La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative aux articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, présentée par Mme Sophie Primas (proposition n° 175, texte de la commission n° 242, rapport n° 241).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 16 octobre dernier, le Sénat adoptait définitivement le projet de loi ÉLAN. C’était l’aboutissement d’un processus engagé il y a maintenant plus d’un an avec la mise en place de la conférence de consensus sur le logement, souhaitée par le Président du Sénat et acceptée par le Président de la République.
À l’issue de ce vote, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel sur la conformité à la Constitution des dispositions relatives, notamment, à l’accessibilité des logements et à la loi Littoral.
Dans sa décision du 15 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, mais il a censuré d’office dix-neuf articles, parmi lesquels l’article relatif à la création d’un observatoire des diagnostics immobiliers, celui relatif aux conditions de délivrance des congés en matière de bail par une société civile immobilière familiale, celui instaurant une obligation pour le bailleur de notifier au syndic les coordonnées de son locataire ou encore celui relatif à la révision tous les cinq ans du décret fixant la liste des charges récupérables.
Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que ces articles n’avaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial et qu’ils étaient en conséquence contraires à l’article 45 de la Constitution.
Mes chers collègues, vous le savez, le Sénat fait preuve d’une grande vigilance sur les questions de recevabilité et n’hésite pas à supprimer des dispositions introduites par l’Assemblée nationale ou à déclarer irrecevables des amendements qu’il considère comme des cavaliers.
Au regard de nos pratiques, je dois donc avouer que la censure de ces dix-neuf articles, à deux ou trois exceptions près, nous a quelque peu surpris, d’autant que le Conseil constitutionnel n’a donné aucune indication dans sa décision sur le cheminement l’ayant conduit à censurer ces dispositions. Je regrette que ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’aient été consultés par le Conseil constitutionnel lors de la procédure d’examen de la saisine. Si tel avait été le cas, nous aurions sans aucun doute pu présenter des arguments justifiant pleinement le lien entre ces dispositions et le projet de loi initial.
La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui tire les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel.
Je n’ai cependant pas souhaité reprendre l’ensemble des dix-neuf articles censurés. Il s’agit uniquement des articles 91 et 121, qui ont vocation à contribuer au bien vivre ensemble et à la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires.
L’article 91 a pour objet de simplifier le droit actuel en inscrivant le principe selon lequel les bailleurs sociaux accordent aux forces de l’ordre un accès permanent aux parties communes de leurs immeubles.
L’article 121 vise à compléter le délit d’occupation des halls d’immeuble et à faciliter la résiliation du bail en cas de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Notre rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, vous présentera ces articles plus longuement.
Naturellement, cette proposition de loi n’a pas vocation à rouvrir les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi ÉLAN. Il s’agit d’examiner deux dispositions spécifiques très attendues par les bailleurs sociaux, puisqu’une partie a déjà été votée par le Parlement dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté et a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme. Le Conseil s’obstine, mais nous aussi !
Reconnaissons également que cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes de sécurité et de tranquillité, chacun en conviendra. Je le sais, les prises de position politiques de nos collègues seront fortes sur ce sujet.
Néanmoins, il me semble important d’envoyer un signal non seulement aux bailleurs, mais aussi aux habitants de nos quartiers. Il s’agit souvent de familles modestes, voire très modestes, qui ont droit, comme les autres, à la sécurité et à la tranquillité.
Ce sont ces petits ruisseaux d’ajustements législatifs, parfois invisibles aux yeux de nos concitoyens, qui répondent à leurs demandes en matière de justice sociale. Pour la très grande majorité d’entre eux, ils vivent paisiblement dans ces habitats collectifs et ne supportent plus les petites incivilités quotidiennes, si peu traitées et si pénibles à vivre.
Bien sûr, d’autres mesures destinées à assurer leur tranquillité doivent être prises en matière de police, de justice, d’éducation et de santé. Qu’il me soit d’ailleurs permis de dire que les économies de fonctionnement importantes violemment réclamées aux bailleurs par l’État au travers de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, et le regroupement des bailleurs entre eux soulèvent des questions s’agissant du personnel présent sur le terrain : gardiens, médiateurs et travailleurs sociaux. Ils sont tous précieux et peu mutualisables. Il ne faudrait pas que ces personnels soient les grands sacrifiés de ces économies, dans la mesure où l’accompagnement social, qui est l’essence même du logement social par rapport au logement privé, serait dès lors en grand danger.
Comme je l’ai annoncé en juillet dernier, la commission des affaires économiques mettra en place, avec un certain nombre de collègues et de maires engagés sur ces sujets et de toutes les sensibilités politiques, un « baromètre des banlieues », qui nous permettra d’évaluer ce qui se passe réellement sur le terrain : comment nos politiques de droit commun sont-elles mises en œuvre ? Quelles mesures correctives doivent être prises ?
Pour conclure, je souhaite, monsieur le ministre, que cette proposition de loi aille au bout du processus législatif. Espérons que le Gouvernement accepte de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et que nos collègues députés aient la sagesse toute sénatoriale de bien vouloir l’adopter conforme pour éviter les navettes.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer et remercier Jacques Mézard, qui nous a aidés à rédiger ces articles lors de l’examen du projet de loi ÉLAN.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi présentée par la présidente de la commission des affaires économiques, Mme Sophie Primas, qui a pour objet de reprendre in extenso le contenu des articles 91 et 121 de la loi ÉLAN, lesquels ont été censurés par le Conseil constitutionnel.
Mme Primas vient de rappeler les raisons l’ayant conduite à déposer cette proposition de loi, je n’y reviens donc pas. Je la remercie très sincèrement d’avoir pris une telle initiative, afin de faire en sorte que ces deux articles, que nous avons adoptés et qui ont été maintenus par la commission mixte paritaire, en lien avec nos collègues de l’Assemblée nationale, puissent, à l’issue de ce processus législatif, être définitivement votés et devenir de véritables outils, qui serviront aux bailleurs sociaux et permettront de préserver la tranquillité et la sécurité des locataires. Bien sûr, ces mesures ne seront pas suffisantes, nous le savons, une politique plus globale étant absolument nécessaire.
La proposition de loi comprend deux articles.
L’article 1er, qui reprend l’article 91 de la loi ÉLAN, pose le principe selon lequel les organismes d’HLM accordent à la police et à la gendarmerie nationales et, éventuellement, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.
La commission s’est montrée favorable à cet article, qui simplifie opportunément la procédure actuelle d’autorisation d’accès des forces de l’ordre aux parties communes des immeubles du parc social.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit plusieurs modifications.
Tout d’abord, le premier paragraphe vise à modifier le délit d’occupation abusive des halls d’immeuble. Il tend à sanctionner un nouveau cas d’occupation abusive des parties communes. Ainsi, l’occupation en réunion des espaces communs ou des toits des immeubles, qui nuit à la tranquillité des lieux, sera punie des mêmes peines que celles actuellement prévues pour le cas d’occupation abusive des espaces communs.
En outre, la peine d’emprisonnement encourue pour le délit d’occupation abusive est aggravée et passe de six mois à un an, lorsque l’occupation est émaillée de voies de fait ou de menaces.
Le juge pourra également prononcer à titre de peine complémentaire une interdiction pour trois ans au plus de paraître dans certains lieux définis par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise.
Il s’agit ainsi de reprendre en partie des modifications apportées au délit d’occupation des halls d’immeubles introduites dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Elles avaient déjà été censurées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de forme.
Le deuxième paragraphe de l’article 2 reprend des dispositions initialement introduites par le Sénat en matière de résiliation du bail et modifiées par la commission mixte paritaire.
Le droit actuel prévoit la possibilité d’introduire une clause permettant la résiliation du bail de plein droit pour un motif résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Néanmoins, cette disposition ayant été introduite en 2007, les contrats de location conclus antérieurement ne la mentionnent pas, ce qui rend plus difficile l’expulsion du locataire qui ne respecte pas son obligation d’utiliser paisiblement son logement.
Il est donc proposé que la clause permettant de résilier de plein droit le bail en cas de condamnation définitive du locataire pour troubles de voisinage soit réputée écrite dès la conclusion du contrat de bail. Les locataires seront ainsi traités de la même façon, quelle que soit la date de conclusion de leur bail.
Le dispositif a été encadré. Ainsi, le trouble de voisinage invoqué devra non seulement avoir été constaté par une décision de justice, mais aussi avoir eu lieu postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi pour permettre le déclenchement de la clause de résiliation du bail pour les contrats en cours.
On observe de plus en plus souvent des locataires qui ne respectent pas leurs obligations, ce qui a immanquablement des répercussions sur l’ensemble de l’immeuble. Par cette proposition de loi, il s’agit d’envoyer un signal positif en direction des locataires qui respectent leurs droits et leurs devoirs et occupent paisiblement leur logement, en leur montrant que le non-respect de ses obligations par un locataire est sanctionné.
L’article 2 précise en outre que sont assimilées aux troubles de voisinage les infractions relatives au trafic de stupéfiants commises dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles. Le contrat de bail pourra être résilié de plein droit à la demande du bailleur social, lorsque le locataire ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale aura été définitivement condamné pour l’une de ces infractions commises postérieurement à la conclusion du contrat de bail.
Le Sénat avait introduit une disposition en ce sens dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Celle-ci avait été censurée par le Conseil constitutionnel, lequel avait estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
La résiliation du bail en cas de trafic de stupéfiants va dans le bon sens. En effet, le trafic de stupéfiants est l’une des causes majeures des troubles de voisinage dans les quartiers et constitue, pour les locataires, une atteinte intolérable à la jouissance paisible de leur logement.
Face aux trafics de stupéfiants, le bailleur social est dépourvu d’outils adaptés lui permettant d’y répondre efficacement et rapidement, ce qui engendre une incompréhension des autres locataires, lesquels déplorent son inaction.
En invoquant la condamnation pénale pour trafic de stupéfiants passée en force de chose jugée pour résilier automatiquement le contrat de location, les bailleurs sociaux pourront engager plus facilement des actions à l’encontre des locataires qui nuisent à la tranquillité du voisinage par leurs agissements.
