Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre discussion porte sur les articles 91 et 121 de la loi ÉLAN, qui ont, donc, déjà été adoptés, mais qui ont été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, celui-ci estimant qu’ils n’avaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial.
Au vu de l’importance de ces dispositions, qui ont « vocation à contribuer au bien vivre ensemble et à la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires », je voudrais saluer l’initiative prise par la présidente de la commission des affaires économiques en déposant cette proposition de loi, dont les objectifs sont consensuels, sans attendre le dépôt d’un nouveau véhicule législatif en matière de logement. Je souscris pleinement aux deux articles de ce texte, que j’ai d’ailleurs cosigné, avec plusieurs membres du groupe Union Centriste.
Ce texte est important, car il met en avant deux problématiques essentielles de notre pacte social, à savoir, d’une part, la place de l’État, garant des droits et libertés, sur tous les territoires de la République, et, d’autre part, le vivre ensemble et le respect sur lesquels repose le bien-fondé dudit pacte.
Si ce texte interroge néanmoins, ce n’est pas tant du point de vue de son bien-fondé que de celui de la situation à laquelle, dans certains endroits, nous en sommes arrivés ; il interpelle également quant aux moyens à mettre en œuvre pour la réussite de cette ambition du « vivre ensemble, vivre en grand ».
J’évoquerai d’abord la place de l’État, et notamment des forces de l’ordre, sur tous les territoires de la République.
Avec ce texte, et notamment son article 1er, c’est la place des forces de l’ordre, donc la place de l’État, qui est mise en avant. Cet article prévoit en effet un accès permanent des forces de l’ordre aux parties communes des bâtiments du parc social ; il sera répondu à la demande des bailleurs sociaux, car les outils mis à leur disposition ne sont pas toujours satisfaisants pour maintenir de façon pérenne la tranquillité d’un immeuble.
Ainsi, l’article 1er donne une autorisation permanente à la police nationale, à la gendarmerie et à la police municipale de pénétrer dans les halls d’immeubles détenus par les bailleurs sociaux. Cette disposition existe déjà actuellement, mais son application est conditionnée à une demande de renouvellement des autorisations d’accès tous les six mois, ce qui, sans rendre le dispositif inopérant, le rend pour le moins complexe à mettre en œuvre, nécessitant régulièrement une nouvelle délibération de l’office.
Nous simplifions donc la procédure actuelle en posant le principe selon lequel les organismes d’HLM accordent aux forces de l’ordre une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.
Des exemples, trop nombreux, ont été rappelés en commission pour évoquer l’absence de sécurité dans certains quartiers délaissés, non par manque de volonté, mais souvent par manque de moyens. Malgré la volonté des professionnels d’assurer la sécurité des populations, certaines zones de non-droit existent sur le territoire de notre République.
Or cet article 1er, s’il facilite évidemment la mise en œuvre des outils existants, en permettant la présence de forces de l’ordre dans les parties communes d’immeubles, ne répond pas pour autant à ce manque de moyens dédiés à la prévention de la délinquance par les professionnels de proximité. Il ne résoudra donc pas toutes les situations décrites au fil de nombreux exemples qui voient les policiers, en sous-effectif, cantonnés au commissariat en soirée.
Néanmoins, ces dispositions ont une véritable utilité pour la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires, et sont très attendues par les bailleurs.
Dans le rapport que j’ai corédigé avec Annie Guillemot, et que celle-ci évoquait précédemment, sur l’évaluation de la loi Lamy, nous avions soulevé ces lacunes « présentielles » et évoqué la nécessité de la prise en compte globale de la situation. Nous proposions notamment de systématiser le recours au gardiennage, ainsi qu’à la médiation, pour agir en amont, et de donner à la politique de prévention les moyens d’être efficace. Tous les outils qui peuvent être mis en place pour la lutte contre les incivilités et les actions en faveur de la tranquillité publique doivent s’accompagner d’une réponse judiciaire rapide. Je défends l’idée d’un équilibre entre prévention, actions éducatives et effectivité des sanctions en cas d’infraction.
