Séance en hémicycle du 24 janvier 2019 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de deux commissions ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires, présentée par MM. Jean-Pierre Sueur, Marc Daunis, Éric Kerrouche, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (texte n° 85, texte de la commission n° 246, rapport n° 245).

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi est examinée dans le cadre d’un espace réservé au groupe socialiste et républicain d’une durée totale de quatre heures. Une autre proposition de loi étant inscrite à l’ordre du jour, j’invite chacun à tenir compte de cette contrainte et à faire preuve de concision.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d’avoir l’occasion de vous présenter la proposition de loi qu’Éric Kerrouche, Marc Daunis, Patrick Kanner et moi-même avons préparée. Cette proposition de loi a donné lieu à un travail préparatoire important et à de nombreux débats au sein de la commission des lois. Je veux dire ici combien j’ai apprécié le travail que nous avons mené conjointement, sous la houlette du président de la commission, Philippe Bas, avec Mme Maryse Carrère, rapporteur. Je tiens en outre à saluer l’aide précieuse qui nous a été apportée par les membres du cabinet de Mme la ministre, qui manifeste depuis longtemps son intérêt pour ces sujets, et par la direction générale des collectivités locales, la DGCL. En effet, nous devions vérifier un certain nombre d’hypothèses, et la DGCL nous a apporté tout le concours que nous pouvions souhaiter. Cela a permis de modifier le texte dans un sens que je crois profondément positif.

De quoi s’agit-il ? Il me faut, madame la ministre, vous reparler de l’affaire Commune de Salbris. Située dans votre cher département de Loir-et-Cher, Salbris est la commune-centre d’une communauté de communes. Un accord local avait été passé entre les communes de cette intercommunalité, mais il portait préjudice à la commune de Salbris, si bien que les élus et des habitants de celle-ci ont, très légitimement, saisi le tribunal administratif, qui a considéré qu’une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC, pouvait être soumise au Conseil d’État. Ce dernier l’a transmise au Conseil constitutionnel qui, jugeant qu’il y avait là une injustice manifeste, a déclaré contraire à la Constitution l’article de la loi permettant la mise en place d’un accord local.

Cette décision a évidemment entraîné un grand branle-le-bas de combat, notamment à l’Association des maires de France, qui s’est tournée vers Mme Gourault, M. Richard et votre serviteur. Nous nous sommes alors efforcés de préparer une proposition de loi dont les dispositions répondent aux exigences manifestées par le Conseil constitutionnel. Cette proposition de loi a été adoptée et a permis de rétablir la possibilité de conclure un accord local, mais dans des conditions extrêmement contraignantes. Il fallait en effet respecter la théorie du « tunnel » des plus ou moins 20 % instaurée par le Conseil constitutionnel.

J’ai un infini respect pour le Conseil constitutionnel, comme vous tous, mes chers collègues, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… mais je ne considère pas forcément, monsieur Collombat, que l’on s’inscrit dans le cadre de l’égalité républicaine quand on s’écarte de la moyenne de 19, 97 %, mais que le respect de cette égalité se trouve remis en cause si l’on s’en écarte de 20, 03 %… Toujours est-il que le rapport de Mme Carrère montre bien que ces conditions sont tellement contraignantes que, parfois, il n’est pas possible de parvenir à établir un accord local. Je pense notamment à l’exemple de la communauté de communes de Granville Terre et Mer.

Dans ce contexte, notre objectif, au travers de la présente proposition de loi, qui concerne un grand nombre de communes, est d’instaurer davantage de justice.

Je crois que personne ne conteste le fait que la représentation des communes au sein des intercommunalités présente aujourd’hui de grandes injustices. Si le fait qu’un siège au minimum soit attribué à chaque commune avantage d’une certaine façon les plus petites communes, les moins petites des petites communes, et surtout les communes moyennes, sont défavorisées. Ainsi, comme le montre le rapport de la commission, la représentation d’un certain nombre de communes moyennes est inférieure de 70 %, avec le droit actuel, à ce qu’elle serait si l’on appliquait un calcul strictement démographique.

Dès lors qu’existent de telles injustices, il me paraît légitime de chercher à les corriger, de manière que la représentation des communes soit plus juste. Dans le texte initial de notre proposition de loi, nous avions prévu de retenir l’arrondi supérieur pour le calcul. Il apparaît que cela aurait des effets bénéfiques, mais aussi quelques effets négatifs, auxquels je sais Mme Gatel sensible, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… en termes de représentation des communes les plus peuplées. Cela étant, madame Gatel, dès lors que l’on cherche à instaurer plus de justice par une meilleure représentation des communes petites et moyennes, il est logique qu’il y ait moins de sièges pour les plus grandes communes. On ne peut pas vouloir à la fois la justice et que tout le monde y gagne !

Après avoir beaucoup réfléchi à cette question et grâce à l’aide précieuse de la DGCL, qui a bien voulu mettre ses ordinateurs à la disposition du Sénat, nous avons conçu, avec Mme la rapporteur, un dispositif prenant en compte non seulement la démographie, mais aussi le nombre de communes.

J’évoquerai à cet égard, par parenthèse, certains cas aberrants de communautés urbaines ou d’agglomération englobant un grand nombre de villages, ce qui aboutit à une construction hybride. Pour ma part, je crois aux agglomérations, qu’elles soient organisées sous forme de métropoles, de communautés urbaines ou de communautés d’agglomération, et je crois aux communautés de communes composées de communes moyennes et petites : la construction des intercommunalités ne doit pas être artificielle, elle doit correspondre à une réalité.

Toujours est-il que le dispositif de la proposition de loi initiale tendait à défavoriser injustement certaines communes-centres. En prenant en compte à la fois la démographie et le nombre de communes de l’intercommunalité, on arrive à un dispositif qui, à coup sûr, est plus juste que le droit existant.

Le texte contient d’autres dispositions bénéfiques, sur lesquelles je reviendrai très rapidement.

La première de ces dispositions reprend, madame la ministre, un excellent amendement que vous aviez déposé avec M. Darnaud quand vous étiez sénatrice. Il s’agit de donner de l’oxygène à la mise en place d’accords locaux, en permettant une augmentation du nombre total de représentants dans les intercommunalités, dans la limite de dix : cela reste très raisonnable.

Une deuxième disposition consiste à autoriser les élus à s’écarter du « tunnel » des plus ou moins 20 % dans lequel le Conseil constitutionnel enferme, en principe, les écarts de représentation des communes prises isolément par un accord local réduisant en moyenne les écarts de représentation au sein du conseil de l’EPCI, quitte à élargir un peu ce tunnel. Cela ne doit pas vous effrayer, mes chers collègues, car c’est exactement ce qu’a validé le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence Commune d ’ Éguilles et autre au sujet de la métropole Aix-Marseille-Provence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Puisque le Conseil constitutionnel a validé cette disposition dans le cas de la métropole Aix-Marseille-Provence, il n’y a, me semble-t-il, aucun inconvénient – il n’y a même que des avantages – à l’étendre à l’ensemble du territoire de la République.

Nous aurons l’occasion de parler de l’amélioration de l’information des conseillers municipaux sur les affaires de l’EPCI au cours de l’examen des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Le dispositif de cette proposition de loi permettra d’instaurer davantage de justice dans la représentation des communes au sein des intercommunalités. Sa rédaction peut sans doute, madame la ministre, être encore perfectionnée ; je ne doute pas que, pour cela, vous fassiez comme nous-mêmes confiance à la navette parlementaire, comme le veulent la loi, la Constitution et le bon sens !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je renouvelle mon appel à la concision…

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, la présentation de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, due à l’initiative de M. Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe socialiste et républicain, est avant tout un symptôme, celui des dysfonctionnements de l’intercommunalité dans certains de nos départements à la suite des dernières réformes territoriales.

Personne ne se préoccuperait outre mesure de rééquilibrer la composition des conseils communautaires si le fonctionnement de l’intercommunalité était toujours harmonieux et si le véritable esprit de coopération qui doit présider à ce fonctionnement n’avait pas été mis à mal par des regroupements forcés, par un agrandissement inconsidéré du périmètre de nombreux EPCI à fiscalité propre et par la multiplication des transferts de compétences obligatoires à leur profit.

On n’accorderait peut-être pas non plus autant d’importance à ce que les conseillers municipaux qui ne sont pas membres de l’organe délibérant de l’EPCI auquel leur commune appartient soient correctement associés au fonctionnement quotidien de cet établissement si la plupart des leviers de décision n’avaient pas été transférés au niveau intercommunal.

Cette proposition de loi soulève donc des questions auxquelles il est urgent d’apporter des réponses.

Je me félicite de ce que le Président de la République, lors de son déplacement dans l’Eure, la semaine dernière, ait fait part de son esprit d’ouverture en la matière. Oui, il est temps de corriger certains effets pervers des dernières réformes territoriales, afin – je cite le Président de la République – de « remettre de la responsabilité au plus près du terrain ».

Cette proposition de loi a un objet plus limité.

Le premier objectif est d’améliorer la représentativité des conseils communautaires. Comme vous le savez, le nombre et la répartition des sièges au sein de l’organe délibérant des EPCI à fiscalité propre sont déterminés soit, dans les communautés de communes et d’agglomération, par accord local d’une majorité qualifiée de conseils municipaux, soit en application des règles de droit commun fixées par la loi.

L’article 1er ne traite que de la répartition de droit commun. Celle-ci obéit aujourd’hui à quatre principes : les sièges doivent être répartis entre les communes sur une base essentiellement démographique ; toutefois, il est attribué au moins un siège à chaque commune, ce qui est la traduction du fait qu’un EPCI à fiscalité propre est un organisme de coopération entre communes ; aucune commune ne peut détenir à elle seule plus de la moitié des sièges, ce qui est la conséquence du principe de non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ; enfin, aucune commune ne peut se voir attribuer plus de sièges qu’elle ne compte de conseillers municipaux.

Des règles complexes de répartition ont été mises au point par le législateur pour concilier, autant que faire se peut, ces quatre principes. Sans entrer dans le détail, je rappellerai que ces règles aboutissent, au regard du nombre d’habitants, à une forte, voire très forte, surreprésentation des petites communes et qu’elles garantissent en général une représentation correcte des communes les plus peuplées. Mais elles ont tendance à pénaliser les communes de taille moyenne, qui sont parfois sous-représentées à hauteur de plus de 70 %.

Pour corriger ces déséquilibres, les auteurs de la proposition de loi ont imaginé une méthode originale. Ils proposent d’adopter une nouvelle règle mathématique pour traduire le principe de représentation proportionnelle, règle que j’appellerai la méthode de l’arrondi à l’entier supérieur. Je vous invite à consulter le rapport écrit pour une présentation exhaustive.

La méthode de l’arrondi à l’entier supérieur produit, par elle-même, de forts écarts de représentation et ne saurait être considérée comme permettant une traduction fidèle du principe de représentation proportionnelle. Toutefois, en l’espèce, les résultats obtenus doivent être comparés avec ceux de l’application de l’ensemble des règles de répartition prévues par le droit en vigueur, qui produit, comme je l’ai indiqué, de très forts écarts de représentation.

Nous avons procédé à de nombreuses simulations, complétées par celles qui nous ont été fournies par l’Association des maires de France et par le Gouvernement. Il est apparu que l’article 1er, dans sa version initiale, aboutissait effectivement à corriger légèrement la sous-représentation des communes moyennes, mais qu’il tendait à diminuer très fortement le nombre de sièges revenant aux plus grandes communes, qui se seraient ainsi trouvées fortement sous-représentées. Reims, par exemple, aurait perdu 34 sièges au sein de la communauté urbaine à laquelle elle appartient.

La commission des lois a estimé qu’une redistribution aussi massive des sièges serait à la fois inopportune et juridiquement fragile, eu égard à la jurisprudence constitutionnelle en la matière. Elle a donc apporté à l’article 1er un correctif indispensable, en combinant la nouvelle méthode de répartition avec un nouveau mode de détermination de l’effectif théorique du conseil communautaire, c’est-à-dire de l’effectif qui sert de base aux calculs de répartition. Cet effectif théorique ne dépendrait plus seulement de la population de l’EPCI, mais aussi du nombre de communes qui en sont membres.

Avec ce correctif, la mise en œuvre du dispositif de l’article 1er aboutirait à un rééquilibrage tout à fait raisonnable de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Les plus grandes communes conserveraient souvent le même nombre de sièges ou elles n’en perdraient que quelques-uns, les pertes les plus fortes concernant de grandes communes qui, compte tenu de la configuration de l’EPCI, sont déjà très avantagées par le droit en vigueur. Les communes moyennes les plus pénalisées par le droit en vigueur recevraient un siège de plus.

Par ailleurs, la commission a voulu emprunter une autre voie pour rééquilibrer la composition des conseils communautaires, en assouplissant les règles relatives à l’accord local de répartition des sièges.

Comme vous le savez, à la suite de la décision Commune de Salbris du Conseil constitutionnel, le régime de l’accord local a dû être revu – ce fut fait à l’initiative de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Alain Richard. Ce régime a le mérite d’exister. Néanmoins, il est devenu tellement strict qu’il aboutit à des situations aberrantes. Alors même que le droit commun produit de très forts écarts de représentation entre les communes, les règles régissant l’accord local sont si contraignantes qu’elles rendent illégal un accord qui, pourtant, diminue dans l’ensemble les écarts de représentation…

Cela tient en partie au volant maximal de 25 % de sièges supplémentaires susceptibles d’être créés par accord local. La commission des lois a donc réintroduit, à l’article 1er bis, une disposition adoptée en octobre 2016 par le Sénat, sur votre initiative, madame la ministre, et celle de notre collègue Mathieu Darnaud. Cette disposition consiste à relever à 45 % la part de sièges supplémentaires pouvant être créés, dans le cas où cela s’avère nécessaire pour conclure un accord local. En tout état de cause, cet assouplissement ne pourrait conduire à répartir plus de dix sièges supplémentaires par rapport au droit en vigueur.

En outre, il nous a semblé opportun et conforme à la jurisprudence constitutionnelle d’autoriser les accords locaux qui réduisent globalement les écarts de représentation, en tenant compte non seulement du nombre de communes, mais aussi de la population concernée par ces écarts, sans produire pour aucune commune prise isolément un écart excessif. Nous en reparlerons au cours de la discussion des articles.

J’en viens à l’article 2, dont l’objet est de mieux associer les « simples » conseillers municipaux, ceux qui ne sont pas membres du conseil communautaire, au fonctionnement de l’intercommunalité. C’est un objectif que nous partageons tous. On observe aujourd’hui un grand nombre de démissions chez ces conseillers municipaux qui, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, ont parfois le sentiment que leur mandat a perdu de son sens.

Nos collègues proposaient donc que, dans les EPCI à fiscalité propre comportant au moins une commune de 3 500 habitants et plus, le conseil communautaire ait l’obligation de délibérer pour définir les modalités de participation des conseillers municipaux aux commissions thématiques.

La commission a estimé qu’une telle disposition aurait laissé les EPCI à fiscalité propre dans l’insécurité juridique et qu’il valait mieux, en tout état de cause, s’en remettre à la décision locale. En revanche, elle a voulu consacrer le droit d’information de tous les conseillers municipaux sur les affaires de l’EPCI et des syndicats dont leur commune est membre.

Le Gouvernement a fait part de son intérêt pour cette proposition de loi ; je l’en remercie. Je sais qu’il subsiste quelques divergences d’appréciation entre nous, mais je ne doute pas qu’elles pourront être aplanies au cours de la navette parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Mme Maryse Carrère, rapporteur. La commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi ainsi modifiée.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie, cher Jean-Pierre Sueur, d’avoir déposé cette proposition de loi, dont le Gouvernement partage la philosophie.

Vous cherchez à favoriser une représentation plus équilibrée de toutes les communes au sein de l’intercommunalité, afin de répondre à une demande formulée à plusieurs reprises sur le terrain par les élus locaux comme par les habitants, qui font état d’un besoin de sens, de responsabilité et de proximité dans l’exercice des politiques publiques, à tous les niveaux.

Je vous remercie aussi d’avoir rappelé l’historique de cette question, en partant du cas de Salbris, dans le Loir-et-Cher, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… ainsi que le travail qui a déjà été réalisé dans cette assemblée pour améliorer la représentation des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la sénatrice, j’ai élaboré avec MM. Sueur et Richard une proposition de loi portant sur cette question.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteur, dans l’Eure puis dans le Lot, le Président de la République a échangé avec de nombreux maires. Il a notamment dit qu’il ne fallait « pas tout détricoter, mais permettre, de façon pragmatique, d’améliorer les choses, en aménageant ce qui ne fonctionne pas ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il faudra à mon avis se pencher de nouveau sur la question de l’amélioration de la gouvernance au sein de l’intercommunalité, ainsi que sur celle de la territorialisation des politiques publiques. C’est en tout ce que je ressens de plus en plus sur le terrain.

Cette proposition de loi cherche à répondre à un problème dont nous partageons le diagnostic, celui de la juste représentation des communes – plus précisément, même si son titre ne l’indique pas, des communes intermédiaires – au sein de l’intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le code général des collectivités territoriales, dont l’article concerné a fait l’objet de six modifications en cinq ans, prévoit que la répartition des sièges s’effectue selon deux possibilités : l’application du droit commun ou la conclusion d’un accord local strictement encadré.

Dans le cadre du droit commun, les sièges à pourvoir sont fixés par un tableau selon la strate démographique à laquelle appartient l’EPCI. Puis, ces sièges sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne sur la base de la population municipale. Enfin, un siège est attribué de droit à chaque commune qui n’aurait pas obtenu de siège au titre de l’opération précédente et une commune disposant de plus de la moitié des sièges à l’issue de cette même opération voit sa représentation réduite d’autant.

Cette opération présente, il est vrai, le désavantage de surreprésenter les plus petites communes de l’EPCI, parfois au détriment des communes de taille intermédiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Toutefois, il a le mérite d’être stable, connu, éprouvé, et d’avoir été validé par le juge constitutionnel à plusieurs reprises.

Si l’intention qui sous-tend l’article 1er de tenter de pallier cette difficulté est louable, je dois souligner les risques que cela entraîne.

La proposition de loi initiale modifiait le calcul de la répartition de droit commun des sièges selon des règles de représentation proportionnelle avec un nombre de sièges flottant qui ne permettaient pas l’élection des conseils communautaires sur une base essentiellement démographique, comme l’exige la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.

La commission des lois du Sénat, dont je salue le travail, a donc fait évoluer le texte, en modifiant le nombre de sièges par strate du tableau et en ne conservant que trois quarts des sièges. Elle a également modifié la base de calcul permettant de répartir les sièges entre chaque commune, en appliquant un quotient électoral arrondi à l’entier supérieur.

Dans cette configuration, elle a supprimé les règles de répartition des sièges de manière forfaitaire, à savoir les 10 % de sièges supplémentaires, la dérogation au « tunnel » des plus ou moins 20 % ou les dispositions spécifiques à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Or, si ce texte permet une meilleure représentation démographique de 4 701 communes, représentant près de 21, 5 millions d’habitants, il aboutit également à une dégradation de la représentation de nombreuses autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Certes, monsieur Sueur. Je ne fais que répéter ce que vous avez dit. Nous sommes donc d’accord…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par conséquent, la conformité de ce texte à la Constitution paraît très incertaine au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L’article 1er, tel que modifié par la commission, tend par ailleurs à réduire, j’y insiste, les possibilités d’accord local. Cet impact est intrinsèque au modèle de répartition que vous présentez, et il n’est pas possible de l’éviter. La question est donc de savoir si ces suppressions seront jugées acceptables par les communes concernées.

Enfin, à quelques mois des élections municipales, il me semble inopportun de modifier les règles de droit commun d’un dispositif qui a été à maintes reprises examiné par le juge constitutionnel et que ce dernier a stabilisé. Je rappelle que les communes doivent délibérer sur les accords locaux avant le 31 août 2019…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… et que modifier l’intégralité du dispositif engendrerait une instabilité nuisible au bon déroulement des élections municipales, dont, vous le savez comme moi, la préparation a commencé sur le terrain. Modifier les règles aujourd’hui laisserait très peu de temps, voire pas du tout, pour mettre au point les simulateurs nécessaires et préparer les négociations.

Concernant le nouvel article 1er bis, je remercie la commission d’avoir réintroduit l’accord local auquel, vous le savez, je suis très attachée, car celui-ci permet de donner de la souplesse aux élus locaux pour rectifier la représentation entre communes dictée par le droit commun. Comme je l’avais proposé avec Mathieu Darnaud au travers d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre 2016, vous permettez d’augmenter le nombre de sièges à répartir dans le cadre de l’accord local. Je ne peux donc qu’être favorable à cette modification.

Toutefois, cette proposition est soumise aux mêmes contraintes calendaires que celles évoquées précédemment. Pour cette raison, le Gouvernement a déposé un amendement ayant pour objet de décaler d’un mois la date butoir de délibération des communes pour leur permettre d’être matériellement en mesure de procéder au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Merci !

Cependant, je dois souligner le risque que cela représente en matière d’organisation matérielle. Je regrette à cet égard que nous n’ayons pas pu trouver de compromis afin d’accélérer le processus parlementaire. Il reste à espérer que la navette soit le plus rapide possible, pour que le texte puisse être voté dans les meilleurs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je vous rappelle que c’est une proposition de loi, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous pouvez la faire inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Quand vous parlez en même temps que moi, je ne peux pas vous entendre…

Je le répète, il faudra que la navette soit aussi rapide que possible pour que nous puissions faire avancer cette proposition de loi qui va dans le bon sens mais que je ne peux soutenir dans son intégralité pour des raisons constitutionnelles.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, et M. Arnaud de Belenet applaudissent.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la représentation des communes au sein des intercommunalités est très souvent un sujet irritant, qui durcit et crispe la relation entre élus d’un même territoire, alors que l’intercommunalité est un espace de coopération qui doit se construire sur l’intelligence territoriale et le consensus, à partir d’un projet de territoire partagé au service des habitants.

L’irritation est montée d’un cran ces dernières années pour deux motifs : la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 2014 à la suite du recours de la commune de Salbris, décision qui a réaffirmé le principe d’égalité devant le suffrage, impliquant une répartition des sièges dans les conseils communautaires sur des bases essentiellement démographiques, et la loi NOTRe et la bonification budgétaire attachée à certaines catégories d’intercommunalité, qui ont conduit à la création d’intercommunalités « XXL », au sein desquelles les petites communes ou les communes intermédiaires se sentent invisibles et impuissantes, cantonnées à un rôle de figurantes, alors que l’intercommunalité absorbe de plus en plus de compétences.

Aussi convient-il de saluer la volonté exprimée par notre éminent collègue Jean-Pierre Sueur et les cosignataires de cette proposition de loi de tenter de répondre au malaise des communes et de résoudre la question de leur représentation au sein des intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Dommage qu’il ne l’ait pas fait lorsqu’il était président de la commission des lois…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Cependant, s’il est nécessaire de définir une règle de droit commun, la diversité de nos intercommunalités fait que le problème s’apparente à la résolution de la quadrature du cercle et rend très difficile l’application d’une règle universelle uniforme ressentie comme équitable par tous, dans le respect des exigences du Conseil constitutionnel.

Monsieur Sueur, vous qui vous êtes inquiété de ma sensibilité, je ménagerai la vôtre en disant que vouloir « logarithmer » de façon satisfaisante la diversité de nos territoires s’apparente à la quête du Graal, que je vous félicite de vouloir entreprendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Toutefois, si la volonté initiale des auteurs de cette proposition de loi était d’améliorer la représentation des petites communes, il s’est avéré, au regard des simulations effectuées, que la règle de répartition proposée aboutissait en réalité à écraser la représentation des communes intermédiaires.

De ce fait, notre collègue rapporteur, dont je salue la qualité et l’importance du travail, a préféré proposer une autre méthode de redistribution des sièges. Pour autant, ma chère collègue, cette proposition déplace le problème sans véritablement le régler, …

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

… car si elle satisfait 18 000 communes représentant 21 millions d’habitants, elle pourrait en irriter 14 000 regroupant 39 millions d’habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Dès lors, le risque d’inconstitutionnalité est réel, et sa réalisation aurait de lourdes conséquences pour les intercommunalités et les communes, contraintes de défaire et refaire douloureusement une composition du conseil communautaire qui doit être arrêtée au 31 août 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La justice n’est pas douloureuse, elle est nécessaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Aussi nous semble-t-il difficile de créer, par ce texte, un espoir de meilleure représentation qui serait mis à mal ultérieurement.

Le Sénat, représentant des territoires, défend toujours avec conviction la nécessaire prise en compte de leur diversité pour garantir l’efficience de l’action publique. Cette diversité appelle un cadre législatif qui permette plus qu’il n’impose.

Dans cette perspective, je salue encore une fois l’excellent travail de notre rapporteur, qui propose, à l’article 1er bis, des dispositions favorisant un assouplissement de l’accord local, dans l’esprit de la proposition de loi Darnaud-Gourault, permettant de s’écarter, dans certaines conditions, des règles de droit commun. Soit dit sans vouloir heurter votre sensibilité, monsieur Sueur, il me semble que l’Assemblée nationale n’a pas eu le bon goût de donner suite à cette proposition de loi…

Aujourd’hui, les règles relatives aux accords locaux sont tellement contraignantes et complexes que, dans la pratique, elles sont souvent impossibles à appliquer. Aussi la proposition de notre rapporteur de relever à 45 % la proportion de sièges supplémentaires susceptibles d’être créés par accord local est-elle une réponse intéressante. À notre sens, l’article 1er bis, conforté par l’amendement du Gouvernement visant à reculer l’échéance pour la détermination de la composition du conseil communautaire est véritablement de nature à diminuer le niveau d’irritation des communes.

Enfin, l’article 2, qui tend à mieux associer les élus municipaux qui ne sont pas conseillers communautaires à l’action de l’EPCI, est aussi une réponse nécessaire pour atténuer le désenchantement des conseillers municipaux, qui ont l’impression d’être cantonnés à un rôle de figurant et de perdre le sens de leur engagement.

Il convient tout autant d’impliquer étroitement tous les maires à l’action de l’EPCI, car ils resteront toujours comptables de l’efficacité de l’action publique devant leurs concitoyens. L’intercommunalité, espace de coopération, ne peut conduire et réussir son action sans y associer fortement et étroitement les maires et tous les élus. C’est par la construction collective d’un projet de territoire partagé que l’intercommunalité trouve son sens et recueille l’adhésion indispensable à son action.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste, très attaché à la liberté des territoires, mais aussi à la sécurité de la loi et à la stabilité des dispositions législatives, notamment sur ces sujets, déterminera son vote en fonction de l’évolution du texte au cours de la séance.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires tend à répondre aux demandes de certains de ces élus qui considèrent que les évolutions récentes ont conduit à minorer leur représentation au sein des conseils intercommunaux.

Ce texte a pour objet, dans un premier temps, de réformer les règles régissant la répartition des sièges au sein de l’organe délibérant de l’EPCI, en prévoyant que celle-ci se fasse, dans le cadre du scrutin proportionnel, à l’arrondi supérieur.

Ensuite, il vise à prévoir que l’organe délibérant d’une intercommunalité inscrive dans son règlement intérieur les modalités selon lesquelles les élus municipaux d’une commune membre participent aux réunions des commissions thématiques.

Relevant que les dispositions présentées soulevaient des difficultés, le rapporteur, notre collègue Maryse Carrère, a proposé à la commission des lois de les compléter.

Un premier amendement tend principalement à corriger les effets excessivement redistributifs de la nouvelle méthode de répartition proposée, en l’assortissant d’un nouveau mode de détermination de l’effectif théorique du conseil communautaire. Celui-ci serait fonction non plus seulement de la population totale de l’EPCI à fiscalité propre, mais aussi du nombre de communes qui en sont membres.

Ainsi complété, le dispositif de l’article 1er permettrait un rééquilibrage raisonnable de la représentation des communes au sein des conseils communautaires et assurerait un équilibre territorial favorisant une vitalité de la démocratie locale.

Un deuxième amendement a introduit un article 1er bis relatif aux accords locaux par lesquels les conseils municipaux des communes membres des communautés de communes et d’agglomération peuvent s’écarter des règles de droit commun en matière de composition des conseils communautaires.

La commission des lois a d’abord choisi de relever, sous conditions, de 25 % à 45 % la proportion de sièges supplémentaires susceptibles d’être créés par accord local, sans augmentation de l’enveloppe indemnitaire.

En outre, la commission a souhaité autoriser les accords locaux qui réduisent en moyenne les écarts de représentation entre communes au regard de leur démographie.

Enfin, un troisième amendement vise, afin de mieux associer les conseillers municipaux qui ne sont pas membres de l’organe délibérant de l’EPCI auquel leur commune appartient au fonctionnement des instances de coopération, à leur reconnaître un droit général à l’information sur les affaires de l’intercommunalité. Cette règle s’appliquerait aussi bien dans les EPCI à fiscalité propre que dans les syndicats de communes.

Ce texte appelle de ma part deux remarques et une justification.

Première remarque : il est vrai que les communes moyennes sont plutôt pénalisées, surtout dans les grandes agglomérations, mais des accords locaux existants permettent déjà de rectifier la situation.

Seconde remarque : alors que les intercommunalités devront définir sous quelques mois les règles de représentation valables à partir de mars 2020, ce texte pourrait susciter des recours qui aboutiraient à ce qu’il soit déclaré inconstitutionnel. En effet, à quatorze mois des prochaines élections municipales, les délais apparaissent bien trop courts. De plus, le texte qui nous est présenté ne s’accompagne d’aucune simulation.

Enfin, j’affirme que le système actuel n’est pas si mauvais, puisqu’il garantit la représentation de chaque commune, en vertu du principe « une commune, une voix », instauré depuis l’adoption d’un amendement de notre collègue André Diligent en 1995. Cet amendement a permis, en instituant des strates supplémentaires, de mieux représenter les communes plus importantes. De surcroît, les conseils municipaux des petites communes sont associés dès l’instant où le délégué de la commune fait le lien entre celle-ci et l’intercommunalité. En outre, dans les domaines où l’EPCI n’est compétent que pour les actions d’intérêt communautaire, ses délibérations sont rattachées à des délibérations communales. Par ailleurs, les grandes décisions, concernant par exemple les plans locaux d’urbanisme, ne sont pas prises sans associer les communes.

Mes chers collègues, pendant vingt-deux ans, j’ai été élu, comme certains d’entre vous, d’une communauté urbaine, devenue métropole européenne. Je sais que les équipes de l’EPCI viennent présenter les projets relatifs aux compétences déléguées à celle-ci devant les conseils municipaux, à leur demande. De plus, certains EPCI ont institué dans leur règlement intérieur un conseil des maires, délégué à un vice-président ; c’est le cas de la métropole européenne de Lille.

C’est donc l’articulation entre le conseiller communautaire et son conseil municipal qui compte ; augmenter le nombre de conseillers ne changera rien.

J’ajoute que, en fonction du cadre juridique, certaines décisions communautaires sont soumises à une délibération communale, celle-ci pouvant s’opposer à la délibération présentée par l’EPCI.

Enfin, à l’heure où les Français s’élèvent contre la multiplication des élus locaux, je vois mal comment justifier une assemblée devenue pléthorique, dont le fonctionnement serait alourdi.

Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pléthorique ? Nous parlons de dix sièges supplémentaires au maximum !

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

M. Dany Wattebled. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il n’y a pas d’urgence à adopter ce texte, d’autant qu’une réforme constitutionnelle est en cours. C’est pourquoi, à titre personnel, je m’abstiendrai. En revanche, certains de mes collègues du groupe Les Indépendants voteront pour cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Madame la présidente, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à débattre de la proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires ou, sans doute plus exactement, à améliorer la représentativité des conseils communautaires et à mieux associer les conseillers municipaux au fonctionnement de l’intercommunalité.

C’est un sujet important, sur lequel il est indispensable de légiférer plus justement. Beaucoup de petites communes rurales de France sont directement concernées, à l’instar de villages de mon département du Loiret.

Les conseils communautaires ont été créés afin d’établir une seule instance décisionnaire, représentative des conseils municipaux d’un territoire, afin d’exercer certaines compétences que les communes ne pouvaient assumer seules.

À l’origine, les accords locaux permettaient aux établissements publics de coopération intercommunale de s’adapter et aux communes de faible population de bénéficier de la présence de plusieurs représentants au sein des conseils communautaires. Cette règle de la représentation démographique avait été mise en place par la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, mais c’est la loi Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui avait rendu possible les accords locaux sur la répartition des sièges au sein des organes délibérants des EPCI.

La loi dite RCT de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010 maintenait la possibilité d’accords locaux et introduisait par défaut le principe de répartition des sièges à la proportionnelle au plus fort quotient.

Par une décision faisant suite à une question prioritaire de constitutionnalité du 20 juin 2014, dite QPC Salbris, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions législatives permettant les accords locaux au nom du principe d’égalité devant le suffrage. En pratique, il a mis un terme à toute possibilité de négocier de tels accords. En voulant protéger le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, les Sages ont créé une situation engendrant parfois un sentiment de frustration et d’injustice chez les élus représentant les petites communes ou les communes intermédiaires des intercommunalités.

