Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 22 janvier 2019 à 14h30
Mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en irak — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens à saluer au nom de mon groupe cette proposition de résolution européenne issue du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes.

Si l’Irak est reconnu comme un État de droit souverain par ses partenaires internationaux, de nombreuses insuffisances y sont constatées. La peine de mort est pratiquée, les conditions d’un procès équitable ne sont pas réunies, la notion de crime contre l’humanité n’existe pas dans la législation irakienne, la Cour pénale internationale n’y est pas reconnue. Les criminels se nourrissent donc d’un sentiment d’impunité, quels que soient les faits qu’ils ont commis.

Or les poursuites pour crimes contre l’humanité sont primordiales du point de vue des victimes civiles. C’est la seule manière de faire en sorte que celles-ci soient entendues et qu’elles obtiennent justice.

Parmi ces victimes – cela a été rappelé par Bruno Retailleau –, il ne faut pas oublier les chrétiens d’Orient, qui ont souffert de nombreuses exactions. En Irak, au cours des trois dernières décennies, environ 80 % d’entre eux ont dû quitter le pays. Alors qu’ils étaient 1, 2 million dans les années 1980, ils ne sont plus aujourd’hui que 300 000. Ils sont délaissés par le gouvernement irakien et terrifiés par un avenir incertain.

Traditionnellement, au nom de la recherche de la réconciliation nationale, l’approche dominante reposait sur un pacte de l’oubli, fondé sur l’amnistie et l’amnésie, autrement dit sur l’oubli juridique et l’oubli social.

Autres temps, autres mœurs : cette vision d’une amnistie-amnésie cicatrisant les plaies n’est plus admissible à ce jour. La recherche de la vérité s’impose progressivement comme un élément incontournable des droits de l’homme.

Aujourd’hui, les mécanismes de justice transitionnelle se composent de la poursuite en justice des auteurs des crimes, de la mise en place d’initiatives en faveur de la recherche de la vérité, de l’octroi de réparations aux victimes de violations des droits de l’homme, et d’une réforme des institutions judiciaires et politiques visant à éviter la répétition de telles violations.

Il est nécessaire de regarder ces mécanismes comme un ensemble indivisible. Il existe une relation d’interdépendance et de complémentarité entre, par exemple, réparations et révélation de la vérité. Pour être efficace, une mesure ne saurait opérer isolément et à l’écart des autres.

La réconciliation décrit un état dans lequel les relations sociales sont caractérisées par une sorte de confiance civique et sont basées sur le respect. C’est ce que nous, occidentaux, pourrions schématiquement résumer par notre savoir-vivre ensemble.

Les mesures de justice transitionnelle peuvent contribuer à édifier des institutions dignes de confiance, à réconcilier les victimes et leurs bourreaux, à assurer la primauté du droit, à panser les plaies du passé et à rétablir une culture basée sur le respect des droits de l’homme. Elles permettent de restaurer des relations sociales fondées sur la confiance civique et ancrées sur le respect, de manière à rétablir un certain vivre ensemble.

Ainsi, la justice transitionnelle n’est pas simplement une justice rétrospective ; c’est aussi une justice prospective. On ne cherche pas seulement à réparer les événements passés ; on veut surtout unifier une nation sur des bases différentes et plus justes. Il s’agit de restaurer une société brisée par le conflit et de l’accompagner vers l’harmonie et la paix.

La situation que connaît l’Irak depuis vingt-cinq ans démontre combien la transition démocratique et institutionnelle est importante. La mise en place de ce mécanisme est donc souhaitable. Il s’inscrit, plus largement, dans la continuité des actions déjà menées par l’Union européenne et par les Nations unies pour aider ce pays à se reconstruire. Un système judiciaire indépendant et devant rendre des comptes est indispensable pour permettre à l’Irak d’aller de l’avant, de se reconstruire et, surtout, de réconcilier ses communautés.

On peut regretter que les orientations fixées, en janvier 2018, par le Conseil de l’Union européenne au sujet de la justice transitionnelle en Irak et en Syrie ne soient pas précises – dans leur contexte et dans leur mise en œuvre –, alors que ce point est l’un des axes forts qui ont été prévus pour relever les six défis identifiés dans la stratégie de l’Union.

Cette initiative doit être appuyée et rendue concrète. Il faut notamment insister sur la sensibilisation et la formation des juges, mais aussi s’assurer que les fonds nécessaires seront débloqués.

Sans tomber dans l’ingérence et en veillant à ne pas heurter la souveraineté de l’Irak et ses sensibilités, il convient de porter un regard attentif aux procédures mises en place et d’apporter conseil et expertise, par le biais d’une assistance judiciaire, afin d’insuffler dans le droit irakien les principes juridiques standards du droit international qui n’y figurent pas. Il faut aussi être en capacité de vérifier que toutes les communautés ayant été affectées seront traitées de la même manière, y compris les djihadistes français.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires approuve donc la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak, le considérant comme une étape indispensable pour permettre aux familles des victimes de faire leur deuil en obtenant reconnaissance et réparation.

Justice doit être rendue pour permettre la réconciliation entre les communautés en Irak. C’est un des piliers de la reconstruction politique du pays.

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