Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que tous les commissaires de la commission de l’économie vivent au rythme du Grenelle. Avec l’examen en deuxième lecture du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, nous arrivons à la fin d’un premier cycle.
En déclenchant une véritable prise de conscience de l’urgence environnementale chez l’ensemble de nos concitoyens, le Grenelle a été un véritable succès. Il est en effet indispensable que nous soyons convaincus de la nécessité d’agir tous ensemble pour protéger notre environnement.
On a tendance à l’oublier, mais, chaque année, la consommation d’énergie des ménages continue de croître, alors que le secteur industriel a entrepris sa mue énergétique depuis plusieurs années déjà.
Les technologies de substitution continuent de soulever un certain nombre d’interrogations, comme le prouvent les nombreux articles qui fleurissent ces jours-ci sur les risques des ampoules fluocompactes pour l’environnement.
Mais nos concitoyens sont désormais conscients de la nécessité de tous faire des efforts.
Par ailleurs, la « croissance verte », comme on l’appelle, est une véritable opportunité pour notre économie, durement touchée par la crise.
Selon une étude du Boston Consulting Group faite à la demande du MEEDDAT, les quinze grands programmes du Grenelle de l’environnement devraient générer sur douze ans environ 450 milliards d’euros d’activité et 600 000 emplois en moyenne.
Ces résultats sont à mettre en parallèle avec les conclusions du rapport Stern, qui démontrent ceci : si l’on ne fait rien, cela coûtera à terme largement plus cher qu’agir, et conduire une politique de développement durable, en y consacrant une part du PIB tout à fait raisonnable, est à notre portée.
Je suis donc tout à fait favorable à ce projet de loi sur le fond. L'Assemblée nationale a conservé de nombreuses dispositions qui avaient été ajoutées ou modifiées par le Sénat. Je me félicite notamment de ce que plusieurs mesures que j’avais eu l’honneur de présenter et auxquelles j’attache beaucoup d’importance aient été maintenues.
La première de ces mesures prévoit une modulation pour la réduction des intrants dans les filières de production qui ne disposent aujourd’hui d’aucune molécule pouvant se substituer à celles qui sont interdites ou qui vont l’être prochainement.
La seconde vise au développement de ressources en eau, par la création de retenues. Stocker l’eau quand elle est abondante, en prévision des périodes plus sèches, est une mesure de bon sens qui répond au principe de précaution : nous l’avons répété à de nombreuses reprises à cette tribune, mais la question revient systématiquement. Cette problématique n’est pas seulement agricole. Ainsi, le secrétaire général de l’ONU a affirmé le 24 janvier dernier au Forum économique mondial de Davos que les ressources en eau étaient en train de s’épuiser.
Dans le cadre de la deuxième lecture, la commission a apporté plusieurs modifications au présent projet de loi. Les principales, à mon sens, portent sur l’article 26, relatif à la trame bleue.
Elle a ainsi supprimé une disposition prévoyant l’effacement des ouvrages les plus problématiques. Cette suppression est conforme à l’article L. 211-1 du code de l’environnement aux termes duquel la gestion équilibrée de la ressource en eau doit permettre de satisfaire les exigences nombreuses et importantes de « l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées ». On voit donc bien l’importance de cette question.
De même, la commission a remplacé la notion de restauration des continuités écologiques par celle de remise en bon état, sur vos bons conseils, me semble-t-il, madame la secrétaire d’État.
Cette modification s’inscrit dans la droite ligne des travaux que la commission a menés sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, et il est primordial de maintenir une cohérence entre les deux textes sur les articles où cela est possible.
Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas en détail sur la problématique de l’agriculture, que j’avais défendue en première lecture. Je tiens toutefois à rappeler que les agriculteurs ont déjà entrepris de gros efforts d’adaptation et de réduction des intrants.
Avec la mise en œuvre du Grenelle, ces efforts seront encore démultipliés. Les agriculteurs sont tout à fait conscients de la nécessité d’adapter leur activité aux impératifs environnementaux. Ils ont toutefois besoin d’un peu de temps, mais également de se sentir accompagnés. C’est pourquoi je tenais à souligner la nécessité de faire preuve de prudence dans la rédaction des décrets d’application sur ces thèmes et de beaucoup de pédagogie dans leur mise en œuvre.
J’en viens à l’élimination des déchets.
L’article 41 fixe les principes et objectifs qui devront guider la politique des déchets dans les années à venir, conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement.
