Intervention de Serge Babary

Réunion du 22 janvier 2019 à 21h30
Articles 91 et 121 de la loi élan — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Serge BabarySerge Babary :

Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, qui reprend à l’identique les articles 91 et 121 de la loi ÉLAN.

Ces deux articles ont en effet été déclarés inconstitutionnels. Dans sa décision rendue le 15 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions n’avaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial. C’est donc non pas le fond, mais le choix du texte support qui a été censuré par le juge constitutionnel.

Les débats ayant déjà eu lieu et un consensus ayant été trouvé, il est important d’inscrire ces dispositions dans le code de la construction et de l’habitation.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi reprend à l’identique les dispositions de l’article 91 du projet de loi ÉLAN. Il vise à obliger les organismes HLM à accorder à la police, à la gendarmerie nationale, voire, le cas échéant, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.

À ce jour, l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation offre la faculté aux propriétaires et exploitants d’immeubles à usage d’habitation d’accorder à la police et à la gendarmerie nationales, voire, le cas échéant, à la police municipale, une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles. En l’état du droit, il s’agit donc d’une simple faculté, et non d’une obligation. De sorte que si les forces de police peuvent déjà intervenir, cela suppose toutefois que les bailleurs sociaux leur en aient expressément donné l’autorisation.

Afin, d’une part, de préserver la tranquillité dans les immeubles d’habitation à loyer modéré et la sécurité, et, d’autre part, de simplifier le travail des bailleurs sociaux et des forces de police, l’article 1er de la proposition de loi généralise ce principe en donnant une autorisation permanente aux forces de l’ordre de pénétrer dans les parties communes.

Dorénavant, il n’y aura donc plus besoin d’une autorisation des bailleurs. Les forces de police pourront intervenir et rétablir l’ordre.

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, avec un avis favorable du Gouvernement, cette disposition a été votée sans modification par le Sénat. Simplifiant le droit existant en autorisant les forces de l’ordre à pénétrer sans avoir à solliciter au préalable les bailleurs sociaux, elle va assurément dans le bon sens.

L’article 2 de la proposition de loi reprend à l’identique l’article 121 du projet de loi ÉLAN. Son objet est double.

D’une part, il modifie l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, relatif à l’infraction d’occupation illicite en réunion des espaces communs d’immeuble. Il élargit le champ de l’infraction aux nuisances à la tranquillité des lieux et porte la peine applicable à l’infraction de voies de fait ou de menace de six mois à un an d’emprisonnement.

D’autre part, il ajoute une peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans les lieux dans lesquels l’infraction a été commise.

Si de telles modifications vont également assurément dans le bon sens, la question de leur application se posera. Nous le savons, très peu de poursuites sont engagées sur le fondement de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, et très peu débouchent ensuite sur des condamnations, parce qu’il est extrêmement difficile de caractériser l’infraction.

Sur ce point, nous espérons que la référence nouvelle aux nuisances à la tranquillité des lieux permettra de faire évoluer les choses et que le parquet saura se saisir de cette possibilité.

Il faudra également réfléchir à généraliser la vidéosurveillance dans les halls des immeubles, avec transmission en temps réel des images aux forces de l’ordre, comme cela est déjà prévu à l’article L. 123-6 du code de la construction et de l’habitation.

Ancien maire de Tours, j’ai pu constater que la vidéosurveillance était dissuasive et que les locataires des organismes d’habitation à loyer modéré y étaient favorables. Le bailleur social Val Touraine Habitat a ainsi conclu un protocole de coopération avec le procureur de la République, la direction de la sécurité publique et le groupement de gendarmerie départementale. Ce partenariat institutionnalisé a permis d’apporter des solutions concrètes et rapides aux troubles de voisinage. La mise en place de ce système est précédée d’une consultation auprès des habitants de l’immeuble, ce qui permet de s’assurer de leur soutien. Et les résultats sont là !

L’article 121 du projet de loi ÉLAN, repris à l’article 2 de la présente proposition de loi, modifie également la loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs, afin de permettre aux propriétaires de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent leurs locaux.

Comme vous le savez déjà certainement, tout acte dommageable, comme un trouble de voisinage, permet l’engagement de la responsabilité de son auteur par une action en dommages et intérêts.

Une telle action en responsabilité peut également être conduite contre le propriétaire s’il est avéré que celui-ci néglige de rappeler ses obligations à son locataire. Par ailleurs, le trouble de voisinage peut également donner lieu à la mise en œuvre d’une procédure pénale.

Ainsi, le voisin, quel que soit son statut, d’une personne troublant la tranquillité de l’immeuble peut tout à fait légitimement intenter une action contre le fauteur de trouble ou son propriétaire peu zélé.

Afin d’offrir au bailleur un moyen nouveau de faire cesser le trouble, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a autorisé la présence dans un bail d’une clause résolutoire en cas de troubles de voisinage ayant fait l’objet d’une décision de justice. En application de cette loi, lorsque le contrat de bail comporte une telle clause, le bail peut être résolu de plein droit en cas de troubles de voisinage. Le juge n’a alors aucun pouvoir d’appréciation ; il se borne à constater l’acquisition de la clause.

Introduit par la voie d’un amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, la deuxième partie de l’article 121 du projet de loi ÉLAN modifiait l’article 6-1 de la loi de 1989 précitée, afin de prévoir que cette clause résolutoire de plein droit du contrat est réputée écrite dès la conclusion du contrat. Cette clause résolutoire s’appliquera donc aux contrats conclus avant l’intervention de la loi de 2007.

Enfin, l’article 121 modifiait l’article 6-1, afin d’assimiler à un trouble de voisinage justifiant la résolution de plein droit du contrat de bail la condamnation passée en force de chose jugée pour trafic de stupéfiants. Il s’agit de donner la possibilité au bailleur de résilier le contrat en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants ou de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

Dans la mesure où le bailleur est responsable civilement et pénalement du comportement de son locataire, il doit pouvoir légalement éloigner le locataire qui adopte un comportement répréhensible.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

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