Pour trouver une solution à cette situation mal vécue par les élus concernés, les sénateurs ont été à l’initiative de l’adoption de la loi n° 2015-264, qui prévoit la possibilité de négocier de nouveau des accords locaux, mais dans des conditions moins favorables et plus complexes, notamment du fait d’écarts à la proportionnelle très faibles.

En l’état actuel des choses, de nombreux élus de petites communes jugent que les évolutions législatives ont conduit à minorer de manière excessive leur représentation au sein des conseils communautaires, certains se considérant exclus de la vie de l’intercommunalité, eu égard à un pouvoir décisionnaire devenu très faible, alors même qu’ils avaient contribué à la créer.

Si les communautés de communes et d’agglomération peuvent, selon la loi, établir elles-mêmes des répartitions de sièges, force est de constater que les critères restent très contraignants. Dans l’absolu, ceux-ci sont destinés à assurer une juste représentation devant le suffrage, mais ils s’avèrent insuffisants pour assurer un fonctionnement satisfaisant pour l’ensemble des communes membres.

Devant ce constat, les auteurs de la proposition de loi tentent d’assouplir les critères de composition des conseils communautaires. Ce texte repose sur une logique de réajustement en faveur des communes intermédiaires et vise à prévenir une tentation hégémonique de la part de la ville-centre ou, plus exactement sans doute, à apaiser les craintes des autres communes à cet égard.

À cette fin, il est proposé un système de répartition des sièges fondé sur l’arrondi à l’entier supérieur du quotient électoral. Ce système, mécaniquement plus favorable aux petites et moyennes communes, permettrait d’atténuer les décalages de représentation provoqués par la proportionnelle majoritaire et renouerait, d’une certaine façon, avec l’esprit communautaire initial.

Le fait que des conseils communautaires puissent voir leur nombre de sièges majoré après l’application du nouveau mode de calcul ne semble pas constituer un obstacle majeur, car des correctifs peuvent être apportés, notamment ceux que propose notre rapporteur. In fine, en renforçant au sein des EPCI la place, notamment, des petites et moyennes communes, cette proposition de loi vise à favoriser chez les élus de celles-ci l’engagement d’une démarche d’appropriation et l’émergence d’un plus fort sentiment d’adhésion. C’est également un moyen de donner un poids plus important à ceux qui représentent les territoires les plus fragiles que constituent généralement nos petites communes, souvent rurales.

Il s’agit véritablement, à la lumière de l’expérience de quelques années de pratique communautaire, de substituer à un strict principe d’égalité démographique un autre, fondé sur l’équité et la solidarité des territoires. Ce travail s’appuyant sur des constats posés dans nos territoires, je soutiendrai cette proposition de loi.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le dispositif de l’accord local ayant été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 juin 2014, nos très éminents collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur avaient déposé une proposition de loi tendant à instituer un dispositif d’accord local conforme à la jurisprudence constitutionnelle.

La loi ainsi votée, intégralement validée par le Conseil constitutionnel, dispose que l’accord local doit respecter un certain nombre de règles : le nombre total de sièges ne peut excéder de plus de 25 % celui qui résulterait de l’application du droit commun ; la répartition des sièges doit, conformément à la jurisprudence, s’établir en fonction de la population de chaque commune ; chaque commune dispose d’au moins un siège ; aucune commune ne peut détenir plus de la moitié des sièges ; la part des sièges attribuée à chaque commune ne peut s’écarter de plus de 20 % de la part de sa population dans la population globale des communes membres, à deux exceptions près.

On voit bien la technicité d’un tel dispositif et combien le chemin est étroit…

Jugeant que l’encadrement de ces accords est trop contraignant et qu’il assure une trop faible représentation des petites communes au sein des intercommunalités, nos collègues ont souhaité assouplir le droit en vigueur en proposant une nouvelle méthode de répartition à la proportionnelle arrondie à l’entier supérieur. La commission a souhaité compléter ce nouveau dispositif et introduit un article 1er bis, visant à modifier le régime actuel de l’accord local en faisant passer le plafond de 25 % de sièges supplémentaires à 45 % et en ajoutant de nouvelles exceptions à la règle selon laquelle aucune commune ne peut être sur- ou sous-représentée à hauteur de plus de 20 %.

L’article 2 de la proposition de loi, qui a été modifié par la commission des lois, tend à prévoir un droit général d’information pour les conseillers municipaux ne siégeant pas dans les instances intercommunales, ce qui va dans le sens d’une plus grande transparence et d’une meilleure responsabilisation des élus qui n’appartiennent pas aux exécutifs locaux.

Mes chers collègues, si nous partageons comme vous la philosophie de cette proposition de loi, qui tend à une meilleure représentation des petites et moyennes communes, nous souhaitons éviter que l’on tombe dans la démagogie en créant des assemblées pléthoriques, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais non, dix sièges supplémentaires au plus ! Ce n’est pas pléthorique !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

… que l’on crée un dispositif qui réglerait des problèmes particuliers que nous connaissons tous sur nos territoires mais qui en susciterait d’autres et, enfin, que l’on adopte un texte qui ne résisterait pas à l’épreuve d’une question prioritaire de constitutionnalité, car la construction des intercommunalités s’en trouverait dès lors une nouvelle fois ébranlée – elle le serait d’ailleurs vraisemblablement même sans QPC, compte tenu du calendrier qu’a rappelé Mme la ministre.

Nous nous réjouirons de pouvoir approuver cette proposition de loi…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet. … si son contenu évolue, notamment le dispositif de l’article 1er, qui soulève un problème de constitutionnalité déjà évoqué, et celui de l’article 1er bis, que nous souhaitons voir modifié par l’amendement du Gouvernement le sécurisant du point de vue constitutionnel.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Roger Karoutchi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Je crains un changement de ton…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi méritoire vient après toutes les tentatives visant à rendre habitable la « baraque », ni faite ni à faire, de la réforme territoriale, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… sous prétexte que ce qui est fait est fait et que les élus seraient las de tout changement, même bénéfique !

Si la loi NOTRe, en imposant des intercommunalités regroupant un minimum de 15 000 habitants, sauf dérogations, et le bouleversement des institutions régionales et départementales ont grandement aggravé la situation et contribué à la création d’intercommunalités « XXL », ce ne sont que les détonateurs d’un explosif bureaucratique dont la fabrication remonte à la loi RCT du 16 décembre 2010.

En rendant obligatoire, pour la première fois, la constitution d’intercommunalités déjà plus vastes que beaucoup de celles qui existaient alors, en réglant par la loi ce qui, jusque-là, relevait du contrat statutaire entre égaux, ouvrant ainsi la voie à la transformation des EPCI intercommunaux en collectivités territoriales sans nom, en préférant la proportionnelle au plus fort quotient, qui favorise les grandes communes, à toute autre règle de répartition des sièges, la loi RCT a lancé le mouvement. Un mouvement sanctifié par le Conseil constitutionnel, qui s’est institué constituant en confondant sciemment intercommunalités, outils des communes pour faire à plusieurs ce qu’elles ne peuvent faire seules, et collectivités territoriales. La règle de la « représentation essentiellement démographique » n’a ici aucun sens, puisque les EPCI rassemblent des communes et non des populations, puisque les membres de leurs assemblées délibérantes représentent des communes ès qualité, et non la population de celles-ci. D’où le malaise résultant de la volonté du Conseil constitutionnel de n’en tenir aucun compte et notre présence ici pour tenter de faire baisser ce malaise d’un cran. C’est une tentative de plus ; il y en aura d’autres !

La proposition de loi initiale avait le mérite de la clarté, une clarté qui manque, à mon sens, au texte de la commission des lois. Celui-ci a cependant le même objet, et l’on nous assure, sans produire d’ailleurs de simulations, qu’elle règle aussi une autre difficulté, à savoir la représentation des communes de taille moyenne au sein des intercommunalités. Je veux bien le croire et je me rallierai d’autant plus facilement à cette version que les auteurs de la proposition de loi initiale l’ont déjà fait.

Cela dit, la solution proposée par la commission n’est pas la seule possible.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est ce que montre l’amendement de notre groupe, qui nous semble avoir un double mérite : celui d’affirmer l’existence des collectivités petites et moyennes à l’intérieur de la grande et celui de la clarté.

Le principe de notre amendement est simple : il s’agit d’attribuer les sièges sur la base non pas de la population réelle, mais d’une population fictive calculée en affectant à celle-ci un coefficient logarithmique décroissant avec la taille des communes. C’est exactement l’inverse de la méthode qui est utilisée – sans que personne n’y trouve à redire, à commencer par le Conseil constitutionnel – pour le calcul de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, dans lequel un urbain vaut deux ruraux, et pour celui du potentiel financier intercommunal agrégé, l’immortel PFIA. On ne trouve pas anormal que les urbains comptent davantage que les ruraux dans ces calculs, mais on trouve anormal que, dans le cadre de l’intercommunalité, des ruraux puissent être comptés pour un peu plus qu’ils ne sont en réalité !

C’est une proposition perfectible, je l’avoue – on peut discuter des coefficients –, mais qui me semble prometteuse si bien sûr l’on n’entend pas se contenter d’un rapiéçage du carcan dans lequel l’intercommunalité a été enfermée ! Rêvons donc un peu…

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Roger Karoutchi applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, le désenchantement qui touche les élus locaux et les risques qu’il représente pour notre démocratie locale ont été largement documentés par la presse. Ce désenchantement a aussi été rendu manifeste par l’enquête conduite par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et par celle qui a été commanditée au Cevipof par l’Association des maires de France. Je vous ai posé deux questions écrites, madame la ministre, pour connaître le nombre de démissions d’élus locaux intervenues depuis 2014. Je ne doute pas que vos services sont en train d’y répondre…

Le fait que l’intercommunalité puisse parfois être mal vécue compte parmi les motifs de ce que l’on a pu qualifier de blues des élus locaux. Certains élus, en particulier les élus non communautaires, peuvent éprouver un sentiment de dilution et de dépossession, dont l’origine, mon cher collègue Collombat, ne se trouve pas uniquement dans la dernière loi d’organisation territoriale.

S’il n’y a pas de raison unique au malaise des élus locaux, la crispation autour du sujet de l’intercommunalité amène à s’interroger sur les relations entre celle-ci et les communes. C’est précisément à cette question que la proposition de loi du groupe socialiste et républicain tend à répondre, au moins en partie, en consolidant la place des communes au sein de l’intercommunalité par une amélioration de la représentation et un meilleur accès à l’information.

Dans cette optique, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, l’esprit de la coopération intercommunale nécessite parfois que l’on dépasse le simple critère de la proportionnalité démographique afin d’aller vers une nouvelle clé de répartition qui pourrait inspirer d’autres travaux à venir.

La France a privilégié, pour les communes, une voie médiane, celle de l’intercommunalité, plutôt que la fragmentation ou la fusion. Cette coopération intercommunale a ainsi constitué un outil de sauvegarde des communes, qui continuent d’exister en son sein.

Or communes et intercommunalité sont « siamoises » : les deux niveaux sont intrinsèquement liés, ils ont besoin l’un de l’autre, même si chacun continue à mener son existence propre. Il est donc nécessaire que l’ensemble des conseillers municipaux puissent être informés de ce qui se passe à l’étage intercommunal. C’est la condition sine qua non pour que la démocratie intercommunale soit vraiment fonctionnelle. En ce sens, la solution présentée au travers de l’article 2 de la proposition de loi semble tout à fait performante.

La question de la juste représentation reste cependant centrale. Cela impose à notre sens de compléter le critère de proportionnalité démographique, car le recours exclusif à celui-ci peut parfois conduire à une accentuation des inégalités de représentation.

Dans l’état actuel des choses, on observe une sous-représentation des communes moyennes, notamment, et l’existence d’un étau trop contraignant posé, de fait, par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Malgré les règles instaurées par le législateur, le constat partagé par la plupart d’entre nous est celui d’une sous-représentation de certains conseils municipaux au sein des organes délibérants de nombre d’intercommunalités.

Par ailleurs, la mise en place d’un accord dit « local » permettant de corriger des écarts de représentation est soumise à des contraintes extrêmement fortes. Je n’y reviendrai pas, mais la jurisprudence Salbris, complétée par celle qui concerne la métropole Aix-Marseille-Provence, a complexifié la mise en œuvre d’un accord local, ce qui a, d’une certaine façon, porté atteinte au fondement du contrat intercommunal.

On se trouve ainsi dans cette situation étonnante où un accord local assurant précédemment une meilleure représentativité et une meilleure acceptabilité de l’intercommunalité est devenu inconstitutionnel, alors qu’un accord légal, qui peut aussi présenter de fortes ruptures de proportionnalité démographique, est, quant à lui, constitutionnel. Il en résulte que si la commune principale est mieux représentée, c’est au détriment d’autres communes, notamment des communes intermédiaires. Malgré le vote de la loi de 2015, les accords locaux doivent donc être transformés.

La nouvelle clé de répartition proposée au travers du texte issu de la commission des lois nous semble intéressante. À cet égard, je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteur : nous savons tous que le sujet est d’une simplicité évidente. §Nous avons ainsi abouti à la coconstruction avec la DGCL et la commission des lois d’une solution qui nous paraît tout à fait efficace. Cela montre qu’il est possible, dans cette assemblée, de transcender les clivages pour travailler ensemble quand il s’agit des territoires.

Il nous est apparu à tous essentiel d’assurer une meilleure représentation des communes, singulièrement de celles qui sont dans un entre-deux et de desserrer l’étau de la jurisprudence constitutionnelle.

La proposition de loi, telle qu’amendée, débouche donc sur une solution pour le calcul de la répartition des sièges qui nous semble tout à fait efficiente. Elle vise, d’une part, à mettre en place un mode de détermination de la représentation des communes au sein de l’EPCI tenant compte non seulement de la population de l’EPCI, mais aussi du nombre de communes, et, d’autre part, à apporter deux assouplissements au régime actuel, trop contraignant, de l’accord local de répartition des sièges, par l’augmentation de 25 % à 45 % du volant de sièges supplémentaires susceptibles d’être créés et par l’ajout d’une nouvelle dérogation au « tunnel » des plus ou moins 20 %. J’espère que Mme la ministre soutiendra un texte qui reprend des propositions qu’elle défendait quand elle était sénatrice…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Quand bien même d’autres règles pourraient être imaginées, par exemple pour tenir compte des morphotypes de communautés, ce dispositif nous semble intéressant. Il vient aménager de façon intelligente la loi NOTRe, dont il faut bien constater les limites en matière de représentativité des conseils intercommunaux.

Enfin, en ce qui concerne l’article 2, mieux associer les conseillers municipaux aux décisions communautaires est une nécessité absolue si nous voulons que le couple commune-intercommunalité puisse mieux fonctionner à l’avenir. Le dispositif auquel nous avons abouti à l’issue des travaux de la commission est un compromis. Il représente un premier pas, il renforce l’information ; sans doute devrons-nous aller plus loin.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi, que nous pourrions d’ailleurs revoir très prochainement, interroge les choix juridiques du Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas un crime de lèse-majesté. En effet, derrière les choix juridiques du Conseil constitutionnel, il y a des choix méthodologiques, qui ne sont jamais neutres.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Que l’on retienne la méthode du plus fort reste ou celle de la plus forte moyenne a des conséquences. Que l’on distribue les parlementaires selon la méthode de Jefferson ou selon la méthode d’Adams a des conséquences.

En outre, la question des critères pourrait éventuellement être reprise dans le cadre de la réflexion sur le Sénat. En effet, la prise en compte de la démographie en tant que telle ne suffit pas toujours à assurer la démocratie : pour une meilleure représentation démocratique, il faut qu’elle soit balancée par des critères territoriaux.

Bien entendu, si parfaite que soit la représentativité d’une assemblée, la faiblesse de ses pouvoirs la rendra fatalement inefficace, voire illégitime, mais nous aurons, espérons-le, l’occasion de revenir sur ce point ultérieurement, lors du débat sur la réforme constitutionnelle. Dans cette attente, nous pensons que cette proposition de loi permettra malgré tout d’améliorer une situation qui n’est pas satisfaisante dans un grand nombre d’EPCI.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à l’ambition de s’attaquer au problème de la représentation de certaines communes au sein des EPCI à fiscalité propre.

Après avoir remercié les auteurs de cette proposition de loi, je dois souligner, comme l’a fait avant moi Jean-Pierre Sueur, le travail remarquable de réécriture de ce texte effectué par notre collègue rapporteur, Maryse Carrère, qui a bien pris en compte les demandes des élus locaux pour mieux coller aux réalités de terrain.

Ce texte vise à rendre plus harmonieux le fonctionnement de ces groupements de communes, un fonctionnement qui a été bien mis à mal par un agrandissement incohérent du périmètre des EPCI et un transfert de plus en plus important de compétences des communes vers l’intercommunalité.

Tout d’abord, je voudrais préciser que si la loi NOTRe a incontestablement aggravé la situation, elle ne l’a pas créée : c’est la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 qui en est à l’origine. Cette loi, associée à une interprétation très contestable du Conseil constitutionnel, a transformé le statut des intercommunalités, pour en faire quasiment des collectivités territoriales.

Quant à la loi NOTRe, elle a été votée sur la base d’un rapport de la commissaire à l’égalité des territoires de l’époque, préconisant de retenir un seuil minimal de 20 000 habitants pour les EPCI. On a donc créé des intercommunalités « XXL », dont les contours ne sont aucunement cohérents avec ceux des cantons et dans lesquelles les maires des petites communes ont le sentiment d’être complètement mis à l’écart.

Dans ces intercommunalités « XXL », les élus des petites et moyennes communes ne se sentent plus écoutés, à l’instar des représentants des départements les moins peuplés au sein des conseils régionaux. Des conseils communautaires comptant 80, 100, voire 120 membres deviennent de plus en plus de véritables chambres d’enregistrement.

Une fois de plus, comme avec la fusion des régions, c’est la relation de proximité qui en a pris un coup, avec les conséquences que l’on connaît et qui trouvent aujourd’hui une expression dans la rue…

Pour éviter toute méprise, j’ajouterai qu’il ne s’agit pas du tout de remettre en cause l’intercommunalité. La loi Chevènement est une loi de dialogue et de confiance. Elle a permis le développement des intercommunalités, qui, dans leur version initiale, devaient être non pas un échelon administratif supplémentaire, mais la traduction de sortes de contrats volontaires entre communes. Je rappelle, à cet égard, que notre Constitution ne reconnaît que trois échelons territoriaux : la commune, le département et la région.

Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. La nouvelle méthode légale de répartition proposée au travers de ce texte, notamment par le biais du dispositif de son article 1er, qui fait dépendre la représentation des communes non seulement de la population de l’EPCI à fiscalité propre, mais aussi du nombre de communes membres, nous semble assurer un rééquilibrage équitable des conseils communautaires, en favorisant la représentation des moyennes communes, qui sont les grandes perdantes du système actuel. Il en est de même de l’assouplissement des règles de l’accord local.

S’agissant du droit général d’information des conseillers municipaux sur les affaires intercommunales, nous pensons qu’il permettra de les associer plus étroitement qu’aujourd’hui au fonctionnement de l’intercommunalité.

J’attire également l’attention sur l’amendement déposé par notre excellent collègue Jacques Mézard qui vise à aider les maires des petites communes à mieux se faire entendre au sein de l’intercommunalité. La conférence des maires permettra une meilleure coordination entre l’intercommunalité et les communes et favorisera le consensus.

Je le redis, cette proposition de loi va dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle le groupe RDSE, dans son ensemble, la votera, mais elle n’est cependant pas suffisante. Il convient de revoir au fond, en se donnant du temps, les dispositions de la loi NOTRe et l’organisation territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. La crise de la représentativité que traverse notre pays est également la conséquence d’une carte administrative de plus en plus complexe et déconnectée du terrain. Les intercommunalités représentent les communes, et non leurs habitants. Il est donc nécessaire de revoir leurs compétences. Écoutons, madame la ministre, la voix des élus de nos communes et redonnons-leur du pouvoir de faire : ce n’est que de cette manière que l’on améliorera la vie de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, chers collègues, la loi NOTRe a modifié l’organisation des collectivités territoriales de proximité, à savoir les communes et les EPCL, notamment en les rassemblant.

Malheureusement, nous constatons aujourd’hui un découragement inquiétant des élus territoriaux, qui se désespèrent du transfert des compétences, de la réduction des moyens financiers et de la perte du pouvoir de décision et de discussion au sein des grandes assemblées.

Les EPCI ont pris une place considérable. Si l’on peut parfois le regretter, car cela se fait au détriment des communes, nous devons, me semble-t-il, l’accepter ; il me paraît dangereux de vouloir détricoter une fois de plus un équilibre qui a été difficile à trouver. Cela étant, comme l’a souligné le Président de la République, cela ne nous empêche pas d’améliorer les choses.

Je pense que la représentation des communes au sein des conseils communautaires est un sujet majeur. Je ne reviendrai pas sur les évolutions intervenues au cours de ces derniers mois, s’agissant notamment de la possibilité de conclure des accords locaux. Des ajustements paraissent nécessaires, et cette proposition de loi ouvre à cet égard, à mon sens, de belles perspectives.

Le texte porte sur plusieurs points : la modification des règles de répartition des sièges par commune, l’assouplissement des règles de l’accord local, avec une augmentation de 25 % à 45 % du volant de sièges supplémentaires susceptibles d’être créés, dans la limite de dix sièges, enfin l’amélioration de l’association des conseillers municipaux aux commissions de travail des EPCI.

Nous constatons que, aujourd’hui, les communes les moins peuplées sont surreprésentées avec la règle du minimum d’un délégué par commune, que les communes moyennes sont en revanche sous-représentées, que les communes les plus peuplées sont normalement représentées. Les accords locaux sont difficiles à mettre en place et ne peuvent prévoir que 25 % de sièges supplémentaires.

À vrai dire, je n’ai pas grand-chose à ajouter sur les amendements, qui ont répondu à mes interrogations. Je pense en particulier à une disposition visant à réduire les écarts de représentation. Je me bornerai à vous livrer quelques éléments de réflexion généraux.

Nous devons améliorer la répartition des sièges entre les moyennes communes et les grandes, les petites communes disposant toujours d’un siège au minimum.

Concernant la méthode de calcul proposée, les simulations font apparaître qu’elle entraînera, par l’application de la règle de la proportionnelle arrondie à l’entier supérieur, une diminution du nombre de délégués des grandes communes et le maintien du nombre de délégués des communes moyennes.

Il me paraît indispensable d’assouplir les règles de l’accord local et d’étendre à 45 %, avec un maximum de dix sièges, le volant de sièges supplémentaires pouvant être créés. Nous pouvons faire confiance aux territoires et les laisser libres d’organiser leurs assemblées de manière à préserver la motivation des élus de proximité, ce qui me paraît essentiel.

Enfin, je ne crois pas opportun d’imposer des règles d’intégration des conseillers municipaux au sein des commissions des EPCI. Cela impliquerait, dans la pratique, une organisation au fonctionnement complexe au quotidien pour la collectivité et je ne suis pas sûr que cela remédierait au climat actuel de découragement. En revanche, il faut laisser la possibilité aux EPCI de mettre en place de telles règles s’ils en éprouvent le besoin. Nous l’avions fait pour la commission des écoles au sein de mon ancienne communauté de communes. Je crois beaucoup à l’accord local. En outre, il me paraît indispensable de redéfinir le partage des compétences et des moyens entre communes et EPCI.

Je le redis, j’ai confiance dans les territoires. Je compte sur eux pour trouver des solutions afin d’encourager tous les élus à poursuivre leurs belles missions de proximité !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, chers collègues, l’intercommunalité occupe désormais une place majeure, au cœur de notre millefeuille politico-administratif. Aux côtés des communes et des départements institués sous la Révolution, et donc plus que bicentenaires, interlocutrices des régions récemment vitaminées, qui se sentent pousser des ailes, ces jeunes communautés de communes ou d’agglomération âgées d’à peine deux ou trois décennies, même si elles ne sont pas toujours bien identifiées par nos concitoyens, jouent désormais un rôle clé dans leur vie quotidienne et l’organisation de notre pays, parce qu’elles exercent de plus en plus de compétences essentielles.

Les principes à la base de leur genèse sont simples et de bon sens : proximité, subsidiarité, efficacité. Un peu à l’image du rôle que joue l’Union européenne à l’égard des États qui la composent, l’intercommunalité est censée permettre de mieux faire ensemble ce que l’on peut difficilement faire seul. « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », selon un proverbe africain.

Néanmoins, la réussite et le bon fonctionnement d’une intercommunalité ne se décrètent pas ; ils se construisent. Il ne suffit pas d’élaborer de beaux projets de territoire, il faut aussi et surtout savoir fédérer. Il faut que chacun se sente concerné, intégré à l’aventure intercommunale, que chaque commune s’estime gagnante et que ses habitants puissent bénéficier de l’amélioration des services et des équipements permise par l’« interco ».

Initialement conçue comme un outil au service des communes, l’intercommunalité n’est cependant plus toujours considérée comme telle. Parmi les causes du vague à l’âme de nombreux élus de communes moyennes ou peu peuplées, noyés au sein de structures vastes et parfois récemment agrandies contre leur volonté, du fait de la loi NOTRe, il y a le sentiment que leur cité est dépouillée de sa souveraineté au profit de l’intercommunalité, et plus insidieusement de la « ville-centre », surtout quand le maire du chef-lieu intercommunal est aussi le président de la communauté de communes ou d’agglomération.

Dans l’Oise, plus de 510 des 679 communes du département comptent moins de 1 000 habitants. Le plus souvent, elles ne sont représentées que par un élu au sein de l’intercommunalité à laquelle elles appartiennent : il leur est difficile, dès lors, d’y être entendues !

Au cœur de la ruralité, certains conseillers communautaires issus des communes moins peuplées se sentent ainsi vassalisés ou méprisés, et les conseils communautaires leur apparaissent comme des chambres d’enregistrement air service du nouveau marquis local. « On ne sert à rien », « tout est déjà verrouillé », entend-on souvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Aussi, au-delà d’un juste rééquilibrage mathématique, cette proposition de loi peut aussi avoir une vertu psychologique. Il est en effet toujours préférable de se sentir considéré plutôt que mésestimé.

S’il est rationnel, le critère démographique peut semer des germes de division et de tentation d’hégémonisme des grandes communes. Les accords locaux de répartition des sièges permis par la loi Chevènement de 1999 ont sans conteste été l’une des sources de l’élan intercommunal, tout comme la souplesse originelle de ces structures, leur capacité d’évoluer, leur vraie liberté politique et administrative, en termes de périmètre, de compétences, de priorités…

Parce que l’exercice de la démocratie intercommunale n’est pas toujours aisé, surtout lorsqu’il s’agit de faire travailler ensemble des élus issus de 40, 50, 60 ou même 90 communes, insuffler une nouvelle dynamique par une représentation plus équitable ne peut être que positif.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

La proposition de loi de nos collègues socialistes ainsi que les amendements de Mme le rapporteur me semblent donc appréciables, et je les voterai volontiers.

Réussir l’intercommunalité, c’est rassembler des communes clans le respect de leur identité et de leur autonomie autour d’un projet de territoire. C’est l’unité dans la diversité, la solidarité pour l’efficacité ; c’est comprendre que du haut de cinquante clochers, on voit plus loin que du haut d’un seul !

« Un pour tous, tous pour un » : telle pourrait, telle devrait être la devise de l’esprit intercommunal.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – L’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa du e du 2° du I est supprimé ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Après la référence : « VI », la fin du premier alinéa est supprimée ;

b) Les 1° et 2° sont abrogés ;

3° Le III est ainsi modifié :

a) Après les mots : « le nombre est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « égal à la moitié du nombre de communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, arrondie à l’entier inférieur et augmentée du nombre de conseillers communautaires correspondant à la strate démographique de l’établissement, conformément au tableau ci-dessous. » ;

b) Les deuxième à dernière lignes de la seconde colonne du tableau constituant le deuxième alinéa sont ainsi rédigées :

c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

– la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 1° » ;

– après la référence : « 4° », est insérée la référence : «, 4° bis » ;

4° Le IV est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Il est attribué à chaque commune un nombre de sièges égal au quotient, arrondi à l’entier supérieur, obtenu en divisant la population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité par le quotient démographique de l’établissement. Le quotient démographique de l’établissement est obtenu en divisant la population municipale totale de l’établissement par le nombre de conseillers communautaires établi en application du III du présent article ; »

b) Le 2° est abrogé ;

c) Au premier alinéa du 3°, les références : « aux 1° et 2° » sont remplacées par la référence : « au 1° » ;

d) Le 4° bis est ainsi modifié :

– les mots : « ayant bénéficié de la répartition des sièges prévue au » sont remplacés par les mots : « s’étant vu attribuer au moins deux sièges en application du » ;

– après les mots : « totalité des », la fin est ainsi rédigée : « sièges répartis en application du même 1° » ;

5° Le V est abrogé ;

6° Le 2° du VI est abrogé.

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, après la référence : « L. 5211-6-1 », sont insérés les mots : «, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ».

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je souhaite intervenir sur cet article, même si la discussion de cette proposition de loi s’inscrit dans l’horaire contraint d’un ordre du jour réservé. On ne pourra pas nous empêcher de dire ce que nous avons à dire sur un texte visant à modifier la loi NOTRe, que vous aviez soutenue mordicus à l’époque, mes chers collègues ! Sur certaines travées peu éloignées de celles de mon groupe, on n’avait d’ailleurs pas hésité à nous qualifier alors de « ringards », parce que nous défendions la place des communes petites et moyennes au sein d’intercommunalités « XXL ». On affirmait que notre défense de la commune relevait de la posture, mais, aujourd’hui, nous faisons tous le constat des difficultés réelles auxquelles conduit la construction de telles intercommunalités…

La vocation des politiques publiques de proximité est avant tout de répondre aux besoins des habitants des territoires.

Nous voterons l’article 1er, quel que soit le sort réservé à nos amendements, parce qu’il va dans le bon sens. Au-delà, nous avons la responsabilité collective de nous interroger sur ce que nous devons faire de cette loi NOTRe que l’on ne cesse de vouloir aménager, y compris parmi ceux qui l’avaient défendue lors de son élaboration. Peut-être devrions-nous convenir ensemble, ici au Sénat, que la loi NOTRe est désormais dépassée et qu’il nous faut inventer autre chose pour défendre la place des communes, cellule de base de la démocratie dans notre République !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

L’amendement n° 18 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour présenter l’amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Depuis 2007, les gouvernements successifs ont tous poursuivi une réforme territoriale dont la finalité est, d’une part, de remplacer les départements par des régions démesurément étendues, et, d’autre part, de marginaliser les communes au profit d’intercommunalités elles aussi démesurément étendues.

Les parlementaires membres de la majorité du président Sarkozy, entre 2007 et 2012, et ceux appartenant à la majorité du président Hollande, entre 2012 et 2017, ont tous cautionné cette réforme très pénalisante pour les communes. Ils portent donc, les uns et les autres, une lourde responsabilité au regard des difficultés que rencontrent les communes en général, et plus particulièrement les petites communes en milieu rural.

Il est quelque peu hypocrite – c’est le moins que l’on puisse dire – de proposer maintenant de petits aménagements qui ne règlent strictement rien sur le fond et qui ont essentiellement pour objet de dégager la responsabilité de ceux qui ont cautionné et voté toutes ces lois. La loi NOTRe a ainsi été adoptée à une très forte majorité par le Sénat et par l’Assemblée nationale ; il en avait été de même, à l’époque du président Sarkozy, pour les lois qui ont imposé un seuil minimum de population pour les EPCI et un redécoupage autoritaire des intercommunalités. À cela s’ajoutent des transferts massifs de compétences, qui ne tiennent pas compte des souhaits des collectivités concernées.

Ainsi, il est évident que la vraie solution passe par une remise en cause globale de la réforme territoriale, et non par une petite rectification purement cosmétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je reviendrai sur la jurisprudence constitutionnelle relative à la métropole Aix-Marseille-Provence. Le Conseil constitutionnel s’était assuré que la réforme proposée avait pour effet de rapprocher de la moyenne, en termes de représentation, un nombre plus important de communes qu’elle n’en éloignait. Dans le cas d’espèce qui lui était soumis, les communes pour lesquelles l’écart à la moyenne diminuait étaient à la fois plus nombreuses et plus peuplées que les communes connaissant une évolution contraire.

La rédaction de l’article 1er issue des travaux de votre commission des lois permet certes une meilleure représentation démographique de 4 701 communes, soit un nombre plus important que celui qui résultait de l’application du dispositif du texte initial. Toutefois, la mise en œuvre de la méthode proposée aboutit aussi à une dégradation de la représentation de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En effet, la représentation se dégrade pour près de 39, 5 millions d’habitants, alors qu’elle s’améliore pour 21, 5 millions d’habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par conséquent, la conformité à la Constitution de ce dispositif paraît très incertaine, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Enfin, à quelques mois des élections municipales, il ne me semble pas opportun de modifier les règles de droit commun d’un dispositif ayant été examiné à maintes reprises par le juge constitutionnel, qui a stabilisé le système.

