Belle année 2019 !
Je n'évoquerai que quelques sujets importants. Je commencerai par le registre unique des entreprises. Le Gouvernement nous soumet une habilitation visant à créer, par ordonnance, un registre général dématérialisé des entreprises, « à des fins de simplification des démarches, de réduction des coûts et d'amélioration de l'accès aux informations ». Nous ne pouvons que partager un tel objectif. Toutefois, l'évolution de l'article et les débats ont révélé l'insuffisante préparation de ce projet. Aucune précision n'est apportée quant aux registres et répertoires qui pourraient disparaître. L'amendement que je vous proposerai vise à garantir la constitutionnalité de cet article, puisqu'en l'état l'habilitation est trop floue pour être acceptable au regard des récentes décisions du Conseil constitutionnel. Cette imprécision est la conséquence d'un projet qui a évolué beaucoup depuis le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, et dont les contours ne sont toujours pas définis clairement. Bien des réponses dépendent du travail d'une mission interministérielle dont le chef n'a toujours pas été nommé. Dans ces conditions, le Parlement ne peut voter une telle habilitation. Aussi est-il préférable, à ce stade, d'adopter le principe de la création d'un registre général dématérialisé, pour centraliser les informations des registres et répertoires existants, sans pour autant remettre en cause leur existence, et simplifier les formalités des entreprises et des utilisateurs.
En ce qui concerne la réforme des seuils au sein des entreprises, il faut saluer deux avancées qui figurent dans ce texte, même si elles contournent, plus qu'elles ne traitent vraiment, les problèmes. Le texte instaure ainsi une nouvelle règle de franchissement du seuil : lorsqu'une entreprise franchit à la hausse un seuil, elle dispose de cinq années au cours desquelles le seuil doit être durablement franchi avant que toute nouvelle obligation ne s'applique. Cette nouvelle règle, qui apporte incontestablement de la souplesse aux entreprises, vise un certain nombre de seuils sociaux et fiscaux, et tout particulièrement l'assujettissement des entreprises à certaines contributions sociales, comme le 1 % logement et le versement transport. Pour les contributions du 1 % logement, le seuil est relevé de 20 à 50 salariés, ce qui contribuera à alléger le coût du travail de près de 500 millions d'euros. Cette nouvelle règle ne s'appliquerait pas toutefois aux obligations relatives aux institutions représentatives du personnel (les IRP) qui sont impératives dès que l'entreprise a franchi un seuil pendant 12 mois consécutifs.
La deuxième avancée réside dans la volonté de rationaliser et d'harmoniser les règles d'appréciation des seuils, qui n'étaient pas comptabilisés de la même façon entre le code du travail, le code de commerce ou encore le code de la sécurité sociale. J'ai eu communication du tableau recensant les 199 obligations sociales et fiscales qui s'appliquent aux entreprises et sa lecture est vertigineuse ! À partir du seuil de 50 salariés 55 nouvelles obligations s'appliquent aux entreprises et particulièrement celles relatives aux IRP ! Comment s'étonner que le nombre d'entreprises en France de 49 salariés soit près de deux fois plus important que celles de 51 ou 52 salariés ? Je proposerai donc de relever tous les seuils de 50 à 100 salariés, ce qui correspond à une meilleure prise en compte de la croissance naturelle des entreprises.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale procède aussi à une réforme profonde de l'organisation et du fonctionnement des réseaux consulaires : chambres de commerce et d'industrie (CCI) et chambres de métiers et de l'artisanat (CMA). Pour les CCI, il s'agit notamment d'accroître leurs missions dans le domaine concurrentiel et de prévoir désormais un recrutement des agents sous contrats de droit privé. Cette évolution est inévitable, compte tenu des coupes drastiques dans le financement public des chambres, imposées par le Gouvernement contre la volonté du Sénat. J'ai néanmoins souhaité accompagner au mieux les mutations à venir du réseau : d'abord du point de vue des personnels, en sécurisant les droits individuels et collectifs des agents dans le cadre du passage d'un statut de droit public à un statut de droit privé, ou en créant un dispositif de reprise des contrats ou des engagements des personnels par la personne morale cessionnaire de certaines activités ou services des chambres ; du point de vue du réseau lui-même, en favorisant sa réorganisation grâce à des dispositifs tels que la transformation facilitée des associations créées par les CCI en sociétés par actions, ou la possibilité pour les CCI d'adhérer à l'Unédic pour couvrir leur personnel.
Pour les CMA, compte tenu de la volonté exprimée par une très large majorité du réseau de mettre en place une organisation uniforme dans les régions, reposant sur le modèle de la chambre de région, les chambres départementales et interdépartementales étant supprimées, je n'ai pas souhaité remettre en cause ce schéma d'évolution. Toutefois, je vous propose de garantir que ce modèle ne remettra pas en cause les actions de proximité dans les territoires, qui resteront définies sur la base des propositions des délégués départementaux du réseau. Enfin, il m'a semblé indispensable que les réseaux coordonnent davantage leurs actions et mutualisent leurs moyens dans les territoires, y compris avec les régions.
Dernier point, la réforme du contrôle légal des comptes. L'objectif du Gouvernement est clair et assumé, il s'agit de relever l'obligation pour les sociétés de désigner un commissaire aux comptes au niveau exigé par le droit européen et ce que quel que soit l'impact pour la profession. En-deçà, ce serait facultatif. Cette réforme rompt évidemment avec le modèle français de sécurité financière, qui repose sur la qualité et la déontologie des professionnels. Aujourd'hui, les seuils sont plus bas pour les différentes formes de sociétés et la désignation est obligatoire pour toutes les sociétés anonymes, forme juridique supposée présenter plus de garanties pour les actionnaires et pour les tiers, et donc plus de contrôles...L'impact estimé sur la profession est très lourd avec perte potentielle de 150 000 mandats sur 260 000, représentant 40 % du chiffre d'affaires des commissaires aux comptes, sans compter l'impact sur l'emploi et les territoires, avec la reconversion forcée voire la disparition de nombreux petits cabinets de proximité. Même si quelques mesures d'accompagnement sont prévues, comme la création d'un audit simplifié facultatif pour les petites entreprises ou bien la création d'une passerelle vers la profession d'expert-comptable, cette réforme sera difficile à absorber, en particulier pour les petits cabinets, qui vont perdre l'essentiel de leur clientèle, et moins pour les gros cabinets, dont la plupart sont anglo-saxons, ce qui va accroître la concentration. La question de l'indemnisation de nombre de professionnels se posera certainement devant le juge administratif.
À l'inverse, cette réforme est largement approuvée par les entreprises et leurs organisations, qui relativisent l'utilité de la certification des comptes au regard du coût qu'elle représente pour les PME, de l'ordre de 5500 euros par an en moyenne. L'économie globale pour les entreprises, c'est-à-dire la perte de chiffre d'affaires potentielle de la profession, est évaluée par le Gouvernement à 700 millions d'euros. Avec Michel Canevet, nous vous proposons d'accepter - si je puis dire... - l'économie générale de cette réforme, tout en présentant des amendements d'une part sur le calendrier, pour repousser l'application de la réforme à 2021 afin de permettre à la profession de se réorganiser et de développer de nouveaux services, et, d'autre part, sur le contrôle des groupes excédant les seuils européens, pour éviter les risques de contournement.