Intervention de Jacques Muller

Réunion du 1er juillet 2009 à 22h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 18

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

L’article 18 traite des biocarburants, terme auquel je préfère pour ma part celui d’« agrocarburants ». Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à rétablir cette terminologie, que la Haute Assemblée avait adoptée en première lecture mais que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a rejetée.

La question, à cet instant, n’est donc pas de savoir si l’on est pour ou contre les agrocarburants ou les biocarburants, mais quelle dénomination il faut retenir pour éviter toute confusion.

En commission, M. le rapporteur n’a pas voulu me suivre, arguant que, le terme « biocarburants » étant déjà entré dans le langage courant, il serait difficile de revenir en arrière. Cet argument n’est pas recevable.

En effet, user du terme « agrocarburants » est parfaitement possible, d’autant que de nombreuses institutions internationales, telles que la FAO ou le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité, et pas seulement des associations environnementales, l’emploient. Le ministère de l’écologie lui-même y a recours, l’étude de décembre 2008 de M. Jean-Marc Salmon développant longuement la notion d’agrocarburants de première, de deuxième et de troisième générations.

Par ailleurs, le risque de confusion que j’évoquais à l’instant tient à l’usage du préfixe « bio ».

En premier lieu, les cultures destinées à la production de « biodiesel » ou de « bioéthanol » sont tout sauf biologiques, cette qualité étant certifiée par l’attribution d’un label. Or on a pu voir fleurir, dans certaines stations-services, de curieux panneaux vantant des « carburants 100 % écologiques ». User de manière inconsidérée du terme « biocarburants » risque donc de porter atteinte à la crédibilité de la filière de l’agriculture biologique, qui est soumise, dans notre pays et à l’échelon européen, à des contrôles et à une procédure de certification apportant une garantie aux consommateurs. Cette filière, qui est source d’emplois agricoles et dont les objectifs du Grenelle de l’environnement prévoient qu’elle devra à terme approvisionner les cantines à hauteur de 20 %, ne doit pas être mise en péril. Le « bio » veut dire quelque chose non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs, qui nous interpellent pour que nous clarifiions la situation.

En second lieu, le mot « biocarburant » est en fait une mauvaise traduction de l’anglo-saxon biofuel. Or, en anglais, aucune confusion n’est possible, puisque agriculture biologique se dit organic agriculture, tandis que les produits issus de l’agriculture biologique sont appelés organic products. Dans le monde anglo-saxon, tout risque de confusion entre biocarburants et produits « bio » est donc écarté. Nous ne pouvons pas laisser subsister chez nous une terminologie source d’ambiguïté.

Pour conclure, je voudrais rappeler les recommandations de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, concernant les arguments écologiques et relatifs au développement durable : « La publicité doit proscrire toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ainsi que sur la réalité des actions que l’annonceur conduit en faveur de l’environnement. […] L’utilisation d’un signe ou d’un symbole ne se conçoit qu’en l’absence de toute confusion sur l’attribution d’un signe, symbole ou label officiel en la matière. Le choix des signes ou des termes utilisés dans la publicité, ainsi que des couleurs qui pourraient y être associées, ne doit pas suggérer des vertus écologiques que le produit ne possèderait pas. »

Ainsi, le secteur privé est tenu, à juste titre, de respecter une certaine déontologie. Je rappelle d’ailleurs que Danone, qui commercialisait un yaourt dénommé « Bio », a dû le rebaptiser « Activia » en raison d’un risque de confusion. J’aimerais donc que nous suivions les mêmes règles au moment où nous élaborons un texte fondateur pour la politique de l’environnement en France.

Mes chers collègues, je voudrais que nous fassions preuve de cohérence et de précision. C’est pourquoi je vous inviterai tout à l’heure à lever toute ambiguïté en substituant le terme d’« agrocarburants » à celui de « biocarburants ».

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