Madame la présidente, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à débattre de la proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires ou, sans doute plus exactement, à améliorer la représentativité des conseils communautaires et à mieux associer les conseillers municipaux au fonctionnement de l’intercommunalité.
C’est un sujet important, sur lequel il est indispensable de légiférer plus justement. Beaucoup de petites communes rurales de France sont directement concernées, à l’instar de villages de mon département du Loiret.
Les conseils communautaires ont été créés afin d’établir une seule instance décisionnaire, représentative des conseils municipaux d’un territoire, afin d’exercer certaines compétences que les communes ne pouvaient assumer seules.
À l’origine, les accords locaux permettaient aux établissements publics de coopération intercommunale de s’adapter et aux communes de faible population de bénéficier de la présence de plusieurs représentants au sein des conseils communautaires. Cette règle de la représentation démographique avait été mise en place par la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, mais c’est la loi Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui avait rendu possible les accords locaux sur la répartition des sièges au sein des organes délibérants des EPCI.
La loi dite RCT de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010 maintenait la possibilité d’accords locaux et introduisait par défaut le principe de répartition des sièges à la proportionnelle au plus fort quotient.
Par une décision faisant suite à une question prioritaire de constitutionnalité du 20 juin 2014, dite QPC Salbris, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions législatives permettant les accords locaux au nom du principe d’égalité devant le suffrage. En pratique, il a mis un terme à toute possibilité de négocier de tels accords. En voulant protéger le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, les Sages ont créé une situation engendrant parfois un sentiment de frustration et d’injustice chez les élus représentant les petites communes ou les communes intermédiaires des intercommunalités.
Pour trouver une solution à cette situation mal vécue par les élus concernés, les sénateurs ont été à l’initiative de l’adoption de la loi n° 2015-264, qui prévoit la possibilité de négocier de nouveau des accords locaux, mais dans des conditions moins favorables et plus complexes, notamment du fait d’écarts à la proportionnelle très faibles.
En l’état actuel des choses, de nombreux élus de petites communes jugent que les évolutions législatives ont conduit à minorer de manière excessive leur représentation au sein des conseils communautaires, certains se considérant exclus de la vie de l’intercommunalité, eu égard à un pouvoir décisionnaire devenu très faible, alors même qu’ils avaient contribué à la créer.
Si les communautés de communes et d’agglomération peuvent, selon la loi, établir elles-mêmes des répartitions de sièges, force est de constater que les critères restent très contraignants. Dans l’absolu, ceux-ci sont destinés à assurer une juste représentation devant le suffrage, mais ils s’avèrent insuffisants pour assurer un fonctionnement satisfaisant pour l’ensemble des communes membres.
Devant ce constat, les auteurs de la proposition de loi tentent d’assouplir les critères de composition des conseils communautaires. Ce texte repose sur une logique de réajustement en faveur des communes intermédiaires et vise à prévenir une tentation hégémonique de la part de la ville-centre ou, plus exactement sans doute, à apaiser les craintes des autres communes à cet égard.
À cette fin, il est proposé un système de répartition des sièges fondé sur l’arrondi à l’entier supérieur du quotient électoral. Ce système, mécaniquement plus favorable aux petites et moyennes communes, permettrait d’atténuer les décalages de représentation provoqués par la proportionnelle majoritaire et renouerait, d’une certaine façon, avec l’esprit communautaire initial.
Le fait que des conseils communautaires puissent voir leur nombre de sièges majoré après l’application du nouveau mode de calcul ne semble pas constituer un obstacle majeur, car des correctifs peuvent être apportés, notamment ceux que propose notre rapporteur. In fine, en renforçant au sein des EPCI la place, notamment, des petites et moyennes communes, cette proposition de loi vise à favoriser chez les élus de celles-ci l’engagement d’une démarche d’appropriation et l’émergence d’un plus fort sentiment d’adhésion. C’est également un moyen de donner un poids plus important à ceux qui représentent les territoires les plus fragiles que constituent généralement nos petites communes, souvent rurales.
Il s’agit véritablement, à la lumière de l’expérience de quelques années de pratique communautaire, de substituer à un strict principe d’égalité démographique un autre, fondé sur l’équité et la solidarité des territoires. Ce travail s’appuyant sur des constats posés dans nos territoires, je soutiendrai cette proposition de loi.