La référence à l’Europe est parfaitement légitime, mais ne me semble pas suffisante pour récuser le terme « agrocarburants » et donc maintenir une appellation source de confusion, en raison du préfixe « bio ».
J’observerai tout d’abord que ce débat a déjà eu lieu en Europe. La position du Comité économique et social européen, le CESE, a alors été la suivante : « Dans la proposition de directive, le terme officiel retenu est celui de “biocarburant”. Le CESE a dans plusieurs avis attiré l’attention sur les nombreux problèmes environnementaux provoqués par ces “biocarburants”. Dans la mesure où le préfixe “bio” laisse entendre qu’il s’agit d’un produit irréprochable sur le plan écologique, le CESE – qui rassemble toutes les composantes de la société civile – opte dans le présent avis pour le terme plus neutre d’“agrocarburant” plutôt que de “biocarburant”. » C’est un message européen.
Ensuite, lorsque la directive traduit le terme anglo-saxon « bio» par « biocarburant », les États membres gardent néanmoins la latitude, reconnue par le droit européen, de modifier certains termes, au moment de la transposition, au regard de caractéristiques nationales spécifiques. Or, dans la langue française, le préfixe « bio » introduit une confusion majeure.
À titre d’exemple, la notion européenne de « services d’intérêt général » continue à être désignée, dans la loi française, par l’expression « services publics ».
L’argument selon lequel l’Europe nous obligerait à utiliser le terme « biocarburants » dans la transposition de la directive est donc infondé : nous pouvons parfaitement apporter une précision de langage, en indiquant en l’occurrence que les agrocarburants sont une catégorie de biocarburants, certes très majoritaire, mais là n’est pas la question.
Enfin, si « biocarburants » est le terme que la France a retenu lors de négociations au sein du Conseil européen, nous ne pouvons, à l’heure où nous écrivons une loi fondatrice, laisser planer d’ambiguïté.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Détraigne, l’agriculture biologique existait bien avant que l’on ne commence à produire des agrocarburants, et la certification « bio » est bien antérieure à la création d’une filière industrielle pour transformer les céréales en éthanol, ce qui a d’ailleurs un coût énergétique important.
En revanche, je vous accorde que les carburants issus des produits forestiers font partie des biocarburants. Le site du ministère de l’écologie parle d’ « agrocarburants de deuxième génération » ; pour ma part, je préfère l’appellation de « sylvocarburants ».
Mais revenons au texte de l’article 18. Aux termes de son premier alinéa, « la production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier leurs effets sur les sols et la ressource en eau ». Dans la mesure où sont évoqués les sols et la ressource en eau, il s’agit bien, implicitement, d’agrocarburants, mais il serait préférable de l’écrire ! Permettez-moi d’insister sur le fait que je souhaite non pas supprimer du texte le terme « biocarburants », mais le préciser. D’ailleurs, l’article 18, qui prévoit que la France soutiendra, aux échelons européen et international, la mise en place d’un mécanisme de certification des biocarburants – et agrocarburants ! – tenant compte de leur impact, illustre bien une volonté de préciser les choses. Ma proposition est donc conforme à l’esprit voulu par le Gouvernement.
Par conséquent, je ne retirerai pas mon amendement. Cette discussion me paraît emblématique de la difficulté inhérente au débat et de la nécessité de tenir le cap au regard des engagements du Grenelle de l’environnement.