Les députés ont ajouté à cet article un alinéa ayant pour objet d’améliorer la gestion des déchets organiques. Dans son rapport, M. Sido souligne que « la valorisation organique est sans aucun doute l’un des enjeux majeurs des futures politiques de gestion des déchets au regard du gisement des déchets organiques – un quart à un tiers du gisement total ».
Avant l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi, le groupe sénatorial de travail sur les déchets, présidé par notre dynamique et compétent collègue Dominique Braye et auquel j’ai l’honneur d’appartenir, s’est rendu en Catalogne.
Ce fut l’occasion d’étudier sur place les résultats des actions mises en œuvre en matière de tri mécano-biologique et de méthanisation, grâce à des visites et des discussions avec les responsables, c’est-à-dire les élus locaux, les députés de la majorité ou de l’opposition, les techniciens et les ingénieurs.
Ce déplacement n’a fait que renforcer mes doutes sur cette technique.
La méthanisation est une technique intéressante et nous devons la favoriser quand cela est possible, en particulier dans nos territoires agricoles, pour les déchets de l’agriculture – notamment les lisiers, les boues et les fientes –, voire pour la partie organique des ordures ménagères quand elle est collectée de façon sélective.
En revanche, force est de constater que la tri-méthanisation des ordures ménagères résiduelles, les OMR, que nous expérimentons en France depuis plus de 20 ans, n’a toujours pas convaincu techniquement et économiquement.
L’expérience catalane de tri-méthanisation des OMR est un échec patent. Tous nos interlocuteurs, politiques et techniciens, ont été unanimes à ce sujet. Ils ont même décidé de convertir leurs installations en les réservant aux biodéchets collectés séparément.
De plus, la méthanisation ne réduit que faiblement la quantité de déchets ultimes. Donc, en aval, l’incinération ou le stockage sont indispensables.
On peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt d’investir lourdement dans une installation de méthanisation pour produire du méthane alors que, dans le stockage, de toute façon indispensable, on peut s’organiser pour récupérer et valoriser le biogaz par un investissement simple ou par la mise en place d’un bioréacteur, comme l’a fait l’un de nos collègues dans sa circonscription.
Par ailleurs, en ce qui concerne le tri mécano-biologique, l’ADEME a réalisé une étude comparative des traitements dits « TMB » dans différents pays européens.
Il est frappant de constater que seule la France s’est orientée vers la production de compost à partir d’OMR. J’ai toujours défendu la position suivante : notre agriculture et nos sols ont besoin de recevoir des intrants et du compost, mais il faut des garanties.
Dans tous les autres pays, la qualité médiocre de ces composts et le caractère non pérenne de leur utilisation en agriculture ont conduit à l’arrêt des productions. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à interdire l’épandage de ces composts sur les terres agricoles.
En France, il me semble que l’on s’obstine – nous connaissons le tri-compostage depuis au moins deux décennies ! –, et que l’on se ment même parfois, en diluant avec des déchets verts ces composts pour atteindre une norme qui ne garantit en rien leurs qualités et la pérennité des débouchés.
La preuve en est que l’ADEME n’aide plus ces unités et encourage le compost issu des biodéchets collectés sélectivement.
Soyons-en persuadés, les orientations que nous allons prendre et les solutions que nous aurons choisies en adoptant ce texte guideront les responsables de nos collectivités dans leur choix. Elles auront donc des conséquences sur le plan environnemental, ainsi que, bien évidemment, sur la charge financière pesant sur nos concitoyens.
Aussi, nous devons répondre à quelques interrogations. Je ne citerai que trois d’entre elles, parmi les plus importantes : quel avenir pour le compost réalisé à partir des ordures ménagères résiduelles ? Le tri mécano-biologique couplé à la méthanisation peut-il être une solution d’avenir ? Pouvons-nous faire l’économie de créer en milieu urbain de nouvelles capacités d’incinération et de poursuivre en milieu rural la stratégie de stockage avec récupération et valorisation du méthane à partir d’installations simples ou de la mise en place d’un bioréacteur ?
Pour apporter des éléments de réponse, le groupe de l’Union centriste a, sur ma proposition, demandé au Sénat de bien vouloir diligenter, dans le sillage du groupe d’études sur les déchets présidé par notre collègue Dominique Braye, une mission d’information.
Je sais que le président du Sénat et la commission de l’économie, présidée par Jean-Paul Emorine, ont émis un avis favorable sur cette demande. Je les en remercie sincèrement et je suis sûr que nous pourrons, d’ici à la fin de l’année, réaliser un travail très utile. Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, nous aurons, si vous le voulez bien, des contacts avec vous-mêmes et vos collaborateurs sur ces sujets.