Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je n’ai pas la connaissance pointue du sujet de Vincent Capo-Canellas, qui vient de s’exprimer, ni le talent de Pierre Soulages pour peindre des tableaux en noir. Mais je voudrais rappeler quelle est la traduction concrète de la problématique que nous avons à traiter ce soir.
Courriel à 23 heures informant de perturbations possibles pour un avion aux aurores et vous invitant à repousser votre voyage.
Lignes téléphoniques saturées pour les passagers, bien sûr, et, après des minutes d’attente cadencées par les Quatre Saisons de Vivaldi, il vous est répondu que la compagnie de dispose pas d’informations concernant votre vol.
Arrivée au petit matin, angoissé, dans un aéroport bondé.
Attente jusqu’à plusieurs heures dans des salles de l’aéroport ou, pour les moins chanceux – ce fut mon cas le 22 mai –, dans un avion cloué au sol dont vous ne pouvez pas sortir, pendant que l’on est parti chercher un contrôleur aérien quelque part, à l’autre bout du département.
Enfin, remboursement des billets perdus, rarement à la hauteur du coût engagé.
Telles sont actuellement, mes chers collègues, les conséquences de l’exercice du droit de grève des contrôleurs aériens pour nos concitoyens !
Malheureusement, dans ce domaine, la France s’illustre, comme plusieurs orateurs l’ont rappelé en citant le rapport de Vincent Capo-Canellas. Un chiffre a été retenu par la presse : 67 % des jours de grève de l’ensemble des contrôleurs aériens en Europe sont le fait de fonctionnaires français !
Ce constat, et les grèves qui, comme chaque année, ont rythmé le printemps dernier nous appelaient à agir. Je soutiens donc pleinement la proposition de loi déposée par notre collègue Joël Guerriau, ayant d’ailleurs déposé, avec ma collègue Christine Bonfanti-Dossat, une proposition de loi dont les dispositions sont tout à fait semblables.
Nos objectifs sont clairs : obliger les contrôleurs aériens à déclarer individuellement leur intention de participer à la grève, afin d’ajuster l’organisation des services de transport aériens ; conserver le plein exercice de leur droit de grève ; éviter de prendre en otage les passagers et d’intensifier des situations de crise, qui peuvent être évitées avec un peu de bonne volonté.
À ceux qui tenteront de faire croire que ces formalités portent atteinte à l’exercice du droit de grève, je répondrai que le nombre de jours de grève dans les transports n’a sans doute pas baissé depuis que le service minimum, via la loi Diard, est entré en vigueur.
Par ailleurs, on ne peut comprendre que seuls les fonctionnaires, qui, je le rappelle, sont des agents du service public – j’insiste sur le mot « service » –, soient le maillon qui perturbe cette chaîne. Tous les autres métiers de la chaîne de préparation du vol ont une obligation de déclaration, permettant aux établissements et entreprises qui les emploient d’appréhender l’ampleur de la grève, donc de déployer les mesures nécessaires au respect du service minimum.
Inclure les contrôleurs aériens dans ce cadre est d’autant plus important que, comme l’a rappelé Alain Fouché, notre rapporteur, une journée de grève coûte à la DGAC entre 3 et 4 millions d’euros.
J’y insiste, il ne s’agit que d’instaurer une obligation d’information de participation à une grève, une simple obligation d’information, mes chers collègues ! Mais elle permettra de lutter contre le manque de prévisibilité et de contenir des perturbations dommageables sur le plan humain, comme financier.
Bien entendu, l’instauration d’une telle obligation aurait pu s’inscrire dans un texte plus large, incluant d’autres services publics, comme les services postaux, auxquels, je le sais, ma collègue Christine Lavarde est particulièrement attachée.
Bien entendu, je comprends les doutes concernant l’opportunité de l’examen de ce texte au moment où une période d’élections syndicales vient de s’achever. J’ai moi-même été alerté par certains syndicats sur le risque de fragilisation des plus réformistes d’entre eux. J’entends ce risque, très relatif, mais puisque l’occasion nous est donnée de prendre des décisions qui vont dans le bon sens, mes chers collègues, il faut agir !
Madame la ministre, vous en appelez à notre sens des responsabilités. Nous avons le sens des responsabilités ! Et, puisque tel est le cas, nous allons achever un travail inachevé.
La flamme réformatrice de notre pays se serait-elle éteinte sur les ronds-points ? Nous ne le souhaitons pas ! « Le pire risque, c’est celui de ne pas en prendre », comme l’affirmait Nicolas Sarkozy au moment d’instituer le service minimum.