Ces éléments déjà évoqués au Sénat depuis plusieurs années corroborent assez nettement la nécessité d’une continuité présentielle et physique et l’importance de cet article 1er.
Les pouvoirs publics doivent donner aux services de police et de justice les moyens d’amplifier leurs efforts pour assurer la tranquillité des habitants dans les quartiers, mais les bailleurs ont également un rôle à jouer en la matière. Les bailleurs dont les locaux remplissent certaines conditions doivent en effet, en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité publique, prendre des mesures permettant d’assurer le gardiennage ou la surveillance afin « d’éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux ».
Les bailleurs peuvent également recourir, en complément, à des agents de prévention et de médiation, ou à des correspondants de nuit. Ces mesures, complétées par celles que nous allons voter aujourd’hui, me semblent procéder d’une dynamique collective, susceptible de proposer un cadre global, de la prévention à l’effectivité de la réponse des forces de l’ordre et de la justice.
L’article 2 de ce texte a également toute son importance, car il a vocation à contribuer au bien vivre et, là encore, à la préservation de la tranquillité des résidents.
Cet article modifie le délit d’occupation de halls d’immeuble, créé en 2001 et complété en 2003. Devant la difficulté d’établir la preuve des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le fait d’empêcher délibérément la libre circulation des résidents ou l’accès aux dispositifs de sécurité, ces dispositions sont aujourd’hui jugées inefficaces et inapplicables.
Ainsi, l’article 2 vient compléter l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation avec un nouveau cas d’occupation abusive des parties communes d’immeubles, en incluant la nuisance à la tranquillité des lieux, et en aggravant les peines lorsque le délit d’occupation abusive est commis avec voies de fait et menaces.
Par ailleurs, cet article prévoit la résiliation automatique du bail en cas de condamnation pour trafic de drogue, et l’application rétroactive d’une clause permettant de résilier le bail automatiquement en cas de condamnation pour troubles de voisinage.
Ces mesures vont dans le bon sens, et nous devrions, à notre niveau, mener une réflexion en vue de les étendre au parc privé – cette question a d’ailleurs été évoquée en commission. Cette réflexion pourrait s’inscrire dans le cadre plus général du traitement des copropriétés dégradées – ce sujet-là mérite aussi, évidemment, d’être pris en considération.
Lors de nos déplacements, en 2017, nous avons été frappées, avec Annie Guillemot, de constater combien la question de la tranquillité était prégnante et récurrente pour les habitants des quartiers, partout où nous sommes passées, au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest : il s’agissait vraiment d’un sujet absolument récurrent.
Je souhaite, à ce titre, mentionner la proposition de loi qui nous avait été présentée par notre collègue Vincent Delahaye concernant les rodéos sauvages, texte désormais en vigueur, depuis l’été dernier. Ce texte vient lui aussi compléter l’ensemble des dispositifs existants ; il était très attendu dans les quartiers.
Si l’Assemblée nationale nous suit et adopte rapidement cette proposition de loi, ces dispositifs pourront enfin être inscrits dans la loi, après plusieurs tentatives – le Parlement avait déjà travaillé sur ce sujet et adopté des mesures quasi identiques dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Nous abordons, je l’espère, l’acte final qui permettra la mise en œuvre de ces mesures utiles et attendues.
Le groupe Union Centriste appelle de ses vœux la mise en œuvre effective de ces dispositions, accompagnée de la mobilisation de moyens supplémentaires et d’une vision globale susceptible de donner sens à l’ambition du « vivre ensemble, vivre en grand » ; car c’est bien par une approche globale – nous l’avons dit, toutes et tous, de façon insistante – que nous réussirons à donner à des quartiers qui, aujourd’hui, manquent parfois de sérénité la capacité à retrouver une cohésion et une vie agréable.
Nous voterons donc ce texte.