Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du 24 janvier 2019 à 14h30
Droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée s’est saisie, en cette séance, par le biais de cette proposition de loi, d’une affaire sérieuse : une affaire de vol, une spoliation à grande échelle de productions intellectuelles, qui lèse celles et ceux qui contribuent à l’information et menace, par là même, les fondements de notre démocratie et la capacité de nos concitoyens à se forger une opinion par la confrontation de faits collectés, commentés et soumis à leur jugement, selon des règles déontologiques acceptées collectivement.

Cette dépossession sans contrepartie du travail des journalistes, aux dépens des organes d’information qui les font vivre, est organisée avec une très grande efficacité par des plateformes qui exploitent l’absence de régulation de l’internet pour profiter d’une quasi-impunité.

Ce larcin est à la mesure du profit qu’elles en tirent. En 2017, Facebook a réalisé un bénéfice de près de 14 milliards d’euros et Google de près de 11 milliards d’euros. Il s’agit de résultats quasiment nets, puisque ces entités déploient des stratagèmes tout aussi démoniaques pour ne pas payer l’impôt.

En très peu de temps, se sont ainsi constituées des organisations supranationales qui imposent leurs choix aux États et finiront par accaparer les derniers instruments de la souveraineté : l’émission de la monnaie et le contrôle de la démocratie. Elles exercent d’ailleurs, passivement ou activement, une influence sur le cours des campagnes électorales.

En s’affranchissant du pouvoir de régulation des États, elles ont réussi à leur imposer l’intangibilité de leur principe économique, qui consiste à capter une part toujours croissante de la richesse produite par la maîtrise de la collecte et de la mise à disposition des données de l’internet. Aujourd’hui, fortes d’un pouvoir incontesté, elles agissent avec une grande efficacité pour défendre le statu quo dans la négociation en cours de la directive européenne.

La commission de la culture du Sénat, sous la conduite de sa présidente et dans une unanimité quasiment permanente, déploie une activité soutenue et constante en faveur d’une régulation raisonnée de l’internet.

La présente proposition de loi, déposée par David Assouline et ses collègues, s’inscrit heureusement dans le prolongement de ce travail de fond. Son objet est précis, son champ d’application est limité, mais essentiel, et ses moyens d’action sont pragmatiques et déjà éprouvés dans d’autres domaines de la création. Au risque de désobliger l’humilité de notre collègue David Assouline, je dirai qu’elle s’impose avec l’évidence de ces lois de bon sens, dont on se demande pourquoi elles n’ont pas été votées plus tôt.

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