La commission des affaires économiques a ainsi adopté sans modification les deux articles de la proposition de loi.
Les nouveaux outils que nous proposons de mettre en place supposent nécessairement que toute la chaîne police-justice soit pleinement mobilisée. Lors de nos débats en commission, plusieurs d’entre nous ont souligné – ils ne manqueront certainement pas de le faire de nouveau en séance – que l’adoption de ces mesures ne constituait qu’une partie de la réponse à apporter à nos quartiers. Des politiques fortes en matière d’éducation et de prévention de la délinquance doivent également être menées. Et je ne parle pas du renforcement des moyens de la police, plus particulièrement de la police de sécurité du quotidien, et de la justice. J’espère sincèrement que le Gouvernement prendra des engagements en ce sens.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi mentionne un terme qui est pour moi au cœur de la mission de cohésion des territoires et au cœur de l’action des membres du Gouvernement comme des parlementaires : « bien vivre ensemble ».
Or le bien vivre ensemble est souvent plus compliqué dans certains territoires et dans certains quartiers, qui souffrent de problèmes de sécurité, de difficultés économiques et sociales, et souvent du sentiment que les pouvoirs publics ont abandonné leurs habitants.
Ces derniers aspirent à la sécurité et à la tranquillité, encore plus quand ils sont chez eux. Ils désirent une vie paisible où les nuisances et les violences, notamment celles qui sont liées aux trafics de drogue, ne viennent pas dégrader leur immeuble, leur cadre de vie et toute l’image des quartiers dans lesquels ils vivent.
La proposition de Mme Primas vise à faire adopter des dispositions destinées à assurer cette sécurité et cette tranquillité aux locataires du parc social, pour ce qui concerne l’article 1er, et à tous les locataires pour ce qui concerne l’article 2. Elle reprend le contenu des articles 91 et 121 du projet de loi ÉLAN dans la version définitivement adoptée par le Parlement. J’insiste sur ce point : ce sont des mesures que le législateur a déjà adoptées et que le Conseil constitutionnel a écartées pour des raisons de procédure.
Je tiens à profiter de l’occasion qui m’est donnée pour saluer très chaleureusement et amicalement M. le ministre Jacques Mézard et rendre hommage au travail effectué par Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone, dans le cadre des débats très constructifs que nous avons eus sur le projet de loi ÉLAN et qui ont conduit à un vote conclusif en commission mixte paritaire.
L’article 1er, qui reprend l’article 91 de la loi ÉLAN, tend à simplifier l’activité des bailleurs sociaux à l’échelle de leur parc, et à assurer une plus grande efficacité de l’intervention des forces de l’ordre au service de la sécurité des habitants, qui sont les premiers à pâtir de l’insécurité. Comme nous l’avons déjà longuement évoqué lors des précédents débats, les bailleurs pourront autoriser de façon permanente les forces de l’ordre à accéder aux parties communes de l’immeuble, au lieu d’avoir à renouveler périodiquement une telle autorisation.
L’article 2 de la proposition de loi, qui reprend l’article 121 du projet de loi ÉLAN, s’inscrit dans le même état d’esprit. Bien sûr, l’occupation des parties communes, qui empêche de circuler librement, était déjà sanctionnée par la loi. Cet article vise à ajouter trois dispositions au droit existant. D’abord, il tend à élargir le champ d’application : il s’agit de viser non seulement l’entrave à l’accès ou à la libre circulation, mais aussi l’occupation, qui nuit à la tranquillité des lieux. Ensuite, ce délit pourra faire l’objet non plus de six mois, mais d’un an d’emprisonnement en cas de voies de fait ou de menaces. Enfin, une peine complémentaire interdisant de paraître dans les lieux de l’infraction est instaurée, dans la limite de trois ans.
Le II de l’article 121 du projet de loi ÉLAN, c’est-à-dire de l’article 2 de cette proposition de loi, concerne les conditions de résiliation des baux, là encore en lien avec l’occupation paisible des locaux.
Par ailleurs, trois amendements ont été déposés, par M. Grand et par M. Richard. Ils reprennent, là encore, des dispositions adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN et écartées par le Conseil constitutionnel. Elles concernent l’accès des huissiers aux boîtes aux lettres, élément ô combien important pour lutter contre le fléau de l’expulsion d’un certain nombre d’occupants qui n’auraient pas fait l’objet d’un accompagnement suffisant ou spécifique de la part de l’ensemble des personnes intervenant dans les procédures en question. Elles concernent également l’accès des agents assermentés du service municipal ou départemental du logement aux parties communes des immeubles, pour faire des vérifications relevant de leur ressort, ainsi que l’accès des agents de l’INSEE aux boîtes aux lettres, notamment dans le cadre des recensements.
La première disposition permettra d’améliorer la prévention des expulsions locatives, raison pour laquelle nous l’avions acceptée au cours des débats sur le projet de loi ÉLAN ; la deuxième, de mieux contrôler le respect de la réglementation des locations touristiques, qui constitue aujourd’hui un vrai sujet au regard du parc disponible pour nos concitoyens ; et la troisième, de faciliter les enquêtes de l’INSEE.
Mesdames, messieurs les sénateurs, afin de respecter la volonté du législateur, qui s’est exprimée dans le cadre d’une commission mixte paritaire conclusive sur le projet de loi ÉLAN, le Gouvernement émettra un avis favorable sur la proposition de loi de Mme Primas, ainsi que sur les trois amendements déposés par MM. Richard et Grand.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, mes chers collègues, à la suite de l’arrêt du Conseil constitutionnel, qui a déclaré que dix-neuf articles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique étaient contraires à la Constitution, parce que dépourvus de lien même indirect avec les dispositions du projet de loi initial, nous débattons de nouveau aujourd’hui des articles 91 et 121 de la loi ÉLAN, qui touchent, il est vrai, à la vie quotidienne des habitants et à leur sécurité, première des libertés.
Les offices d’HLM sont en effet en attente de mesures plus adaptées à la situation à laquelle ils sont confrontés dans certaines résidences. Il est toutefois regrettable que les copropriétés privées, notamment dégradées, ne soient pas prises en considération, car ce problème s’y pose déjà fortement, dans des conditions différentes, compte tenu des spécificités du droit de la propriété. Il s’agit là d’un défi qu’il faudra aussi relever, en alliant, j’y reviendrai, répression et prévention.
L’article 1er, qui reprend l’article 91 de la loi ÉLAN, dispose que les organismes d’HLM accordent à la police nationale, à la gendarmerie, ainsi que, le cas échéant, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles. Certes, l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit déjà un cadre légal d’intervention permanente, en précisant que « les propriétaires ou exploitants d’immeubles à usage d’habitation ou leurs représentants peuvent accorder à la police et à la gendarmerie nationales, ainsi que, le cas échéant, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles ». Toutefois, tous les maires le savent, le dispositif actuel oblige à renouveler l’autorisation tous les six mois en moyenne, et tous les ans dans les copropriétés privées dégradées.
Nous soutenons cette disposition, qui participe à la préservation de la tranquillité et de la sécurité de l’ensemble des résidents et constitue enfin une réponse simplifiée et opérationnelle.
L’article 2 comprend deux volets distincts. Le premier, relatif au délit d’occupation des halls d’immeuble, vise à modifier, en le complétant, le premier alinéa de l’article 121 relatif à l’occupation en réunion des parties communes nuisant à la tranquillité des lieux, à l’accès ainsi qu’à la libre circulation des personnes. Il tend ainsi à aggraver les peines encourues, qui passent de deux à six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros à 7 500 euros d’amende. Enfin, il s’agit d’instaurer une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans certains lieux, dans lesquels l’infraction a été commise, sans que la durée de cet interdit puisse excéder trois ans, disposition que nous soutiendrons également. Encore faudra-t-il, monsieur le ministre, que la police et la justice aient les moyens de faire respecter cette interdiction – c’est une ancienne maire qui vous parle !
Le second volet redéfinit le champ d’application de la clause résolutoire, qui est applicable en cas de non-paiement des loyers, charges et dépôt de garantie, de non-souscription d’assurance d’habitation ou, depuis la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, de troubles anormaux du voisinage déjà constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.
En prévoyant d’étendre le champ d’application de la clause résolutoire au trafic de stupéfiants et en visant la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal intitulée « Du trafic de stupéfiants », ce texte entend prendre en considération une catégorie beaucoup plus importante d’infractions telles que l’acquisition, la détention, la cession et le trafic de stupéfiants, rendant la possibilité d’une résiliation du bail beaucoup plus importante.
Il est crucial de lutter contre le trafic de drogue, qui empoisonne la vie des habitants. Chacun a droit, quel que soit son quartier, à la sécurité. C’est ce que Valérie Létard et moi-même avions souligné dans notre rapport d’information sur l’application de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Nous avions insisté sur le fait que « la question de la tranquillité publique était prégnante et récurrente pour les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville » et souligné la nécessité, pour les services de police et de la justice, d’« amplifier leurs actions pour assurer la tranquillité des habitants dans les quartiers ». En effet, on ne peut rien bâtir avec des habitants qui vivent dans l’insécurité. Dans toutes les tables rondes que nous avons organisées, monsieur le ministre, tous les participants nous ont parlé de la même chose !
Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit expressément l’application rétroactive de la clause résolutoire pour trouble du voisinage, et notamment pour trafic de stupéfiants. Le sujet est délicat, chacun peut en convenir, et il concernera tous les bailleurs publics et privés, puisqu’il s’agit de modifier la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs.
Observons en effet que le Conseil constitutionnel réaffirme régulièrement la protection dont doivent bénéficier les contrats légalement conclus. Celui-ci précise que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles IV et XVI de la Déclaration de 1789 ». Chaque fois qu’il a accepté une dérogation, c’était en faveur de la personne.
En outre, il existe des mesures telles que les peines complémentaires, que le juge pénal peut appliquer, ou bien des mesures permettant de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour trafic de stupéfiants dans le cadre d’une procédure au fond classique.