J’ajoute que si nous avons le même objectif que les auteurs de l’amendement n° 1, nos arguments ne sont pas les mêmes…

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression de l’article 1er. Ils sont bien sûr contraires à la position de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je voterai en faveur de l’adoption de ces amendements. Néanmoins, les motivations des auteurs de l’amendement n° 1 ne sont pas les miennes. Mon vote tient au fait que contrevenir au respect du principe de la représentativité démographique, maintes fois réaffirmé par le Conseil constitutionnel, risque de provoquer le courroux de celui-ci et de créer une insécurité juridique pour nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Pour ma part, je n’ai pas voté la loi NOTRe ; je suis donc assez à l’aise pour envisager son aménagement, puisque nous avions anticipé les difficultés que poserait sa mise en œuvre.

Cela étant, je voterai moi aussi l’amendement du Gouvernement, pour la simple raison que l’on ne peut pas changer les règles du jeu maintenant, alors que les élections municipales sont aussi proches et que les maires sont déjà désespérés par le fonctionnement des intercommunalités. Il n’est pas du tout certain que la navette parlementaire aboutira à temps…

Le Président de la République a affirmé que rien n’était fermé en matière d’aménagements de la loi NOTRe. Il faudrait selon moi reprendre toutes les bonnes propositions des uns et des autres pour élaborer un texte qui aille au-delà d’une simple rustine, absolument insuffisante au vu du contexte.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 15, présenté par M. Collombat et Mme Cukierman, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le IV de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« IV. – Les sièges à pourvoir prévus au tableau constituant le deuxième alinéa du III sont répartis entre les communes selon les modalités suivantes :

« 1° Il est attribué à chaque commune une population fictive par l’affectation à sa population réelle d’un coefficient calculé selon la formule : c = 6 –log (Population/5).

« La population prise en compte est la population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

« 2° Les communes de moins de 500 habitants sont considérées comme des communes de 500 habitants et les communes de plus de 500 000 habitants comme des communes de 500 000 habitants.

« 3° Les sièges prévus au tableau constituant le deuxième alinéa du III sont répartis à la proportionnelle au plus fort quotient, sur la base de la population fictive prévue au 1.

« 4° Une seule commune ne peut obtenir plus de la moitié des sièges. Si c’était le cas, elle se verrait attribuer la moitié des sièges arrondis à l’entier inférieur.

« Les sièges qui, par application du 4°, se trouveraient non attribués sont ensuite répartis entre les autres communes selon les modalités prévues au 3°.

« 5° Si, par application des modalités prévues aux 1° à 4°, le nombre de sièges attribués à une commune est supérieur à celui de ses conseillers municipaux, le nombre total de sièges au sein de l’organe délibérant est réduit à due concurrence du nombre de sièges nécessaire pour que, à l’issue d’une nouvelle application des 1° à 4°, cette commune dispose d’un nombre total de sièges inférieur ou égal à celui de ses conseillers municipaux. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, il faudrait tout de même savoir si l’on veut véritablement améliorer la situation de manière significative ! Vous nous dites que ce n’est pas possible, qu’il faut attendre… Mais qui pensez-vous abuser ?

Pour notre part, nous faisons une proposition ayant le même objet que ce texte, tant dans sa version initiale que dans celle de la commission, mais qui nous paraît, contrairement aux apparences, beaucoup plus simple. Son adoption permettrait de pondérer véritablement la représentation des communes en fonction de leur taille, selon un coefficient inversement proportionnel à leur population réelle. Comme je l’expliquais, c’est l’inverse de la méthode utilisée pour le calcul de la DGF ou du potentiel fiscal intercommunal agrégé.

Il me semble que cela permettrait, sans gêner personne, de lisser la représentation des communes, y compris les communes moyennes, et non pas seulement les petites, en fonction de la population.

On m’objectera, je le sais bien, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais il faut sortir de ce carcan ! Soit on essaie d’élaborer une règle claire et relativement équilibrée, soit on continue de faire semblant ! Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mes chers collègues, mais les Français et les maires commencent à en avoir assez, que l’on fasse semblant !

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Je comprends l’intention de M. Collombat, puisque nous voulons, nous aussi, améliorer la représentation des petites communes au sein des conseils communautaires. Cependant, je suis au regret, mon cher collègue, de devoir vous redire que l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’accroître considérablement les écarts de représentation entre les communes, au-delà encore de ceux que nous constatons aujourd’hui. Concernant la moyenne de nombre d’habitants par siège, ce dispositif se heurterait de plein fouet à la jurisprudence constitutionnelle.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le sénateur, vous avez vous-même répondu aux questions que vous avez posées, mais je vais tout de même vous apporter la réponse du Gouvernement…

Vous préconisez d’appliquer aux différentes communes d’un EPCI à fiscalité propre un coefficient décroissant à mesure que la population de la commune est élevée, ce qui permettrait d’augmenter virtuellement la population des communes, notamment celle des moins peuplées d’entre elles. Cela ne garantit pas, évidemment, une répartition proportionnelle des sièges entre les communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par ailleurs, aux termes de votre proposition, le coefficient serait le même pour tous les EPCI à fiscalité propre ; la proportion de représentation entre les communes au sein de chaque EPCI ne serait pas prise en compte.

Au fond, cette méthode – n’y voyez pas une critique – tend à la surreprésentation des communes les moins peuplées au détriment des autres, alors que l’on cherche à rééquilibrer les choses pour l’ensemble des communes. Dans la première distribution des sièges, à la proportionnelle, on donne tout de même automatiquement un siège aux communes les moins peuplées : mathématiquement, elles sont donc surreprésentées par rapport à leur population. Le problème que nous cherchons tous, depuis longtemps, à résoudre est celui de la représentation des communes de taille intermédiaire. Tel est le vrai sujet, et il me semble que vous n’y répondez pas.

Par ailleurs, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, un tel dispositif ne serait pas accepté par le Conseil constitutionnel au vu de sa jurisprudence. Or, aux termes de l’article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil s’imposent aux pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement compris.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la ministre, tout cela me fait penser à la célèbre formule du père Queuille, selon laquelle il faut faire en sorte que l’impôt rende plus sans imposer plus les contribuables ! Vous voulez rééquilibrer la répartition des sièges en faveur des petites communes, mais sans rien changer : c’est contradictoire !

Tant que l’on en restera, en matière de représentation des communes, à l’application d’une règle essentiellement démographique, on n’en sortira pas ! On compliquera le système, on l’obscurcira, mais on n’en sortira pas ! C’est un problème de principe : les intercommunalités sont-elles des outils rassemblant des communes, où chacune de celles-ci doit avoir une place suffisante, ou bien sont-elles les antichambres de nouvelles collectivités territoriales dont on ne veut pas dire le nom ? Ce qui est visé en réalité, c’est la suppression des communes, leur disparition à l’intérieur des intercommunalités ! On commence à s’en apercevoir, sous les apparences : les maires continuent à inaugurer les chrysanthèmes, mais ils n’ont plus de pouvoir. S’il n’en était pas ainsi, s’il n’y avait pas ce malaise, nous ne serions pas là aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est un débat de fond très important qu’engage notre collègue Pierre-Yves Collombat.

Nous sommes, je crois, nombreux à estimer l’intercommunalité doit rester l’intercommunalité, c’est-à-dire une confédération de communes souveraines dans l’exercice de leurs compétences, mettant simplement en commun des moyens, avec des élus qui sont ceux des communes, et non pas des élus intercommunaux. De ce point de vue, je vous rejoins entièrement, monsieur Collombat.

L’efficacité de l’intercommunalité tient selon moi, pour l’essentiel, à l’état d’esprit que l’on réussit à mettre en œuvre dans la coopération entre les représentants des communes. Ce défi est d’ailleurs parfois difficile à relever, tant certaines de nos intercommunalités ont été constituées à partir d’un nombre sans doute excessif de communes, ce qui rend très compliquée la gouvernance. Les travaux effectués sous l’autorité de notre collègue Mathieu Darnaud nous ont du moins permis de progresser dans la conception des correctifs nécessaires pour améliorer le fonctionnement de ces grandes intercommunalités.

Dans tous les cas, mon cher collègue, les questions que vous soulevez ne peuvent pas être résolues par un texte de loi ordinaire : il est nécessaire, à mes yeux, de réviser la Constitution à cette fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il s’agit de faire comprendre que, dans notre démocratie, on ne donne pas une place suffisante aux territoires au regard de la prise en compte du nombre d’habitants. En réalité, il y a plus de démocratie, et non pas moins, quand le territoire est pris en compte, à côté du critère démographique.

Pour ma part, je crois que le débat constitutionnel à venir sera utile sur ce point si le Sénat parvient, conformément à sa vocation constitutionnelle, à assurer la meilleure prise en compte des communes dans les intercommunalités, en desserrant quelque peu ce carcan qui a été construit non par le législateur, mais par le juge constitutionnel, s’appuyant sur une jurisprudence du Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ces institutions très respectables doivent bien entendu être respectées. Pour autant, il est un moment où le constituant, au nom du peuple français, doit s’emparer de ce type de questions pour faire progresser la démocratie.

Cela étant, à ce stade, nous n’allons pas adopter un texte inconstitutionnel, d’autant que nous savons que la clé du problème est dans la révision de la Constitution, et non pas dans la modification de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

M. David Assouline s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

J’entends vos arguments, monsieur le président de la commission. Je voterai néanmoins l’amendement que j’ai signé avec mon collègue Pierre-Yves Collombat.

Une révision constitutionnelle est en cours, paraît-il ; peut-être aurons-nous un jour l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle… Peut-être s’agit-il également de tirer les enseignements de la crise que connaît notre pays actuellement, en affirmant dans la Constitution le principe d’une égalité à la fois démographique et territoriale. En effet, la colère qui monte aujourd’hui et qui s’exprime depuis le mois de décembre l’exige. Plus largement, nous constatons chez nos collègues élus locaux et maires un sentiment d’abandon et de déclassement lié avant toute autre chose à une absence d’égalité territoriale. Ce sentiment, nous devrons le prendre en compte.

On nous objecte que notre amendement serait anticonstitutionnel, mais permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que nous avons déjà adopté des amendements ou des articles anticonstitutionnels. Ainsi, une proposition de loi a été adoptée mardi dernier dans cet hémicycle pour modifier certains articles de la loi ÉLAN ayant été jugés anticonstitutionnels. Quand on veut, on peut ! Il est également utile de rappeler aujourd’hui que c’est bien le Parlement, constitué des représentants du peuple français, qu’ils soient élus au suffrage direct ou au suffrage indirect, qui fait la loi, et non pas un conseil, une cour ou autre autorité, quel que soit le respect qu’on leur doit.

Enfin, j’indique à ceux de nos collègues qui semblent impatients que ce débat s’achève pour qu’ils puissent entamer l’examen du texte suivant qu’il s’agit ici d’une proposition de loi importante, qui concerne l’avenir de nos territoires. Ce débat mérite qu’on y consacre le temps nécessaire : je ne me sens responsable de ce qui se passera demain quant à une contribution de Google aux recettes de notre pays. Que l’on ne nous fasse pas de chantage sur ce point, ou alors autant tuer la démocratie, cela ira plus vite !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 2, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Le présent article ne s’applique que s’il n’a pas pour effet d’augmenter le nombre des conseillers communautaires dans les intercommunalités dont le conseil communautaire est déjà composé de plus de 100 membres.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Du fait de la création d’intercommunalités démesurément étendues, les conseils communautaires comportent parfois un nombre considérable de membres. Or, au-delà de 100 membres, il n’y a bien souvent pas de débat possible, les pouvoirs étant concentrés dans les mains de quelques élus qui tirent les ficelles.

Au moment où l’opinion publique se plaint déjà du nombre excessif d’élus à tous les niveaux, il ne serait pas raisonnable de transformer les conseils communautaires en armées mexicaines. Dans certains cas, l’efficacité est inversement proportionnelle au nombre de délégués.

Le problème actuel provient de la fusion autoritaire des intercommunalités, qui a créé des structures démesurément étendues. La solution réside dans la réduction de la taille des intercommunalités plutôt que dans la multiplication d’assemblées communautaires aux effectifs pléthoriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

La rédaction de cet amendement pose des problèmes légistiques : on ne sait pas quelle règle s’appliquerait dans le cas mentionné. Par ailleurs, la mise en œuvre des dispositions du texte de la commission ne conduirait qu’à une hausse limitée du nombre de conseillers communautaires, et ce seulement dans certains EPCI à fiscalité propre. Nous avons d’ailleurs prévu que la réforme s’opérerait à enveloppe indemnitaire constante. Lorsqu’un EPCI compte plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de communes membres, il est inévitable que son conseil communautaire soit étoffé si l’on veut que l’ensemble des communes y soit représentées.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Le 2° du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le e est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – lorsque la répartition effectuée en application des III et IV conduirait à ce que la part de sièges attribuée à une commune au moins s’écarte de plus de 40 % de la proportion de sa population dans la population globale, et à condition, d’une part, que la répartition effectuée par l’accord réduise la moyenne des écarts entre la part de sièges attribuée à chaque commune et la proportion de sa population dans la population globale, pondérée par la population de chaque commune, d’autre part, qu’aucune commune ne se voie attribuer une part de sièges s’écartant de plus de 30 % de cette même proportion, sans préjudice des c et d du présent 2°. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il n’existe aucune répartition possible qui respecte l’ensemble des modalités définies aux a à e, ou lorsqu’il n’est possible de respecter l’ensemble de ces modalités qu’en répartissant un nombre de sièges inférieur à celui qui résulterait de l’application des III et IV, il peut être dérogé au a du présent 2°, sans que le nombre total de sièges répartis entre les communes puisse excéder de plus de 45 % celui qui serait attribué en application des III et IV et dans la limite de dix sièges supplémentaires par rapport à l’effectif maximal résultant du a du présent 2°. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Collombat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Le présent amendement procède de la même logique que l’amendement de suppression de l’article 1er ; il est défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Nous avions déposé cet amendement par cohérence avec notre proposition de réécriture de l’article 1er : dans l’hypothèse où, miraculeusement, cette proposition aurait été adoptée, l’article 1er bis n’aurait plus eu d’objet. Puisqu’elle a été rejetée, je retire le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 16 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 3 ?

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 19, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il s’agit d’un amendement de suppression partielle : le Gouvernement est opposé à la première partie de cet article, mais non à la seconde, qui concerne l’accord local.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Cet amendement est contraire à la position de la commission. Nous estimons que la nouvelle dérogation au « tunnel » des plus ou moins 20 % introduite en commission est conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Elle est même inspirée, comme vous l’avez vous-même indiqué, madame la ministre, par les es considérants de la décision du Conseil constitutionnel Commune d ’ Éguilles et autre relative à la métropole Aix-Marseille-Provence. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer la première occurrence des références :

III et IV

par les références :

III à V

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 20 est retiré.

L’amendement n° 4, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Le présent article ne s’applique que s’il n’a pas pour effet d’augmenter le nombre des conseillers communautaires dans les intercommunalités dont le conseil communautaire est déjà composé de plus de 100 membres.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

L’argumentation est la même que pour l’amendement n° 2.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II – Par dérogation au premier alinéa du VII de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, en prévision du renouvellement général des conseils municipaux organisé au titre de l’année 2020, les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération peuvent procéder aux opérations prévues aux I, IV et VI du même article jusqu’au 30 septembre 2019.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par cet amendement, nous entendons reculer la date butoir pour les négociations entre collectivités territoriales concernant l’accord local. Le préfet serait tenu de prendre l’arrêté de composition du conseil communautaire avant le 31 octobre 2019, et non plus le 31 août.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

La commission se félicite du dépôt de cet amendement, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de faire aboutir la navette parlementaire en temps utile pour que les assouplissements que nous proposons puissent s’appliquer dès les élections municipales de 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je tiens à saluer, madame la ministre, l’excellence de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voterai évidemment cet amendement des deux mains ! Cela dit, il faudra aussi faire preuve de pédagogie auprès des conseils municipaux lors des élections afin de favoriser la conclusion d’accords locaux. Ce n’est pas tout d’adopter un tel texte : encore faut-il promouvoir les accords locaux. J’espère donc que les préfectures, sur l’incitation du ministère, communiqueront suffisamment sur la capacité des élus à conclure ces accords, d’autant que l’on comptera beaucoup de nouveaux élus en 2020, dans la mesure où nombre des sortants vont jeter l’éponge et ne se représenteront pas. Il sera extrêmement important de promouvoir les accords locaux, qui peuvent permettre de résoudre certains problèmes avant même qu’ils ne se posent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’ai indiqué que l’arrêté du préfet devrait être pris avant le 31 octobre. L’échéance pour les négociations est reportée, quant à elle, du 31 août au 30 septembre.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er bis est adopté.

La sous-section 3 de la section 6 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 5211-40-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 5211 -40 -2. – Les conseillers municipaux des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale qui ne sont pas membres de son organe délibérant ont le droit, dans le cadre de leur fonction, d’être informés des affaires de l’établissement qui font l’objet d’une délibération.

« Le cas échéant, la note explicative de synthèse mentionnée au premier alinéa de l’article L. 2121-12 leur est communiquée, de même que le rapport mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 2312-1. Cette communication peut avoir lieu par voie électronique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 5, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Le présent amendement procède de la même logique que l’amendement de suppression de l’article 1er.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gabouty, Guérini, Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 5211-40 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 5211–40. – La conférence des maires est une instance de coordination entre la communauté urbaine, la communauté d’agglomération, ou la communauté de commune et les communes membres, au sein de laquelle il est débattu de tous sujets d’intérêt intercommunal ou relatifs à l’harmonisation de l’action entre les communes et l’intercommunalité.

« Cette instance est présidée de droit par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et comprend les maires des communes membres.

« Elle se réunit au moins deux fois par an, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, à la demande de l’organe délibérant de l’établissement ou du tiers des maires des communes membres, sur un ordre du jour déterminé.

« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les bureaux sont déjà composés de l’intégralité des maires sont dispensés de cette mesure.

« Les membres de cette instance ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à son fonctionnement ne peut être pris en charge par une personne publique. »

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Pour rédiger cet amendement, nous nous sommes inspirés de l’excellent rapport d’information sur la revitalisation de l’échelon communal publié par la mission sénatoriale de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale et, plus précisément, de ses préconisations visant à mieux associer les élus des communes au fonctionnement de l’intercommunalité.

Nous proposons tout simplement de rendre obligatoire la création, dans chaque EPCI à fiscalité propre, d’une instance de dialogue réunissant tous les maires des communes membres, afin de garantir la bonne coordination des actions entre les communes et l’intercommunalité et de leur permettre de débattre de projets préalablement à leur examen par le conseil communautaire.

La conférence des maires permettra aux plus petites communes de mieux faire entendre leur voix. Elle permettra également une meilleure coordination entre l’intercommunalité et les communes. Enfin, elle favorisera le consensus ; nous en avons bien besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

De nombreuses communautés de communes ou communautés d’agglomération, ainsi que des communautés urbaines, ont déjà pris l’initiative de créer une conférence des maires, qui joue un rôle important pour associer ces derniers à l’action intercommunale.

Nous avons toujours considéré qu’il était préférable de s’en remettre à l’initiative locale. Cependant, un sérieux problème se pose depuis l’adoption de la loi NOTRe et la refonte de la carte intercommunale qui s’est ensuivie : un grand nombre de compétences communales ont été transférées et beaucoup de maires se plaignent de ne plus être entendus au sein de leurs EPCI.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement, d’autant que la rectification demandée en commission a été apportée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je formulerai quelques remarques.

Tout d’abord, il existe des conférences de maires dans de nombreuses intercommunalités. Spontanément, les présidents d’intercommunalités, dans leur règlement intérieur, ont institué de telles instances, qui réunissent tous les maires présents, quand bien même elles ne s’appellent pas toujours des conférences des maires.

Ensuite, lorsque je me déplace dans les territoires, j’entends dire souvent qu’il y a beaucoup trop de réunions, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je fais donc remarquer que l’adoption de cet amendement imposera un organisme supplémentaire !

Évidemment, je comprends ce qui motive cette démarche. Osons le dire clairement : parfois, des problèmes de gouvernance se posent. Il arrive que l’exécutif, voire la présidence d’une intercommunalité, ne prenne pas le soin d’instaurer ces conférences des maires ou de faire de la négociation – de telles situations existent.

C’est pourquoi le Gouvernement est plutôt bienveillant à l’égard de la philosophie qui sous-tend cet amendement, mais il craint qu’une telle disposition n’instaure une lourdeur supplémentaire. Quid de la liberté locale, en effet ? Je me fais l’avocat du diable, si je puis dire, et souhaite insister sur le pour et le contre, car j’entends souvent dire qu’il ne faut pas que la loi impose trop de règles.

Le Sénat décidera ce qu’il veut, mais il ne faudra pas ensuite reprocher au Gouvernement d’imposer des contraintes supplémentaires ou d’alourdir la réglementation !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas notre genre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je souscris aux propos de Mme la ministre : nous ne sommes pas là pour promouvoir la réunionite. Nous sommes bien conscients qu’il y a déjà suffisamment de réunions.

Je veux rendre hommage à Mme la rapporteur et saluer le travail de fond qui a été accompli, car, pour m’y être essayé en d’autres temps – avec vous, d’ailleurs, madame la ministre ! §–, je sais que, quel que soit le nombre d’heures que l’on y consacre, l’on n’arrivera jamais à trouver une formule qui convienne dans l’absolu à la fois aux plus petites, aux moyennes et aux grandes communes. C’est pourquoi la conférence des maires reste, à mon sens, un passage obligé.

Sans être trop contraignant, le dispositif prévu par cet amendement, que je soutiens pleinement, a véritablement vocation à mettre les maires autour de la table. Ma philosophie, c’est que l’intercommunalité doit rester un espace de mutualisation et de projets, car ce n’est pas une collectivité. À ce titre, je fais miens les propos tenus à la fois par Pierre-Yves Collombat et par le président de la commission des lois, Philippe Bas.

Il est nécessaire que les maires ou leurs représentants puissent se retrouver. Certes, certaines gouvernances sont parfois pléthoriques et peuvent dépasser les deux cent cinquante membres, voire approcher les trois cents. Vous imaginez alors combien il est difficile, dans ce cas, de faire de la concertation et de garantir que chaque commune soit entendue.

C’est la raison pour laquelle il faut, sans que cela soit trop contraignant, rappeler à chaque président d’intercommunalité la nécessité d’organiser, au moins une à deux fois par an, un temps de concertation, pour que chacune des voix des territoires intercommunaux puisse être entendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mon intervention vaudra également explication de vote sur l’article 2.

L’intention est bonne, et c’est pour cela que nous ne voterons pas contre cet amendement. Mais, là encore, mes chers collègues, on confond les choses ! Sous une forme assez anodine, on modifie le fonctionnement démocratique normal d’une institution, par une opération consistant à remplacer la démocratie représentative par de la démocratie participative.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais si !

Sous prétexte que l’intercommunalité ne fonctionne pas selon des règles démocratiques satisfaisantes, ce qui est vrai, on rajoute quelque chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Si ! Or, précisément, cela ne devrait rien avoir à voir. Nous ne sommes pas là pour cela. Nous sommes ici pour trouver des règles afin que puisse fonctionner la démocratie représentative des communes, et pas des populations. Comme on ne peut pas le faire, on rajoute des trucs !

Je ne voterai pas contre cet amendement, car, d’un point de vue pratique, ce dispositif n’est pas si mauvais et sert à quelque chose. Reste que, encore une fois, il s’agit d’une boursouflure sur les institutions pour éviter de trancher dans le vif et pour permettre aux intercommunalités de fonctionner démocratiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Ce n’est pas une boursouflure, c’est au contraire un baume, selon moi.

En règle générale, je suis très hostile à l’imposition universelle et uniforme de contraintes, mais cet amendement a, en plus du reste, valeur de symbole.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Il rappelle en effet que l’intercommunalité est un espace de coopération entre les communes et que rien ne peut se faire sans les maires. Dans 90 % des cas, spontanément, l’intercommunalité réunit les maires. Ce dispositif donne un signe, afin que les réunions aient lieu là où les élus les refusent. Dans le cas où le bureau des intercommunalités est composé des maires, cette obligation de réunion ne s’ajoute pas.

Par ailleurs, le terme « réunionite » me semble quelque peu excessif : il n’est question que de deux réunions au maximum par an !

Par conséquent, je suis favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Mme Gatel a exprimé exactement ma pensée. Je la remercie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la présidente, je commencerai par une incidente, pour me réjouir de l’adoption de l’article 1er, qui va sérieusement desserrer les contraintes et favoriser les accords locaux. Il s’inspire d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant la métropole d’Aix-Marseille, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… tout en accordant un peu moins de souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous faisons ce que le Conseil constitutionnel a dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je tiens à rendre hommage à notre rapporteur pour la solution qu’elle a trouvée et qui me paraît tout à fait remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est tout à fait le type d’initiative sénatoriale qui nous permet de répondre à des attentes très concrètes des maires de notre pays. La belle unanimité dont vous avez fait preuve pour adopter cette mesure, mes chers collègues, témoigne du fait que chacune et chacun d’entre vous a bien senti la percée permise par le travail de notre rapporteur.

Par ailleurs, je ne comprends pas l’opposition de Pierre-Yves Collombat à l’excellent amendement de Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Quel président d’intercommunalité prendrait aujourd’hui le risque de laisser se distendre le lien avec les maires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous voulons au contraire faire en sorte que ce lien démocratique reste serré. Nous avons l’occasion de le signifier d’une manière fortement symbolique, pour le cas où, par mégarde, un président de communauté de communes oublierait spontanément d’organiser une telle réunion ou d’offrir un cadre juridique à cette conférence des maires.

Mme Françoise Gatel acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est très important. C’est pourquoi j’apporte mon soutien à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous soutenons l’amendement de M. Jacques Mézard.

Pour avoir eu l’occasion de présider une intercommunalité pendant de nombreuses années, je sais qu’il est très utile d’organiser une réunion des maires. En effet, lorsque les maires sont d’accord, cela apporte une forte garantie.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 6, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ont le droit, dans le cadre de leur fonction, d’être informés

par les mots :

doivent être informés

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

La rédaction initiale de cet article laisse entendre que les conseillers municipaux doivent prendre l’initiative de solliciter une information. Il est préférable de prévoir que, en tout état de cause, l’information doit leur être transmise.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

L’objet de cet amendement n’a aucune portée réelle. La commission émet donc un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 8, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutes les délibérations prises par l’établissement doivent être transmises à l’ensemble des conseillers municipaux.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

La moindre des choses est de tenir informés les élus municipaux des communes membres des délibérations prises par l’établissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Cette mesure est inutile : les réunions des conseils communautaires sont publiques, et leurs délibérations sont transcrites au registre des délibérations, communicables à toute personne et obligatoirement publiées au recueil des actes administratifs, dans tous les EPCI comportant au moins une commune de 3 500 habitants et plus.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je profite de l’examen de cet amendement pour rappeler, car on ne le dit jamais, que, depuis la loi de 2010, les conseillers municipaux des communes membres d’une intercommunalité qui ne sont pas conseillers communautaires peuvent être présents et participer aux commissions de l’intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

C’est l’un des moyens d’associer les conseillers municipaux aux intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

S’agissant de cet amendement, j’émets, moi aussi, un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

Le cas échéant,

2° Remplacer les mots :

leur est

par les mots :

doit leur être

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Il est souhaitable qu’il s’agisse d’une obligation de communication et non pas d’une faculté de communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 7, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Après le mot :

échéant

insérer les mots :

le projet de délibération et

2° Remplacer les mots :

est communiquée

par les mots :

sont communiqués

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Si la note explicative sur un projet de délibération doit être transmise, il est normal que le projet de délibération lui-même soit également transmis.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

S’agissant de l’amendement n° 10, en langage législatif, l’indicatif a valeur d’impératif ; il est donc inutile de surenchérir. La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.

De même, la commission est défavorable à l’amendement n° 7.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 9, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle doit s’effectuer au moins trois jours francs avant la réunion du conseil communautaire.

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Il est totalement inutile d’informer les conseillers municipaux des communes membres si cette information a lieu après que la délibération a été prise.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi concernant la représentation des petites communes et visant à remédier à certaines conséquences de la politique conduite à leur encontre par les majorités parlementaires de 2007 à 2012 et de 2012 à 2017

La parole est à Mme Claudine Kauffmann.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Mme Claudine Kauffmann. Trop souvent, les parlementaires qui ont voté certaines lois sont frappés d’amnésie.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Ainsi, en ce qui concerne l’organisation territoriale, la politique qui consiste à étrangler les communes au profit des intercommunalités a été conduite de manière continue, aussi bien par le président Sarkozy que par le président Hollande.

Curieusement, actuellement, on a l’impression que tout le monde déplore la situation créée et que quasiment personne n’a voté les dispositions en cause. Le présent amendement tend à rappeler implicitement les responsabilités des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 22, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à faciliter la conclusion d’accords locaux pour la répartition des sièges dans les conseils communautaires

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 22 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 11 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Mme Maryse Carrère, rapporteur. Cet amendement étant purement polémique, il n’est pas utile que je le commente.

Sourires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Malgré toutes les raisons que nous aurions de ne pas voter ce texte, nous le voterons, car il va dans la bonne direction et apporte une amélioration aux toutes petites collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. L’auteur est satisfait !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Notre collègue Sueur et les membres de son groupe méritent les applaudissements qu’ils ont reçus. Je salue, comme je l’ai déjà fait, le travail accompli par la rapporteur et la reconnaissance, sur toutes les travées, de la nécessité de prendre en compte la diversité des territoires et de corriger les irritants.

Ce texte est un progrès. Toutefois, comme je l’ai dit, au vu du risque constitutionnel – le Conseil constitutionnel s’est déjà exprimé très clairement sur ce sujet – et du courroux très vif que cette mesure suscitera de la part des collectivités, nous ne pouvons être favorables à l’article 1er.

C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte, tout en souhaitant que des évolutions aient lieu et que nous parvenions, y compris dans le cadre de la révision constitutionnelle, à reconsidérer certaines dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Nous aussi, nous appelons de nos vœux une révision de la loi NOTRe, comme d’une partie de la loi RCT, c’est-à-dire portant réforme des collectivités territoriales. Il faut reconsidérer l’intercommunalité dans son ensemble et dans ses évolutions, notamment les problématiques de gouvernance que posent certaines intercommunalités dites « XXL ». Nous l’avons souligné à maintes reprises dans les différents rapports qui ont été rédigés au nom de la commission des lois.

En attendant, parce que ce texte est pertinent – je veux, encore une fois, saluer le travail compliqué accompli par la rapporteur, car c’est parfois un travail d’équilibriste –, nous le voterons avec engouement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

À mon tour, je m’associe aux félicitations adressées à Mme la rapporteur et à tous ceux qui l’ont entourée pour faire en sorte que ce texte soit aujourd’hui voté à une large majorité dans cet hémicycle.

Je salue également l’initiative de M. Sueur et des membres du groupe socialiste et républicain. Les enrichissements dont a bénéficié ce texte les satisfont, car ils permettent une véritable avancée.

Nous avons une différence d’appréciation avec nos amis du groupe CRCE, mais nous essaierons de les convaincre, car, nous aussi, nous défendons les communes par le biais de cette très belle proposition de loi, qui, je l’espère, prospèrera à l’Assemblée nationale. Nous la voterons donc avec beaucoup d’enthousiasme.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Il est vrai que Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault ont été, dans une autre configuration, les spécialistes de la rustine des textes mal ajustés !

Sourires. – Mme la ministre rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’est la preuve que les textes vivent, ce qui est une bonne chose, mais ce n’est pas la première fois que l’on rustine…

Certes, ce texte est important, mais ce qui se passera en 2020 le sera plus encore, car ce que veulent les gens – le grand débat, mais aussi les cahiers de doléances l’attestent –, c’est avoir une vision plus claire et savoir qui prend la décision, à quel moment et à quel niveau. En effet, les interférences de collectivités, de communes nouvelles, de nouvelles intercommunalités sont source d’opacité pour les citoyens.

Comme l’ensemble des membres du groupe de l’Union Centriste, je m’abstiendrai sur ce texte, en notant néanmoins qu’il constitue une avancée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’aime beaucoup l’histoire et la géographie.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame Goulet, j’ai très bien connu la famille Rustin : c’est elle qui a inventé les rustines. Elle avait une belle entreprise sur la Vallée du Loir, à la limite du Loir-et-Cher et de la Sarthe, exactement à Ruillé-sur-Loir – aucun sénateur de la Sarthe n’est malheureusement présent cette après-midi. Je vous remercie beaucoup de m’avoir permis de rappeler qui étaient les inventeurs et les industriels de la rustine.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Je rappellerai quelques motifs de satisfaction, avant le vote de ce texte.

