Intervention de Jean-Pierre Decool

Réunion du 22 janvier 2019 à 21h30
Articles 91 et 121 de la loi élan — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques années, à Toulouse, dans le quartier des Izards, des trafiquants de drogue prenaient possession des halls de certains immeubles, affichant les prix de leur commerce sur les murs, filtrant les allées et venues, imposant leurs lois et allant jusqu’à menacer les habitants en cas de plaintes aux forces de l’ordre. Même situation à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne : il y a quelques semaines seulement, la police de sécurité du quotidien a interpellé deux hommes pour occupation illégale de parties communes.

Faute de présence régalienne, les lois de République semblent s’arrêter aux portes de certains immeubles ; elles y sont remplacées par les diktats de délinquants et de leurs économies souterraines.

La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure et la loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance prévoient une peine de deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende en cas de condamnation pour occupation illégale de parties communes et de halls. Cette peine est portée à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende si l’infraction s’accompagne de voies de fait ou de menaces.

Cependant, ces mesures se révèlent inapplicables. En l’état actuel du droit, les forces de l’ordre ne peuvent intervenir qu’après dépôt de plainte, si l’occupation entrave l’accès et la libre circulation des locataires ou empêche le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté. Par ailleurs, les sanctions s’appliquent uniquement en cas d’entrave manifeste à la libre circulation des personnes. Aussi sont-elles difficiles à caractériser et inapplicables.

Les deux articles de la présente proposition de loi sont complémentaires.

L’article 1er, correspondant à l’article 91 de la loi ÉLAN, prévoit une autorisation permanente d’accès de la police nationale et de la gendarmerie nationale aux parties communes des immeubles des organismes d’HLM.

L’article 2, correspondant à l’article 121 de la loi ÉLAN, renforce les sanctions en matière d’occupation des espaces communs des immeubles et autorise la résiliation du bail en cas de condamnation du locataire pour trafic de stupéfiants. Pour faciliter l’application de ces sanctions, l’article prévoit d’élargir le délit aux occupations collectives qui ont pour effet « de nuire à la tranquillité des lieux ».

Nous avons déjà adopté ces dispositions à l’occasion de l’examen au Sénat du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Vous l’avez rappelé, madame la présidente de la commission : elles figuraient parmi les dix-neuf « cavaliers législatifs » censurés par le Conseil constitutionnel. Qu’à cela ne tienne ! Le groupe Les Indépendants soutiendrait une troisième fois cette initiative, s’il le fallait. Les zones de non-droit n’ont pas leur place au pays des droits de l’homme.

Pour renforcer ce dispositif, nous défendrons un amendement visant à étendre le délit d’occupation illégale de parties communes aux occupations individuelles ayant pour effet de nuire à la tranquillité des lieux. Le droit actuel prévoit l’intervention des forces de l’ordre uniquement en cas de nuisance « de groupe » – d’où l’expression « en réunion ». Aussi des trafiquants opérant individuellement ne sont-ils pas touchés par la législation en vigueur.

La criminalité organisée représente plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, selon le dernier rapport de la police judiciaire. Plus de la moitié concerne le trafic de stupéfiants. La mise en œuvre des quartiers de reconquête républicaine et le lancement de la police de sécurité du quotidien vont contribuer, nous l’espérons, à démanteler ces réseaux et à rétablir l’ordre et la tranquillité sur l’ensemble des territoires de la République.

Pour améliorer les conditions d’exercice des forces de police, nous attendons également, monsieur le ministre, la publication du décret d’application de la loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, promulguée le 3 août 2018. Auriez-vous des précisions à nous apporter sur la publication de ce décret ?

Monsieur le ministre, nous savons que la répression ne peut être l’unique réponse à la criminalité. Pour reprendre les mots du préfet Christian Lambert, ancien patron du RAID, « la misère est le meilleur terreau pour la délinquance ». Ces mesures répressives n’auront aucune portée à long terme si elles ne s’accompagnent pas de mesures préventives destinées à trouver des réponses à la fragmentation de notre société, à la montée des communautarismes, au décrochage scolaire et au chômage de masse.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais je défendrai avec conviction mon amendement visant à rappeler que le critère numérique n’est pas recevable : une personne seule peut être plus agressive et violente que des personnes en réunion – j’y reviendrai.

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