Ainsi, même si nous reconnaissons la nécessité de faire face à la situation que nous décrivent tant les bailleurs que les habitants, la rétroactivité nous paraît constituer un facteur de fragilisation du dispositif, lequel, du fait de sa nature, est déjà très sensible, en raison de son automaticité. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’alinéa 6 de l’article 2.
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain partage les objectifs de cette proposition de loi, que sont notamment les indispensables droits à la sécurité, à la tranquillité publique, au libre accès, mais aussi à la libre circulation des personnes, autant d’éléments fondamentaux pour la vie quotidienne de chacune et chacun, dans le cadre des droits et devoirs pour tous.
Il nous semble cependant que la dernière disposition évoquée ne peut que fragiliser le dispositif actuel. Nous voulons insister sur la nécessité d’évaluer les crédits de droit commun. En effet, comment ne pas observer que la politique de prévention est en plein délitement, alors que, nous le savons tous, il s’agit d’un élément essentiel de la politique de sécurité et de tranquillité publique ?
Quel est le bilan de la police de sécurité du quotidien lancée voilà bientôt un an par le Gouvernement ? Elle devrait se déployer dans une soixantaine de quartiers de reconquête républicaine d’ici à la fin du quinquennat. Toutefois, nous l’observons d’ores et déjà, les élus sont de plus en plus sceptiques sur les gains qu’ils pourraient tirer de cette nouvelle forme de « police de proximité ». Ils sont aussi plus que circonspects quant à l’articulation de ce dispositif avec leurs polices municipales et craignent une recentralisation du partenariat local entre les mains des forces de l’État.
Nous souhaitons donc que la grande concertation, qui devrait s’ouvrir dans les prochaines semaines sur les bases du rapport parlementaire de M. Fauvergue et de Mme Thourot, permette de renouer avec une politique de prévention, qui, depuis plus d’un an, se fait attendre.
De même, nous espérons que la justice bénéficiera du déploiement de crédits de droit commun suffisants ; ceux-ci sont indispensables pour apporter les réponses rapides qui sont attendues par nos concitoyens, sachant que l’engagement, aujourd’hui – le même constat vaut pour les effectifs et les moyens alloués à la police –, n’est pas à la hauteur des besoins et des préoccupations légitimes des habitants.
C’est pourquoi, en l’état du texte, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme la présidente de la commission des affaires économiques, au galop, va ramener un cavalier à la maison.
Sourires.
Au regard des débats qui ont émaillé la discussion de la loi ÉLAN, c’est là, me semble-t-il, une bonne chose, puisque nous étions, assemblées et Gouvernement, arrivés à un texte assez consensuel, qui permettait d’aller de l’avant sur un certain nombre de dossiers, dont celui-ci.
La question qui se pose, pour l’essentiel, est celle de la sécurité et de la tranquillité de nos concitoyens qui vivent dans ces copropriétés et dans les logements sociaux. Nous savons tous qu’il existe, malheureusement, nombre de situations absolument intolérables ; lorsque des habitants, des locataires, ne peuvent pas rentrer à leur domicile dans des conditions normales, lorsqu’ils sont confrontés – il faut le dire – à certains réseaux et comportements qui rendent au quotidien la vie dans ces immeubles difficile et qui sont sources de dérives pour certains des jeunes qui y habitent, il est non seulement utile, mais indispensable, de réagir.
Cette proposition de loi vise principalement deux objectifs.
Il s’agit en premier lieu de donner aux forces de l’ordre une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes – on voit bien, au regard de la réalité du terrain, qu’une telle autorisation est absolument indispensable.
Cette disposition doit permettre de faciliter le travail des forces de l’ordre, et aussi de leur rendre confiance – je ne ferai pas de digression sur la mise en œuvre de la politique de sécurité du quotidien, car ce n’est pas en quelques mois qu’on peut juger de l’utilité et de l’efficacité d’une telle politique, dont, en tout cas, l’essentiel de nos collègues élus locaux se rendent compte qu’elle est indispensable.
Nos forces de l’ordre, dans nos villes, dans nos quartiers, ressentent souvent de la lassitude eu égard à un certain nombre de situations dans lesquelles ils ont l’impression qu’ils ne peuvent de toute façon pas intervenir ou que, s’ils interviennent, aucune suite ne sera donnée. Cette réalité est absolument détestable à vivre au quotidien ; elle est détestable, aussi, du point de vue de l’utilisation de nos forces de l’ordre sur le terrain.
Cette disposition me paraît donc être un progrès.
Quant à l’article 2, il vise à préciser le délit d’occupation de halls d’immeubles et notamment à aggraver les sanctions. J’ai entendu, madame la présidente, qu’il s’agissait d’envoyer un signal. C’est toujours utile ! Mais ce qui est plus utile encore, c’est l’efficacité du signal.
En pratique, sur le terrain, la difficulté, s’agissant de ce type de délits, a jusqu’ici toujours résidé dans la caractérisation de l’infraction par ceux qui sont en charge d’y procéder.
Ce texte permet d’améliorer les choses, puisqu’il va, en la matière, dans le sens d’une plus grande précision. Pourquoi l’ancien texte n’avait-il donné lieu qu’à très peu de poursuites ? C’est justement l’impossibilité de caractériser l’infraction qui était en cause.
Cette disposition nous paraît donc utile elle aussi ; elle est assortie de peines complémentaires qui, dans certains cas, peuvent correspondre à un réel besoin : lorsque le délinquant est bien identifié, l’empêcher de revenir sur les lieux pendant plusieurs années paraît une peine complémentaire adaptée, sachant que cette peine ne serait pas obligatoire, mais à disposition du juge. Là encore, une telle mesure nous semble une bonne chose.
Reste, bien sûr, la question de la rétroactivité de la clause de résiliation de plein droit. Ayant toujours été, d’un point de vue tant juridique que politique, un grand défenseur de la non-rétroactivité, je pense malgré tout que, dans certains cas, il faut réussir à trouver un équilibre, c’est-à-dire, tout simplement, à utiliser le bon sens. En l’espèce, je pense que cet objectif est atteint.
Un mot sur les amendements déposés par le sénateur et ancien ministre Alain Richard et par le sénateur Jean-Pierre Grand. Bien sûr, notre groupe les soutiendra – qu’il soit nécessaire, par exemple, de permettre aux huissiers d’accéder aux lieux me paraît une évidence, sachant que d’autres peuvent y entrer en toute légalité. Une telle mesure sera utile, y compris pour certaines personnes qui, menacées de procédures, ne le savent souvent même pas, parce que les modalités de délivrance des actes posent problème.
Voilà les raisons pour lesquelles le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre discussion porte sur les articles 91 et 121 de la loi ÉLAN, qui ont, donc, déjà été adoptés, mais qui ont été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, celui-ci estimant qu’ils n’avaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial.
Au vu de l’importance de ces dispositions, qui ont « vocation à contribuer au bien vivre ensemble et à la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires », je voudrais saluer l’initiative prise par la présidente de la commission des affaires économiques en déposant cette proposition de loi, dont les objectifs sont consensuels, sans attendre le dépôt d’un nouveau véhicule législatif en matière de logement. Je souscris pleinement aux deux articles de ce texte, que j’ai d’ailleurs cosigné, avec plusieurs membres du groupe Union Centriste.
Ce texte est important, car il met en avant deux problématiques essentielles de notre pacte social, à savoir, d’une part, la place de l’État, garant des droits et libertés, sur tous les territoires de la République, et, d’autre part, le vivre ensemble et le respect sur lesquels repose le bien-fondé dudit pacte.
Si ce texte interroge néanmoins, ce n’est pas tant du point de vue de son bien-fondé que de celui de la situation à laquelle, dans certains endroits, nous en sommes arrivés ; il interpelle également quant aux moyens à mettre en œuvre pour la réussite de cette ambition du « vivre ensemble, vivre en grand ».
J’évoquerai d’abord la place de l’État, et notamment des forces de l’ordre, sur tous les territoires de la République.
Avec ce texte, et notamment son article 1er, c’est la place des forces de l’ordre, donc la place de l’État, qui est mise en avant. Cet article prévoit en effet un accès permanent des forces de l’ordre aux parties communes des bâtiments du parc social ; il sera répondu à la demande des bailleurs sociaux, car les outils mis à leur disposition ne sont pas toujours satisfaisants pour maintenir de façon pérenne la tranquillité d’un immeuble.
Ainsi, l’article 1er donne une autorisation permanente à la police nationale, à la gendarmerie et à la police municipale de pénétrer dans les halls d’immeubles détenus par les bailleurs sociaux. Cette disposition existe déjà actuellement, mais son application est conditionnée à une demande de renouvellement des autorisations d’accès tous les six mois, ce qui, sans rendre le dispositif inopérant, le rend pour le moins complexe à mettre en œuvre, nécessitant régulièrement une nouvelle délibération de l’office.
Nous simplifions donc la procédure actuelle en posant le principe selon lequel les organismes d’HLM accordent aux forces de l’ordre une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.
Des exemples, trop nombreux, ont été rappelés en commission pour évoquer l’absence de sécurité dans certains quartiers délaissés, non par manque de volonté, mais souvent par manque de moyens. Malgré la volonté des professionnels d’assurer la sécurité des populations, certaines zones de non-droit existent sur le territoire de notre République.
Or cet article 1er, s’il facilite évidemment la mise en œuvre des outils existants, en permettant la présence de forces de l’ordre dans les parties communes d’immeubles, ne répond pas pour autant à ce manque de moyens dédiés à la prévention de la délinquance par les professionnels de proximité. Il ne résoudra donc pas toutes les situations décrites au fil de nombreux exemples qui voient les policiers, en sous-effectif, cantonnés au commissariat en soirée.
Néanmoins, ces dispositions ont une véritable utilité pour la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires, et sont très attendues par les bailleurs.