Je me félicite de la coconstruction qui a présidé au travail sur cette proposition de loi. Cette coconstruction a bien sûr commencé entre l’auteur du texte et la commission, mais elle a également eu lieu avec les services du Gouvernement et de la DGCL, la Direction générale des collectivités locales ; je les remercie vivement de leur collaboration et du soutien qu’ils nous ont apporté. J’en profite pour saluer les services de la commission, pour leur aide logistique et mathématique.

J’espère que cette proposition de loi, si elle est adoptée aujourd’hui, aura l’occasion d’être enrichie par la navette parlementaire et que nos discussions trouveront l’issue la plus équitable possible, même si, comme le soulignait Mathieu Darnaud, l’exercice est compliqué. C’était en tout cas, je le crois, l’état d’esprit de Jean-Pierre Sueur lorsqu’il a proposé ce texte.

Cette proposition de loi est un moyen de réaffirmer la place de la commune comme pilier central de l’intercommunalité, pour que les EPCI ne se déconnectent pas et ne fonctionnent pas de façon autonome. Pour cela aussi, ce texte est un beau symbole.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

Je précise que la durée de cette suspension de séance sera bien entendu décomptée des quatre heures attribuées au groupe socialiste et républicain pour son espace réservé.

La proposition de loi est adoptée. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

Je précise que la durée de cette suspension de séance sera bien entendu décomptée des quatre heures attribuées au groupe socialiste et républicain pour son espace réservé.

Exclamations amusées.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.

Photo de Hélène Conway-Mouret

Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie mercredi 23 janvier 2019 sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.

Photo de Hélène Conway-Mouret

Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie mercredi 23 janvier 2019 sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.

Conclusions de la conférence des présidents

Photo de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, présentée par M. David Assouline et plusieurs de ses collègues (proposition n° 705 [2017-2018], texte de la commission n° 244, rapport n° 243).

Dans la discussion générale, la parole est à M. David Assouline, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le Sénat s’est souvent illustré par le passé pour sa défense intransigeante et constante des grandes libertés de notre République. Il a su mener de justes combats, au-delà du cadre partisan, pour étendre et conforter ce qui fait la dignité de l’homme.

Aujourd’hui, il revient au Sénat de dénoncer un péril mortel qui menace nos démocraties. L’un de nos plus illustres prédécesseurs sur ces travées, Victor Hugo, déclarait en 1848 : « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. » Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, ceux qui fustigent l’une s’en prennent aussi à l’autre.

Dans le prolongement de ce long combat, je vous propose d’apporter une pierre à cet édifice jamais achevé, en adoptant cette proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de presse et des agences de presse.

La presse telle que nous la connaissons est en déclin continu. Elle est menacée par la violence qui veut la museler.

Le dernier rapport de Reporters sans Frontières fait état, pour la seule année 2018, de la mort de 80 journalistes, 49 d’entre eux ayant été assassinés en raison de leur profession. En dix ans, ce sont 702 journalistes qui ont trouvé la mort dans ces conditions. Par ailleurs, 348 journalistes sont en détention et 60 gardés en otages.

Selon le rapport, ces chiffres, en hausse, traduisent « une violence inédite contre les journalistes ». Ils font singulièrement écho aux agressions et aux insultes qu’ont subies, ici même en France, ces dernières semaines, des représentants de la presse, leurs auteurs ayant été encouragés par des déclarations de dirigeants politiques légitimant la haine contre les journalistes. Et je passe sur tous ces États qui interdisent tout simplement l’information libre et non faussée, jusqu’à la remettre en cause au cœur de l’Europe.

En outre, il y a la situation économique de la presse. Aujourd’hui, c’est toute la chaîne de valeur qui est menacée : éditeurs, journalistes, marchands. En 2009, quelque 7 milliards d’exemplaires de journaux étaient vendus chaque année, contre un peu moins de 4 milliards aujourd’hui. Quel autre secteur a perdu plus de 40 % de ses ventes en dix ans ? Le chiffre d’affaires de la presse baisse ainsi de plus de 4, 5 % par an, ses recettes publicitaires de 7, 5 %. Rien ne semble pouvoir arrêter cette spirale mortifère.

Nous en voyons les conséquences autour de nous : moindre couverture des événements internationaux, fermeture de marchands de presse à un rythme soutenu, quasi-faillite de Presstalis, difficultés de l’Agence France Presse, l’AFP… C’est toute la chaîne de production de l’information qui est fragilisée et, avec elle, le pluralisme, notre démocratie et une certaine conception du débat d’idées entre les citoyens.

Avec le développement de l’internet, la vente d’exemplaires papier a basculé vers le numérique, les géants du secteur, les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, accaparant une part écrasante des recettes publicitaires.

Comment opèrent-ils ? Les résultats d’une requête sur un moteur de recherche sont accompagnés, comme vous le savez, d’un résumé de quelques lignes, éventuellement agrémenté de photos. Il en est de même pour un article partagé sur un réseau social.

Or ces informations suffisent très souvent à l’internaute, qui ne va presque jamais sur le site de l’éditeur. Ces snippets, comme il convient de désigner ces résumés, constituent une spoliation des éditeurs et des agences. Sur un marché de la publicité en ligne en France estimé à 3, 5 milliards d’euros, les seuls Google et Facebook en récupèrent 2, 4 milliards, sans produire la moindre ligne ou la moindre photo. Les éditeurs, pour leur part, se contentent de moins de 13 % des recettes.

Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est aggravée. En 2016, j’avais déposé une proposition de loi visant à instaurer un droit voisin pour les agences de presse. Les éditeurs, à l’époque, alors un peu trop confiants en la bonne volonté des plateformes, n’avaient pas souhaité y être associés. Près de trois ans plus tard, je regrette que le texte n’ait pas alors pu être au moins examiné.

Cependant, la séance de ce jour, l’accueil favorable qui a été réservé jusqu’à présent à nos propositions et les échanges très constructifs, je tiens à le souligner ici, que nous avons eus avec le ministre et ses services, montrent, je pense, que nous prenons enfin la pleine mesure des risques.

Le texte que je vous propose ce jour crée un nouveau droit pour les éditeurs et les agences de presse, un droit au respect des œuvres réalisées sous leur contrôle et leur responsabilité. Cela n’aurait jamais dû cesser d’être le cas ! Tel n’est pourtant plus le cas actuellement.

Concrètement, le texte va leur conférer une capacité juridique, dite « droit voisin », dans un format qui prospère déjà pour les artistes-interprètes ou les producteurs audiovisuels. Ce droit ne se substitue pas et n’enlève rien au droit d’auteur déjà reconnu aux journalistes et aux photographes. Il le rend en réalité plus efficace et adapté au monde de l’internet. En effet, ces « droits voisins » vont permettre aux éditeurs et aux agences de presse de négocier des licences auprès des moteurs de recherche et des réseaux sociaux pour l’utilisation de leurs productions, lesquelles seront bien entendu rémunérées.

Aucune évaluation n’a pu être effectuée pour l’instant sur les montants qui seraient ainsi dégagés à leur profit. La seule étude réalisée l’a été en Allemagne en 2016. Elle évaluait ce montant à 500 millions d’euros par an, mais ce chiffre est à prendre avec beaucoup de prudence. Pour ma part, je ne m’engagerai pas sur un montant, même approximatif. Il constituera de toute façon un apport important pour la presse, bien supérieur au montant dérisoire consenti par Google il y a quelques années pour solde de tout compte.

Nous n’avons pas oublié les journalistes et les photographes, en un mot les auteurs, qui devront être associés aux revenus générés.

La proposition de loi s’efforce de créer un cadre efficace et pleinement opérant. C’est pourquoi nous avons retenu une solution bien connue en France, c’est-à-dire la mise en place d’une ou de plusieurs sociétés de gestion collective des droits, sur le modèle de la SACEM, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou la SACD, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, par exemple.

Beaucoup reste à faire, et ce sera l’objet de la navette avec l’Assemblée nationale. J’attire cependant d’ores et déjà l’attention de tous sur trois points cruciaux.

Le premier est la mise en place d’un rapport de force favorable aux éditeurs et aux agences de presse.

Les expériences de législation nationale en Allemagne et en Espagne ont mis en évidence l’influence et le pouvoir quasi monopolistique des géants de l’internet. Même la presse allemande n’a pu faire front. Pour l’instant – je dis bien : pour l’instant –, nous ne prévoyons pas d’obligation d’adhérer à une société de gestion collective. Il pourra donc y avoir plusieurs sociétés de gestion. Il pourrait de même y avoir des éditeurs ou des agences tentés de faire cavalier seul, malheureusement. Ceux-là doivent bien savoir qu’ils mineraient par là même l’efficacité de nos mesures et leur propre pouvoir de négociation.

Aucune agence dans le monde, aucun éditeur, ne peut instaurer à l’heure actuelle un dialogue réellement nourri – c’est un euphémisme – avec Google ou Facebook. En particulier, il faudra bien mesurer la difficulté des négociations à venir, car les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ne manqueront pas de menacer les éditeurs d’un déréférencement au cas où ces derniers ne renonceraient pas « volontairement » à leur droit voisin.

Je le dis avec beaucoup de solennité, l’unité sera la clé du succès. Un amendement de notre collègue Pierre Ouzoulias sur l’article 3 a le mérite d’évoquer cette question si importante, même si je pense que, juridiquement, sa rédaction n’est pas consolidée. Ce sera l’occasion pour nous, et pour le ministre aussi sans doute, d’affirmer, ensemble, cette nécessité.

Le second point, en lien avec le premier, concerne la gouvernance des sociétés de gestion. Celle-ci sera complexe, à n’en pas douter, comme le seront les discussions avec les plateformes. Il faudra veiller à assurer la représentation la plus large possible des éditeurs, dans le respect du pluralisme des opinions et des formats, une représentation à l’image de la diversité de la presse.

À cet égard, l’exemple de la direction de Presstalis dans le passé, confiée à une petite minorité d’éditeurs, contrairement d’ailleurs à l’esprit coopératif de la loi Bichet, a conduit à la situation très critique que nous connaissons aujourd’hui et a suscité beaucoup de ressentiment. Cela ne doit pas se reproduire. Les sociétés de gestion doivent être la maison de tous, au service de tous.

Mon dernier point concerne les modalités de répartition des revenus entre les bénéficiaires. Si je ne pense pas souhaitable de fixer a priori des règles avant même la constitution des sociétés de gestion, je rappelle que l’objet des droits voisins, en France comme en Europe, est de protéger la presse indépendante, libre, celle que nous aimons et qui s’engage, la presse qui envoie des journalistes sur le terrain, lesquels subissent en ce moment même des violences déplorables dans l’exercice de leur beau métier d’information des citoyens.

Aussi, quand il faudra parler de répartition des revenus, j’espère que c’est cette presse nécessaire à la vitalité du débat démocratique qui sera valorisée, et non pas les « fermes à clics » qui, par des artifices techniques et éditoriaux, comme des titres racoleurs, sont en mesure d’attirer le plus l’attention des internautes. Nous serons très attentifs, tout comme le ministre, je crois pouvoir le dire, à la bonne mise en place de ces sociétés.

Cette proposition de loi, rédigée après une large concertation avec toutes les parties prenantes, adoptée à l’unanimité par la commission de la culture, dont je salue la présidente, pourrait emprunter deux chemins.

Elle emprunterait le premier dans l’hypothèse où les négociations européennes sur la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, dite « Droit d’auteur », seraient un succès.

Je ne reviens pas sur la généalogie et les péripéties de cette négociation très complexe. Son article 11 institue un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse. Avec l’article 13, sur le filtrage automatique des contenus postés, il a suscité des campagnes de lobbying très intenses, qui ont d’ailleurs failli réussir, puisque le Parlement européen, à la surprise générale, a dans un premier temps, le 5 juillet dernier, repoussé le texte de sa commission, avant de l’adopter finalement le 12 septembre.

Depuis cette date, des réunions entre le Parlement, le Conseil et la Commission, dites « trilogues », se tiennent pour parvenir à un accord définitif. Nous étions, je dois le dire, pleins d’espoir au moment de l’adoption du texte par la Commission mercredi 16 janvier, dans l’attente de l’ultime réunion du lundi 21 janvier. Toutefois, avant même sa tenue, onze États ont, hélas, voté contre le texte de compromis, et la réunion n’a même pas eu lieu.

Je comprends que cette opposition concerne davantage l’article 13 que l’article 11, dont nous discutons aujourd’hui. Le revirement de nos amis allemands est regrettable, mais les choses pourraient évoluer, me semble-t-il. M. le ministre pourra peut-être nous éclairer plus avant sur les raisons de cet échec, que nous espérons tous provisoire, et sur les perspectives dans les semaines à venir. En effet, le temps presse : les élections européennes approchent, une absence d’accord avant la fin de cette législature reporterait de plusieurs années l’adoption d’un cadre commun.

Ne nous y trompons pas : derrière des arguments parfois fondés, parfois moins, les opposants à cette législation, même quand ils évoquent la liberté totale et la liberté d’expression sur le Net, font le jeu des géants de l’internet, qui pour partie tirent les ficelles et souhaitent ardemment l’échec de l’Europe sur cette question, comme sur celle de la taxation.

En cas de succès, ce que nous souhaitons tous, la proposition de loi pourra servir de base à une transposition rapide de la directive avec nos collègues de l’Assemblée nationale. J’ai veillé à ce que les termes du texte soient le plus possible alignés sur ceux de la directive afin que la navette soit rapidement conclusive.

Dans cette optique, le texte que je vous propose laisse donc de côté pour l’instant certains éléments cruciaux, en particulier le champ des exemptions pour les snippets. À partir de quel nombre de mots ou de signes les droits voisins seront-ils déclenchés ?

Ce sujet est loin d’être anecdotique, tant est grande la capacité des géants de l’internet à s’engouffrer dans la moindre faille de nos législations. La future directive, si future directive il y a, comme je l’espère, comportera une définition que nous pourrons intégrer au texte au cours de la navette. Dans cette attente, il me paraissait peu productif de fragiliser la position française en cours de négociation en en élaborant une de manière unilatérale.

En cas d’échec des négociations, la proposition de loi emprunterait un deuxième chemin. La France se retrouverait alors face à sa responsabilité et serait contrainte de prendre les décisions qui s’imposent pour sauvegarder sa presse. Dès lors, la proposition de loi pourra constituer la base d’une législation nationale, susceptible d’être mise en œuvre rapidement.

Naturellement, il faudra alors que la navette nous permette d’affiner les positions des uns et des autres et que l’Assemblée nationale puisse contribuer à la construction de cette législation, mais, sur le fond, comme le montrent tous nos débats, nous sommes tous d’accord sur le principe.

Dès lors, la France s’honorerait à mettre en place un dispositif efficace, qui tienne compte des expériences allemandes et espagnoles. Je ne doute pas que, le cas échéant, d’autres pays nous rejoindraient rapidement, car la France est la France.

Ce que nous sommes en train de construire, ou plutôt de « coconstruire », monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une législation qui réaffirme le caractère essentiel pour la vitalité et la qualité du débat démocratique d’une information libre, indépendante, pluraliste et produite de manière professionnelle. Je rappelle que, contrairement à ce que l’internet a pu nous conduire à penser, l’information a un coût élevé et que la situation des éditeurs et des agences, comme celle des journalistes, et peut-être plus encore des photographes de presse, est critique.

C’est également une législation pour le siècle qui vient que nous élaborons, qui place enfin les États au bon niveau pour encadrer et réguler l’influence des grandes industries numériques. Si échec de la directive il devait y avoir, il nous reviendrait d’assumer nos responsabilités et notre volonté de restaurer notre souveraineté, en apportant une réponse à l’échelon national, contre le sentiment d’impuissance qui a trop longtemps dominé.

C’est donc avec enthousiasme et espoir que je vous propose d’adopter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, présentée par M. David Assouline et plusieurs de ses collègues (proposition n° 705 [2017-2018], texte de la commission n° 244, rapport n° 243).

Dans la discussion générale, la parole est à M. David Assouline, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le Sénat s’est souvent illustré par le passé pour sa défense intransigeante et constante des grandes libertés de notre République. Il a su mener de justes combats, au-delà du cadre partisan, pour étendre et conforter ce qui fait la dignité de l’homme.

Aujourd’hui, il revient au Sénat de dénoncer un péril mortel qui menace nos démocraties. L’un de nos plus illustres prédécesseurs sur ces travées, Victor Hugo, déclarait en 1848 : « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. » Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, ceux qui fustigent l’une s’en prennent aussi à l’autre.

Dans le prolongement de ce long combat, je vous propose d’apporter une pierre à cet édifice jamais achevé, en adoptant cette proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de presse et des agences de presse.

La presse telle que nous la connaissons est en déclin continu. Elle est menacée par la violence qui veut la museler.

Le dernier rapport de Reporters sans Frontières fait état, pour la seule année 2018, de la mort de 80 journalistes, 49 d’entre eux ayant été assassinés en raison de leur profession. En dix ans, ce sont 702 journalistes qui ont trouvé la mort dans ces conditions. Par ailleurs, 348 journalistes sont en détention et 60 gardés en otages.

Selon le rapport, ces chiffres, en hausse, traduisent « une violence inédite contre les journalistes ». Ils font singulièrement écho aux agressions et aux insultes qu’ont subies, ici même en France, ces dernières semaines, des représentants de la presse, leurs auteurs ayant été encouragés par des déclarations de dirigeants politiques légitimant la haine contre les journalistes. Et je passe sur tous ces États qui interdisent tout simplement l’information libre et non faussée, jusqu’à la remettre en cause au cœur de l’Europe.

En outre, il y a la situation économique de la presse. Aujourd’hui, c’est toute la chaîne de valeur qui est menacée : éditeurs, journalistes, marchands. En 2009, quelque 7 milliards d’exemplaires de journaux étaient vendus chaque année, contre un peu moins de 4 milliards aujourd’hui. Quel autre secteur a perdu plus de 40 % de ses ventes en dix ans ? Le chiffre d’affaires de la presse baisse ainsi de plus de 4, 5 % par an, ses recettes publicitaires de 7, 5 %. Rien ne semble pouvoir arrêter cette spirale mortifère.

Nous en voyons les conséquences autour de nous : moindre couverture des événements internationaux, fermeture de marchands de presse à un rythme soutenu, quasi-faillite de Presstalis, difficultés de l’Agence France Presse, l’AFP… C’est toute la chaîne de production de l’information qui est fragilisée et, avec elle, le pluralisme, notre démocratie et une certaine conception du débat d’idées entre les citoyens.

Avec le développement de l’internet, la vente d’exemplaires papier a basculé vers le numérique, les géants du secteur, les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, accaparant une part écrasante des recettes publicitaires.

Comment opèrent-ils ? Les résultats d’une requête sur un moteur de recherche sont accompagnés, comme vous le savez, d’un résumé de quelques lignes, éventuellement agrémenté de photos. Il en est de même pour un article partagé sur un réseau social.

Or ces informations suffisent très souvent à l’internaute, qui ne va presque jamais sur le site de l’éditeur. Ces snippets, comme il convient de désigner ces résumés, constituent une spoliation des éditeurs et des agences. Sur un marché de la publicité en ligne en France estimé à 3, 5 milliards d’euros, les seuls Google et Facebook en récupèrent 2, 4 milliards, sans produire la moindre ligne ou la moindre photo. Les éditeurs, pour leur part, se contentent de moins de 13 % des recettes.

Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est aggravée. En 2016, j’avais déposé une proposition de loi visant à instaurer un droit voisin pour les agences de presse. Les éditeurs, à l’époque, alors un peu trop confiants en la bonne volonté des plateformes, n’avaient pas souhaité y être associés. Près de trois ans plus tard, je regrette que le texte n’ait pas alors pu être au moins examiné.

Cependant, la séance de ce jour, l’accueil favorable qui a été réservé jusqu’à présent à nos propositions et les échanges très constructifs, je tiens à le souligner ici, que nous avons eus avec le ministre et ses services, montrent, je pense, que nous prenons enfin la pleine mesure des risques.

Le texte que je vous propose ce jour crée un nouveau droit pour les éditeurs et les agences de presse, un droit au respect des œuvres réalisées sous leur contrôle et leur responsabilité. Cela n’aurait jamais dû cesser d’être le cas ! Tel n’est pourtant plus le cas actuellement.

Concrètement, le texte va leur conférer une capacité juridique, dite « droit voisin », dans un format qui prospère déjà pour les artistes-interprètes ou les producteurs audiovisuels. Ce droit ne se substitue pas et n’enlève rien au droit d’auteur déjà reconnu aux journalistes et aux photographes. Il le rend en réalité plus efficace et adapté au monde de l’internet. En effet, ces « droits voisins » vont permettre aux éditeurs et aux agences de presse de négocier des licences auprès des moteurs de recherche et des réseaux sociaux pour l’utilisation de leurs productions, lesquelles seront bien entendu rémunérées.

Aucune évaluation n’a pu être effectuée pour l’instant sur les montants qui seraient ainsi dégagés à leur profit. La seule étude réalisée l’a été en Allemagne en 2016. Elle évaluait ce montant à 500 millions d’euros par an, mais ce chiffre est à prendre avec beaucoup de prudence. Pour ma part, je ne m’engagerai pas sur un montant, même approximatif. Il constituera de toute façon un apport important pour la presse, bien supérieur au montant dérisoire consenti par Google il y a quelques années pour solde de tout compte.

Nous n’avons pas oublié les journalistes et les photographes, en un mot les auteurs, qui devront être associés aux revenus générés.

La proposition de loi s’efforce de créer un cadre efficace et pleinement opérant. C’est pourquoi nous avons retenu une solution bien connue en France, c’est-à-dire la mise en place d’une ou de plusieurs sociétés de gestion collective des droits, sur le modèle de la SACEM, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou la SACD, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, par exemple.

Beaucoup reste à faire, et ce sera l’objet de la navette avec l’Assemblée nationale. J’attire cependant d’ores et déjà l’attention de tous sur trois points cruciaux.

Le premier est la mise en place d’un rapport de force favorable aux éditeurs et aux agences de presse.

Les expériences de législation nationale en Allemagne et en Espagne ont mis en évidence l’influence et le pouvoir quasi monopolistique des géants de l’internet. Même la presse allemande n’a pu faire front. Pour l’instant – je dis bien : pour l’instant –, nous ne prévoyons pas d’obligation d’adhérer à une société de gestion collective. Il pourra donc y avoir plusieurs sociétés de gestion. Il pourrait de même y avoir des éditeurs ou des agences tentés de faire cavalier seul, malheureusement. Ceux-là doivent bien savoir qu’ils mineraient par là même l’efficacité de nos mesures et leur propre pouvoir de négociation.

Aucune agence dans le monde, aucun éditeur, ne peut instaurer à l’heure actuelle un dialogue réellement nourri – c’est un euphémisme – avec Google ou Facebook. En particulier, il faudra bien mesurer la difficulté des négociations à venir, car les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ne manqueront pas de menacer les éditeurs d’un déréférencement au cas où ces derniers ne renonceraient pas « volontairement » à leur droit voisin.

Je le dis avec beaucoup de solennité, l’unité sera la clé du succès. Un amendement de notre collègue Pierre Ouzoulias sur l’article 3 a le mérite d’évoquer cette question si importante, même si je pense que, juridiquement, sa rédaction n’est pas consolidée. Ce sera l’occasion pour nous, et pour le ministre aussi sans doute, d’affirmer, ensemble, cette nécessité.

Le second point, en lien avec le premier, concerne la gouvernance des sociétés de gestion. Celle-ci sera complexe, à n’en pas douter, comme le seront les discussions avec les plateformes. Il faudra veiller à assurer la représentation la plus large possible des éditeurs, dans le respect du pluralisme des opinions et des formats, une représentation à l’image de la diversité de la presse.

À cet égard, l’exemple de la direction de Presstalis dans le passé, confiée à une petite minorité d’éditeurs, contrairement d’ailleurs à l’esprit coopératif de la loi Bichet, a conduit à la situation très critique que nous connaissons aujourd’hui et a suscité beaucoup de ressentiment. Cela ne doit pas se reproduire. Les sociétés de gestion doivent être la maison de tous, au service de tous.

Mon dernier point concerne les modalités de répartition des revenus entre les bénéficiaires. Si je ne pense pas souhaitable de fixer a priori des règles avant même la constitution des sociétés de gestion, je rappelle que l’objet des droits voisins, en France comme en Europe, est de protéger la presse indépendante, libre, celle que nous aimons et qui s’engage, la presse qui envoie des journalistes sur le terrain, lesquels subissent en ce moment même des violences déplorables dans l’exercice de leur beau métier d’information des citoyens.

Aussi, quand il faudra parler de répartition des revenus, j’espère que c’est cette presse nécessaire à la vitalité du débat démocratique qui sera valorisée, et non pas les « fermes à clics » qui, par des artifices techniques et éditoriaux, comme des titres racoleurs, sont en mesure d’attirer le plus l’attention des internautes. Nous serons très attentifs, tout comme le ministre, je crois pouvoir le dire, à la bonne mise en place de ces sociétés.

Cette proposition de loi, rédigée après une large concertation avec toutes les parties prenantes, adoptée à l’unanimité par la commission de la culture, dont je salue la présidente, pourrait emprunter deux chemins.

Elle emprunterait le premier dans l’hypothèse où les négociations européennes sur la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, dite « Droit d’auteur », seraient un succès.

Je ne reviens pas sur la généalogie et les péripéties de cette négociation très complexe. Son article 11 institue un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse. Avec l’article 13, sur le filtrage automatique des contenus postés, il a suscité des campagnes de lobbying très intenses, qui ont d’ailleurs failli réussir, puisque le Parlement européen, à la surprise générale, a dans un premier temps, le 5 juillet dernier, repoussé le texte de sa commission, avant de l’adopter finalement le 12 septembre.

Depuis cette date, des réunions entre le Parlement, le Conseil et la Commission, dites « trilogues », se tiennent pour parvenir à un accord définitif. Nous étions, je dois le dire, pleins d’espoir au moment de l’adoption du texte par la Commission mercredi 16 janvier, dans l’attente de l’ultime réunion du lundi 21 janvier. Toutefois, avant même sa tenue, onze États ont, hélas, voté contre le texte de compromis, et la réunion n’a même pas eu lieu.

Je comprends que cette opposition concerne davantage l’article 13 que l’article 11, dont nous discutons aujourd’hui. Le revirement de nos amis allemands est regrettable, mais les choses pourraient évoluer, me semble-t-il. M. le ministre pourra peut-être nous éclairer plus avant sur les raisons de cet échec, que nous espérons tous provisoire, et sur les perspectives dans les semaines à venir. En effet, le temps presse : les élections européennes approchent, une absence d’accord avant la fin de cette législature reporterait de plusieurs années l’adoption d’un cadre commun.

Ne nous y trompons pas : derrière des arguments parfois fondés, parfois moins, les opposants à cette législation, même quand ils évoquent la liberté totale et la liberté d’expression sur le Net, font le jeu des géants de l’internet, qui pour partie tirent les ficelles et souhaitent ardemment l’échec de l’Europe sur cette question, comme sur celle de la taxation.

En cas de succès, ce que nous souhaitons tous, la proposition de loi pourra servir de base à une transposition rapide de la directive avec nos collègues de l’Assemblée nationale. J’ai veillé à ce que les termes du texte soient le plus possible alignés sur ceux de la directive afin que la navette soit rapidement conclusive.

Dans cette optique, le texte que je vous propose laisse donc de côté pour l’instant certains éléments cruciaux, en particulier le champ des exemptions pour les snippets. À partir de quel nombre de mots ou de signes les droits voisins seront-ils déclenchés ?

Ce sujet est loin d’être anecdotique, tant est grande la capacité des géants de l’internet à s’engouffrer dans la moindre faille de nos législations. La future directive, si future directive il y a, comme je l’espère, comportera une définition que nous pourrons intégrer au texte au cours de la navette. Dans cette attente, il me paraissait peu productif de fragiliser la position française en cours de négociation en en élaborant une de manière unilatérale.

En cas d’échec des négociations, la proposition de loi emprunterait un deuxième chemin. La France se retrouverait alors face à sa responsabilité et serait contrainte de prendre les décisions qui s’imposent pour sauvegarder sa presse. Dès lors, la proposition de loi pourra constituer la base d’une législation nationale, susceptible d’être mise en œuvre rapidement.

Naturellement, il faudra alors que la navette nous permette d’affiner les positions des uns et des autres et que l’Assemblée nationale puisse contribuer à la construction de cette législation, mais, sur le fond, comme le montrent tous nos débats, nous sommes tous d’accord sur le principe.

Dès lors, la France s’honorerait à mettre en place un dispositif efficace, qui tienne compte des expériences allemandes et espagnoles. Je ne doute pas que, le cas échéant, d’autres pays nous rejoindraient rapidement, car la France est la France.

Ce que nous sommes en train de construire, ou plutôt de « coconstruire », monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une législation qui réaffirme le caractère essentiel pour la vitalité et la qualité du débat démocratique d’une information libre, indépendante, pluraliste et produite de manière professionnelle. Je rappelle que, contrairement à ce que l’internet a pu nous conduire à penser, l’information a un coût élevé et que la situation des éditeurs et des agences, comme celle des journalistes, et peut-être plus encore des photographes de presse, est critique.

C’est également une législation pour le siècle qui vient que nous élaborons, qui place enfin les États au bon niveau pour encadrer et réguler l’influence des grandes industries numériques. Si échec de la directive il devait y avoir, il nous reviendrait d’assumer nos responsabilités et notre volonté de restaurer notre souveraineté, en apportant une réponse à l’échelon national, contre le sentiment d’impuissance qui a trop longtemps dominé.

C’est donc avec enthousiasme et espoir que je vous propose d’adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly, cher David Assouline, mesdames, messieurs les sénateurs, sans les médias, il n’y a pas de démocratie. Ils en sont les vigies. Au cours des dernières semaines, ils ont fait l’objet, vous le savez, d’attaques répétées.

Des journalistes, dans notre pays, ont été agressés ; des imprimeries ont été bloquées ; le rôle de la presse est contesté. Cette violence est tout simplement inacceptable, intolérable et inexcusable. Elle est d’autant plus inacceptable et dangereuse que, à l’heure des réseaux sociaux, nous avons plus que jamais besoin de la presse professionnelle : pour filtrer les fausses informations, pour vérifier les faits, pour les décrypter et les contextualiser.

Quand les dirigeants de la France insoumise, du Rassemblement national ou encore de Debout la France ! propagent des « infox » dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, ils sont seuls face à leur caméra, sans personne pour les contredire. Mais quand ils les reprennent, en direct à la télévision ou à la radio, il y a une différence, et une différence de taille : en face d’eux, il y a des journalistes pour les contester, pour les corriger, pour leur dire que c’est faux, et pourquoi c’est faux.

Notre premier rempart contre les fausses informations, ce sont les journalistes. S’en prendre à eux, c’est s’en prendre à tout ce que nous défendons. C’est s’en prendre à la démocratie. C’est s’en prendre à la République. C’est s’en prendre, n’ayons pas peur de le dire, à la France. Il est de la responsabilité de l’État de les protéger, de les aider à exercer leur métier, de garantir leur liberté, mais c’est aussi la responsabilité de chacune et de chacun d’entre nous.

La situation est grave : le baromètre de la confiance dans les médias, rendu public ce matin, montre que cette confiance a atteint son plus bas niveau historique. Et aucun média n’est épargné par la montée de la défiance.

Je travaille activement à trouver des solutions pour restaurer cette confiance. L’éducation aux médias – l’éducation tout court, d’ailleurs –, la lutte contre les fausses informations, les réflexions de la profession sur la déontologie de l’information en sont quelques-unes.

Le droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse, objet de la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, fait partie de ces solutions. En effet, pour avoir une presse de qualité, pour que les journalistes puissent faire correctement leur travail et exercer leur liberté, il faut avant tout, nous le savons bien, des moyens.

Or le modèle économique de la presse est mis à mal par la révolution numérique. Si certains acteurs n’y ont malheureusement pas survécu, et beaucoup ont su s’adapter en investissant, en se réinventant, en adoptant des modèles économiques innovants, par la publicité et les abonnements, notamment. Pourtant, malgré ces efforts, la presse continue de jouer son avenir : le développement des revenus du numérique n’a pas compensé l’effondrement de l’édition papier.

Si cette compensation n’a pas eu lieu, c’est en partie parce que la valeur créée par les éditeurs et les agences de presse est accaparée par d’autres, en particulier par les plateformes, par les agrégateurs de contenus et par les moteurs de recherche, qui réutilisent leurs contenus sans les rémunérer, alors même qu’ils génèrent d’importants revenus publicitaires. Les chiffres sont édifiants : les éditeurs ne captent que 13 % de la valeur générée par le marché français des agrégateurs de contenus sur internet. 13 % ! Ce n’est pas acceptable.

