Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 janvier 2019 à 9h00
Dépouillement des scrutins sur les propositions de nomination par le président de la république de m. yves saint-geours et mme sandrine clavel aux fonctions de membre du conseil supérieur de la magistrature

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 27

Bulletin blanc : 0

Bulletin nul : 0

Suffrages exprimés : 27

Pour : 27

Contre : 0

Ces résultats montrent que notre commission se prononce non en fonction de l'autorité de nomination mais en fonction des mérites de chaque candidat et de ses qualités pour le poste à pourvoir.

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est reprise à 15 h 05.

Je rappelle que pour notre mission d'information, nous avons reçu les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête. Il ne s'agit pas aujourd'hui de refaire des auditions qui ont déjà eu lieu mais de rechercher les éléments d'information complémentaires dont nous avons besoin compte tenu des rebondissements survenus à la fin de l'année dernière.

De nouvelles informations ont en effet été publiées à la fin de l'année dernière entraînant des mises au point de la présidence de la République et une action judiciaire du ministre des affaires étrangères.

M. Benalla a utilisé un passeport diplomatique pour des déplacements alors qu'il avait été mis fin à ses fonctions à la présidence de la République. Il a été reçu en audience avec des hommes d'affaires par de hautes personnalités, notamment des chefs d'État, et en particulier le Président tchadien quelques jours avant la visite du Président français au Tchad.

De multiples informations font état d'une activité professionnelle débordante dont la nature reste obscure. Il a été avancé, puis en partie démenti, que des contacts réguliers avaient été maintenus entre le chef de l'État et son ancien collaborateur.

Ce matin encore, nous apprenons que des titres officiels et un téléphone permettant des communications cryptées auraient été restitués il y a quelques jours seulement par M. Benalla, sans d'ailleurs avoir été réclamés par la présidence de la République.

D'autres informations, qui ont donné lieu à une réaction exprimant la préoccupation de la présidence de la République, font état d'un contrat entre M. Crase et un oligarque russe à une date où il était encore chargé d'encadrer les réservistes de la gendarmerie participant à la sécurité du Palais de l'Élysée. Je vous informe que M. Crase a démenti ces informations dans un courrier qu'il nous a adressé le 9 janvier.

Nous avions déjà observé la difficulté rencontrée à partir du 2 mai par l'Élysée pour sanctionner M. Benalla de manière effective et au niveau qui convenait, et pour que la justice soit saisie des faits reprochés.

Nous ne pouvions laisser sans réponse les questions soulevées par ces nouvelles informations : sur les diligences accomplies pour mettre en oeuvre la sanction de licenciement prononcée en juillet dans toutes ses implications, y compris la restitution de tous les attributs de sa fonction ; sur la réalité de la rupture du lien entre M. Benalla et la présidence de la République après le licenciement de celui-ci ; sur l'exactitude des déclarations faites sous serment, notamment par l'intéressé, devant notre commission ; sur l'éventualité que M. Crase et M. Benalla aient pu collaborer à la conclusion d'un contrat avec un oligarque russe alors que l'un et l'autre exerçaient des responsabilités touchant à la sécurité du Président de la République ; sur les conditions dans lesquelles des règles déontologiques, voire des poursuites pénales, pourraient s'appliquer à M. Benalla lorsqu'il entre aujourd'hui en relation avec les dirigeants de pays étrangers pour le compte d'hommes d'affaires eux aussi étrangers, s'il porte à leur connaissance des informations acquises lors de sa collaboration avec le Président de la République.

Comme nous en avons l'habitude, nous veillerons bien entendu à respecter le mandat qui nous a été donné par le Sénat.

Ce qui touche à la diplomatie de la France et à la nécessité de préserver nos intérêts fondamentaux face au risque de divulgation d'informations confidentielles au bénéfice d'intérêts étrangers n'est pas de notre ressort, même si, comme tous nos concitoyens, nous avons en conscience le droit d'être préoccupés des raisons pour lesquelles des chefs d'État étrangers et des hommes d'affaires eux-aussi étrangers paraissent porter un intérêt aussi extraordinaire à un ancien collaborateur du Président de la République, pourtant de rang apparemment modeste.

Mais notre mandat porte sur les questions de sécurité et sur les sanctions aux manquements observés, dont font partie le licenciement de M. Benalla et, avec son licenciement, le retrait effectif de tous les attributs de son ancienne fonction.

Nous veillerons également à ne pas empiéter sur le bon fonctionnement de l'autorité judiciaire, qui de son côté a elle aussi toujours été attentive à faciliter l'exercice de notre mission constitutionnelle, celle du contrôle parlementaire qui prend racine dans l'article XV de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et constitue, à égalité avec notre pouvoir de collaborer à l'édiction de la loi, l'autre attribution fondamentale du Parlement que nous devons remplir dans l'intérêt de nos concitoyens.

Le contrôle parlementaire et les poursuites pénales sont en effet deux missions constitutionnelles distinctes, complémentaires et non concurrentes qui, même quand elles portent sur des faits connexes, ne sont pas de même nature et n'ont pas le même objet. D'un côté, la recherche et la sanction d'infractions pénales. De l'autre, le contrôle du bon fonctionnement de l'État.

Je vous rappelle, s'agissant de l'utilisation d'un passeport diplomatique par M. Benalla, que non seulement celle-ci ne relève pas directement du mandat que nous avons reçu, mais que de surcroît, elle fait l'objet d'une enquête préliminaire à la suite de la saisine du procureur de la République de Paris par le ministère des affaires étrangères. Sur ce point, notre travail consistera donc exclusivement à déterminer si les diligences accomplies pour retirer à l'intéressé les instruments qui lui avaient été confiés pour l'exercice de ses fonctions, ou pour l'empêcher de s'en servir, ont été suffisantes.

Nous voulons connaître les initiatives qui ont été prises par la présidence de la République, par le ministre des affaires étrangères et par le ministre de l'intérieur pour que toutes les diligences soient faites à cet égard. Nous devrons recueillir aussi les informations nécessaires pour connaître la réalité des activités privées de MM. Benalla et Crase lorsqu'ils exerçaient des responsabilités de sécurité à l'Élysée et vérifier que toutes dispositions ont été prises pour que les intéressés respectent les exigences déontologiques qui continuent à s'appliquer à eux après la fin de leurs fonctions à l'Élysée.

Voilà quel est le champ de nos préoccupations, et donc le champ des questions possibles dans le respect de notre mandat et des prérogatives de l'autorité judiciaire. Nous avons montré notre respect de la séparation des pouvoirs et nous veillerons au respect absolu du mandat que nous avons reçu du Sénat le 23 juillet dernier.

Cette audition est ouverte à la presse et au public. Les sénateurs des autres commissions peuvent bien sûr y assister. Elle est diffusée en direct et en vidéo à la demande sur le site Internet du Sénat. Cette audition fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission des lois, dotées des prérogatives d'une commission d'enquête, serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Patrick Strzoda prête serment.

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