Dans le rapport que j’ai corédigé avec Annie Guillemot, et que celle-ci évoquait précédemment, sur l’évaluation de la loi Lamy, nous avions soulevé ces lacunes « présentielles » et évoqué la nécessité de la prise en compte globale de la situation. Nous proposions notamment de systématiser le recours au gardiennage, ainsi qu’à la médiation, pour agir en amont, et de donner à la politique de prévention les moyens d’être efficace. Tous les outils qui peuvent être mis en place pour la lutte contre les incivilités et les actions en faveur de la tranquillité publique doivent s’accompagner d’une réponse judiciaire rapide. Je défends l’idée d’un équilibre entre prévention, actions éducatives et effectivité des sanctions en cas d’infraction.
Ces éléments déjà évoqués au Sénat depuis plusieurs années corroborent assez nettement la nécessité d’une continuité présentielle et physique et l’importance de cet article 1er.
Les pouvoirs publics doivent donner aux services de police et de justice les moyens d’amplifier leurs efforts pour assurer la tranquillité des habitants dans les quartiers, mais les bailleurs ont également un rôle à jouer en la matière. Les bailleurs dont les locaux remplissent certaines conditions doivent en effet, en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité publique, prendre des mesures permettant d’assurer le gardiennage ou la surveillance afin « d’éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux ».
Les bailleurs peuvent également recourir, en complément, à des agents de prévention et de médiation, ou à des correspondants de nuit. Ces mesures, complétées par celles que nous allons voter aujourd’hui, me semblent procéder d’une dynamique collective, susceptible de proposer un cadre global, de la prévention à l’effectivité de la réponse des forces de l’ordre et de la justice.
L’article 2 de ce texte a également toute son importance, car il a vocation à contribuer au bien vivre et, là encore, à la préservation de la tranquillité des résidents.
Cet article modifie le délit d’occupation de halls d’immeuble, créé en 2001 et complété en 2003. Devant la difficulté d’établir la preuve des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le fait d’empêcher délibérément la libre circulation des résidents ou l’accès aux dispositifs de sécurité, ces dispositions sont aujourd’hui jugées inefficaces et inapplicables.
Ainsi, l’article 2 vient compléter l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation avec un nouveau cas d’occupation abusive des parties communes d’immeubles, en incluant la nuisance à la tranquillité des lieux, et en aggravant les peines lorsque le délit d’occupation abusive est commis avec voies de fait et menaces.
Par ailleurs, cet article prévoit la résiliation automatique du bail en cas de condamnation pour trafic de drogue, et l’application rétroactive d’une clause permettant de résilier le bail automatiquement en cas de condamnation pour troubles de voisinage.
Ces mesures vont dans le bon sens, et nous devrions, à notre niveau, mener une réflexion en vue de les étendre au parc privé – cette question a d’ailleurs été évoquée en commission. Cette réflexion pourrait s’inscrire dans le cadre plus général du traitement des copropriétés dégradées – ce sujet-là mérite aussi, évidemment, d’être pris en considération.
Lors de nos déplacements, en 2017, nous avons été frappées, avec Annie Guillemot, de constater combien la question de la tranquillité était prégnante et récurrente pour les habitants des quartiers, partout où nous sommes passées, au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest : il s’agissait vraiment d’un sujet absolument récurrent.
Je souhaite, à ce titre, mentionner la proposition de loi qui nous avait été présentée par notre collègue Vincent Delahaye concernant les rodéos sauvages, texte désormais en vigueur, depuis l’été dernier. Ce texte vient lui aussi compléter l’ensemble des dispositifs existants ; il était très attendu dans les quartiers.
Si l’Assemblée nationale nous suit et adopte rapidement cette proposition de loi, ces dispositifs pourront enfin être inscrits dans la loi, après plusieurs tentatives – le Parlement avait déjà travaillé sur ce sujet et adopté des mesures quasi identiques dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Nous abordons, je l’espère, l’acte final qui permettra la mise en œuvre de ces mesures utiles et attendues.
Le groupe Union Centriste appelle de ses vœux la mise en œuvre effective de ces dispositions, accompagnée de la mobilisation de moyens supplémentaires et d’une vision globale susceptible de donner sens à l’ambition du « vivre ensemble, vivre en grand » ; car c’est bien par une approche globale – nous l’avons dit, toutes et tous, de façon insistante – que nous réussirons à donner à des quartiers qui, aujourd’hui, manquent parfois de sérénité la capacité à retrouver une cohésion et une vie agréable.
Nous voterons donc ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques années, à Toulouse, dans le quartier des Izards, des trafiquants de drogue prenaient possession des halls de certains immeubles, affichant les prix de leur commerce sur les murs, filtrant les allées et venues, imposant leurs lois et allant jusqu’à menacer les habitants en cas de plaintes aux forces de l’ordre. Même situation à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne : il y a quelques semaines seulement, la police de sécurité du quotidien a interpellé deux hommes pour occupation illégale de parties communes.
Faute de présence régalienne, les lois de République semblent s’arrêter aux portes de certains immeubles ; elles y sont remplacées par les diktats de délinquants et de leurs économies souterraines.
La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure et la loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance prévoient une peine de deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende en cas de condamnation pour occupation illégale de parties communes et de halls. Cette peine est portée à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende si l’infraction s’accompagne de voies de fait ou de menaces.
Cependant, ces mesures se révèlent inapplicables. En l’état actuel du droit, les forces de l’ordre ne peuvent intervenir qu’après dépôt de plainte, si l’occupation entrave l’accès et la libre circulation des locataires ou empêche le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté. Par ailleurs, les sanctions s’appliquent uniquement en cas d’entrave manifeste à la libre circulation des personnes. Aussi sont-elles difficiles à caractériser et inapplicables.
Les deux articles de la présente proposition de loi sont complémentaires.
L’article 1er, correspondant à l’article 91 de la loi ÉLAN, prévoit une autorisation permanente d’accès de la police nationale et de la gendarmerie nationale aux parties communes des immeubles des organismes d’HLM.
L’article 2, correspondant à l’article 121 de la loi ÉLAN, renforce les sanctions en matière d’occupation des espaces communs des immeubles et autorise la résiliation du bail en cas de condamnation du locataire pour trafic de stupéfiants. Pour faciliter l’application de ces sanctions, l’article prévoit d’élargir le délit aux occupations collectives qui ont pour effet « de nuire à la tranquillité des lieux ».
Nous avons déjà adopté ces dispositions à l’occasion de l’examen au Sénat du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Vous l’avez rappelé, madame la présidente de la commission : elles figuraient parmi les dix-neuf « cavaliers législatifs » censurés par le Conseil constitutionnel. Qu’à cela ne tienne ! Le groupe Les Indépendants soutiendrait une troisième fois cette initiative, s’il le fallait. Les zones de non-droit n’ont pas leur place au pays des droits de l’homme.
Pour renforcer ce dispositif, nous défendrons un amendement visant à étendre le délit d’occupation illégale de parties communes aux occupations individuelles ayant pour effet de nuire à la tranquillité des lieux. Le droit actuel prévoit l’intervention des forces de l’ordre uniquement en cas de nuisance « de groupe » – d’où l’expression « en réunion ». Aussi des trafiquants opérant individuellement ne sont-ils pas touchés par la législation en vigueur.
La criminalité organisée représente plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, selon le dernier rapport de la police judiciaire. Plus de la moitié concerne le trafic de stupéfiants. La mise en œuvre des quartiers de reconquête républicaine et le lancement de la police de sécurité du quotidien vont contribuer, nous l’espérons, à démanteler ces réseaux et à rétablir l’ordre et la tranquillité sur l’ensemble des territoires de la République.
Pour améliorer les conditions d’exercice des forces de police, nous attendons également, monsieur le ministre, la publication du décret d’application de la loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, promulguée le 3 août 2018. Auriez-vous des précisions à nous apporter sur la publication de ce décret ?
Monsieur le ministre, nous savons que la répression ne peut être l’unique réponse à la criminalité. Pour reprendre les mots du préfet Christian Lambert, ancien patron du RAID, « la misère est le meilleur terreau pour la délinquance ». Ces mesures répressives n’auront aucune portée à long terme si elles ne s’accompagnent pas de mesures préventives destinées à trouver des réponses à la fragmentation de notre société, à la montée des communautarismes, au décrochage scolaire et au chômage de masse.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais je défendrai avec conviction mon amendement visant à rappeler que le critère numérique n’est pas recevable : une personne seule peut être plus agressive et violente que des personnes en réunion – j’y reviendrai.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons dans cette assemblée pour reprendre et réintroduire dans l’arsenal législatif deux articles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, adoptée en septembre dernier.
Mme la rapporteur l’a rappelé : plusieurs articles de cette loi ont été considérés par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers législatifs. Pourtant, la majorité de ces articles sont le fruit d’un consensus, sur nos travées, entre nos différents groupes, et entre les deux chambres du Parlement.
Je salue donc l’initiative de notre collègue, la présidente Sophie Primas, qui a souhaité réintroduire deux dispositifs dans l’arsenal législatif : ceux concernant l’occupation des halls d’immeubles sociaux et la résiliation de bail.
Bien au-delà des clivages partisans, ces deux mesures répondent à l’objectif de protéger les locataires, et notamment, parmi eux, des populations fragiles. Elles répondent aussi aux attentes des bailleurs.
Sur quoi portaient ces deux articles ?
Le premier, qui avait été introduit par nos collègues députés, vise à permettre aux forces de l’ordre d’avoir un accès permanent aux parties communes des immeubles appartenant aux bailleurs sociaux.
On mesure aisément l’intérêt de cette mesure quand on sait que certains halls d’immeubles ou parties communes de ces logements collectifs sont considérés par des bandes de jeunes, ou moins jeunes, comme leur espace exclusif, voire privatif.
Nous savons – et, je crois utile de le souligner, ceci n’arrive pas que dans les grandes villes et dans les cités – que ces lieux peuvent devenir rapidement des plaques tournantes d’économie parallèle et de trafics en tout genre, où le passage des habitants de l’immeuble n’est parfois qu’à peine toléré.