On ne peut pas accepter que ceux qui diffusent les contenus soient démesurément mieux rémunérés que ceux qui les créent. Non seulement c’est injuste, mais c’est un danger pour l’ensemble de la presse. À travers les éditeurs et les agences de presse, c’est toute la filière qui est touchée, des journalistes jusqu’aux kiosquiers. À terme, c’est le pluralisme qui est menacé, et tout simplement la presse elle-même.

Pour remédier à cette situation, nous devons garantir un juste partage de la valeur et procéder à un rééquilibrage au profit des éditeurs et des agences de presse. Nous devons leur permettre de percevoir une rémunération pour chaque réutilisation de leurs contenus.

Tel est l’objectif du droit voisin. Je défends sa création, avec engagement et détermination, comme vous, cher David Assouline, comme vous, je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs.

Votre proposition de loi, monsieur Assouline, reprend les positions défendues par la France dans les négociations européennes en cours. Je m’en réjouis. La France se bat depuis plusieurs années pour qu’un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse soit reconnu à l’échelon européen, dans le cadre des négociations sur la directive Droit d’auteur. Nous sommes aujourd’hui dans la dernière ligne droite de cette négociation, à l’étape des trilogues, vous l’avez rappelé, monsieur Assouline, c’est-à-dire des négociations entre les États membres, la Commission européenne et le Parlement européen.

Depuis mon arrivée au Gouvernement, voilà maintenant trois mois, je me suis très fortement mobilisé pour faire aboutir cette phase décisive des négociations. Ce n’est pas simple.

Je me suis rendu très rapidement à Bruxelles pour rencontrer mes homologues. J’échange très régulièrement avec la Commission et les parlementaires impliqués sur ce sujet. J’ai reçu hier encore l’ambassadeur d’Allemagne pour faire passer un certain nombre de messages. En effet, vous savez bien que lorsque les Français et les Allemands sont rassemblés, on peut faire de grandes choses ; quand ils sont divisés, c’est toujours plus difficile. Le couple franco-allemand, n’en déplaise à certains en ce moment, est un moteur essentiel. J’ai confiance : nous parviendrons à trouver un accord dans les jours à venir.

Je suis optimiste, mais également vigilant et déterminé, car un aboutissement rapide est fondamental. À défaut, l’adoption de la directive serait reportée de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

Certaines dispositions du texte font encore l’objet de discussions, notamment l’exception pour les PME prévue à l’article 13. La France souhaite que le droit d’auteur s’applique à tous, même si une modulation est envisageable, de façon tout à fait légitime, en fonction de la taille de l’entreprise. On ne peut pas faire d’exception sur un principe important. Nous essayons de convaincre nos partenaires de la pertinence de la position française.

Si des différences subsistent sur l’article 13, ce n’est plus le cas sur l’article 11 et le droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse. Ce droit est désormais soutenu par la Commission européenne, le Parlement européen et une majorité d’États membres.

Je dois dire, avec beaucoup de regret, qu’une partie des États membres qui s’opposent à ce droit, même s’ils sont minoritaires, le font parce qu’ils ne souhaitent pas donner plus de moyens à la presse professionnelle, aux journalistes qui enquêtent et font leur travail d’information du public.

La position européenne majoritaire est en tout cas une grande victoire, parce que, sur ce sujet, face aux géants numériques, nous ne ferons le poids que si nous faisons front commun, comme vous l’avez rappelé, monsieur Assouline.

Jusqu’à présent, les initiatives isolées ont échoué, comme l’a montré la création d’un droit voisin en Espagne il y a trois ans. Depuis lors, aucune rémunération n’a été versée aux éditeurs. Certains agrégateurs de contenus, dont Google Actualités, ont carrément préféré fermer leur service en Espagne.

L’Allemagne, où le droit voisin a été institué en 2013, est un exemple supplémentaire : Google a refusé de négocier le versement d’un pourcentage de son chiffre d’affaires, et un bon nombre d’éditeurs allemands ont fini par lui accorder une licence gratuite.

La leçon à tirer de tout cela, c’est que notre seule protection efficace et crédible, c’est l’union. Les plateformes peuvent peut-être se passer de proposer leurs services dans un ou deux pays. Elles peuvent peut-être renoncer à quelques dizaines de millions d’usagers, mais elles ne peuvent pas tourner le dos à l’Europe. Elles ne peuvent pas se départir de 700 millions d’internautes potentiels !

Google, par la voix d’un de ses dirigeants, a évoqué l’éventualité de fermer son service Actualités en Europe si le Parlement européen consacrait le droit voisin : il s’agit d’un chantage inacceptable, en plus d’une mesure improbable.

Google est un partenaire pour la France, comme le Gouvernement l’a souligné lors du sommet Choose France lundi à Versailles, mais certaines pratiques comme le lobbying massif mené à Bruxelles et dans de nombreux États membres contre la directive Droit d’auteur ne sont absolument pas acceptables. Nous l’avons dit aux dirigeants de cette entreprise. Je le leur ai dit moi-même lundi. La France ne cédera pas à ces menaces. Nous irons jusqu’au bout sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Assouline, j’ai eu l’occasion de vous le dire : au regard du calendrier de la négociation européenne, l’examen de votre proposition de loi aujourd’hui n’est pas totalement adapté, car nous pourrions donner l’impression à nos partenaires européens que la France agit de son côté alors qu’elle négocie à Bruxelles dans le même temps. J’ai fait passer les messages qui s’imposaient et indiqué que tel n’était pas du tout l’esprit de cette proposition de loi, sur le fond ou sur la forme.

Si la création d’un droit voisin est clairement prévue par le texte européen en cours de négociation, la rédaction précise de ce texte n’est pas encore tout à fait stabilisée.

Toutefois, j’ai souhaité, dans un esprit de consensus, que nous puissions travailler ensemble sur ce texte, par anticipation de celui qui pourra être adopté à l’échelon européen. Je vous remercie, monsieur Assouline, d’avoir joué le jeu et d’avoir travaillé en partenariat avec le Gouvernement. Je remercie également les membres de la commission, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, d’avoir voté à l’unanimité ce texte en commission.

C’est un très bel exemple, vous l’avez dit, monsieur Assouline, de coconstruction entre le Sénat et le Gouvernement, et, plus largement, entre le Gouvernement et le Parlement. Vous avez, chacune et chacun, fait preuve d’un esprit constructif, et je vous en remercie sincèrement. C’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui ; c’est ce que nos concitoyens attendent de nous.

Il faut cesser de s’opposer sur tout, quand certains sujets nous rassemblent. Il faut savoir s’affranchir des appartenances partisanes et faire prévaloir l’intérêt général. C’est ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui. Il faut savoir débattre, trouver des points d’accord, construire ensemble des solutions concrètes et dépasser les clivages. Avec ce texte, vous montrez que c’est possible.

Nous montrons que le cœur de nos préoccupations, ce qui prime sur tout le reste, c’est l’intérêt de nos concitoyens, l’intérêt du pays. Il est toujours important de le rappeler et de le démontrer. Ça l’est tout particulièrement dans le moment difficile que traverse notre pays depuis plusieurs semaines.

Le texte qui vous est présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, est très proche de l’état de la négociation européenne. Il inclut notamment un sujet qui me tient particulièrement à cœur, vous le savez : une partie des droits voisins doit absolument revenir aux journalistes.

Si les négociations aboutissent, si la directive Droit d’auteur est adoptée dans un délai raisonnable, votre proposition de loi pourra servir de texte de transposition lors d’une prochaine lecture, dans le cadre d’un travail de coconstruction avec l’Assemblée nationale.

Dans l’hypothèse inverse, vous l’avez indiqué, monsieur Assouline, votre texte nous aiderait à construire nous-mêmes notre droit voisin, à l’échelon national. Et nous ne nous arrêterions pas là. Nous inciterons nos voisins à faire de même. Je suis d’ailleurs convaincu qu’un certain nombre de pays voisins nous suivraient. Encore une fois, c’est en étant unis que nous serons plus forts face aux géants du numérique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, notre meilleure protection, c’est l’Europe.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly, cher David Assouline, mesdames, messieurs les sénateurs, sans les médias, il n’y a pas de démocratie. Ils en sont les vigies. Au cours des dernières semaines, ils ont fait l’objet, vous le savez, d’attaques répétées.

Des journalistes, dans notre pays, ont été agressés ; des imprimeries ont été bloquées ; le rôle de la presse est contesté. Cette violence est tout simplement inacceptable, intolérable et inexcusable. Elle est d’autant plus inacceptable et dangereuse que, à l’heure des réseaux sociaux, nous avons plus que jamais besoin de la presse professionnelle : pour filtrer les fausses informations, pour vérifier les faits, pour les décrypter et les contextualiser.

Quand les dirigeants de la France insoumise, du Rassemblement national ou encore de Debout la France ! propagent des « infox » dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, ils sont seuls face à leur caméra, sans personne pour les contredire. Mais quand ils les reprennent, en direct à la télévision ou à la radio, il y a une différence, et une différence de taille : en face d’eux, il y a des journalistes pour les contester, pour les corriger, pour leur dire que c’est faux, et pourquoi c’est faux.

Notre premier rempart contre les fausses informations, ce sont les journalistes. S’en prendre à eux, c’est s’en prendre à tout ce que nous défendons. C’est s’en prendre à la démocratie. C’est s’en prendre à la République. C’est s’en prendre, n’ayons pas peur de le dire, à la France. Il est de la responsabilité de l’État de les protéger, de les aider à exercer leur métier, de garantir leur liberté, mais c’est aussi la responsabilité de chacune et de chacun d’entre nous.

La situation est grave : le baromètre de la confiance dans les médias, rendu public ce matin, montre que cette confiance a atteint son plus bas niveau historique. Et aucun média n’est épargné par la montée de la défiance.

Je travaille activement à trouver des solutions pour restaurer cette confiance. L’éducation aux médias – l’éducation tout court, d’ailleurs –, la lutte contre les fausses informations, les réflexions de la profession sur la déontologie de l’information en sont quelques-unes.

Le droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse, objet de la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, fait partie de ces solutions. En effet, pour avoir une presse de qualité, pour que les journalistes puissent faire correctement leur travail et exercer leur liberté, il faut avant tout, nous le savons bien, des moyens.

Or le modèle économique de la presse est mis à mal par la révolution numérique. Si certains acteurs n’y ont malheureusement pas survécu, et beaucoup ont su s’adapter en investissant, en se réinventant, en adoptant des modèles économiques innovants, par la publicité et les abonnements, notamment. Pourtant, malgré ces efforts, la presse continue de jouer son avenir : le développement des revenus du numérique n’a pas compensé l’effondrement de l’édition papier.

Si cette compensation n’a pas eu lieu, c’est en partie parce que la valeur créée par les éditeurs et les agences de presse est accaparée par d’autres, en particulier par les plateformes, par les agrégateurs de contenus et par les moteurs de recherche, qui réutilisent leurs contenus sans les rémunérer, alors même qu’ils génèrent d’importants revenus publicitaires. Les chiffres sont édifiants : les éditeurs ne captent que 13 % de la valeur générée par le marché français des agrégateurs de contenus sur internet. 13 % ! Ce n’est pas acceptable.

On ne peut pas accepter que ceux qui diffusent les contenus soient démesurément mieux rémunérés que ceux qui les créent. Non seulement c’est injuste, mais c’est un danger pour l’ensemble de la presse. À travers les éditeurs et les agences de presse, c’est toute la filière qui est touchée, des journalistes jusqu’aux kiosquiers. À terme, c’est le pluralisme qui est menacé, et tout simplement la presse elle-même.

Pour remédier à cette situation, nous devons garantir un juste partage de la valeur et procéder à un rééquilibrage au profit des éditeurs et des agences de presse. Nous devons leur permettre de percevoir une rémunération pour chaque réutilisation de leurs contenus.

Tel est l’objectif du droit voisin. Je défends sa création, avec engagement et détermination, comme vous, cher David Assouline, comme vous, je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs.

Votre proposition de loi, monsieur Assouline, reprend les positions défendues par la France dans les négociations européennes en cours. Je m’en réjouis. La France se bat depuis plusieurs années pour qu’un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse soit reconnu à l’échelon européen, dans le cadre des négociations sur la directive Droit d’auteur. Nous sommes aujourd’hui dans la dernière ligne droite de cette négociation, à l’étape des trilogues, vous l’avez rappelé, monsieur Assouline, c’est-à-dire des négociations entre les États membres, la Commission européenne et le Parlement européen.

Depuis mon arrivée au Gouvernement, voilà maintenant trois mois, je me suis très fortement mobilisé pour faire aboutir cette phase décisive des négociations. Ce n’est pas simple.

Je me suis rendu très rapidement à Bruxelles pour rencontrer mes homologues. J’échange très régulièrement avec la Commission et les parlementaires impliqués sur ce sujet. J’ai reçu hier encore l’ambassadeur d’Allemagne pour faire passer un certain nombre de messages. En effet, vous savez bien que lorsque les Français et les Allemands sont rassemblés, on peut faire de grandes choses ; quand ils sont divisés, c’est toujours plus difficile. Le couple franco-allemand, n’en déplaise à certains en ce moment, est un moteur essentiel. J’ai confiance : nous parviendrons à trouver un accord dans les jours à venir.

Je suis optimiste, mais également vigilant et déterminé, car un aboutissement rapide est fondamental. À défaut, l’adoption de la directive serait reportée de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

Certaines dispositions du texte font encore l’objet de discussions, notamment l’exception pour les PME prévue à l’article 13. La France souhaite que le droit d’auteur s’applique à tous, même si une modulation est envisageable, de façon tout à fait légitime, en fonction de la taille de l’entreprise. On ne peut pas faire d’exception sur un principe important. Nous essayons de convaincre nos partenaires de la pertinence de la position française.

Si des différences subsistent sur l’article 13, ce n’est plus le cas sur l’article 11 et le droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse. Ce droit est désormais soutenu par la Commission européenne, le Parlement européen et une majorité d’États membres.

Je dois dire, avec beaucoup de regret, qu’une partie des États membres qui s’opposent à ce droit, même s’ils sont minoritaires, le font parce qu’ils ne souhaitent pas donner plus de moyens à la presse professionnelle, aux journalistes qui enquêtent et font leur travail d’information du public.

La position européenne majoritaire est en tout cas une grande victoire, parce que, sur ce sujet, face aux géants numériques, nous ne ferons le poids que si nous faisons front commun, comme vous l’avez rappelé, monsieur Assouline.

Jusqu’à présent, les initiatives isolées ont échoué, comme l’a montré la création d’un droit voisin en Espagne il y a trois ans. Depuis lors, aucune rémunération n’a été versée aux éditeurs. Certains agrégateurs de contenus, dont Google Actualités, ont carrément préféré fermer leur service en Espagne.

L’Allemagne, où le droit voisin a été institué en 2013, est un exemple supplémentaire : Google a refusé de négocier le versement d’un pourcentage de son chiffre d’affaires, et un bon nombre d’éditeurs allemands ont fini par lui accorder une licence gratuite.

La leçon à tirer de tout cela, c’est que notre seule protection efficace et crédible, c’est l’union. Les plateformes peuvent peut-être se passer de proposer leurs services dans un ou deux pays. Elles peuvent peut-être renoncer à quelques dizaines de millions d’usagers, mais elles ne peuvent pas tourner le dos à l’Europe. Elles ne peuvent pas se départir de 700 millions d’internautes potentiels !

Google, par la voix d’un de ses dirigeants, a évoqué l’éventualité de fermer son service Actualités en Europe si le Parlement européen consacrait le droit voisin : il s’agit d’un chantage inacceptable, en plus d’une mesure improbable.

Google est un partenaire pour la France, comme le Gouvernement l’a souligné lors du sommet Choose France lundi à Versailles, mais certaines pratiques comme le lobbying massif mené à Bruxelles et dans de nombreux États membres contre la directive Droit d’auteur ne sont absolument pas acceptables. Nous l’avons dit aux dirigeants de cette entreprise. Je le leur ai dit moi-même lundi. La France ne cédera pas à ces menaces. Nous irons jusqu’au bout sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Assouline, j’ai eu l’occasion de vous le dire : au regard du calendrier de la négociation européenne, l’examen de votre proposition de loi aujourd’hui n’est pas totalement adapté, car nous pourrions donner l’impression à nos partenaires européens que la France agit de son côté alors qu’elle négocie à Bruxelles dans le même temps. J’ai fait passer les messages qui s’imposaient et indiqué que tel n’était pas du tout l’esprit de cette proposition de loi, sur le fond ou sur la forme.

Si la création d’un droit voisin est clairement prévue par le texte européen en cours de négociation, la rédaction précise de ce texte n’est pas encore tout à fait stabilisée.

Toutefois, j’ai souhaité, dans un esprit de consensus, que nous puissions travailler ensemble sur ce texte, par anticipation de celui qui pourra être adopté à l’échelon européen. Je vous remercie, monsieur Assouline, d’avoir joué le jeu et d’avoir travaillé en partenariat avec le Gouvernement. Je remercie également les membres de la commission, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, d’avoir voté à l’unanimité ce texte en commission.

C’est un très bel exemple, vous l’avez dit, monsieur Assouline, de coconstruction entre le Sénat et le Gouvernement, et, plus largement, entre le Gouvernement et le Parlement. Vous avez, chacune et chacun, fait preuve d’un esprit constructif, et je vous en remercie sincèrement. C’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui ; c’est ce que nos concitoyens attendent de nous.

Il faut cesser de s’opposer sur tout, quand certains sujets nous rassemblent. Il faut savoir s’affranchir des appartenances partisanes et faire prévaloir l’intérêt général. C’est ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui. Il faut savoir débattre, trouver des points d’accord, construire ensemble des solutions concrètes et dépasser les clivages. Avec ce texte, vous montrez que c’est possible.

Nous montrons que le cœur de nos préoccupations, ce qui prime sur tout le reste, c’est l’intérêt de nos concitoyens, l’intérêt du pays. Il est toujours important de le rappeler et de le démontrer. Ça l’est tout particulièrement dans le moment difficile que traverse notre pays depuis plusieurs semaines.

Le texte qui vous est présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, est très proche de l’état de la négociation européenne. Il inclut notamment un sujet qui me tient particulièrement à cœur, vous le savez : une partie des droits voisins doit absolument revenir aux journalistes.

Si les négociations aboutissent, si la directive Droit d’auteur est adoptée dans un délai raisonnable, votre proposition de loi pourra servir de texte de transposition lors d’une prochaine lecture, dans le cadre d’un travail de coconstruction avec l’Assemblée nationale.

Dans l’hypothèse inverse, vous l’avez indiqué, monsieur Assouline, votre texte nous aiderait à construire nous-mêmes notre droit voisin, à l’échelon national. Et nous ne nous arrêterions pas là. Nous inciterons nos voisins à faire de même. Je suis d’ailleurs convaincu qu’un certain nombre de pays voisins nous suivraient. Encore une fois, c’est en étant unis que nous serons plus forts face aux géants du numérique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, notre meilleure protection, c’est l’Europe.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la création d’un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse est un enjeu important.

Je voudrais à ce titre saluer l’initiative des auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci vise à maîtriser la mainmise des GAFA sur les contenus produits par les journalistes, les éditeurs et les agences de presse, dont la diffusion et l’exploitation à travers les réseaux sociaux ou les agrégateurs d’informations tels que Google, font la richesse des géants du web, qui règnent désormais sans partage sur le marché de l’information en ligne.

Après plusieurs tentatives, classées sans suite, de création d’une législation nationale, en 2012 et 2018 à l’Assemblée nationale, en 2016 au Sénat, nous espérons que la présente proposition de loi rencontrera cette année le succès.

Les négociations sur la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique battent leur plein à Bruxelles, et il serait de la plus grande utilité de transposer rapidement les articles qui seront adoptés à l’issue du trilogue en cours.

Il n’est plus admissible d’autoriser le pillage des contenus par les plateformes, moteurs de recherche et agrégateurs d’informations, qui exploitent les articles, tirent profit des recettes publicitaires et captent une partie du lectorat de la presse, sans pour autant reverser le moindre centime aux créateurs de contenus.

L’Union européenne reste le seul rempart de protection efficace pour éviter les effets collatéraux que l’Allemagne et l’Espagne ont connus en 2013 et en 2014, après avoir mis en place des droits voisins nationaux pour la presse. Alors qu’ils espéraient valoriser financièrement leurs productions, les éditeurs de presse ont perdu plusieurs millions d’euros supplémentaires en raison du déréférencement de leurs contenus par Google News.

Cette réaction témoigne du pouvoir démesuré dont bénéficient désormais les nouveaux intermédiaires que sont Facebook et Google dans la diffusion de l’information entre journalistes et lecteurs. Ils sélectionnent librement les informations qu’ils vont mettre en avant, selon le diktat d’algorithmes opaques nourris de nombre de clics et de sponsoring.

Monsieur le ministre, si nous voulons contrer efficacement cette disqualification de l’information par des acteurs extraterritoriaux, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur le fonctionnement et la transparence des algorithmes qui référencent les articles de presse.

Une autre question se pose, celle de la durée de validité des droits voisins, si nous ne voulons pas décrédibiliser la France dans les négociations en cours. Sur ce sujet, les autorités françaises maintiennent un niveau d’exigence élevé, sans pour autant verrouiller pour une durée déraisonnable l’exploitation des contenus.

La durée de validité des droits voisins pour la presse, fixée initialement à cinquante ans par la présente proposition de loi, paraissait exorbitante au regard de la nature du contenu dont il est question. La commission de la culture a d’abord adopté un amendement du rapporteur visant à porter cette durée à vingt ans, puis, alors que notre groupe proposait un an, un compromis a été trouvé sur une durée de cinq ans. Sous réserve de l’adoption de l’amendement qui en résulte, nous voterons cette proposition de loi.

Nous savons tous pourtant que nous n’aurons réglé qu’une petite partie du problème. Il restera le sujet de la fiscalité, de l’optimisation, des transferts de profits d’un pays à l’autre, des paradis fiscaux ; celui des pratiques anti-commerciales, des déréférencements des produits et services des concurrents, de la restriction des accès aux données, du manque de transparence des critères de recherche ; celui, encore plus préoccupant, des monopoles : monopole du search pour Google – 94 % du marché en France –, de l’e-commerce pour Amazon, du social media pour Facebook, de l’iOS pour Apple.

Malgré tous les efforts de la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, qu’il faut saluer, malgré le ciblage d’Amazon par Donald Trump, qui, malheureusement, semble s’inscrire dans le cadre d’une animosité personnelle envers Jeff Bezos plus que dans une réelle stratégie antitrust, nous sommes encore bien loin du compte. La Standard Oil, lorsqu’elle a été démantelée en 1911 aux États-Unis grâce à la loi antitrust de 1890, était bien moins puissante que ne le sont les GAFA aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la création d’un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse est un enjeu important.

Je voudrais à ce titre saluer l’initiative des auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci vise à maîtriser la mainmise des GAFA sur les contenus produits par les journalistes, les éditeurs et les agences de presse, dont la diffusion et l’exploitation à travers les réseaux sociaux ou les agrégateurs d’informations tels que Google, font la richesse des géants du web, qui règnent désormais sans partage sur le marché de l’information en ligne.

Après plusieurs tentatives, classées sans suite, de création d’une législation nationale, en 2012 et 2018 à l’Assemblée nationale, en 2016 au Sénat, nous espérons que la présente proposition de loi rencontrera cette année le succès.

Les négociations sur la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique battent leur plein à Bruxelles, et il serait de la plus grande utilité de transposer rapidement les articles qui seront adoptés à l’issue du trilogue en cours.

Il n’est plus admissible d’autoriser le pillage des contenus par les plateformes, moteurs de recherche et agrégateurs d’informations, qui exploitent les articles, tirent profit des recettes publicitaires et captent une partie du lectorat de la presse, sans pour autant reverser le moindre centime aux créateurs de contenus.

L’Union européenne reste le seul rempart de protection efficace pour éviter les effets collatéraux que l’Allemagne et l’Espagne ont connus en 2013 et en 2014, après avoir mis en place des droits voisins nationaux pour la presse. Alors qu’ils espéraient valoriser financièrement leurs productions, les éditeurs de presse ont perdu plusieurs millions d’euros supplémentaires en raison du déréférencement de leurs contenus par Google News.

Cette réaction témoigne du pouvoir démesuré dont bénéficient désormais les nouveaux intermédiaires que sont Facebook et Google dans la diffusion de l’information entre journalistes et lecteurs. Ils sélectionnent librement les informations qu’ils vont mettre en avant, selon le diktat d’algorithmes opaques nourris de nombre de clics et de sponsoring.

Monsieur le ministre, si nous voulons contrer efficacement cette disqualification de l’information par des acteurs extraterritoriaux, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur le fonctionnement et la transparence des algorithmes qui référencent les articles de presse.

Une autre question se pose, celle de la durée de validité des droits voisins, si nous ne voulons pas décrédibiliser la France dans les négociations en cours. Sur ce sujet, les autorités françaises maintiennent un niveau d’exigence élevé, sans pour autant verrouiller pour une durée déraisonnable l’exploitation des contenus.

La durée de validité des droits voisins pour la presse, fixée initialement à cinquante ans par la présente proposition de loi, paraissait exorbitante au regard de la nature du contenu dont il est question. La commission de la culture a d’abord adopté un amendement du rapporteur visant à porter cette durée à vingt ans, puis, alors que notre groupe proposait un an, un compromis a été trouvé sur une durée de cinq ans. Sous réserve de l’adoption de l’amendement qui en résulte, nous voterons cette proposition de loi.

Nous savons tous pourtant que nous n’aurons réglé qu’une petite partie du problème. Il restera le sujet de la fiscalité, de l’optimisation, des transferts de profits d’un pays à l’autre, des paradis fiscaux ; celui des pratiques anti-commerciales, des déréférencements des produits et services des concurrents, de la restriction des accès aux données, du manque de transparence des critères de recherche ; celui, encore plus préoccupant, des monopoles : monopole du search pour Google – 94 % du marché en France –, de l’e-commerce pour Amazon, du social media pour Facebook, de l’iOS pour Apple.

Malgré tous les efforts de la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, qu’il faut saluer, malgré le ciblage d’Amazon par Donald Trump, qui, malheureusement, semble s’inscrire dans le cadre d’une animosité personnelle envers Jeff Bezos plus que dans une réelle stratégie antitrust, nous sommes encore bien loin du compte. La Standard Oil, lorsqu’elle a été démantelée en 1911 aux États-Unis grâce à la loi antitrust de 1890, était bien moins puissante que ne le sont les GAFA aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il restera enfin tout le reste, notamment les problèmes majeurs que sont la diffusion de fausses nouvelles et le pillage de nos données personnelles, dont nous sommes à la fois victimes et acteurs, en laissant faire les nouveaux maîtres du monde que sont Google, Facebook ou Apple.

Comme le dit Gaspard Koenig : « Les réseaux sociaux minent nos démocraties » et nous devons « surmonter la peur panique de paraître antimoderne » pour agir, sans attendre que le format de nos pensées se limite à 280 caractères par sujet, sans attendre que la vulgarité des propos et leur « viralité » soient les seuls paramètres permettant d’intéresser les algorithmes, dont semble désormais dépendre la marche du monde.

« Il n’y a que Dieu, disait Tocqueville, qui puisse sans danger être tout-puissant. » C’est pourquoi la devise de Google, claironnée par ses fondateurs – Don ’ t be evil ! –, est une belle formule ; il est dommage qu’elle ne soit aujourd’hui que cela.

C’est donc au législateur européen, en l’occurrence, que revient la responsabilité de contraindre ses auteurs à la respecter. Il est essentiel que la France en prenne sa part.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il restera enfin tout le reste, notamment les problèmes majeurs que sont la diffusion de fausses nouvelles et le pillage de nos données personnelles, dont nous sommes à la fois victimes et acteurs, en laissant faire les nouveaux maîtres du monde que sont Google, Facebook ou Apple.

Comme le dit Gaspard Koenig : « Les réseaux sociaux minent nos démocraties » et nous devons « surmonter la peur panique de paraître antimoderne » pour agir, sans attendre que le format de nos pensées se limite à 280 caractères par sujet, sans attendre que la vulgarité des propos et leur « viralité » soient les seuls paramètres permettant d’intéresser les algorithmes, dont semble désormais dépendre la marche du monde.

« Il n’y a que Dieu, disait Tocqueville, qui puisse sans danger être tout-puissant. » C’est pourquoi la devise de Google, claironnée par ses fondateurs – Don ’ t be evil ! –, est une belle formule ; il est dommage qu’elle ne soit aujourd’hui que cela.

C’est donc au législateur européen, en l’occurrence, que revient la responsabilité de contraindre ses auteurs à la respecter. Il est essentiel que la France en prenne sa part.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous rassemble, en effet, comme l’indique la similitude des propos tenus par les différents orateurs à cette tribune. Elle entend apporter une réponse à une attente légitime des éditeurs et des agences de presse, qui, depuis quelques années, voient de plus en plus leurs articles et les contenus qu’ils produisent pillés par les moteurs de recherche ou les plateformes de partage, sans que ceux-ci les rémunèrent pour leur travail de production.

Cette proposition consiste donc à anticiper sur la transposition en droit français de l’article 11 de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, en cours de révision à Bruxelles. Cette révision n’est pas aboutie, et la réunion du trilogue d’avant-hier n’a pas été conclusive sur certains articles. Si un accord n’est pas trouvé dans les semaines qui viennent, le risque est grand de devoir attendre jusqu’après l’élection européenne.

Il semble toutefois que les désaccords du trilogue ne portent pas sur l’article 11, objet de la présente proposition de loi, qui crée un droit voisin du droit d’auteur pour les éditeurs et les agences de presse, comme cela existe déjà dans les domaines du cinéma – pour les producteurs – et de la musique – pour les artistes interprètes. En effet, les journaux et les médias rémunèrent des milliers de journalistes pour produire des articles que l’on retrouve largement diffusés par les acteurs du numérique, lesquels perçoivent les revenus publicitaires colossaux générés par ces flux.

En dix ans, la presse française a perdu 2, 6 milliards d’euros de recettes publicitaires, alors que, dans le même temps, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche en ont gagné 3 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous rassemble, en effet, comme l’indique la similitude des propos tenus par les différents orateurs à cette tribune. Elle entend apporter une réponse à une attente légitime des éditeurs et des agences de presse, qui, depuis quelques années, voient de plus en plus leurs articles et les contenus qu’ils produisent pillés par les moteurs de recherche ou les plateformes de partage, sans que ceux-ci les rémunèrent pour leur travail de production.

Cette proposition consiste donc à anticiper sur la transposition en droit français de l’article 11 de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, en cours de révision à Bruxelles. Cette révision n’est pas aboutie, et la réunion du trilogue d’avant-hier n’a pas été conclusive sur certains articles. Si un accord n’est pas trouvé dans les semaines qui viennent, le risque est grand de devoir attendre jusqu’après l’élection européenne.

Il semble toutefois que les désaccords du trilogue ne portent pas sur l’article 11, objet de la présente proposition de loi, qui crée un droit voisin du droit d’auteur pour les éditeurs et les agences de presse, comme cela existe déjà dans les domaines du cinéma – pour les producteurs – et de la musique – pour les artistes interprètes. En effet, les journaux et les médias rémunèrent des milliers de journalistes pour produire des articles que l’on retrouve largement diffusés par les acteurs du numérique, lesquels perçoivent les revenus publicitaires colossaux générés par ces flux.

En dix ans, la presse française a perdu 2, 6 milliards d’euros de recettes publicitaires, alors que, dans le même temps, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche en ont gagné 3 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Il y a là un effet évident de vases communicants. Naturellement, ces mêmes acteurs disent aux médias, qui fabriquent l’information, que ces derniers obtiennent de l’audience grâce à eux. Ce n’est pas tout à fait faux : plus de 60 % des lecteurs sont des internautes.

Ce sont pourtant les éditeurs et les agences de presse qui dépensent d’importantes sommes pour réaliser des reportages, alors que ce sont les géants du numérique qui encaissent les fruits de la publicité. Il y a là un déséquilibre qu’il est temps de contenir.

Depuis quelques années, nous nous demandons s’il faut attendre la publication de la directive pour légiférer ou, comme cela est parfois arrivé au Sénat, si le vote de la France pouvait avoir un effet incitatif sur les instances européennes.

En 2013, déjà, notre collègue David Assouline avait déposé une proposition de loi dans ce sens, mais qui concernait les seules agences de presse. Lors de l’examen, en 2016, de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP », dont j’étais corapporteur avec notre collègue Françoise Férat, le Sénat avait adopté à l’unanimité un article 10 quater mettant en place un système de gestion des droits pour assurer une rémunération aux photographes et aux plasticiens dont les œuvres sont reproduites par un moteur de recherche ou un site de référencement sur internet.

En seconde lecture, la commission de la culture avait ajouté un dispositif similaire pour les agences de presse, mais ce point avait été supprimé en commission mixte paritaire, les députés invoquant un risque procédural d’inconstitutionnalité, en raison de la fameuse règle de l’entonnoir.

