ensemble du territoire pour assurer un certain nombre d’arrivées et de départs de vols.
Si le service minimum permet d’assurer le maintien d’un certain volume d’activité en cas de grève, il ne fonctionne pas de manière optimale aujourd’hui. En effet, les agents de la DGAC ne sont actuellement pas tenus de déclarer individuellement s’ils participent ou non à une grève. Par conséquent, l’administration ne connaît pas à l’avance le nombre de grévistes qu’il y aura.
Or, compte tenu de l’importance des enjeux de sécurité que posent les activités de surveillance de la navigation aérienne, l’administration doit, par précaution, demander aux compagnies aériennes de supprimer un certain nombre de vols, alors même que cela peut ne pas se révéler nécessaire finalement.
Il arrive en effet que la grève soit peu suivie et que le nombre de vols annulés soit trop important par rapport aux capacités de contrôle. À l’inverse, lorsqu’une grève est davantage suivie que ce qui était envisagé, cela se traduit par des retards, voire des annulations de vols, car les capacités de contrôle sont saturées. Problèmes humains, problèmes financiers…
C’est ce manque de prévisibilité que la proposition de loi cherche à corriger, en obligeant les personnels de la navigation aérienne à déclarer individuellement leur intention de participer à une grève, au plus tard quarante-huit heures avant son début, et à en informer leur employeur s’ils renoncent à participer à cette grève ou s’ils souhaitent reprendre leur service vingt-quatre heures avant. Ce n’est tout de même pas compliqué !