Nous avons pour devoir de garantir partout le respect et la tranquillité de nos concitoyens ; à ce titre, il apparaît essentiel que les détenteurs de l’autorité publique puissent accéder aisément à ces lieux sans que leur action puisse être freinée ou entachée d’illégalité.
Il est de notre responsabilité de protéger les plus vulnérables d’entre nous et de faire en sorte que n’existe aucune zone de non-droit, y compris dans ces espaces qui permettent, dans les logements collectifs et sociaux, d’accéder au domicile.
L’article 2 de cette proposition de loi réintroduit le dispositif de l’article 121 de la loi ÉLAN et s’inscrit en parallèle de l’article 1er, puisqu’il modifie le délit d’occupation des halls d’immeubles.
En effet, l’occupation illicite de parties communes a pour conséquence directe de nuire à la tranquillité des lieux.
Cet article aggrave les peines encourues lorsque ce délit est accompagné de voies de fait et de menaces, en le sanctionnant d’un an d’emprisonnement. Il instaure une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans certains lieux où l’infraction a été commise.
Cet article comporte un deuxième volet, et ceux qui ont été maires savent que cela peut être utile : il étend à l’ensemble des contrats de location en cours l’application d’une clause permettant la résiliation du bail de plein droit pour un motif résultant de troubles de voisinage constatés par décision de justice. Cette mesure avait été introduite ici même, au Sénat, en commission.
Au terme de ces quelques rappels, je souhaite dire que ces mesures sont aujourd’hui essentielles dans des quartiers souvent difficiles. Elles devront être accompagnées d’autres mesures rendant possible leur application – en particulier, le déploiement de la police de sécurité du quotidien doit être l’une des réponses aux problématiques que nous venons de soulever.
Pour ma première discussion générale au sein de cet hémicycle, je suis ravi de vous dire que le groupe La République En Marche votera ce texte. Nous espérons qu’il sera rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin d’améliorer le bien vivre ensemble. Notre groupe soutiendra et votera également les amendements portés par nos collègues Jean-Pierre Grand et Alain Richard.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre pays affronte une crise sociale liée au mal-vivre et à l’accroissement des inégalités dénoncés par le mouvement des « gilets jaunes » et par toutes celles et tous ceux qui luttent dans ce pays, le Sénat a jugé urgent d’étudier ce texte.
Nous pensons que les urgences écologiques, sociales et industrielles sont autrement plus fortes, et qu’elles devraient nous emmener sur un tout autre terrain législatif pour donner de l’espoir aux quartiers populaires et à leurs habitants.
Nous devrions, à notre sens, consacrer du temps à débattre d’un nouveau contrat social, reposant sur trois piliers : une république sociale, une république écologique…
… et une démocratie nouvelle.
Mon collègue veut parler ; nous débattrons tout à l’heure.
Mais, puisque ce texte nous est présenté, étudions-le.
Pour comprendre sa logique, il faut se souvenir que c’est la loi du 15 novembre 2001 qui, complétée par la loi de 2003 sur la sécurité intérieure, a donné naissance à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation qui est ici visé : des lois d’essence ultra-sécuritaire, contre lesquelles notre groupe s’était battu sans relâche, considérant qu’elles seraient inefficaces, car elles traitaient une conséquence sans s’attaquer aux causes.
Ces lois étaient présentées comme la solution miracle contre le squat des halls d’immeubles. Dix-sept ans plus tard, force est de constater que rien n’a bougé. Ceci s’explique par le caractère strict des conditions de caractérisation du délit d’occupation illicite, qui le rendent difficile à prouver, mais également par le fait que rien n’a été fait pour traiter le mal à la racine.
Les politiques libérales ont continué de confronter les habitants de ces quartiers au chômage et au déclassement.
M. Philippe Pemezec ironise.
Soyons clairs : nous trouvons inadmissible que rentrer chez soi devienne une crainte permanente et que l’occupation des halls rende la vie des habitantes et des habitants insupportable.
En outre, ces faits se déroulent souvent dans un contexte qui est celui d’immeubles délabrés, de services publics supprimés ou rabotés, de commerces qui ont déserté, autant d’éléments traduisant un abandon de l’État et un recul de la République, nourrissant le désespoir des habitants et particulièrement des jeunes, qui se pensent sans avenir et sans horizon. Ceci est inacceptable et invivable pour des millions de nos concitoyens !
Mais comment ferez-vous constater ces délits, mes chers collègues, sachant que la police ne se rend plus dans certains quartiers, car les effectifs manquent, ou que les policiers, souvent sans expérience, ont la peur au ventre en se rendant au travail ? Une question, monsieur le ministre : qu’en est-il de la police de sécurité du quotidien, annoncée à grands coups de campagne médiatique, mais que les habitants et les élus, sur le terrain, attendent toujours ?
Ce dont ont prioritairement besoin ces quartiers – l’appel de Grigny, lancé sur l’initiative de mon ami Philippe Rio, et le plan Borloo, que vous avez jeté aux oubliettes, l’ont mis en lumière –, ce n’est pas d’un durcissement de la loi pénale, mais du retour de l’État pour assurer une chose : l’égalité républicaine.
Il faut des moyens pour les politiques de prévention et de rénovation urbaine ! Il faut de véritables moyens pour la police et la justice, afin d’assurer la sécurité et de lutter efficacement contre les trafics ! Il est nécessaire de rétablir, comme nous le proposions, une police de proximité au contact des habitants renouant le lien avec les jeunes. Nous avions déposé un amendement en ce sens ; mais il a été déclaré irrecevable, à notre grand regret.
Nous ne sommes pas hostiles à l’idée, visée à l’article 1er, d’accorder à la police une autorisation permanente d’entrer dans les parties communes ; c’est une demande du secteur HLM.
En revanche, nous sommes contre l’article 2. Il est inopportun de renforcer ce qui s’est révélé inutile et inefficace. Au demeurant, compte tenu de la formulation choisie, « atteinte à la tranquillité publique », le fait restera tout aussi difficile à démontrer. Par ailleurs, notre législation contient déjà des dispositions pour sanctionner de telles atteintes.
Il n’est pas non plus besoin d’en rajouter avec des peines de prison et des amendes doublées ! Un tel alourdissement de la sanction pénale est inadapté au public visé. La solution répressive, plus rapide et plus visible, se révèle impuissante si elle ne s’accompagne pas d’une dimension éducative. Elle risque même d’aggraver les phénomènes de délinquance.
Nous estimons donc qu’il convient de renforcer et de développer des partenariats entre l’éducation nationale, les élus, les professionnels de terrain et les bailleurs sociaux.
J’en viens aux clauses résolutoires au sein des baux HLM. L’état actuel du droit permet déjà aux bailleurs d’expulser les locataires pour un tel motif. À nos yeux, rendre obligatoire cette clause seulement pour le secteur HLM crée une iniquité inacceptable entre le parc social et le parc privé.
Il en est de même pour la disposition permettant de rompre le bail des personnes dont les enfants auraient été condamnés pour trafic de stupéfiants. Quelle est la sanction pour les locataires du secteur privé ? Voilà encore une inégalité insupportable ! Cela rappelle la disposition législative de 2003 qui prévoyait de couper les allocations aux familles des adolescents délinquants.
Remarquez, le ministre de l’éducation nationale veut maintenant de couper les allocations des parents d’enfants violents. Décidément, chez les libéraux de tout poil, le « tout sécuritaire » est une obsession ! Comment penser que l’on réglera le problème en mettant des familles un peu plus la tête sous l’eau, alors qu’elles cumulent déjà bon nombre de difficultés ?
Je forme le vœu que l’on cesse de faire de l’ultra-sécuritaire un dogme ; dans la vie réelle, cela ne résout rien !
M. Philippe Pemezec s ’ esclaffe.
Attelons-nous plutôt à changer véritablement la vie dans les quartiers populaires. Ce serait, me semble-t-il, un grand pas en faveur des habitantes et des habitants.
Pour les raisons que j’ai indiquées, nous nous opposerons à ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, qui reprend à l’identique les articles 91 et 121 de la loi ÉLAN.
Ces deux articles ont en effet été déclarés inconstitutionnels. Dans sa décision rendue le 15 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions n’avaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial. C’est donc non pas le fond, mais le choix du texte support qui a été censuré par le juge constitutionnel.
Les débats ayant déjà eu lieu et un consensus ayant été trouvé, il est important d’inscrire ces dispositions dans le code de la construction et de l’habitation.
Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi reprend à l’identique les dispositions de l’article 91 du projet de loi ÉLAN. Il vise à obliger les organismes HLM à accorder à la police, à la gendarmerie nationale, voire, le cas échéant, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.
À ce jour, l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation offre la faculté aux propriétaires et exploitants d’immeubles à usage d’habitation d’accorder à la police et à la gendarmerie nationales, voire, le cas échéant, à la police municipale, une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles. En l’état du droit, il s’agit donc d’une simple faculté, et non d’une obligation. De sorte que si les forces de police peuvent déjà intervenir, cela suppose toutefois que les bailleurs sociaux leur en aient expressément donné l’autorisation.
Afin, d’une part, de préserver la tranquillité dans les immeubles d’habitation à loyer modéré et la sécurité, et, d’autre part, de simplifier le travail des bailleurs sociaux et des forces de police, l’article 1er de la proposition de loi généralise ce principe en donnant une autorisation permanente aux forces de l’ordre de pénétrer dans les parties communes.
Dorénavant, il n’y aura donc plus besoin d’une autorisation des bailleurs. Les forces de police pourront intervenir et rétablir l’ordre.
Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, avec un avis favorable du Gouvernement, cette disposition a été votée sans modification par le Sénat. Simplifiant le droit existant en autorisant les forces de l’ordre à pénétrer sans avoir à solliciter au préalable les bailleurs sociaux, elle va assurément dans le bon sens.
L’article 2 de la proposition de loi reprend à l’identique l’article 121 du projet de loi ÉLAN. Son objet est double.