En mai dernier, notre collègue député Patrick Mignola a fait une nouvelle tentative, avec une proposition de loi dans le même esprit, qui fut rejetée après avis défavorable, à l’époque, du Gouvernement.

Il semble aujourd’hui que les planètes se soient alignées et que le Gouvernement, dans la perspective de l’adoption prochaine de la révision de la directive Droit d’auteur à Bruxelles conforme à la position française, soit désormais favorable à ce texte. Je m’en réjouis, car c’est la position défendue de longue date au sein de notre groupe et qui fait consensus, puisque la commission de la culture a voté le texte à l’unanimité.

Après les amendements déposés par l’auteur-rapporteur et adoptés en commission, le texte de la proposition de loi se conforme le plus précisément possible au texte de la directive en cours de validation à Bruxelles.

Un point a fait débat : la durée du droit. L’auteur avait, dans un premier temps, préconisé cinquante ans, comme c’est le cas pour d’autres droits voisins, ce qui paraît extrêmement long pour des articles de presse dont l’obsolescence intervient beaucoup rapidement que pour les autres créations concernées par des droits de ce type. L’article 11 de la directive, dans sa rédaction actuelle, prévoit, quant à lui, un délai de cinq ans.

La durée prévue a été ramenée à vingt ans par l’auteur-rapporteur du texte, mais cela nous apparaît encore bien trop long. C’est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à la fixer à cinq ans, ce qui nous paraît d’autant plus raisonnable que les débats que nous observons à Bruxelles, dans les couloirs, semblent suggérer une durée encore moins longue et que celle-ci ne sera pas modifiable lors des transpositions par les États membres.

En tout état de cause, nous ne nous exonérerons pas d’un nouvel examen au Sénat lors de la transposition définitive de la directive révisée, laquelle comprend bien d’autres sujets délicats, notamment dans son article 13, qui oblige les grandes plateformes à s’assurer qu’aucun des contenus qu’elles diffusent ne viole le droit d’auteur des artistes créateurs. Ce sera un débat différent, qui reviendra devant nous lors de la transposition de la directive révisée.

Il reste donc encore bien des obstacles à franchir avant la mise en application de ce texte, mais ce texte rétablira d’ores et déjà, au moins partiellement, l’un des déséquilibres les plus menaçants pour la presse française et européenne. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Il y a là un effet évident de vases communicants. Naturellement, ces mêmes acteurs disent aux médias, qui fabriquent l’information, que ces derniers obtiennent de l’audience grâce à eux. Ce n’est pas tout à fait faux : plus de 60 % des lecteurs sont des internautes.

Ce sont pourtant les éditeurs et les agences de presse qui dépensent d’importantes sommes pour réaliser des reportages, alors que ce sont les géants du numérique qui encaissent les fruits de la publicité. Il y a là un déséquilibre qu’il est temps de contenir.

Depuis quelques années, nous nous demandons s’il faut attendre la publication de la directive pour légiférer ou, comme cela est parfois arrivé au Sénat, si le vote de la France pouvait avoir un effet incitatif sur les instances européennes.

En 2013, déjà, notre collègue David Assouline avait déposé une proposition de loi dans ce sens, mais qui concernait les seules agences de presse. Lors de l’examen, en 2016, de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP », dont j’étais corapporteur avec notre collègue Françoise Férat, le Sénat avait adopté à l’unanimité un article 10 quater mettant en place un système de gestion des droits pour assurer une rémunération aux photographes et aux plasticiens dont les œuvres sont reproduites par un moteur de recherche ou un site de référencement sur internet.

En seconde lecture, la commission de la culture avait ajouté un dispositif similaire pour les agences de presse, mais ce point avait été supprimé en commission mixte paritaire, les députés invoquant un risque procédural d’inconstitutionnalité, en raison de la fameuse règle de l’entonnoir.

En mai dernier, notre collègue député Patrick Mignola a fait une nouvelle tentative, avec une proposition de loi dans le même esprit, qui fut rejetée après avis défavorable, à l’époque, du Gouvernement.

Il semble aujourd’hui que les planètes se soient alignées et que le Gouvernement, dans la perspective de l’adoption prochaine de la révision de la directive Droit d’auteur à Bruxelles conforme à la position française, soit désormais favorable à ce texte. Je m’en réjouis, car c’est la position défendue de longue date au sein de notre groupe et qui fait consensus, puisque la commission de la culture a voté le texte à l’unanimité.

Après les amendements déposés par l’auteur-rapporteur et adoptés en commission, le texte de la proposition de loi se conforme le plus précisément possible au texte de la directive en cours de validation à Bruxelles.

Un point a fait débat : la durée du droit. L’auteur avait, dans un premier temps, préconisé cinquante ans, comme c’est le cas pour d’autres droits voisins, ce qui paraît extrêmement long pour des articles de presse dont l’obsolescence intervient beaucoup rapidement que pour les autres créations concernées par des droits de ce type. L’article 11 de la directive, dans sa rédaction actuelle, prévoit, quant à lui, un délai de cinq ans.

La durée prévue a été ramenée à vingt ans par l’auteur-rapporteur du texte, mais cela nous apparaît encore bien trop long. C’est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à la fixer à cinq ans, ce qui nous paraît d’autant plus raisonnable que les débats que nous observons à Bruxelles, dans les couloirs, semblent suggérer une durée encore moins longue et que celle-ci ne sera pas modifiable lors des transpositions par les États membres.

En tout état de cause, nous ne nous exonérerons pas d’un nouvel examen au Sénat lors de la transposition définitive de la directive révisée, laquelle comprend bien d’autres sujets délicats, notamment dans son article 13, qui oblige les grandes plateformes à s’assurer qu’aucun des contenus qu’elles diffusent ne viole le droit d’auteur des artistes créateurs. Ce sera un débat différent, qui reviendra devant nous lors de la transposition de la directive révisée.

Il reste donc encore bien des obstacles à franchir avant la mise en application de ce texte, mais ce texte rétablira d’ores et déjà, au moins partiellement, l’un des déséquilibres les plus menaçants pour la presse française et européenne. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chercher une information sur internet est devenu un geste de la vie quotidienne. Pour en savoir plus sur un sujet, vous introduisez quelques mots-clés sur la page d’accueil d’un moteur de recherche et vous obtenez en quelques secondes une foultitude de résultats. Le geste est simple, la réponse est rapide et le tout est gratuit.

Gratuit en apparence, seulement, car, comme vous le savez tous, rien n’est jamais véritablement gratuit. Les moteurs de recherche stockent les informations relatives à vos requêtes et à votre profil, afin d’en faire des données qui prennent, très souvent à votre insu, une valeur marchande et pour lesquelles vous n’avez d’autre rétribution que le service qui vous est prodigué.

Bien sûr, ces grands opérateurs d’internet que sont les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux procèdent à d’importants investissements technologiques pour dispenser leurs services ou, pour utiliser le vocabulaire en usage aujourd’hui, leurs « solutions ».

Toutefois, la valeur de la prestation prodiguée aux utilisateurs est-elle véritablement proportionnée à la valeur captée par l’opérateur ? Dans bien des cas, on peut en douter. Une chose est sûre : en aucune manière, les prestations prétendument offertes ne sauraient justifier que ces grands opérateurs refusent de s’acquitter de l’impôt dans les pays où, précisément, la valeur est produite !

Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, laquelle a cependant une grande qualité ; elle pointe une autre dimension très importante qui entoure la question de la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la nouvelle économie numérisée : quelle est la juste rétribution dont devrait bénéficier le producteur originel de l’information qui fait l’objet d’une valorisation, plus ou moins consentie, par ces nouveaux intermédiaires commerciaux que sont devenues les grandes plateformes d’internet ?

Certes, les producteurs, tout comme les utilisateurs-consommateurs, de ces informations diffusées ou relayées sur le net tirent certains avantages des solutions mises en œuvre par ces agrégateurs des contenus qu’ils produisent : visibilité et accessibilité accrues de ceux-ci, renvois vers le site du média en question, voire, parfois, création d’un fonds d’aide spécifique octroyé à certains de ces producteurs d’information, qui, au passage, voient leurs ressources publicitaires et leur diffusion payée décliner inexorablement au fil des ans.

Si nous pouvions avoir quelques doutes sur l’équité de la répartition de la valeur produite entre les utilisateurs des services concernés et les grandes plateformes du numérique, il est clair, mes chers collègues, que nous n’en avons aucun s’agissant de l’iniquité profonde de la répartition de la richesse entre ces plateformes et les médias éditeurs d’informations relayées.

Face à ce constat, il fallait agir. La Commission européenne a commencé à travailler sur le sujet dès 2015 pour déboucher sur un projet de directive, qui a donné lieu, le 12 septembre dernier, à un vote massif du Parlement européen en sa faveur. Le texte comporte notamment un article 11, qui permet à la presse et aux agences d’être rémunérées par les moteurs de recherche et les plateformes.

L’adoption de la directive n’est cependant pas définitivement actée, puisque cette dernière fait actuellement l’objet d’un trilogue entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.

La proposition de loi nationale qui nous est soumise aujourd’hui s’inscrit globalement dans l’esprit des futures dispositions européennes qui devraient être adoptées. Si j’en approuve l’esprit et l’objet, je suis également, comme membre de notre commission des affaires européennes, très soucieux d’éviter tout risque de sur-transposition, voire de mal-transposition, par anticipation, des directives européennes dans le droit national. Aussi ai-je toujours quelques réserves à l’égard de tout projet de disposition législative nationale mené non pas en amont, mais en synchronie avec une directive européenne en cours de discussion.

C’est pour cette raison que je tiens ici à saluer l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue David Assouline, pour avoir accepté d’amender son texte, afin de le rendre le plus cohérent possible avec les futures dispositions qui devraient être prochainement adoptées à l’échelle européenne.

Le groupe La République En Marche votera donc en faveur de ce texte ainsi révisé. Pour autant, nous devons bien avoir conscience que celui-ci est loin de tout résoudre.

Tout d’abord, il n’est pas certain qu’il produise en définitive autant de ressources pour les éditeurs et les agences de presse que l’on peut l’espérer, en raison de la complexité des procédures de recueil des informations qu’il requiert pour rétribuer les droits qu’il crée et de la coopération active qu’il exige de la part des grands acteurs de l’internet concernés.

Je ferai un second reproche à cette proposition de loi : celle-ci crée un droit voisin pour les éditeurs de presse qui est, à mon sens, un peu trop calqué sur celui des régimes mis œuvre au profit de tiers à la création dans les domaines de la musique, du film, de la production audiovisuelle ou du livre. Elle ne tient guère compte de la nature particulière de l’information, de sa production et des modes de rémunérations de ses auteurs.

Ainsi, plus de 95 % des informations produites sont de nature très éphémère. Les articles ou les reportages de presse qui ont un caractère patrimonial nécessitant une gestion des droits d’auteur au long cours sont très rares, et le sont de plus en plus. L’envisager pour une période de vingt ans, même si celle-ci a été réduite, comme le fait ce texte, conduira à une gestion des droits dans le temps extrêmement lourde, hasardeuse et coûteuse.

C’est la raison pour laquelle mon groupe soutiendra les amendements proposant une limitation de ces droits à une durée de cinq ans, laquelle, pourtant, risque encore de rendre très aléatoire l’équilibre financier de la société, ou des sociétés, de gestion que cette proposition de loi suggère d’instaurer.

Au passage, je rappelle qu’il existe une commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, qui publie chaque année un rapport, souvent assez édifiant quant au fonctionnement de certaines de ces sociétés.

Je conseille à celles et ceux qui ont récemment été étonnés par la rémunération des présidents de certaines autorités administratives indépendantes de se rendre directement à la page 219 du rapport 2018. Ils constateront que les niveaux de salaire de certains des dirigeants de ces entreprises sont très inquiétants. Je forme le vœu que nous discutions, à l’occasion, de ce sujet.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chercher une information sur internet est devenu un geste de la vie quotidienne. Pour en savoir plus sur un sujet, vous introduisez quelques mots-clés sur la page d’accueil d’un moteur de recherche et vous obtenez en quelques secondes une foultitude de résultats. Le geste est simple, la réponse est rapide et le tout est gratuit.

Gratuit en apparence, seulement, car, comme vous le savez tous, rien n’est jamais véritablement gratuit. Les moteurs de recherche stockent les informations relatives à vos requêtes et à votre profil, afin d’en faire des données qui prennent, très souvent à votre insu, une valeur marchande et pour lesquelles vous n’avez d’autre rétribution que le service qui vous est prodigué.

Bien sûr, ces grands opérateurs d’internet que sont les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux procèdent à d’importants investissements technologiques pour dispenser leurs services ou, pour utiliser le vocabulaire en usage aujourd’hui, leurs « solutions ».

Toutefois, la valeur de la prestation prodiguée aux utilisateurs est-elle véritablement proportionnée à la valeur captée par l’opérateur ? Dans bien des cas, on peut en douter. Une chose est sûre : en aucune manière, les prestations prétendument offertes ne sauraient justifier que ces grands opérateurs refusent de s’acquitter de l’impôt dans les pays où, précisément, la valeur est produite !

Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, laquelle a cependant une grande qualité ; elle pointe une autre dimension très importante qui entoure la question de la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la nouvelle économie numérisée : quelle est la juste rétribution dont devrait bénéficier le producteur originel de l’information qui fait l’objet d’une valorisation, plus ou moins consentie, par ces nouveaux intermédiaires commerciaux que sont devenues les grandes plateformes d’internet ?

Certes, les producteurs, tout comme les utilisateurs-consommateurs, de ces informations diffusées ou relayées sur le net tirent certains avantages des solutions mises en œuvre par ces agrégateurs des contenus qu’ils produisent : visibilité et accessibilité accrues de ceux-ci, renvois vers le site du média en question, voire, parfois, création d’un fonds d’aide spécifique octroyé à certains de ces producteurs d’information, qui, au passage, voient leurs ressources publicitaires et leur diffusion payée décliner inexorablement au fil des ans.

Si nous pouvions avoir quelques doutes sur l’équité de la répartition de la valeur produite entre les utilisateurs des services concernés et les grandes plateformes du numérique, il est clair, mes chers collègues, que nous n’en avons aucun s’agissant de l’iniquité profonde de la répartition de la richesse entre ces plateformes et les médias éditeurs d’informations relayées.

Face à ce constat, il fallait agir. La Commission européenne a commencé à travailler sur le sujet dès 2015 pour déboucher sur un projet de directive, qui a donné lieu, le 12 septembre dernier, à un vote massif du Parlement européen en sa faveur. Le texte comporte notamment un article 11, qui permet à la presse et aux agences d’être rémunérées par les moteurs de recherche et les plateformes.

L’adoption de la directive n’est cependant pas définitivement actée, puisque cette dernière fait actuellement l’objet d’un trilogue entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.

La proposition de loi nationale qui nous est soumise aujourd’hui s’inscrit globalement dans l’esprit des futures dispositions européennes qui devraient être adoptées. Si j’en approuve l’esprit et l’objet, je suis également, comme membre de notre commission des affaires européennes, très soucieux d’éviter tout risque de surtransposition, voire de mal-transposition, par anticipation, des directives européennes dans le droit national. Aussi ai-je toujours quelques réserves à l’égard de tout projet de disposition législative nationale mené non pas en amont, mais en synchronie avec une directive européenne en cours de discussion.

C’est pour cette raison que je tiens ici à saluer l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue David Assouline, pour avoir accepté d’amender son texte, afin de le rendre le plus cohérent possible avec les futures dispositions qui devraient être prochainement adoptées à l’échelle européenne.

Le groupe La République En Marche votera donc en faveur de ce texte ainsi révisé. Pour autant, nous devons bien avoir conscience que celui-ci est loin de tout résoudre.

Tout d’abord, il n’est pas certain qu’il produise en définitive autant de ressources pour les éditeurs et les agences de presse que l’on peut l’espérer, en raison de la complexité des procédures de recueil des informations qu’il requiert pour rétribuer les droits qu’il crée et de la coopération active qu’il exige de la part des grands acteurs de l’internet concernés.

Je ferai un second reproche à cette proposition de loi : celle-ci crée un droit voisin pour les éditeurs de presse qui est, à mon sens, un peu trop calqué sur celui des régimes mis œuvre au profit de tiers à la création dans les domaines de la musique, du film, de la production audiovisuelle ou du livre. Elle ne tient guère compte de la nature particulière de l’information, de sa production et des modes de rémunérations de ses auteurs.

Ainsi, plus de 95 % des informations produites sont de nature très éphémère. Les articles ou les reportages de presse qui ont un caractère patrimonial nécessitant une gestion des droits d’auteur au long cours sont très rares, et le sont de plus en plus. L’envisager pour une période de vingt ans, même si celle-ci a été réduite, comme le fait ce texte, conduira à une gestion des droits dans le temps extrêmement lourde, hasardeuse et coûteuse.

C’est la raison pour laquelle mon groupe soutiendra les amendements proposant une limitation de ces droits à une durée de cinq ans, laquelle, pourtant, risque encore de rendre très aléatoire l’équilibre financier de la société, ou des sociétés, de gestion que cette proposition de loi suggère d’instaurer.

Au passage, je rappelle qu’il existe une commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, qui publie chaque année un rapport, souvent assez édifiant quant au fonctionnement de certaines de ces sociétés.

Je conseille à celles et ceux qui ont récemment été étonnés par la rémunération des présidents de certaines autorités administratives indépendantes de se rendre directement à la page 219 du rapport 2018. Ils constateront que les niveaux de salaire de certains des dirigeants de ces entreprises sont très inquiétants. Je forme le vœu que nous discutions, à l’occasion, de ce sujet.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée s’est saisie, en cette séance, par le biais de cette proposition de loi, d’une affaire sérieuse : une affaire de vol, une spoliation à grande échelle de productions intellectuelles, qui lèse celles et ceux qui contribuent à l’information et menace, par là même, les fondements de notre démocratie et la capacité de nos concitoyens à se forger une opinion par la confrontation de faits collectés, commentés et soumis à leur jugement, selon des règles déontologiques acceptées collectivement.

Cette dépossession sans contrepartie du travail des journalistes, aux dépens des organes d’information qui les font vivre, est organisée avec une très grande efficacité par des plateformes qui exploitent l’absence de régulation de l’internet pour profiter d’une quasi-impunité.

Ce larcin est à la mesure du profit qu’elles en tirent. En 2017, Facebook a réalisé un bénéfice de près de 14 milliards d’euros et Google de près de 11 milliards d’euros. Il s’agit de résultats quasiment nets, puisque ces entités déploient des stratagèmes tout aussi démoniaques pour ne pas payer l’impôt.

En très peu de temps, se sont ainsi constituées des organisations supranationales qui imposent leurs choix aux États et finiront par accaparer les derniers instruments de la souveraineté : l’émission de la monnaie et le contrôle de la démocratie. Elles exercent d’ailleurs, passivement ou activement, une influence sur le cours des campagnes électorales.

En s’affranchissant du pouvoir de régulation des États, elles ont réussi à leur imposer l’intangibilité de leur principe économique, qui consiste à capter une part toujours croissante de la richesse produite par la maîtrise de la collecte et de la mise à disposition des données de l’internet. Aujourd’hui, fortes d’un pouvoir incontesté, elles agissent avec une grande efficacité pour défendre le statu quo dans la négociation en cours de la directive européenne.

La commission de la culture du Sénat, sous la conduite de sa présidente et dans une unanimité quasiment permanente, déploie une activité soutenue et constante en faveur d’une régulation raisonnée de l’internet.

La présente proposition de loi, déposée par David Assouline et ses collègues, s’inscrit heureusement dans le prolongement de ce travail de fond. Son objet est précis, son champ d’application est limité, mais essentiel, et ses moyens d’action sont pragmatiques et déjà éprouvés dans d’autres domaines de la création. Au risque de désobliger l’humilité de notre collègue David Assouline, je dirai qu’elle s’impose avec l’évidence de ces lois de bon sens, dont on se demande pourquoi elles n’ont pas été votées plus tôt.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée s’est saisie, en cette séance, par le biais de cette proposition de loi, d’une affaire sérieuse : une affaire de vol, une spoliation à grande échelle de productions intellectuelles, qui lèse celles et ceux qui contribuent à l’information et menace, par là même, les fondements de notre démocratie et la capacité de nos concitoyens à se forger une opinion par la confrontation de faits collectés, commentés et soumis à leur jugement, selon des règles déontologiques acceptées collectivement.

Cette dépossession sans contrepartie du travail des journalistes, aux dépens des organes d’information qui les font vivre, est organisée avec une très grande efficacité par des plateformes qui exploitent l’absence de régulation de l’internet pour profiter d’une quasi-impunité.

Ce larcin est à la mesure du profit qu’elles en tirent. En 2017, Facebook a réalisé un bénéfice de près de 14 milliards d’euros et Google de près de 11 milliards d’euros. Il s’agit de résultats quasiment nets, puisque ces entités déploient des stratagèmes tout aussi démoniaques pour ne pas payer l’impôt.

En très peu de temps, se sont ainsi constituées des organisations supranationales qui imposent leurs choix aux États et finiront par accaparer les derniers instruments de la souveraineté : l’émission de la monnaie et le contrôle de la démocratie. Elles exercent d’ailleurs, passivement ou activement, une influence sur le cours des campagnes électorales.

En s’affranchissant du pouvoir de régulation des États, elles ont réussi à leur imposer l’intangibilité de leur principe économique, qui consiste à capter une part toujours croissante de la richesse produite par la maîtrise de la collecte et de la mise à disposition des données de l’internet. Aujourd’hui, fortes d’un pouvoir incontesté, elles agissent avec une grande efficacité pour défendre le statu quo dans la négociation en cours de la directive européenne.

La commission de la culture du Sénat, sous la conduite de sa présidente et dans une unanimité quasiment permanente, déploie une activité soutenue et constante en faveur d’une régulation raisonnée de l’internet.

La présente proposition de loi, déposée par David Assouline et ses collègues, s’inscrit heureusement dans le prolongement de ce travail de fond. Son objet est précis, son champ d’application est limité, mais essentiel, et ses moyens d’action sont pragmatiques et déjà éprouvés dans d’autres domaines de la création. Au risque de désobliger l’humilité de notre collègue David Assouline, je dirai qu’elle s’impose avec l’évidence de ces lois de bon sens, dont on se demande pourquoi elles n’ont pas été votées plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

L’unanimité de notre commission, que confirmeront, sans nul doute, nos votes à venir, vous oblige, monsieur le ministre, et doit vous inciter à rejoindre notre effort collectif pour donner à cette proposition de loi une issue favorable.

Son objectif n’est pas de contraindre les institutions européennes, ni de se substituer à ces dernières dans une négociation qui doit nécessairement aboutir dans le cadre de l’Union européenne. Face aux désordres de l’internet et aux risques importants qui pèsent sur le pluralisme de l’information et sur l’existence des journalismes qui en sont des acteurs et les garants, nous devons réaffirmer le principe fondamental du droit de l’auteur dans toutes ses composantes morales et économiques.

En France, les droits des auteurs ont été reconnus par sept lois adoptées entre 1791 et 1793. Celles-ci ont abrogé les règles d’Ancien Régime qui donnaient au seul souverain le privilège d’autoriser et de censurer les œuvres de l’esprit. La liberté de l’auteur et la reconnaissance de sa capacité à tirer un profit matériel de son travail intellectuel sont des acquis majeurs de la Révolution et constituent des fondements essentiels de notre démocratie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues du Parlement européen, je vous invite à considérer cette proposition de loi comme la réaffirmation solennelle de ces principes fondamentaux et l’expression de notre volonté de les mettre au service de l’élaboration d’une démocratie européenne partagée, dans les frontières de l’Union.

Il ne peut subsister de démocratie véritable sans liberté d’opinion, sans reconnaissance du travail de celles et ceux qui construisent l’information et sans défense des sociétés et des organismes qui la diffusent.

En protégeant les producteurs de l’information, nous donnons aussi, paradoxalement, aux plateformes la possibilité d’en tirer profit durablement. En effet, comment ne pas comprendre que leurs activités prédatrices détruisent la ressource qu’elles exploitent ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

L’unanimité de notre commission, que confirmeront, sans nul doute, nos votes à venir, vous oblige, monsieur le ministre, et doit vous inciter à rejoindre notre effort collectif pour donner à cette proposition de loi une issue favorable.

Son objectif n’est pas de contraindre les institutions européennes, ni de se substituer à ces dernières dans une négociation qui doit nécessairement aboutir dans le cadre de l’Union européenne. Face aux désordres de l’internet et aux risques importants qui pèsent sur le pluralisme de l’information et sur l’existence des journalismes qui en sont des acteurs et les garants, nous devons réaffirmer le principe fondamental du droit de l’auteur dans toutes ses composantes morales et économiques.

En France, les droits des auteurs ont été reconnus par sept lois adoptées entre 1791 et 1793. Celles-ci ont abrogé les règles d’Ancien Régime qui donnaient au seul souverain le privilège d’autoriser et de censurer les œuvres de l’esprit. La liberté de l’auteur et la reconnaissance de sa capacité à tirer un profit matériel de son travail intellectuel sont des acquis majeurs de la Révolution et constituent des fondements essentiels de notre démocratie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues du Parlement européen, je vous invite à considérer cette proposition de loi comme la réaffirmation solennelle de ces principes fondamentaux et l’expression de notre volonté de les mettre au service de l’élaboration d’une démocratie européenne partagée, dans les frontières de l’Union.

Il ne peut subsister de démocratie véritable sans liberté d’opinion, sans reconnaissance du travail de celles et ceux qui construisent l’information et sans défense des sociétés et des organismes qui la diffusent.

En protégeant les producteurs de l’information, nous donnons aussi, paradoxalement, aux plateformes la possibilité d’en tirer profit durablement. En effet, comment ne pas comprendre que leurs activités prédatrices détruisent la ressource qu’elles exploitent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Cet accaparement sans contrepartie est suicidaire. Que restera-t-il sur ces réseaux quand journalistes et organes d’information auront disparu ? La trivialité de témoignages individuels livrés, sans élaboration, sans contrôle et sans limites, à la scoptophilie !

Le consensus trouvé en commission comme, je l’espère, dans cet hémicycle nous invite à espérer que cette proposition de loi marquera la première étape du chantier de régulation de l’internet que nous appelons collectivement de nos vœux. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale doivent maintenant y prendre toute leur part, de façon constructive, mais dans le respect des grands principes que ce texte tend à établir.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Cet accaparement sans contrepartie est suicidaire. Que restera-t-il sur ces réseaux quand journalistes et organes d’information auront disparu ? La trivialité de témoignages individuels livrés, sans élaboration, sans contrôle et sans limites, à la scoptophilie !

Le consensus trouvé en commission comme, je l’espère, dans cet hémicycle nous invite à espérer que cette proposition de loi marquera la première étape du chantier de régulation de l’internet que nous appelons collectivement de nos vœux. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale doivent maintenant y prendre toute leur part, de façon constructive, mais dans le respect des grands principes que ce texte tend à établir.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a « urgence démocratique ! » C’est par ces termes que les entreprises de presse ont évoqué, dans une tribune du 17 avril 2018, la reconnaissance de droits voisins comme condition indispensable à la consolidation de l’avenir de la presse.

Je félicite notre collègue David Assouline pour cette proposition de loi ainsi que pour sa constance dans la défense de cette question cruciale pour notre économie comme pour la qualité de l’information.

Le moment est particulièrement bien choisi pour soutenir cette proposition. Depuis que nous savons que les tractations qui devaient avoir lieu il y a trois jours ont été ajournées faute d’accord, nous souhaitons renouveler notre entier soutien aux négociateurs français, afin qu’ils aboutissent à une solution communautaire, dans les derniers mois qu’il leur reste.

Les différends opposant les États membres doivent se régler au plus vite, car les plateformes et autres moteurs de recherche tireraient avantageusement parti de tels désaccords au détriment, malheureusement, des agences, des éditeurs de presse et des journalistes.

Si nous défendons, bien évidemment, la position française dans la négociation à Bruxelles, nous soutenons aussi la possibilité d’aboutir à une législation nationale en cas d’échec de ces négociations.

Je regrette que le projet de directive ait été la cible d’une campagne de lobbying massive et parfois mensongère menée auprès de l’opinion publique et des députés européens. Ces derniers auraient reçu des milliers de mails les appelant à voter contre le texte pour « sauver internet »… La directrice générale de YouTube a qualifié le projet de « liberticide », au motif qu’il imposerait aux plateformes le filtrage des contenus, ce que ne prévoit nullement la directive.

Très actif également, Google s’est offert des encarts publicitaires dans de grands journaux français pour faire part du risque d’une réduction de la diversité des contenus accessibles en ligne en cas de vote de la directive, puis est passé à l’action, la semaine dernière, en tronquant les résultats des recherches, et, enfin, relaie sur les réseaux sociaux son message Together for copyright, sous forme de chantage, prenant en otage l’opinion publique.

Ce mode de pression a également été observé lors des expériences nationales conduites en Allemagne et en Espagne, qui se sont soldées par des échecs, parce que les « infomédiaires » ont utilisé leur puissance dans un rapport de force articulé souvent autour de la menace du déréférencement.

Il manquait sans doute également à ces tentatives nationales une gestion collective de ces nouveaux droits voisins, afin de renforcer les éditeurs face à ces « infomédiaires » dans les négociations, ce que n’oublie pas de faire cette proposition de loi.

Il est tout aussi probable que ces deux pays, isolés, n’étaient pas en mesure de peser suffisamment dans le rapport de force. C’est la raison pour laquelle nos négociateurs doivent persévérer jusqu’à ce que l’accord soit conclu au niveau européen. Il faudra sans doute y passer quelques nuits !

À l’heure de la diffusion massive des fausses nouvelles, il est essentiel de maintenir la qualité de l’information, garantie par le statut même des éditeurs et agences de presse. Or l’existence de ceux-ci est aujourd’hui gravement menacée : quelque 29 % des agences ont disparu au cours des huit dernières années… Dans leur sillage, tous les journalistes sont touchés, et avec eux leur travail et leurs exigences déontologiques, qu’il nous faut protéger.

Puisqu’il nous faut soutenir la capacité des éditeurs de presse à financer et à valoriser au mieux le travail journalistique, je suis également favorable à la renégociation, prévue par cette proposition de loi, de la rémunération des journalistes, pour qu’ils puissent bénéficier des versements au titre des droits voisins.

Plus globalement, nous devons faire entrer les plateformes et les moteurs de recherche dans un cadre démocratique, qui suppose non seulement qu’ils consentent à l’impôt, mais aussi qu’ils assument leurs responsabilités.

Nous avions défendu avec force, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, l’article visant à mettre en place une fiscalité effective des GAFA, adopté par notre assemblée à une très large majorité. Nous soutenons également la position de la France sur le projet de directive instaurant une taxe sur les services numériques, présenté par la Commission européenne, qui prévoit de taxer le chiffre d’affaires des GAFA. À cet égard, la mise en place, en cas d’échec des négociations, d’une telle taxe au niveau national cette année, défendue par le Gouvernement, nous semble une position courageuse.

En tant que rapporteur de la commission de la culture sur les crédits de la mission « Livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2019, j’ai défendu les avancées indéniables que la directive sur le droit d’auteur prévoit en matière de propriété intellectuelle sur internet. Il s’agit aujourd’hui pour nous, à travers le soutien que nous apportons à ce texte et aux négociations européennes, de rééquilibrer le rapport de force et le partage de la valeur en faveur des éditeurs, des agences de presse et des journalistes.

Mes chers collègues, j’espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, se prononcera en faveur de cette proposition de loi, unanimement adoptée par la commission de la culture, afin de marquer clairement le soutien de la Haute Assemblée à la position française défendue à Bruxelles pour la création des droits voisins !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a « urgence démocratique ! » C’est par ces termes que les entreprises de presse ont évoqué, dans une tribune du 17 avril 2018, la reconnaissance de droits voisins comme condition indispensable à la consolidation de l’avenir de la presse.

Je félicite notre collègue David Assouline pour cette proposition de loi ainsi que pour sa constance dans la défense de cette question cruciale pour notre économie comme pour la qualité de l’information.

Le moment est particulièrement bien choisi pour soutenir cette proposition. Depuis que nous savons que les tractations qui devaient avoir lieu il y a trois jours ont été ajournées faute d’accord, nous souhaitons renouveler notre entier soutien aux négociateurs français, afin qu’ils aboutissent à une solution communautaire, dans les derniers mois qu’il leur reste.

Les différends opposant les États membres doivent se régler au plus vite, car les plateformes et autres moteurs de recherche tireraient avantageusement parti de tels désaccords au détriment, malheureusement, des agences, des éditeurs de presse et des journalistes.

Si nous défendons, bien évidemment, la position française dans la négociation à Bruxelles, nous soutenons aussi la possibilité d’aboutir à une législation nationale en cas d’échec de ces négociations.

Je regrette que le projet de directive ait été la cible d’une campagne de lobbying massive et parfois mensongère menée auprès de l’opinion publique et des députés européens. Ces derniers auraient reçu des milliers de mails les appelant à voter contre le texte pour « sauver internet »… La directrice générale de YouTube a qualifié le projet de « liberticide », au motif qu’il imposerait aux plateformes le filtrage des contenus, ce que ne prévoit nullement la directive.