D’une part, il modifie l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, relatif à l’infraction d’occupation illicite en réunion des espaces communs d’immeuble. Il élargit le champ de l’infraction aux nuisances à la tranquillité des lieux et porte la peine applicable à l’infraction de voies de fait ou de menace de six mois à un an d’emprisonnement.
D’autre part, il ajoute une peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans les lieux dans lesquels l’infraction a été commise.
Si de telles modifications vont également assurément dans le bon sens, la question de leur application se posera. Nous le savons, très peu de poursuites sont engagées sur le fondement de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, et très peu débouchent ensuite sur des condamnations, parce qu’il est extrêmement difficile de caractériser l’infraction.
Sur ce point, nous espérons que la référence nouvelle aux nuisances à la tranquillité des lieux permettra de faire évoluer les choses et que le parquet saura se saisir de cette possibilité.
Il faudra également réfléchir à généraliser la vidéosurveillance dans les halls des immeubles, avec transmission en temps réel des images aux forces de l’ordre, comme cela est déjà prévu à l’article L. 123-6 du code de la construction et de l’habitation.
Ancien maire de Tours, j’ai pu constater que la vidéosurveillance était dissuasive et que les locataires des organismes d’habitation à loyer modéré y étaient favorables. Le bailleur social Val Touraine Habitat a ainsi conclu un protocole de coopération avec le procureur de la République, la direction de la sécurité publique et le groupement de gendarmerie départementale. Ce partenariat institutionnalisé a permis d’apporter des solutions concrètes et rapides aux troubles de voisinage. La mise en place de ce système est précédée d’une consultation auprès des habitants de l’immeuble, ce qui permet de s’assurer de leur soutien. Et les résultats sont là !
L’article 121 du projet de loi ÉLAN, repris à l’article 2 de la présente proposition de loi, modifie également la loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs, afin de permettre aux propriétaires de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent leurs locaux.
Comme vous le savez déjà certainement, tout acte dommageable, comme un trouble de voisinage, permet l’engagement de la responsabilité de son auteur par une action en dommages et intérêts.
Une telle action en responsabilité peut également être conduite contre le propriétaire s’il est avéré que celui-ci néglige de rappeler ses obligations à son locataire. Par ailleurs, le trouble de voisinage peut également donner lieu à la mise en œuvre d’une procédure pénale.
Ainsi, le voisin, quel que soit son statut, d’une personne troublant la tranquillité de l’immeuble peut tout à fait légitimement intenter une action contre le fauteur de trouble ou son propriétaire peu zélé.
Afin d’offrir au bailleur un moyen nouveau de faire cesser le trouble, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a autorisé la présence dans un bail d’une clause résolutoire en cas de troubles de voisinage ayant fait l’objet d’une décision de justice. En application de cette loi, lorsque le contrat de bail comporte une telle clause, le bail peut être résolu de plein droit en cas de troubles de voisinage. Le juge n’a alors aucun pouvoir d’appréciation ; il se borne à constater l’acquisition de la clause.
Introduit par la voie d’un amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, la deuxième partie de l’article 121 du projet de loi ÉLAN modifiait l’article 6-1 de la loi de 1989 précitée, afin de prévoir que cette clause résolutoire de plein droit du contrat est réputée écrite dès la conclusion du contrat. Cette clause résolutoire s’appliquera donc aux contrats conclus avant l’intervention de la loi de 2007.
Enfin, l’article 121 modifiait l’article 6-1, afin d’assimiler à un trouble de voisinage justifiant la résolution de plein droit du contrat de bail la condamnation passée en force de chose jugée pour trafic de stupéfiants. Il s’agit de donner la possibilité au bailleur de résilier le contrat en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants ou de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.
Dans la mesure où le bailleur est responsable civilement et pénalement du comportement de son locataire, il doit pouvoir légalement éloigner le locataire qui adopte un comportement répréhensible.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.
M. Philippe Pemezec m’a fait savoir qu’il renonçait à son temps de parole ; je l’en remercie.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Non modifié)
Le titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est complété par un chapitre X ainsi rédigé :
« CHAPITRE X
« Dispositions applicables aux immeubles sociaux
« Art. L. 12 -10 -1. – Les organismes d’habitations à loyer modéré accordent à la police nationale et à la gendarmerie nationale ainsi que, le cas échéant, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles. »
Je ne voudrais pas que les votes de notre groupe sur les articles et l’ensemble de la proposition de loi fassent l’objet de mauvaises interprétations.
Ainsi que je l’avais indiqué en commission, garantir la sécurité pour toutes et tous est aujourd’hui une impérieuse nécessité pour la République. Comme mon collègue Fabien Gay l’a souligné, quels que soient les conditions sociales ou le lieu de vie, tout le monde doit pouvoir rentrer sereinement à la maison et y vivre au quotidien en toute tranquillité.
Il appartient à l’État – je vous interpelle sur ce point, monsieur le ministre – de mettre tous les moyens en œuvre pour assurer et garantir la sécurité ou la tranquillité publiques : peu importe le terme utilisé en fonction de nos préférences idéologiques.
Nous le savons, il y a parfois besoin de faire évoluer le dispositif législatif pour permettre aux forces de l’ordre d’accéder à un certain nombre de lieux dans lesquels elles ne peuvent pas entrer aujourd’hui. Mais faisons-le sans hypocrisie ou démagogie ! Le problème va bien au-delà de cette seule autorisation. Pour des raisons diverses, les forces de l’ordre n’accèdent plus aujourd’hui à certains lieux. Il convient donc de ramener la République et la sécurité, qui est l’une des missions régaliennes de l’État, dans l’ensemble des territoires. Au demeurant, les femmes et les hommes concernés n’ont bien souvent pas choisi leur lieu d’habitation, mais s’y retrouvent en fonction des aléas de l’existence.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous apportiez des réponses quant aux mesures qui seront prises pour rendre effectif le dispositif mis en place à l’article 1er. Comme nous l’avons dit, nous ne nous opposerons pas à l’adoption de cet article.
L ’ article 1 er est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « sûreté », sont insérés les mots : « ou en nuisant à la tranquillité des lieux » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
3° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et une interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise ».
II. – L’article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire résultant de troubles de voisinage constatés par décision de justice passée en force de chose jugée est réputée écrite dès la conclusion du contrat.
« Sont assimilés aux troubles de voisinage les infractions prévues à la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal concernant des faits qui se sont produits dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles. Le contrat de location est résilié de plein droit, à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale a fait l’objet d’une condamnation passée en force de chose jugée au titre de l’une de ces infractions, en qualité d’auteur ou de complice, pour des faits commis postérieurement à la conclusion du contrat de bail. »
III. – Le II du présent article est applicable aux résiliations justifiées par des faits commis postérieurement à la publication de la présente loi.
Nous avions déposé un amendement sur cet article, mais il a été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution. Il concernait la police de sécurité du quotidien.
Nous voterons contre l’article 2. Nous pensons qu’un tel dispositif ne réglera rien sur le fond.
Ainsi que je l’ai indiqué dans la discussion générale, et ma collègue Cécile Cukierman vient de le rappeler, la République a déserté un certain nombre de nos quartiers populaires. Et vous voulez faire croire aux habitantes et aux habitants de ces quartiers que nous allons régler leurs problèmes avec une telle mesure ?
En réalité, pour que des faits soient constatés, il faut que la police soit présente. Or, dans mon département, la Seine-Saint-Denis, nous avons, selon un rapport parlementaire que vous connaissez bien, monsieur le ministre – il émane d’un député La République En Marche et d’un député Les Républicains –, trois fois moins de policiers et de juges qu’ailleurs.
Pour constater les faits, c’est long. Il s’agit de descentes de police qui mobilisent beaucoup de monde. Or les forces de sécurité de nos commissariats nous disent n’avoir même pas les moyens d’assurer une seule patrouille la nuit faute d’effectifs suffisants. Et, de toute manière, nos tribunaux sont engorgés !
Nous avions donc déposé un amendement d’appel sur la police de sécurité du quotidien. Il est anormal que, dans mon département, seule la commune d’Aulnay-sous-Bois ait été retenue. Beaucoup d’autres communes exigent la même chose. Dans ces territoires, la République est défaillante.
Nous étions d’accord en commission. Outre le volet sécurité, il y a aussi un volet éducation, voire éducation populaire. Nous devons agir sur tout cela pour changer le quotidien des gens et faire reculer les trafics. La République doit reprendre sa place.
Nous ne pourrons pas défendre notre amendement, mais je souhaite que M. le ministre nous apporte des éléments sur la police de sécurité du quotidien.
Monsieur Gay, je partage vos propos. Je me déplace souvent dans nos territoires ; beaucoup ont un sentiment très clair d’abandon par la République.
Comment voulez-vous qu’une femme seule à la tête d’une famille monoparentale puisse sereinement chercher un travail quand il n’y a dans son quartier ni médecin ni pédiatre, hormis peut-être la protection maternelle et infantile, la PMI, qui envoie quelqu’un la moitié d’un après-midi par semaine ? Là, ce n’est pas le responsable politique qui vous parle ; c’est le père de famille.
Ce que je dis pour la santé vaut aussi pour les transports. Je vous renvoie au débat que nous avions pour accélérer le déploiement de la mobilité. Nous savons combien la situation est compliquée en Seine-Saint-Denis. Je me suis rendu à de multiples reprises à Clichy-sous-Bois.
À Montfermeil aussi ! Les déplacements prennent un temps considérable.
L’arrivée du tram cette année va considérablement changer la donne. Et il y aura le métro du Grand Paris.
Non seulement je m’y engage, mais le Président de la République l’a confirmé.
La politique du Gouvernement repose sur deux piliers.
Le premier consiste en ce que le ministre de l’intérieur appelle la « reconquête républicaine ». C’est nécessaire : la première des libertés, c’est la sécurité. Contrairement à ce que d’aucuns écrivent, ce sont d’abord les habitants des quartiers qui pâtissent de l’insécurité.
Cette reconquête républicaine passe par un certain nombre de dispositifs, dont la police de sécurité du quotidien.
M. Julien Denormandie, ministre. Le fait que vous regrettiez de ne pas l’avoir dans plus d’endroits prouve que vous êtes satisfait de la démarche.
M. Fabien Gay s ’ esclaffe.
Voilà quelques semaines, j’étais avec le ministre de l’intérieur à Garges-lès-Gonesse, où un enfant de douze ans s’est fait tabasser par des enfants du même âge. Nous avons rencontré des associations qui font un boulot formidable pour essayer d’accompagner les familles meurtries par ce drame. À Garges-lès-Gonesse, nous venons de mettre en place la politique de sécurité du quotidien, qui a permis de créer des liens entre le rectorat, l’école, les conseils citoyens et la police.
Le dispositif passerelle vise à faire en sorte qu’une relation de confiance entre les uns et les autres puisse se rétablir. Cela ne se fera pas du jour au lendemain ; cela prendra du temps. Mais c’est ce sur quoi il faut avancer.
Pour la police de sécurité du quotidien, quinze quartiers ont été retenus l’année dernière, …
… et il y en aura quinze nouveaux cette année, avec 1 300 personnels de police et de gendarmerie supplémentaires.
Est-ce suffisant ? Faut-il aller plus vite ? Encore une fois, la première des libertés, c’est la sécurité. Tous les efforts doivent être faits en ce sens.
J’en viens au deuxième pilier, sur lequel je souhaite insister : à propos des quartiers, on parle souvent de la « reconquête républicaine ». Mais, avec Jacques Mézard hier comme avec Jacqueline Gourault aujourd’hui, notre politique est celle de la « réussite républicaine ».
Quand un jeune issu d’un quartier ayant fait des efforts pour accéder par exemple à des études supérieures, ayant peut-être obligé sa famille à consentir des sacrifices pour lui, voire ayant bénéficié d’un soutien de la République, a deux fois et demie moins de chances qu’un autre enfant d’accéder à un emploi juste à cause de l’adresse en haut à gauche de son curriculum vitae, c’est une faillite colossale !
Mme Cécile Cukierman acquiesce.
Notre responsabilité collective est de mener une politique de réussite républicaine, de donner à notre jeunesse des quartiers l’espoir – je pense que le mot est important – de lutter et d’élargir son réseau.
Concrètement, il faut prendre toutes les étapes de la vie. Par exemple, nous avons renforcé, dans le plan Pauvreté, la crèche dans les quartiers. Il peut également y avoir d’autres dispositifs pour les moins de trois ans.
L’éducation nationale a également pris des mesures : le dédoublement des classes a été salué par tous.
C’est à partir du stage de troisième que la politique devient discriminante pour nos jeunes des quartiers. Les élèves de troisième de ces quartiers nous disent eux-mêmes qu’ils ne trouvent de stages que dans ces quartiers. C’est la raison pour laquelle Jean-Michel Blanquer et moi-même avons créé la plateforme www.monstagedetroisieme.fr, qui offre 25 000 stages aux jeunes des quartiers REP+.
Nous avons dédié 2 milliards d’euros à la formation des jeunes des quartiers.
Nous luttons contre la discrimination à l’embauche. En ce moment, concernant les cent vingt plus grandes entreprises, j’ai lancé un testing, idée déjà mise en œuvre par le passé, pour déterminer si ces entreprises pratiquent ou non la discrimination à l’embauche. Si de telles pratiques ont lieu, il faut le faire savoir, afin que les choses évoluent.
Il faut aussi élargir le réseau. Pour ma part, je crois beaucoup à la notion de réseau en termes positifs. Aujourd’hui, pour certains jeunes, le réseau se limite aux bornes du quartier. Mais il est possible d’élargir ce réseau ; c’est ce que nous faisons.
Pour moi, il y a donc la reconquête républicaine et la réussite républicaine. Nous y consacrons, je puis vous l’assurer, beaucoup de temps, avec beaucoup de détermination.
Sur le discours, nous sommes d’accord ; maintenant, il faut y mettre les moyens !
L’amendement n° 5 rectifié nonies, présenté par MM. Decool, Malhuret et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, A. Marc, Capus, Wattebled, Chasseing, Laufoaulu et Bignon, Mme Noël, MM. Regnard et Cardoux, Mme N. Delattre, MM. Longeot et Le Nay, Mme Vermeillet, MM. Rapin et Panunzi, Mmes Micouleau et Guidez, M. Pellevat, Mme A.M. Bertrand, MM. Kern, Gabouty, Karoutchi, Bonne et B. Fournier, Mme Dumas, M. Louault, Mme Guillotin, M. Paccaud, Mme Berthet, MM. Laménie et Daubresse, Mmes de la Provôté et Lopez, MM. Revet et Cazabonne, Mme Garriaud-Maylam et M. Priou, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
alinéa,
insérer les mots :
les mots : « en réunion » sont supprimés et,
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Il s’agit d’un amendement de suppression, mais qui n’est pas en contradiction avec l’ensemble du texte.
Je propose de supprimer la notion trop restrictive d’occupation « en réunion » et d’étendre le délit d’occupation illégale des parties communes d’un immeuble à toute occupation par un groupe de personnes ou par une personne seule des espaces communs ayant pour effet de nuire à la tranquillité des lieux.
Je comprends mal le critère « en réunion », que je considère comme un critère numérique au sens premier du terme. Une personne seule peut nuire à la tranquillité des lieux, qu’il s’agisse des espaces communs ou des toits, puisque le texte évoque ces derniers. Un accès à un toit est suffisamment restreint pour qu’une seule personne puisse être un obstacle à la tranquillité des lieux.
À mes yeux, cet amendement, sur lequel j’insiste, va dans le même sens que la proposition de loi. Il s’agit simplement de clarifier une situation qui mérite de l’être dans un texte ayant une économie globale intéressante.
Mon cher collègue, vous souhaitez étendre le champ d’application du délit d’occupation des halls d’immeuble. Vous proposez de sanctionner comme délit le fait d’occuper seul ou à plusieurs les parties communes en empêchant délibérément l’accès des personnes ou en nuisant à la tranquillité des lieux.
Si nous vous suivions, le fait qu’un SDF occupe un hall d’immeuble pourrait désormais être sanctionné pénalement. Cela changerait considérablement, me semble-t-il, à la fois la philosophie de l’infraction et, surtout, ce que nous avons essayé de faire dans l’article 121 de la loi ÉLAN, devenu l’article 2 de la présente proposition de loi. L’important à nos yeux était de faciliter la sanction des occupations en réunion des parties communes.
Nous souhaitons véritablement que la proposition de loi puisse aller au bout de son cheminement législatif et être adoptée. En adoptant un tel amendement, nous reviendrions sur un dispositif validé par les députés et les sénateurs en commission mixte paritaire.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait évidemment défavorable.
Madame la rapporteur, j’ai bien entendu vos contraintes, que je qualifierais de « techniques ».
Mais je trouve regrettable qu’on ne puisse pas considérer la situation de la personne : ce n’est pas forcément une délinquante ; elle peut être en difficulté et avoir besoin d’un accompagnement. Nous ne savons pas quelle est l’attitude d’une personne dans un espace commun d’immeuble avant de l’avoir rencontrée et d’avoir échangé avec elle.
Mon amendement présente donc un double intérêt. D’une part, il y a l’aspect sécuritaire, même s’il ne s’agit pas d’être ultra-sécuritaire. D’autre part, il s’agit de considérer une personne fragilisée, qui a bien souvent besoin d’un accompagnement.
Mon cher collègue, j’entends bien vos propos : il faut effectivement aider une personne toute seule.
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans la proposition de loi ; en l’occurrence, nous parlons de poursuites pénales. C’est pour cela que la philosophie est différente.
M. Jean-Pierre Decool le conteste.
Je souhaite donc que notre Haute Assemblée suive l’avis de Mme la rapporteur.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 6, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis, M. Bourquin et Kanner, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Iacovelli, Tissot, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie Guillemot.
La clause résolutoire est nécessairement contractuelle. Nous souhaitons évoquer la rétroactivité.
Inscrire dans la loi que la clause résolutoire est réputée écrite dès la conclusion du contrat, c’est revenir sur la protection dont doivent bénéficier les contrats légalement conclus. Et compte tenu des conséquences irréversibles de l’application d’une clause résolutoire, c’est, selon nous, encourir un risque d’inconstitutionnalité.
Sans surprise – nous avons déjà débattu du sujet en commission –, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Nous entendons évidemment vos interrogations. Mais le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres. Le bail doit respecter un certain nombre de règles fixées par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui concerne les relations entre bailleurs et locataires.
Ces règles sont d’ordre public. Le contrat de bail s’apparente bien à une situation légale, ce qui permet d’appliquer une loi nouvelle aux contrats en cours.
Je vous rappelle également que nous avons voulu encadrer le dispositif à travers l’application de la clause, qui suppose bien une décision de justice constatant les troubles de voisinage. En outre, les résiliations doivent être justifiées par des faits commis après la publication de la présente loi, c’est-à-dire que le fait générateur est postérieur à la loi.
Ces éléments me semblent de nature à faire cesser les inquiétudes ou les interrogations qui vous ont conduits à présenter cet amendement. La commission vous invite donc à le retirer. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Le Gouvernement émet le même avis que Mme la rapporteur, pour les mêmes raisons.
Nous débattons d’un texte difficile, sur lequel nous essayons depuis des années de trouver une solution. Alors que nous étions parvenus à un accord, le Conseil constitutionnel, saisi, a considéré qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
En refusant cet amendement, madame la rapporteur, monsieur le ministre, je crains que le bailleur ne soit mis en situation d’appliquer une clause résolutoire et que des locataires, qui seront soutenus, refusent de partir en invoquant l’inconstitutionnalité, renvoyant l’affaire jusqu’à la Cour de cassation pour aboutir à une question préalable de constitutionnalité. En quoi aurons-nous rendu service au bailleur par cette rétroactivité, même si celle-ci ne s’applique pas à des faits antérieurs à la loi ?