Très actif également, Google s’est offert des encarts publicitaires dans de grands journaux français pour faire part du risque d’une réduction de la diversité des contenus accessibles en ligne en cas de vote de la directive, puis est passé à l’action, la semaine dernière, en tronquant les résultats des recherches, et, enfin, relaie sur les réseaux sociaux son message Together for copyright, sous forme de chantage, prenant en otage l’opinion publique.

Ce mode de pression a également été observé lors des expériences nationales conduites en Allemagne et en Espagne, qui se sont soldées par des échecs, parce que les « infomédiaires » ont utilisé leur puissance dans un rapport de force articulé souvent autour de la menace du déréférencement.

Il manquait sans doute également à ces tentatives nationales une gestion collective de ces nouveaux droits voisins, afin de renforcer les éditeurs face à ces « infomédiaires » dans les négociations, ce que n’oublie pas de faire cette proposition de loi.

Il est tout aussi probable que ces deux pays, isolés, n’étaient pas en mesure de peser suffisamment dans le rapport de force. C’est la raison pour laquelle nos négociateurs doivent persévérer jusqu’à ce que l’accord soit conclu au niveau européen. Il faudra sans doute y passer quelques nuits !

À l’heure de la diffusion massive des fausses nouvelles, il est essentiel de maintenir la qualité de l’information, garantie par le statut même des éditeurs et agences de presse. Or l’existence de ceux-ci est aujourd’hui gravement menacée : quelque 29 % des agences ont disparu au cours des huit dernières années… Dans leur sillage, tous les journalistes sont touchés, et avec eux leur travail et leurs exigences déontologiques, qu’il nous faut protéger.

Puisqu’il nous faut soutenir la capacité des éditeurs de presse à financer et à valoriser au mieux le travail journalistique, je suis également favorable à la renégociation, prévue par cette proposition de loi, de la rémunération des journalistes, pour qu’ils puissent bénéficier des versements au titre des droits voisins.

Plus globalement, nous devons faire entrer les plateformes et les moteurs de recherche dans un cadre démocratique, qui suppose non seulement qu’ils consentent à l’impôt, mais aussi qu’ils assument leurs responsabilités.

Nous avions défendu avec force, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, l’article visant à mettre en place une fiscalité effective des GAFA, adopté par notre assemblée à une très large majorité. Nous soutenons également la position de la France sur le projet de directive instaurant une taxe sur les services numériques, présenté par la Commission européenne, qui prévoit de taxer le chiffre d’affaires des GAFA. À cet égard, la mise en place, en cas d’échec des négociations, d’une telle taxe au niveau national cette année, défendue par le Gouvernement, nous semble une position courageuse.

En tant que rapporteur de la commission de la culture sur les crédits de la mission « Livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2019, j’ai défendu les avancées indéniables que la directive sur le droit d’auteur prévoit en matière de propriété intellectuelle sur internet. Il s’agit aujourd’hui pour nous, à travers le soutien que nous apportons à ce texte et aux négociations européennes, de rééquilibrer le rapport de force et le partage de la valeur en faveur des éditeurs, des agences de presse et des journalistes.

Mes chers collègues, j’espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, se prononcera en faveur de cette proposition de loi, unanimement adoptée par la commission de la culture, afin de marquer clairement le soutien de la Haute Assemblée à la position française défendue à Bruxelles pour la création des droits voisins !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le monde de la presse et, à travers lui, toute la vitalité et la qualité du débat démocratique sont plus que jamais en danger. En effet, la révolution numérique et, avec elle, les nouveaux modes de communication dont nous sommes désormais familiers ont totalement bouleversé les modèles économiques en redistribuant les cartes en faveur des géants de l’internet.

Parce qu’ils sont devenus des « intermédiateurs » incontournables et monopolistiques, à défaut de régulation, les GAFAM captent aujourd’hui toute la valeur ajoutée de ce qui circule sur le web.

Après des années de naïveté complaisante, le monde commence enfin à comprendre que l’écosystème de l’internet, tel qu’il s’est développé à notre insu, défiait les États nations, sapait les moyens de l’action publique par l’optimisation fiscale et menaçait nos modèles économiques, sociaux, culturels et même démocratiques. Il ne faudra donc pas s’étonner que cette perte de souveraineté et cette « ultrafinanciarisation » au profit de quelques-uns fassent le lit des inquiétudes et des populismes.

À ces défis, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d’apporter vraiment une réponse politique à la hauteur.

Certes, l’adoption du Règlement général sur la protection des données, le RGPD, constitue une avancée en matière de protection des données personnelles. Ce nouvel arsenal réglementaire a permis à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, d’infliger, voilà trois jours, une amende de 50 millions d’euros à Google pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable. Mais tout cela montre que l’autorégulation des plateformes n’est pas une réponse suffisante.

Aujourd’hui, une directive sur les droits d’auteur, dont l’article 11 institue un droit voisin des éditeurs et des agences de presse au niveau européen, est en discussion, ce dont je me réjouis.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’examen de la proposition de loi présentée par notre collègue David Assouline, pour défendre les éditeurs et les agences de presse. Le groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime, soutient bien sûr ce texte, parce que, au-delà des grands principes énoncés et de la philosophie de celui-ci, notre collègue a accepté de le réécrire pour qu’il soit le plus cohérent possible avec la directive européenne.

Cette proposition de loi témoigne de la mobilisation ancienne et constante du Sénat sur ces sujets. Outre les propositions de David Assouline, je pense à l’excellent rapport de notre collègue Philippe Bonnecarrère sur la réforme du droit d’auteur, publié en 2017, et aux travaux du rapporteur pour avis de notre commission, Michel Laugier. Sans oublier nos débats sur le projet de loi dont est issue la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, avec notre collègue Jean-Pierre Leleux.

Monsieur le ministre, ce texte s’inscrit donc dans une tradition bien établie de notre commission, qui anticipe et aiguillonne le débat. Ainsi, c’est sur l’initiative de notre commission et de plusieurs de ses membres qu’a été proposé et voté, voilà quelques années, l’alignement de la taxe du livre numérique sur le livre papier.

Voter une telle proposition de loi et soutenir la directive comme vous le faites, monsieur le ministre, à la suite de vos prédécesseurs, est très important. En effet, on assiste à ce paradoxe que jamais l’information, ou ce qui paraît tel, n’a été aussi abondant, alors même que nos entreprises de presse n’ont jamais été aussi paupérisées. Or, à l’évidence, la meilleure façon de combattre la déferlante des fausses informations est de veiller à la vitalité et à la lisibilité des informations à caractère professionnel.

Cela dit, je demeure très inquiète, monsieur le ministre, de l’absence de statut des plateformes qui gèrent nos réseaux sociaux et nos vies tout entières sans contrôle, étant dénuées de toute responsabilité – lesquelles plateformes se livrent à Bruxelles à un lobbying effréné contre nos textes.

L’économie de l’attention sur laquelle s’est construit cet écosystème fait qu’il y a un intérêt économique, une rentabilité réelle, à répandre les fausses informations et à entretenir des bulles informationnelles qui enferment dans une vision orientée du monde au profit de tel individu, tel groupe d’influence ou telle puissance.

L’affaire Snowden, puis l’affaire Cambridge Analytica, ont montré les failles morales de ces sociétés dans la gestion de nos données personnelles, ainsi que dans l’utilisation non éthique des technologies de l’intelligence artificielle.

Sur ces sujets, j’ai participé, le 27 novembre dernier, à la grande commission internationale qui a réuni à Londres, sur l’initiative de la Chambre des communes, des parlementaires de onze pays, à la suite du scandale Cambridge Analytica. J’ai porté la voix de notre assemblée, qui, de très longue date, mène un combat acharné pour le respect de nos libertés individuelles, en premier lieu celle des médias et de la presse. Convoqué, M. Zuckerberg n’a pas daigné venir, et le représentant de Facebook n’a pas su dire grand-chose ; il s’est contenté de louer la bonne collaboration de son entreprise avec le gouvernement français.

Si cette proposition de loi, importante, est un signal fort et constitue le versant économique d’un début de responsabilisation des plateformes, tout me paraît indiquer que nous devons aller beaucoup plus loin. C’est la raison pour laquelle, consécutivement à un rapport publié en 2015 sur la gouvernance de l’internet, j’ai déposé deux résolutions, devenues depuis lors résolutions du Sénat, qui méritent, je crois, d’être défendues par le Gouvernement au niveau européen. Ces résolutions répondent à certaines des questions qu’a soulevées M. Malhuret.

La première, adoptée en septembre 2017, vise à établir une régulation concurrentielle du marché numérique, pour permettre à la Commission européenne de prendre des mesures ex ante face à des comportements anticoncurrentiels portant une atteinte grave et immédiate à l’économie du secteur ou à l’intérêt des consommateurs. Cela concerne toutes les entreprises.

Nous sommes aujourd’hui totalement désarmés sur ces sujets face aux géants de l’internet, dont les abus de position dominante ont été condamnés après sept ans de procédure menée par une courageuse Margrethe Vestager. Mais si condamner, c’est bien, agir avant qu’il ne soit trop tard, c’est encore mieux !

Ma seconde résolution, déposée à l’occasion du débat sur la proposition de loi relative à la lutte contre les manipulations de l’information, a été adoptée le 30 novembre dernier. Elle appelle à une réouverture de la directive E-commerce, pour instaurer, enfin, une forme de responsabilité des plateformes, notamment en matière d’information.

Monsieur le ministre, je compte vraiment sur vous, car, jusqu’ici, je dois le dire, sur ces sujets, en dépit d’un entretien très constructif avec Mme Loiseau, j’ai eu le sentiment d’être davantage écoutée à l’étranger, notamment auprès de la chancellerie allemande, que dans mon propre pays. M. Mahjoubi avait annoncé l’organisation d’états généraux des nouvelles régulations numériques, auxquels nous devions être associés, dès l’été dernier, mais nous sommes pour l’instant sans nouvelle. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous en dire plus.

Si je plaide, bien entendu, pour l’équité fiscale qu’a évoquée M. Malhuret, celle-ci n’est pas l’alpha et l’oméga d’une action en faveur de la souveraineté numérique, et je plaide aussi pour une régulation très offensive de l’écosystème numérique, pour un régime exigeant de protection des données, pour une ambition industrielle numérique et pour une montée en compétences numérique de tous. En effet, l’absence de stratégie globale et de régulation fait désormais courir au réseau un risque de perte de confiance et de fragmentation qui menace sa nature même.

Je pense que l’urgence est de sortir d’un modèle numérique qui n’est pas durable et de regarder avec intérêt les mouvements qui se dessinent aujourd’hui autour des technologies éthiques, qui d’ailleurs peuvent être un nouveau terrain de croissance industrielle pour la France et pour l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le monde de la presse et, à travers lui, toute la vitalité et la qualité du débat démocratique sont plus que jamais en danger. En effet, la révolution numérique et, avec elle, les nouveaux modes de communication dont nous sommes désormais familiers ont totalement bouleversé les modèles économiques en redistribuant les cartes en faveur des géants de l’internet.

Parce qu’ils sont devenus des « intermédiateurs » incontournables et monopolistiques, à défaut de régulation, les GAFAM captent aujourd’hui toute la valeur ajoutée de ce qui circule sur le web.

Après des années de naïveté complaisante, le monde commence enfin à comprendre que l’écosystème de l’internet, tel qu’il s’est développé à notre insu, défiait les États nations, sapait les moyens de l’action publique par l’optimisation fiscale et menaçait nos modèles économiques, sociaux, culturels et même démocratiques. Il ne faudra donc pas s’étonner que cette perte de souveraineté et cette « ultrafinanciarisation » au profit de quelques-uns fassent le lit des inquiétudes et des populismes.

À ces défis, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d’apporter vraiment une réponse politique à la hauteur.

Certes, l’adoption du Règlement général sur la protection des données, le RGPD, constitue une avancée en matière de protection des données personnelles. Ce nouvel arsenal réglementaire a permis à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, d’infliger, voilà trois jours, une amende de 50 millions d’euros à Google pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable. Mais tout cela montre que l’autorégulation des plateformes n’est pas une réponse suffisante.

Aujourd’hui, une directive sur les droits d’auteur, dont l’article 11 institue un droit voisin des éditeurs et des agences de presse au niveau européen, est en discussion, ce dont je me réjouis.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’examen de la proposition de loi présentée par notre collègue David Assouline, pour défendre les éditeurs et les agences de presse. Le groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime, soutient bien sûr ce texte, parce que, au-delà des grands principes énoncés et de la philosophie de celui-ci, notre collègue a accepté de le réécrire pour qu’il soit le plus cohérent possible avec la directive européenne.

Cette proposition de loi témoigne de la mobilisation ancienne et constante du Sénat sur ces sujets. Outre les propositions de David Assouline, je pense à l’excellent rapport de notre collègue Philippe Bonnecarrère sur la réforme du droit d’auteur, publié en 2017, et aux travaux du rapporteur pour avis de notre commission, Michel Laugier. Sans oublier nos débats sur le projet de loi dont est issue la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, avec notre collègue Jean-Pierre Leleux.

Monsieur le ministre, ce texte s’inscrit donc dans une tradition bien établie de notre commission, qui anticipe et aiguillonne le débat. Ainsi, c’est sur l’initiative de notre commission et de plusieurs de ses membres qu’a été proposé et voté, voilà quelques années, l’alignement de la taxe du livre numérique sur le livre papier.

Voter une telle proposition de loi et soutenir la directive comme vous le faites, monsieur le ministre, à la suite de vos prédécesseurs, est très important. En effet, on assiste à ce paradoxe que jamais l’information, ou ce qui paraît tel, n’a été aussi abondant, alors même que nos entreprises de presse n’ont jamais été aussi paupérisées. Or, à l’évidence, la meilleure façon de combattre la déferlante des fausses informations est de veiller à la vitalité et à la lisibilité des informations à caractère professionnel.

Cela dit, je demeure très inquiète, monsieur le ministre, de l’absence de statut des plateformes qui gèrent nos réseaux sociaux et nos vies tout entières sans contrôle, étant dénuées de toute responsabilité – lesquelles plateformes se livrent à Bruxelles à un lobbying effréné contre nos textes.

L’économie de l’attention sur laquelle s’est construit cet écosystème fait qu’il y a un intérêt économique, une rentabilité réelle, à répandre les fausses informations et à entretenir des bulles informationnelles qui enferment dans une vision orientée du monde au profit de tel individu, tel groupe d’influence ou telle puissance.

L’affaire Snowden, puis l’affaire Cambridge Analytica, ont montré les failles morales de ces sociétés dans la gestion de nos données personnelles, ainsi que dans l’utilisation non éthique des technologies de l’intelligence artificielle.

Sur ces sujets, j’ai participé, le 27 novembre dernier, à la grande commission internationale qui a réuni à Londres, sur l’initiative de la Chambre des communes, des parlementaires de onze pays, à la suite du scandale Cambridge Analytica. J’ai porté la voix de notre assemblée, qui, de très longue date, mène un combat acharné pour le respect de nos libertés individuelles, en premier lieu celle des médias et de la presse. Convoqué, M. Zuckerberg n’a pas daigné venir, et le représentant de Facebook n’a pas su dire grand-chose ; il s’est contenté de louer la bonne collaboration de son entreprise avec le gouvernement français.

Si cette proposition de loi, importante, est un signal fort et constitue le versant économique d’un début de responsabilisation des plateformes, tout me paraît indiquer que nous devons aller beaucoup plus loin. C’est la raison pour laquelle, consécutivement à un rapport publié en 2015 sur la gouvernance de l’internet, j’ai déposé deux résolutions, devenues depuis lors résolutions du Sénat, qui méritent, je crois, d’être défendues par le Gouvernement au niveau européen. Ces résolutions répondent à certaines des questions qu’a soulevées M. Malhuret.

La première, adoptée en septembre 2017, vise à établir une régulation concurrentielle du marché numérique, pour permettre à la Commission européenne de prendre des mesures ex ante face à des comportements anticoncurrentiels portant une atteinte grave et immédiate à l’économie du secteur ou à l’intérêt des consommateurs. Cela concerne toutes les entreprises.

Nous sommes aujourd’hui totalement désarmés sur ces sujets face aux géants de l’internet, dont les abus de position dominante ont été condamnés après sept ans de procédure menée par une courageuse Margrethe Vestager. Mais si condamner, c’est bien, agir avant qu’il ne soit trop tard, c’est encore mieux !

Ma seconde résolution, déposée à l’occasion du débat sur la proposition de loi relative à la lutte contre les manipulations de l’information, a été adoptée le 30 novembre dernier. Elle appelle à une réouverture de la directive E-commerce, pour instaurer, enfin, une forme de responsabilité des plateformes, notamment en matière d’information.

Monsieur le ministre, je compte vraiment sur vous, car, jusqu’ici, je dois le dire, sur ces sujets, en dépit d’un entretien très constructif avec Mme Loiseau, j’ai eu le sentiment d’être davantage écoutée à l’étranger, notamment auprès de la chancellerie allemande, que dans mon propre pays. M. Mahjoubi avait annoncé l’organisation d’états généraux des nouvelles régulations numériques, auxquels nous devions être associés, dès l’été dernier, mais nous sommes pour l’instant sans nouvelle. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous en dire plus.

Si je plaide, bien entendu, pour l’équité fiscale qu’a évoquée M. Malhuret, celle-ci n’est pas l’alpha et l’oméga d’une action en faveur de la souveraineté numérique, et je plaide aussi pour une régulation très offensive de l’écosystème numérique, pour un régime exigeant de protection des données, pour une ambition industrielle numérique et pour une montée en compétences numérique de tous. En effet, l’absence de stratégie globale et de régulation fait désormais courir au réseau un risque de perte de confiance et de fragmentation qui menace sa nature même.

Je pense que l’urgence est de sortir d’un modèle numérique qui n’est pas durable et de regarder avec intérêt les mouvements qui se dessinent aujourd’hui autour des technologies éthiques, qui d’ailleurs peuvent être un nouveau terrain de croissance industrielle pour la France et pour l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je crois que l’Europe, et d’abord la France, doivent reprendre le dessus sur l’ensemble de ces questions.

Or on a parfois l’impression que l’exigence de souveraineté numérique n’est plus forcément un rempart. J’en veux pour preuve ce que j’ai déjà signalé lors des questions d’actualité au Gouvernement : tous les partenariats signés ces dernières années entre les Google, Microsoft, Cisco, ou Palantir et les services de l’État – éducation nationale, DGSI, peut-être DGSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je crois que l’Europe, et d’abord la France, doivent reprendre le dessus sur l’ensemble de ces questions.

Or on a parfois l’impression que l’exigence de souveraineté numérique n’est plus forcément un rempart. J’en veux pour preuve ce que j’ai déjà signalé lors des questions d’actualité au Gouvernement : tous les partenariats signés ces dernières années entre les Google, Microsoft, Cisco, ou Palantir et les services de l’État – éducation nationale, DGSI, peut-être DGSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

La cerise sur le gâteau est la déroutante nomination de John Chambers, ancien patron de Cisco, comme ambassadeur mondial de la French Tech. Selon moi, c’est un contresens !

Pour conclure, madame la présidente, je citerai Tariq Krim, l’un des pionniers du web français, qui, dans une tribune récente, demandait : « Comment se plaindre des conséquences des réseaux sociaux et de l’impact des GAFAM sur notre démocratie, quand nous leur avons ouvert si largement les portes de l’État ? » Il est temps que nous reprenions en main notre destin numérique !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

La cerise sur le gâteau est la déroutante nomination de John Chambers, ancien patron de Cisco, comme ambassadeur mondial de la French Tech. Selon moi, c’est un contresens !

Pour conclure, madame la présidente, je citerai Tariq Krim, l’un des pionniers du web français, qui, dans une tribune récente, demandait : « Comment se plaindre des conséquences des réseaux sociaux et de l’impact des GAFAM sur notre démocratie, quand nous leur avons ouvert si largement les portes de l’État ? » Il est temps que nous reprenions en main notre destin numérique !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la plus sacrée, la plus personnelle de toutes les propriétés est l’ouvrage, fruit de la pensée de l’écrivain. Comme il est extrêmement juste que les hommes qui cultivent le domaine de la pensée tirent quelques fruits de leur travail, il faut que, pendant toute une vie, et quelques années après leur mort, personne ne puisse disposer sans leur consentement du produit de leur génie. » C’est par ces mots qu’Isaac Le Chapelier, député de l’Assemblée constituante, exposait les fondements du droit d’auteur introduit dans la loi de janvier 1791.

Dès l’origine, ce droit est conçu comme le juste compromis entre deux objectifs distincts, mais aucunement contradictoires : la rémunération du créateur pour son œuvre et l’exposition la plus large de celle-ci au public.

Il est éclairant de constater que, en un peu plus de deux siècles, les soubassements du débat n’ont finalement que peu évolué. Les avancées techniques et technologiques ont certes actualisé et affiné les enjeux, mais, in fine, la problématique centrale reste la même.

Plus que tout autre, la révolution numérique a exacerbé la tension entre respect du droit d’auteur et accès à l’information. Cet idéal d’accessibilité infinie à des contenus multiples sous-tend la philosophie originelle d’internet, pensée comme un espace complètement ouvert et déréglementé. Cette vision a instillé une culture de la gratuité et donné l’impression aux utilisateurs que tout était libre de droits.

Ce phénomène a été accentué par l’effet de réseau propre au numérique. Le partage instantané et continu de connaissances ou d’actualités s’est trouvé démultiplié. Les réseaux sociaux ont même renversé le paradigme : avec l’aspiration de données personnelles toujours plus nombreuses et avec des algorithmes de plus en plus sophistiqués, ce n’est plus l’usager qui part à la recherche de l’information, mais les réseaux qui la lui apportent.

Naturellement, ces mutations très rapides ont ébranlé l’économie des médias, notamment le secteur de la presse. Je le rappelle, alors que 7 milliards d’exemplaires de journaux étaient écoulés en 2009, ce chiffre est aujourd’hui de 4 milliards. Quant aux recettes publicitaires, elles chutent de 7, 5 % par an, au moment où le marché de la publicité numérique augmente de 12 % par an.

Il était donc indispensable que le législateur intervienne pour mieux réguler l’ensemble de la chaîne et afin que le partage de la plus-value tirée des contenus entre les journalistes, les photographes, les agences ou éditeurs de presse et les plateformes soit équitable.

La présente proposition de loi, dont je salue le dépôt, participe de ce rééquilibrage global et s’inscrit dans la tradition française de défense du droit d’auteur, sans lequel les créations de l’esprit seraient limitées.

Plus précisément, il s’agit d’établir un droit voisin en réponse aux pratiques courantes consistant à reproduire des articles, photos, caricatures ou vidéos publiés par des médias sans avoir l’autorisation de ceux-ci. Si ces procédés sont créateurs de richesse pour les plateformes, en particulier grâce aux snippets, ils induisent un manque à gagner considérable pour la presse, qui, en l’état actuel du droit, est dans l’incapacité juridique d’opposer un droit à rémunération pour des contenus pourtant créés ou légalement acquis par elle.

Cette proposition de loi est d’abord une affaire de justice. La justice, d’après Benjamin Franklin, consiste à ne jamais faire de mal à autrui, soit en lui causant une perte réelle, soit en le privant d’un gain légitime. Or les agences et éditeurs de presse sont aujourd’hui privés de ce gain légitime et doivent faire face à une captation de la valeur dérivant de leur travail par des intermédiaires qui le mettent à disposition sur le web.

Ce texte est aussi un moyen de valoriser l’activité des médias et le métier de journaliste. À l’heure où tout le monde peut être producteur et diffuseur de contenus, sans hiérarchisation de leur pertinence, il est fondamental de mettre en lumière le rôle essentiel d’éditorialisation des titres de presse.

Le rapport Franceschini, adressé au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique en février dernier, souligne que la création d’un droit voisin est « la reconnaissance […] du rôle indispensable et de l’importance du métier de l’éditeur de presse pour assurer l’exercice du droit à l’information ». Il s’agit d’un enjeu démocratique d’autant plus éminent que les « infox », nous le savons, prospèrent aujourd’hui.

Reconnaître ce droit implique, en aval, que les agences et éditeurs de presse se montrent plus responsables dans la qualité de l’information produite. D’aucuns ont exprimé des craintes quant à son éventuelle dégradation, une course aux clics pouvant s’engager en vue d’obtenir davantage de recettes.

Il est possible de répondre que les médias d’information générale affrontent d’ores et déjà cette situation, par l’intermédiaire des snippets, sans que le traitement de l’actualité se soit détérioré. Au contraire, nombre d’entre eux ont mis en place des modules pour combattre les contre-vérités et apporter des éléments factuels aux citoyens.

Le modèle économique de la plupart des titres repose sur les abonnés, qui attendent un professionnalisme et des analyses argumentées et détaillées. Faire montre de légèreté du jour au lendemain pourrait s’avérer contreproductif. Soyons donc confiants.

L’article 3 de la proposition de loi ouvre la possibilité aux éditeurs et agences de presse de déléguer la gestion de leurs droits à des organismes de gestion collective. Grâce aux retombées financières, il peut être espéré que les moyens des rédactions progresseront, ce qui augurerait d’une amélioration substantielle de la qualité de l’information. Un cercle vertueux pourrait vraiment être enclenché.

À cet égard, la gestion collective, en plein essor à la suite de l’avènement du numérique, présente de nombreux avantages. Elle fluidifie l’accès aux contenus, l’usager n’ayant plus de démarches particulières à entreprendre auprès des médias.

Surtout, elle représente un poids devant les GAFAM, de nature à rééquilibrer le rapport de force et à garantir aux éditeurs et agences de presse une rémunération plus équitable. Si ceux-ci se regroupent, leur pouvoir de négociation sera plus important que s’ils entament des discussions individuellement.

L’un des débats autour de cette proposition de loi a trait à la durée des droits voisins. La commission a décidé de la ramener de cinquante à vingt ans. Plusieurs amendements tendent à la fixer à cinq ans. Sans préjuger de leur sort, il ne faut pas que cette question soit un point d’achoppement. Ce qui est vital, c’est l’instauration du droit voisin et le signal politique ainsi envoyé : nous n’abandonnons ni le secteur de la presse ni les médias traditionnels, car les pouvoirs publics n’ont pas abdiqué face à l’omnipotence des GAFAM !

L’État a un pouvoir de régulation et de protection, et la protection légitime accordée aux agences et éditeurs par l’octroi d’un droit voisin revêt aujourd’hui un intérêt démocratique à l’échelle de l’Union européenne. Faut-il mentionner que, dans plusieurs pays, la dérive constatée de l’État de droit passe par l’affaiblissement des médias et de nouvelles règles organisant la captation du secteur ?

Au-delà des questions techniques et financières, ce qui est en jeu, avec cette proposition de loi, c’est notre faculté à maintenir notre modèle démocratique, que les médias et les journaux, par leur indépendance et le pluralisme des opinions qu’ils expriment, participent à faire vivre. Ils en sont une composante cardinale, aujourd’hui menacée, car l’information véridique est de plus en plus balayée. Il nous faut absolument retrouver les termes du débat démocratique, avec des vigies et le respect de règles déontologiques.

Alors que le trilogue a été reporté, cette proposition de loi nous offre l’occasion d’agir dès à présent en faveur de la presse et de remettre de l’équité dans l’ensemble du système. Ce faisant, nous serons, grâce à David Assouline, fidèles à la tradition de la France, en première ligne pour défendre le droit d’auteur de façon raisonnée.

Permettez-moi de conclure en citant Beaumarchais, adressant en 1791 une pétition à l’Assemblée nationale contre l’usurpation des propriétés des auteurs par les directeurs de spectacles : « Ma propriété seule, comme auteur dramatique, plus sacrée que toutes les autres, car elle ne me vient de personne, n’est pas sujette à conteste, pour dol, fraude ou séduction ; l’œuvre est sortie de mon cerveau ».

Bravo ! et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la plus sacrée, la plus personnelle de toutes les propriétés est l’ouvrage, fruit de la pensée de l’écrivain. Comme il est extrêmement juste que les hommes qui cultivent le domaine de la pensée tirent quelques fruits de leur travail, il faut que, pendant toute une vie, et quelques années après leur mort, personne ne puisse disposer sans leur consentement du produit de leur génie. » C’est par ces mots qu’Isaac Le Chapelier, député de l’Assemblée constituante, exposait les fondements du droit d’auteur introduit dans la loi de janvier 1791.

Dès l’origine, ce droit est conçu comme le juste compromis entre deux objectifs distincts, mais aucunement contradictoires : la rémunération du créateur pour son œuvre et l’exposition la plus large de celle-ci au public.

Il est éclairant de constater que, en un peu plus de deux siècles, les soubassements du débat n’ont finalement que peu évolué. Les avancées techniques et technologiques ont certes actualisé et affiné les enjeux, mais, in fine, la problématique centrale reste la même.

Plus que tout autre, la révolution numérique a exacerbé la tension entre respect du droit d’auteur et accès à l’information. Cet idéal d’accessibilité infinie à des contenus multiples sous-tend la philosophie originelle d’internet, pensée comme un espace complètement ouvert et déréglementé. Cette vision a instillé une culture de la gratuité et donné l’impression aux utilisateurs que tout était libre de droits.

Ce phénomène a été accentué par l’effet de réseau propre au numérique. Le partage instantané et continu de connaissances ou d’actualités s’est trouvé démultiplié. Les réseaux sociaux ont même renversé le paradigme : avec l’aspiration de données personnelles toujours plus nombreuses et avec des algorithmes de plus en plus sophistiqués, ce n’est plus l’usager qui part à la recherche de l’information, mais les réseaux qui la lui apportent.

Naturellement, ces mutations très rapides ont ébranlé l’économie des médias, notamment le secteur de la presse. Je le rappelle, alors que 7 milliards d’exemplaires de journaux étaient écoulés en 2009, ce chiffre est aujourd’hui de 4 milliards. Quant aux recettes publicitaires, elles chutent de 7, 5 % par an, au moment où le marché de la publicité numérique augmente de 12 % par an.

Il était donc indispensable que le législateur intervienne pour mieux réguler l’ensemble de la chaîne et afin que le partage de la plus-value tirée des contenus entre les journalistes, les photographes, les agences ou éditeurs de presse et les plateformes soit équitable.

La présente proposition de loi, dont je salue le dépôt, participe de ce rééquilibrage global et s’inscrit dans la tradition française de défense du droit d’auteur, sans lequel les créations de l’esprit seraient limitées.

Plus précisément, il s’agit d’établir un droit voisin en réponse aux pratiques courantes consistant à reproduire des articles, photos, caricatures ou vidéos publiés par des médias sans avoir l’autorisation de ceux-ci. Si ces procédés sont créateurs de richesse pour les plateformes, en particulier grâce aux snippets, ils induisent un manque à gagner considérable pour la presse, qui, en l’état actuel du droit, est dans l’incapacité juridique d’opposer un droit à rémunération pour des contenus pourtant créés ou légalement acquis par elle.

Cette proposition de loi est d’abord une affaire de justice. La justice, d’après Benjamin Franklin, consiste à ne jamais faire de mal à autrui, soit en lui causant une perte réelle, soit en le privant d’un gain légitime. Or les agences et éditeurs de presse sont aujourd’hui privés de ce gain légitime et doivent faire face à une captation de la valeur dérivant de leur travail par des intermédiaires qui le mettent à disposition sur le web.

Ce texte est aussi un moyen de valoriser l’activité des médias et le métier de journaliste. À l’heure où tout le monde peut être producteur et diffuseur de contenus, sans hiérarchisation de leur pertinence, il est fondamental de mettre en lumière le rôle essentiel d’éditorialisation des titres de presse.

Le rapport Franceschini, adressé au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique en février dernier, souligne que la création d’un droit voisin est « la reconnaissance […] du rôle indispensable et de l’importance du métier de l’éditeur de presse pour assurer l’exercice du droit à l’information ». Il s’agit d’un enjeu démocratique d’autant plus éminent que les « infox », nous le savons, prospèrent aujourd’hui.

Reconnaître ce droit implique, en aval, que les agences et éditeurs de presse se montrent plus responsables dans la qualité de l’information produite. D’aucuns ont exprimé des craintes quant à son éventuelle dégradation, une course aux clics pouvant s’engager en vue d’obtenir davantage de recettes.

Il est possible de répondre que les médias d’information générale affrontent d’ores et déjà cette situation, par l’intermédiaire des snippets, sans que le traitement de l’actualité se soit détérioré. Au contraire, nombre d’entre eux ont mis en place des modules pour combattre les contre-vérités et apporter des éléments factuels aux citoyens.

Le modèle économique de la plupart des titres repose sur les abonnés, qui attendent un professionnalisme et des analyses argumentées et détaillées. Faire montre de légèreté du jour au lendemain pourrait s’avérer contreproductif. Soyons donc confiants.