Juridiquement, cette situation me paraît extrêmement dangereuse. Nous risquons de fragiliser un texte très compliqué à élaborer, qui fait l’objet de débats depuis une quinzaine d’années avec les élus locaux, plutôt que de le rendre efficace.
Notre collègue Jacques Bigot vient de reprendre des arguments que j’avais développés en commission. En ce qui concerne les échanges qui viennent d’avoir lieu, y compris sur l’article 1er, nous soutenons, bien sûr, la nécessité d’un travail de fond dans les quartiers. À travers ce texte, nous avons la volonté de répondre de façon très pratique à des situations connues qui, au quotidien, font peser des risques de dérive sur des quartiers. Des choses basiques sont souvent vécues douloureusement par des locataires. Nous nous sommes résolus à l’automaticité de la peine dans la loi ÉLAN, en intégrant le critère de la réalité vécue sur le terrain.
Or nous constatons aujourd’hui l’ajout d’un principe de rétroactivité, pour les raisons qui viennent d’être développées. Premièrement, c’est contraire à l’argument que vient d’invoquer Mme la rapporteur, à savoir qu’il vaut mieux rester dans le cadre du texte adopté par la commission mixte paritaire. Deuxièmement, cela fragilise notre démarche, en la soumettant potentiellement à une décision du Conseil constitutionnel, dont personne ne peut prédire la position. C’est prendre un risque inutile au regard du bénéfice attendu de ce dispositif.
Nous vous avions déjà alertés en commission. C’est la raison pour laquelle il nous paraît sage de voter cet amendement.
Je souhaite ajouter les considérations suivantes à notre débat.
La notion de rétroactivité ne s’oppose pas à ce qu’une norme nouvelle s’applique à des situations en cours. C’est même ce que nous votons chaque année en loi de finances. Donc le contrat en cours peut être complété par une disposition légale nouvelle sans qu’il y ait rétroactivité.
En revanche, ce qui serait une rétroactivité, c’est qu’une disposition pénale soit applicable à des faits commis antérieurement à son introduction. Cette rétroactivité est écartée par la rédaction du texte.
L’idée selon laquelle seuls les nouveaux contrats de location donneraient lieu à cette sanction n’est pas sans conséquence, chers collègues. Cela signifie que la totalité du parc HLM serait exclue de cette possibilité de sanction et qu’il faudrait environ vingt ans, compte tenu de la rotation du parc, pour que cette disposition soit applicable de façon générale.
Il n’y a pas de justesse dans le raisonnement qui consiste à qualifier de rétroactivité la simple application de la loi.
Je tiens à préciser à M. Marc Daunis que la rédaction de l’article 2 de cette proposition de loi est identique à la disposition introduite au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi ÉLAN qui a fait l’objet d’un accord avec les députés en commission mixte paritaire. C’est exactement le même texte.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.
Les deux articles de cette proposition de loi sont importants, et le mérite en revient en particulier à la présidente et à la rapporteur de la commission des affaires économiques. Ce texte soulève de vrais sujets de société, qui ont été largement abordés, quelle que soit la taille des communes et des quartiers concernés.
Vous avez évoqué la police de sécurité du quotidien, monsieur le ministre. Je veux modestement témoigner de son importance pour la sécurité publique, qu’il s’agisse de la police, nationale et municipale, de la gendarmerie, en association avec les collectivités territoriales, les bailleurs et tous les partenaires, sans oublier les sapeurs-pompiers, qui travaillent aussi dans des conditions difficiles. La tranquillité publique est essentielle pour la vie des familles, de même que le rôle des enseignants, des bénévoles des associations, des centres sociaux et culturels.
Malheureusement, le problème est ancien, une prise de conscience s’impose : c’est pourquoi je voterai cet article important.
L ’ article 2 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par MM. Richard, de Belenet, Mohamed Soilihi, Marchand, Théophile et Gattolin, Mme Schillinger, MM. Cazeau, Karam, Navarro, Lévrier, Bargeton et Haut, Mme Cartron et MM. Rambaud et Amiel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-6-6 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Les huissiers de justice ont accès aux boîtes aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs mentionnés à l’article L. 111-6-3. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 1.
Monsieur le président, avec votre permission, je défendrai conjointement mes quatre amendements visant à intégrer dans la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas les articles 123, 144 et 152 de la loi ÉLAN également censurés comme « cavaliers » législatifs. J’avais également déposé, après la décision du Conseil constitutionnel, une proposition loi reprenant l’ensemble des dix-neuf articles censurés afin de préserver le travail parlementaire, objet d’un accord en commission mixte paritaire. Si je vous propose d’insérer ici ces trois articles, c’est qu’ils présentent tous la caractéristique de réglementer les conditions d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation. Je ne souhaite bien évidemment pas vous inciter à l’adoption de nouveaux cavaliers.
L’amendement n° 1 vise à permettre aux huissiers de justice d’accéder aux boîtes aux lettres particulières dans les immeubles d’habitation selon les mêmes modalités que les agents de La Poste. Il reprend la rédaction adoptée par notre assemblée sur proposition du rapporteur Marc-Philippe Daubresse et clarifiée en commission mixte paritaire.
L’amendement n° 2 vise à autoriser de manière permanente l’accès aux parties communes des immeubles d’habitation aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement. Il s’agit là d’un article inséré sur l’initiative de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann et validé en commission mixte paritaire.
L’amendement n° 3 vise à autoriser un accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles d’habitation, selon la rédaction adoptée par le Sénat et validée en commission mixte paritaire.
Enfin, l’amendement n° 4 tend à adapter l’intitulé de ce texte, qui deviendrait une proposition de loi relative aux conditions d’accès aux espaces communs des immeubles d’habitation.
Je vous propose ainsi tout simplement de profiter de l’excellente initiative parlementaire de notre collègue pour préserver une partie de nos travaux.
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.
Notre collègue Jean-Pierre Grand a très bien présenté les trois amendements que nous avons en commun. Dans la suite de la proposition de loi de la présidente Primas, il convient de garantir aux services publics et aux auxiliaires de justice un droit d’accès aux immeubles collectifs. Tel est l’objet des amendements n° 10 rectifié bis, 12 rectifié bis et 11 rectifié bis.
Comme nous n’avons pas tout à fait la même position sur l’intitulé de la proposition de loi, je ne m’associe pas au quatrième amendement de notre collègue.
Je sollicite l’avis du Gouvernement sur ces six amendements. Je n’y suis pas défavorable, vous l’avez compris, puisque ceux-ci ont été adoptés au Sénat puis maintenus en commission mixte paritaire. Néanmoins, M. le ministre, dans la discussion du projet de loi ÉLAN, avait formulé un avis de sagesse sur l’un et un avis favorable sur les deux autres. Or nous souhaitons vraiment nous assurer, avec Mme la présidente Sophie Primas, que les deux articles qui font le corps de la proposition de loi seront votés et maintenus. Bien évidemment, si M. le ministre venait à donner un avis favorable sur ces six amendements, l’avis de la commission serait également favorable. Nous resterions cohérents avec ce que nous avons voté ici même voilà quelques semaines.
Je voudrais saluer le travail réalisé par M. le sénateur Grand et M. le sénateur Richard. Comme le dit Mme la rapporteur, la cohérence est importante. La politique a souvent comme principale vertu de maintenir cette cohérence. Je m’associe donc à cette cohérence et j’émets un avis favorable sur ces six amendements.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 12 rectifié bis est présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Cazeau, Navarro et Bargeton, Mme Cartron, MM. Rambaud et Théophile, Mme Schillinger et MM. Karam, Lévrier, Haut, Gattolin, Marchand, de Belenet et Amiel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est complétée par une sous-section … ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Accès des services statistiques publics aux parties communes des immeubles
« Art. L. 111-6- … - Afin d’être en mesure d’assurer leurs missions de service public, les agents de l’Institut national de la statistique et des études économiques et des services statistiques ministériels ont accès, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, aux parties communes des immeubles d’habitation dans lesquelles sont situés les boîtes aux lettres et l’interphone. »
Ces amendements ont déjà été défendus.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Je les mets aux voix.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 11 rectifié bis est présenté par MM. Richard et Cazeau, Mme Cartron, MM. Bargeton, Navarro, Mohamed Soilihi, Rambaud et Théophile, Mme Schillinger et MM. Karam, Lévrier, Haut, Gattolin, Marchand, de Belenet et Amiel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de constatation des conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu’ils visitent, aux parties communes des immeubles d’habitation.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. - À l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation, après le mot : « municipale », sont insérés les mots : « et aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement ».
III. - Le i de l’article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi rédigé :
« i) L’autorisation permanente accordée à la police nationale, à la gendarmerie nationale ou, le cas échéant, à la police municipale ou aux agents assermentés du service municipal ou départemental du logement, de pénétrer dans les parties communes ; ».
Ces amendements ont déjà été défendus.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Je les mets aux voix.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
aux articles 91 et 121
par les mots :
à plusieurs articles
La parole est à Mme la rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination visant à modifier l’intitulé de la proposition de loi pour tenir compte de l’adoption des amendements de nos collègues Grand et Richard.
J’invite Jean-Pierre Grand à retirer son amendement, l’intitulé qu’il propose étant beaucoup plus restrictif et ne visant pas l’entièreté de l’article 2 de la proposition de loi.
L’amendement n° 4, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
par les mots :
conditions d’accès aux espaces communs des immeubles d’habitation
Cet amendement a déjà été défendu.
L ’ amendement est adopté.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 23 janvier 2019, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Ordre du jour réservé au groupe U nion C entriste
Proposition de loi relative à l’aménagement du permis à points dans la perspective de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire, présentée par Mme Sylvie Goy-Chavent et plusieurs de ses collègues (n° 392, 2017-2018)
Explications de vote des groupes sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie (texte de la commission n° 238, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures vingt.