L’article 3 de la proposition de loi ouvre la possibilité aux éditeurs et agences de presse de déléguer la gestion de leurs droits à des organismes de gestion collective. Grâce aux retombées financières, il peut être espéré que les moyens des rédactions progresseront, ce qui augurerait d’une amélioration substantielle de la qualité de l’information. Un cercle vertueux pourrait vraiment être enclenché.

À cet égard, la gestion collective, en plein essor à la suite de l’avènement du numérique, présente de nombreux avantages. Elle fluidifie l’accès aux contenus, l’usager n’ayant plus de démarches particulières à entreprendre auprès des médias.

Surtout, elle représente un poids devant les GAFAM, de nature à rééquilibrer le rapport de force et à garantir aux éditeurs et agences de presse une rémunération plus équitable. Si ceux-ci se regroupent, leur pouvoir de négociation sera plus important que s’ils entament des discussions individuellement.

L’un des débats autour de cette proposition de loi a trait à la durée des droits voisins. La commission a décidé de la ramener de cinquante à vingt ans. Plusieurs amendements tendent à la fixer à cinq ans. Sans préjuger de leur sort, il ne faut pas que cette question soit un point d’achoppement. Ce qui est vital, c’est l’instauration du droit voisin et le signal politique ainsi envoyé : nous n’abandonnons ni le secteur de la presse ni les médias traditionnels, car les pouvoirs publics n’ont pas abdiqué face à l’omnipotence des GAFAM !

L’État a un pouvoir de régulation et de protection, et la protection légitime accordée aux agences et éditeurs par l’octroi d’un droit voisin revêt aujourd’hui un intérêt démocratique à l’échelle de l’Union européenne. Faut-il mentionner que, dans plusieurs pays, la dérive constatée de l’État de droit passe par l’affaiblissement des médias et de nouvelles règles organisant la captation du secteur ?

Au-delà des questions techniques et financières, ce qui est en jeu, avec cette proposition de loi, c’est notre faculté à maintenir notre modèle démocratique, que les médias et les journaux, par leur indépendance et le pluralisme des opinions qu’ils expriment, participent à faire vivre. Ils en sont une composante cardinale, aujourd’hui menacée, car l’information véridique est de plus en plus balayée. Il nous faut absolument retrouver les termes du débat démocratique, avec des vigies et le respect de règles déontologiques.

Alors que le trilogue a été reporté, cette proposition de loi nous offre l’occasion d’agir dès à présent en faveur de la presse et de remettre de l’équité dans l’ensemble du système. Ce faisant, nous serons, grâce à David Assouline, fidèles à la tradition de la France, en première ligne pour défendre le droit d’auteur de façon raisonnée.

Permettez-moi de conclure en citant Beaumarchais, adressant en 1791 une pétition à l’Assemblée nationale contre l’usurpation des propriétés des auteurs par les directeurs de spectacles : « Ma propriété seule, comme auteur dramatique, plus sacrée que toutes les autres, car elle ne me vient de personne, n’est pas sujette à conteste, pour dol, fraude ou séduction ; l’œuvre est sortie de mon cerveau ».

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Il valait la peine de le rappeler !

Bravo ! et applaudissements.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Il valait la peine de le rappeler !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé, pour avoir une presse de qualité, il faut avoir des moyens.

La proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse va dans le bon sens. Elle est discutée au moment où la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est sur le point d’être adoptée.

La phase du trilogue succédant au vote, Parlement, Commission et Conseil des ministres proposeront une version finale du texte, qui, comme vous le savez, devra faire l’objet d’un nouveau vote au Parlement européen pour être définitivement adopté, avant d’être transposé dans le droit national des États membres. La présente proposition de loi influencera donc certainement positivement les négociations en cours et confortera les positions défendues par la France.

Concernant la durée de ces droits voisins – c’est l’objet de l’article 2 du présent texte –, le Parlement européen a pour le moment prévu une durée de cinq ans, les actualités étant par nature plus éphémères que les autres œuvres de l’esprit. La France s’étant prononcée pour une durée de vingt ans lors des négociations, la commission de la culture du Sénat avait dans un premier temps retenu cette durée, en lieu et place des cinquante ans figurant dans la proposition de loi initiale.

Cependant, hier, la commission de la culture s’est finalement déclarée favorable à une durée de cinq ans, comme le demandait notre collègue Jean-Pierre Leleux, ainsi que les représentants de plusieurs groupes, afin d’être au plus près de l’enjeu des négociations qui pourraient aboutir à une durée moindre. Aussi, la loi issue de nos travaux pourrait servir de fondement à la transposition de la directive européenne, ce qui permettrait, je l’espère, une mise en œuvre rapide.

Toutefois, pourquoi une telle préoccupation ? C’est simplement parce que les règles européennes relatives au droit d’auteur ont été pensées avant l’ère du numérique et ne sont plus adaptées.

La situation est plutôt inquiétante. Aujourd’hui, Google et Facebook peuvent référencer et diffuser des articles de presse, mais aussi créer des produits comme Google News, sans rien verser aux éditeurs en retour. Cela pose problème, parce que ces entreprises sont devenues l’une des principales portes d’accès à l’information. C’est un peu comme si les radios pouvaient diffuser toute la musique qu’elles souhaitent et engranger les revenus publicitaires afférents, sans jamais rémunérer les maisons de disques, comme l’expliquait la journaliste Chloé Woitier.

La production des agences de presse, qu’il s’agisse d’éléments d’information sous toutes formes, d’articles, de photographies, de vidéographies ou d’infographies, est reprise par les moteurs de recherche et les agrégateurs, tels qu’ils sont publiés par les éditeurs de presse qui sont les clients de ces agences. Or les agences de presse ne concèdent pas à leurs clients, les éditeurs de presse, le droit d’accepter que ces contenus soient indexés et reproduits par les acteurs du numérique.

Cependant, d’un point de vue économique, les agences ne peuvent pas se permettre d’interdire aux éditeurs d’être repris sur les moteurs de recherche ou les agrégateurs, car cette présence est source de profit direct ou indirect pour elles. Une interdiction pénaliserait l’audience des éditeurs de presse, donc le chiffre d’affaires des agences, lequel dépend des audiences des éditeurs.

Les agences se trouvent démunies face à la puissance des géants du numérique et ne parviennent pas à défendre efficacement leurs productions sur le fondement des droits de propriété intellectuelle existants.

D’une part, l’exercice du droit d’auteur implique l’obligation de rapporter la preuve de l’originalité de chacun des contenus indexés et reproduits, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre de pillages ou de reprises massives de contenus. Par ailleurs, l’exercice du droit des bases de données requiert notamment que toutes les extractions non autorisées soient identifiées, ce qui aboutit à de très lourdes procédures.

D’autre part, en admettant qu’une agence de presse ait exercé avec succès son droit d’auteur ou son droit de producteur de base de données auprès d’un moteur de recherche, elle s’exposerait à un déréférencement des contenus publiés. Ces contenus étant repris par les éditeurs de presse, cela conduirait à les priver de référencement sur internet, ce qui constituerait un suicide économique.

Enfin, au vu du rapport de force disproportionné, une confrontation bilatérale entre les agences et les moteurs de recherche ne permettrait pas aux agences de faire valoir individuellement leurs droits.

En revanche, un droit voisin qui viserait à établir des accords de licence entre, d’un côté, les grandes plateformes et, de l’autre, les médias, et qui serait exercé via des sociétés de gestion collective sur le modèle de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, dans le monde de la musique, viendrait pallier le déséquilibre.

Mes chers collègues, peut-on accepter une telle injustice et un tel comportement des GAFA ? Bercy a justement annoncé qu’un projet de loi serait présenté en conseil des ministres d’ici la fin du mois de février pour contraindre ces sociétés au paiement d’une taxe allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires, alors même que nos PME françaises sont taxées en moyenne à hauteur de 23 %.

Cette situation constitue également un enjeu démocratique important. Il faut peut-être rappeler que, en termes de capitalisation boursière, Amazon plus Apple égale le PIB de la France. Qu’adviendrait-il si la presse française était rachetée par ces géants de l’internet ? L’information serait dictée par les intérêts des entreprises américaines.

Le directeur général du groupe Figaro expliquait que 92 % de la publicité sur les smartphones est captée par Google et Facebook. Rien n’est reversé aux agences et éditeurs de presse. Rien qu’en matière de publicité, la perte de revenus est considérable. Si l’on y ajoute le fait que le modèle économique des éditeurs de presse est mis en grande difficulté par la dissémination croissante de leur contenu sur les GAFA sans contrepartie financière, on peut tout simplement s’inquiéter de la fin des journaux et, donc, du contenu.

Il s’agit d’un enjeu démocratique, d’un problème de justice sociale. C’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai en faveur de cette proposition de loi, de ce texte qui a fait l’unanimité au sein de la commission de la culture !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé, pour avoir une presse de qualité, il faut avoir des moyens.

La proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse va dans le bon sens. Elle est discutée au moment où la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est sur le point d’être adoptée.

La phase du trilogue succédant au vote, Parlement, Commission et Conseil des ministres proposeront une version finale du texte, qui, comme vous le savez, devra faire l’objet d’un nouveau vote au Parlement européen pour être définitivement adopté, avant d’être transposé dans le droit national des États membres. La présente proposition de loi influencera donc certainement positivement les négociations en cours et confortera les positions défendues par la France.

Concernant la durée de ces droits voisins – c’est l’objet de l’article 2 du présent texte –, le Parlement européen a pour le moment prévu une durée de cinq ans, les actualités étant par nature plus éphémères que les autres œuvres de l’esprit. La France s’étant prononcée pour une durée de vingt ans lors des négociations, la commission de la culture du Sénat avait dans un premier temps retenu cette durée, en lieu et place des cinquante ans figurant dans la proposition de loi initiale.

Cependant, hier, la commission de la culture s’est finalement déclarée favorable à une durée de cinq ans, comme le demandait notre collègue Jean-Pierre Leleux, ainsi que les représentants de plusieurs groupes, afin d’être au plus près de l’enjeu des négociations qui pourraient aboutir à une durée moindre. Aussi, la loi issue de nos travaux pourrait servir de fondement à la transposition de la directive européenne, ce qui permettrait, je l’espère, une mise en œuvre rapide.

Toutefois, pourquoi une telle préoccupation ? C’est simplement parce que les règles européennes relatives au droit d’auteur ont été pensées avant l’ère du numérique et ne sont plus adaptées.

La situation est plutôt inquiétante. Aujourd’hui, Google et Facebook peuvent référencer et diffuser des articles de presse, mais aussi créer des produits comme Google News, sans rien verser aux éditeurs en retour. Cela pose problème, parce que ces entreprises sont devenues l’une des principales portes d’accès à l’information. C’est un peu comme si les radios pouvaient diffuser toute la musique qu’elles souhaitent et engranger les revenus publicitaires afférents, sans jamais rémunérer les maisons de disques, comme l’expliquait la journaliste Chloé Woitier.

La production des agences de presse, qu’il s’agisse d’éléments d’information sous toutes formes, d’articles, de photographies, de vidéographies ou d’infographies, est reprise par les moteurs de recherche et les agrégateurs, tels qu’ils sont publiés par les éditeurs de presse qui sont les clients de ces agences. Or les agences de presse ne concèdent pas à leurs clients, les éditeurs de presse, le droit d’accepter que ces contenus soient indexés et reproduits par les acteurs du numérique.

Cependant, d’un point de vue économique, les agences ne peuvent pas se permettre d’interdire aux éditeurs d’être repris sur les moteurs de recherche ou les agrégateurs, car cette présence est source de profit direct ou indirect pour elles. Une interdiction pénaliserait l’audience des éditeurs de presse, donc le chiffre d’affaires des agences, lequel dépend des audiences des éditeurs.

Les agences se trouvent démunies face à la puissance des géants du numérique et ne parviennent pas à défendre efficacement leurs productions sur le fondement des droits de propriété intellectuelle existants.

D’une part, l’exercice du droit d’auteur implique l’obligation de rapporter la preuve de l’originalité de chacun des contenus indexés et reproduits, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre de pillages ou de reprises massives de contenus. Par ailleurs, l’exercice du droit des bases de données requiert notamment que toutes les extractions non autorisées soient identifiées, ce qui aboutit à de très lourdes procédures.

D’autre part, en admettant qu’une agence de presse ait exercé avec succès son droit d’auteur ou son droit de producteur de base de données auprès d’un moteur de recherche, elle s’exposerait à un déréférencement des contenus publiés. Ces contenus étant repris par les éditeurs de presse, cela conduirait à les priver de référencement sur internet, ce qui constituerait un suicide économique.

Enfin, au vu du rapport de force disproportionné, une confrontation bilatérale entre les agences et les moteurs de recherche ne permettrait pas aux agences de faire valoir individuellement leurs droits.

En revanche, un droit voisin qui viserait à établir des accords de licence entre, d’un côté, les grandes plateformes et, de l’autre, les médias, et qui serait exercé via des sociétés de gestion collective sur le modèle de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, dans le monde de la musique, viendrait pallier le déséquilibre.

Mes chers collègues, peut-on accepter une telle injustice et un tel comportement des GAFA ? Bercy a justement annoncé qu’un projet de loi serait présenté en conseil des ministres d’ici la fin du mois de février pour contraindre ces sociétés au paiement d’une taxe allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires, alors même que nos PME françaises sont taxées en moyenne à hauteur de 23 %.

Cette situation constitue également un enjeu démocratique important. Il faut peut-être rappeler que, en termes de capitalisation boursière, Amazon plus Apple égale le PIB de la France. Qu’adviendrait-il si la presse française était rachetée par ces géants de l’internet ? L’information serait dictée par les intérêts des entreprises américaines.

Le directeur général du groupe Figaro expliquait que 92 % de la publicité sur les smartphones est captée par Google et Facebook. Rien n’est reversé aux agences et éditeurs de presse. Rien qu’en matière de publicité, la perte de revenus est considérable. Si l’on y ajoute le fait que le modèle économique des éditeurs de presse est mis en grande difficulté par la dissémination croissante de leur contenu sur les GAFA sans contrepartie financière, on peut tout simplement s’inquiéter de la fin des journaux et, donc, du contenu.

Il s’agit d’un enjeu démocratique, d’un problème de justice sociale. C’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai en faveur de cette proposition de loi, de ce texte qui a fait l’unanimité au sein de la commission de la culture !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Applaudissements.

Photo de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Article 1er

L’article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

2° Au dernier alinéa, les mots : « ou du programme » sont remplacés par les mots : «, du programme ou de la publication de presse » et les mots : « ou de l’entreprise de communication audiovisuelle » sont remplacés par les mots : «, de l’entreprise de communication audiovisuelle, de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse ».

L ’ article 1 er est adopté.

Article 2

Supprimé

L’article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par des V et VI ainsi rédigés :

« V. – La durée des droits patrimoniaux des éditeurs de presse et des agences de presse est de vingt ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse.

« VI. –

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par M. Malhuret, Mme Mélot, MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc, Wattebled et Louault, Mme Vullien et MM. Moga, de Belenet, Bonnecarrère et Marseille.

L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Morin-Desailly, MM. Laugier, Paccaud, Brisson et Dufaut, Mme Billon, MM. Schmitz, Retailleau, Grosperrin et Piednoir, Mme Dumas, M. Hugonet et Mme de la Provôté.

L’amendement n° 4 rectifié est présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli, Requier, Arnell et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Léonhardt, Menonville et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

cinq

La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Cet amendement vise à aligner la durée de validité des droits voisins pour les éditeurs de presse et les agences de presse sur la durée de cinq années défendue par la France à Bruxelles, dans le contexte des négociations en cours sur l’article 11 du projet de directive européenne.

À l’ère de l’instantanéité des échanges d’information, une durée de vingt ans serait excessive. Le projet de directive a retenu une durée de cinq années, qui correspond également à la position de la France dans la négociation.

Sachant que la position du Conseil européen est de ramener la durée de ces droits à un an, nous souhaitons renforcer la position de notre pays sans la décrédibiliser, en inscrivant dès à présent une durée de validité de ces droits de cinq ans dans la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par M. Malhuret, Mme Mélot, MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc, Wattebled et Louault, Mme Vullien et MM. Moga, de Belenet, Bonnecarrère et Marseille.

L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Morin-Desailly, MM. Laugier, Paccaud, Brisson et Dufaut, Mme Billon, MM. Schmitz, Retailleau, Grosperrin et Piednoir, Mme Dumas, M. Hugonet et Mme de la Provôté.

L’amendement n° 4 rectifié est présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli, Requier, Arnell et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Léonhardt, Menonville et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

cinq

La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Cet amendement vise à aligner la durée de validité des droits voisins pour les éditeurs de presse et les agences de presse sur la durée de cinq années défendue par la France à Bruxelles, dans le contexte des négociations en cours sur l’article 11 du projet de directive européenne.

À l’ère de l’instantanéité des échanges d’information, une durée de vingt ans serait excessive. Le projet de directive a retenu une durée de cinq années, qui correspond également à la position de la France dans la négociation.

Sachant que la position du Conseil européen est de ramener la durée de ces droits à un an, nous souhaitons renforcer la position de notre pays sans la décrédibiliser, en inscrivant dès à présent une durée de validité de ces droits de cinq ans dans la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je serai très bref, dans la mesure où le sujet a été largement évoqué lors de la discussion générale. Comme nombre de mes collègues, je propose de fixer la durée des droits voisins à cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je serai très bref, dans la mesure où le sujet a été largement évoqué lors de la discussion générale. Comme nombre de mes collègues, je propose de fixer la durée des droits voisins à cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À titre personnel, je suis favorable à une durée de vingt ans. C’est la durée des droits voisins que j’ai proposée, car la tradition française veut que celle-ci soit de cinquante ans.

Cela étant, je sais bien que la directive européenne fixe une durée de cinq ans et que cela correspond à la position française. C’est pourquoi j’estime que ces trois amendements ont leur légitimité. Personnellement, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, tout en précisant que la commission en tant que telle a émis un avis favorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À titre personnel, je suis favorable à une durée de vingt ans. C’est la durée des droits voisins que j’ai proposée, car la tradition française veut que celle-ci soit de cinquante ans.

Cela étant, je sais bien que la directive européenne fixe une durée de cinq ans et que cela correspond à la position française. C’est pourquoi j’estime que ces trois amendements ont leur légitimité. Personnellement, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, tout en précisant que la commission en tant que telle a émis un avis favorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous suivrons la position du rapporteur. Nous étions favorables à une durée de vingt ans, mais, comme je l’ai indiqué lors de discussion générale, il ne s’agit pas d’un point d’achoppement. Si le Sénat vote pour une durée de cinq ans, ce sera également une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 2 rectifié bis et 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous suivrons la position du rapporteur. Nous étions favorables à une durée de vingt ans, mais, comme je l’ai indiqué lors de discussion générale, il ne s’agit pas d’un point d’achoppement. Si le Sénat vote pour une durée de cinq ans, ce sera également une bonne chose.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 2 rectifié bis et 4 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

L ’ article 2 est adopté.

Article 3

Supprimé

Le titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VIII

« Droits des éditeurs et des agences de presse

« Art. L. 218 -1. – I. – On entend par publication de presse au sens du présent chapitre une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés et constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique dans le but de fournir au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets publiées sur tout support à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle d’un prestataire de services.

« Les périodiques qui sont publiés à des fins scientifiques ou universitaires, telles que les revues scientifiques, ne sont pas couverts par la présente définition.

« II

« Art. L. 218 -2. – L’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne d’œuvres et d’objets protégés.

« Art. L. 218 -3. – Les droits des éditeurs de presse et des agences de presse mentionnés à l’article L. 218-1 peuvent être cédés ou faire l’objet d’une licence.

« Ces titulaires de droits peuvent confier la gestion de leurs droits mentionnés à un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III.

« Art. L. 218 -4. – La rémunération due au titre de la reproduction et de la représentation des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement, notamment dans les cas prévus à l’article L. 131-4.

« Art. L. 218 -5. – I. – Les journalistes professionnels ou assimilés, au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse mentionnées à l’article L. 218-1 du présent code ont droit à une part de la rémunération mentionnée à l’article L. 218-4. Cette part ainsi que les modalités de sa répartition entre les auteurs concernés sont fixées dans des conditions déterminées par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail. Cette rémunération complémentaire n’a pas le caractère de salaire.

« II. –

« CHAPITRE IX

Supprimé

Division et intitulé supprimés

« CHAPITRE IX

« Art. L. 219 -1 à L. 219 -5. –

Division et intitulé supprimés

Supprimés

« Art. L. 219 -1 à L. 219 -5. –

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette demande d’autorisation n’emporte pas obligation pour l’éditeur de presse producteur de recourir à un hébergement direct des contenus sur les plateformes d’un service automatisé de référencement.

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cession de droits ou l’accord de licence n’emporte pas obligation pour l’éditeur de presse producteur de recourir à un hébergement direct des contenus sur les plateformes d’un service automatisé de référencement.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

Supprimés

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Compte tenu des enjeux financiers, on peut douter, dans l’hypothèse où cette loi serait promulguée, que les GAFA viennent ici, tels les bourgeois de Calais, avec la corde au cou en forme de soumission… Les choses ne s’arrêteront pas là !

Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à vous faire remarquer, mes chers collègues, la nécessité de réfléchir déjà à ce qui va arriver après, notamment, à tout ce que les plateformes pourront mettre en place pour contourner les procédures que nous établissons aujourd’hui.

Je formulerai par ailleurs une remarque très brève : je vous rappelle que, pour les phonogrammes, la loi prévoit une rémunération forfaitaire ou une rémunération assise sur les recettes de l’exploitation. Par exemple, pour la radio, il s’agit de 5 % des recettes, tandis que pour les discothèques, elle s’établit à hauteur de 1, 65 %. Aussi, je me demande si, dans un second temps, nous ne pourrions pas réfléchir à ce type de rémunération forfaitaire, qui éviterait à certains éditeurs d’être soumis à une pression trop forte des plateformes qui, comme l’a très justement dit la présidente de la commission de la culture, se trouvent dans une situation monopolistique.

J’ai compris ce que le rapporteur pensait de mon amendement et de sa rédaction. Je le retirerai aussitôt qu’il se sera exprimé, ma prise de position valant également explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette demande d’autorisation n’emporte pas obligation pour l’éditeur de presse producteur de recourir à un hébergement direct des contenus sur les plateformes d’un service automatisé de référencement.

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cession de droits ou l’accord de licence n’emporte pas obligation pour l’éditeur de presse producteur de recourir à un hébergement direct des contenus sur les plateformes d’un service automatisé de référencement.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Compte tenu des enjeux financiers, on peut douter, dans l’hypothèse où cette loi serait promulguée, que les GAFA viennent ici, tels les bourgeois de Calais, avec la corde au cou en forme de soumission… Les choses ne s’arrêteront pas là !

Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à vous faire remarquer, mes chers collègues, la nécessité de réfléchir déjà à ce qui va arriver après, notamment, à tout ce que les plateformes pourront mettre en place pour contourner les procédures que nous établissons aujourd’hui.

Je formulerai par ailleurs une remarque très brève : je vous rappelle que, pour les phonogrammes, la loi prévoit une rémunération forfaitaire ou une rémunération assise sur les recettes de l’exploitation. Par exemple, pour la radio, il s’agit de 5 % des recettes, tandis que pour les discothèques, elle s’établit à hauteur de 1, 65 %. Aussi, je me demande si, dans un second temps, nous ne pourrions pas réfléchir à ce type de rémunération forfaitaire, qui éviterait à certains éditeurs d’être soumis à une pression trop forte des plateformes qui, comme l’a très justement dit la présidente de la commission de la culture, se trouvent dans une situation monopolistique.

J’ai compris ce que le rapporteur pensait de mon amendement et de sa rédaction. Je le retirerai aussitôt qu’il se sera exprimé, ma prise de position valant également explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme l’a anticipé son auteur, je demanderai le retrait de cet amendement.

J’ai déjà dit ce que je pensais au cours de la discussion générale : les dispositions de cet amendement ont le mérite de poser un débat qui sera l’un des principaux enjeux de la mise en œuvre de ce texte. Malheureusement, elles ont trait au droit de la concurrence, ce qui n’est pas tout à fait le même sujet, et leur rédaction n’est pas sécurisée juridiquement.

Tout en remerciant son auteur d’avoir ouvert ce débat, je demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme l’a anticipé son auteur, je demanderai le retrait de cet amendement.

J’ai déjà dit ce que je pensais au cours de la discussion générale : les dispositions de cet amendement ont le mérite de poser un débat qui sera l’un des principaux enjeux de la mise en œuvre de ce texte. Malheureusement, elles ont trait au droit de la concurrence, ce qui n’est pas tout à fait le même sujet, et leur rédaction n’est pas sécurisée juridiquement.

Tout en remerciant son auteur d’avoir ouvert ce débat, je demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Le Gouvernement comprend le débat, mais il considère que la question est plutôt de nature contractuelle. Je demanderai donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’y serais défavorable.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Le Gouvernement comprend le débat, mais il considère que la question est plutôt de nature contractuelle. Je demanderai donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’y serais défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3 est retiré.

L’amendement n° 5, présenté par M. Assouline, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer le mot :

mentionnés

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3 est retiré.

L’amendement n° 5, présenté par M. Assouline, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer le mot :

mentionnés

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Article 3 bis

Adopté.

Au premier alinéa de l’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou d’un programme » sont remplacés par les mots : «, d’un programme ou d’une publication de presse ». –

Article 3 ter

Adopté.

Au deuxième alinéa de l’article L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou à un programme » sont remplacés par les mots : «, à un programme ou à une publication de presse ». –

Article 3 quater

Adopté.

À l’article L. 331-10 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou d’un phonogramme » sont remplacés par les mots : «, d’un phonogramme ou d’une publication de presse ». –

Article 3 quinquies

Adopté.

L’article L. 331-11 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou d’un programme » sont remplacés par les mots : «, d’un programme ou d’une publication de presse » et les mots : « ou du programme » sont remplacés par les mots : «, du programme ou de la publication de presse » ;

2° Au second alinéa, les mots : « un programme » sont remplacés par les mots : «, un programme ou une publication de presse » et les mots : « ou d’un programme » sont remplacés par les mots : «, d’un programme ou d’une publication de presse ». –

Article 3 sexies

Adopté.

Au deuxième alinéa de l’article L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou un programme » sont remplacés par les mots : «, un programme ou une publication de presse ». –

Article 3 septies

Adopté.

À l’article L. 331-37 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou d’un phonogramme » sont remplacés par les mots : «, d’un phonogramme ou d’une publication de presse ». –

Article 3 octies

Adopté.

Au premier alinéa de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou d’un programme » sont remplacés par les mots : «, d’un programme ou d’une publication de presse » et les mots : « ou de l’entreprise de communication audiovisuelle » sont remplacés par les mots : «, de l’entreprise de communication audiovisuelle, de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse ». –

Article 3 nonies

Adopté.

Au I de l’article L. 335-4-1 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou d’un programme » sont remplacés par les mots : «, d’un programme ou d’une publication de presse ». –

Article 3 decies

Adopté.

Au III de l’article L. 335-4-2 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ou un programme » sont remplacés par les mots : «, un programme ou une publication de presse ». –

Article 4

Adopté.

Après que la Commission européenne l’a déclarée compatible avec le droit de l’Union européenne, la présente loi s’applique trois mois après sa promulgation. –

Article 5

Adopté.

La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna. –

Photo de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Vote sur l’ensemble

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Le scrutin a lieu.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption342Le Sénat a adopté.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption342Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, je vous remercie et vous félicite de nous avoir permis d’achever l’examen de ce texte dans les temps.

La parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je tiens vraiment à remercier l’ensemble de mes collègues, qui sont restés jusqu’à maintenant pour témoigner de l’unanimité qui existe au Sénat.

Je remercie de nouveau le Gouvernement d’avoir immédiatement accompagné la démarche du Sénat, qui, elle-même, accompagne la démarche du Gouvernement dans les négociations européennes. Je salue également le cabinet du ministre, qui a tout de suite collaboré et travaillé, afin notamment que la consolidation juridique du texte soit la plus proche possible de la directive européenne.

Je souhaite évidemment rendre hommage aux services de la commission de la culture, qui ont été très réactifs dans une période où, je le rappelle, le Sénat avait suspendu ses travaux : alors que la proposition de loi venait d’être mise à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, il fallait bien mener toutes les auditions nécessaires, puisque nous avons tenu à voir les acteurs essentiels sur cette question. Enfin, je remercie la présidente de la commission de la culture, qui a permis ce travail.

J’espère que l’unanimité qui s’est exprimée sur ce texte, qui a encore du chemin à parcourir, lui donnera davantage de force et que les députés y apporteront leur pierre dans un esprit de coconstruction entre Sénat, Gouvernement et Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, je vous remercie et vous félicite de nous avoir permis d’achever l’examen de ce texte dans les temps.

La parole est à M. le rapporteur.

Photo de David Assouline

Je tiens vraiment à remercier l’ensemble de mes collègues, qui sont restés jusqu’à maintenant pour témoigner de l’unanimité qui existe au Sénat.

Je remercie de nouveau le Gouvernement d’avoir immédiatement accompagné la démarche du Sénat, qui, elle-même, accompagne la démarche du Gouvernement dans les négociations européennes. Je salue également le cabinet du ministre, qui a tout de suite collaboré et travaillé, afin notamment que la consolidation juridique du texte soit la plus proche possible de la directive européenne.

Je souhaite évidemment rendre hommage aux services de la commission de la culture, qui ont été très réactifs dans une période où, je le rappelle, le Sénat avait suspendu ses travaux : alors que la proposition de loi venait d’être mise à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, il fallait bien mener toutes les auditions nécessaires, puisque nous avons tenu à voir les acteurs essentiels sur cette question. Enfin, je remercie la présidente de la commission de la culture, qui a permis ce travail.

J’espère que l’unanimité qui s’est exprimée sur ce texte, qui a encore du chemin à parcourir, lui donnera davantage de force et que les députés y apporteront leur pierre dans un esprit de coconstruction entre Sénat, Gouvernement et Assemblée nationale.

Photo de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.

Elles sont donc adoptées.

Adoption des conclusions de la conférence des présidents

Photo de Hélène Conway-Mouret

Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.

Elles sont donc adoptées.

Photo de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Mon rappel au règlement porte sur Parcoursup.

Je trouve extrêmement fâcheux que nous ayons dû demander à plusieurs reprises au Gouvernement, dans cet hémicycle, des pièces qui nous semblaient essentielles pour exercer de façon correcte le contrôle de son action.

Au banc des commissions, le président Bas avait obtenu du Gouvernement son engagement de transmettre ces pièces, que nous attendons toujours. Or nous avons découvert cette semaine que le Défenseur des droits avait eu communication de ces données et que celles-ci avaient éclairé son rapport. Nous aurions aimé qu’elles éclairassent aussi notre activité de contrôle de l’action gouvernementale !

Nous vivons une période dans laquelle, finalement, le Défenseur des droits défend non seulement les particuliers, mais aussi les droits du Parlement. À mon sens, il y a là une rupture dans la relation entre le Gouvernement et le Parlement dont nous ne pouvons pas nous satisfaire.

De nouveau, nous réclamons les documents que nous a promis le Gouvernement. Il serait malheureux que nous soyons obligés, encore une fois, de demander à M. Toubon de nous les transmettre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Mon rappel au règlement porte sur Parcoursup.

Je trouve extrêmement fâcheux que nous ayons dû demander à plusieurs reprises au Gouvernement, dans cet hémicycle, des pièces qui nous semblaient essentielles pour exercer de façon correcte le contrôle de son action.

Au banc des commissions, le président Bas avait obtenu du Gouvernement son engagement de transmettre ces pièces, que nous attendons toujours. Or nous avons découvert cette semaine que le Défenseur des droits avait eu communication de ces données et que celles-ci avaient éclairé son rapport. Nous aurions aimé qu’elles éclairassent aussi notre activité de contrôle de l’action gouvernementale !

Nous vivons une période dans laquelle, finalement, le Défenseur des droits défend non seulement les particuliers, mais aussi les droits du Parlement. À mon sens, il y a là une rupture dans la relation entre le Gouvernement et le Parlement dont nous ne pouvons pas nous satisfaire.

De nouveau, nous réclamons les documents que nous a promis le Gouvernement. Il serait malheureux que nous soyons obligés, encore une fois, de demander à M. Toubon de nous les transmettre.

Photo de Hélène Conway-Mouret

Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Photo de Hélène Conway-Mouret

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 janvier 2019, à quatorze heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte de la commission n° 255, 2018‑2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 janvier 2019, à quatorze heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte de la commission n° 255, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

Ordre du jour

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 janvier 2019, à quatorze heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte de la commission n° 255, 2018‑2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

nomination de membres de deux commissions

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a présenté deux candidatures pour deux commissions permanentes.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :

Mme Marie-Noëlle Lienemann est membre de la commission des affaires économiques ;

Mme Michelle Gréaume est membre de la commission des affaires sociales.