Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 24 janvier 2019 à 14h30
Droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la création d’un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse est un enjeu important.

Je voudrais à ce titre saluer l’initiative des auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci vise à maîtriser la mainmise des GAFA sur les contenus produits par les journalistes, les éditeurs et les agences de presse, dont la diffusion et l’exploitation à travers les réseaux sociaux ou les agrégateurs d’informations tels que Google, font la richesse des géants du web, qui règnent désormais sans partage sur le marché de l’information en ligne.

Après plusieurs tentatives, classées sans suite, de création d’une législation nationale, en 2012 et 2018 à l’Assemblée nationale, en 2016 au Sénat, nous espérons que la présente proposition de loi rencontrera cette année le succès.

Les négociations sur la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique battent leur plein à Bruxelles, et il serait de la plus grande utilité de transposer rapidement les articles qui seront adoptés à l’issue du trilogue en cours.

Il n’est plus admissible d’autoriser le pillage des contenus par les plateformes, moteurs de recherche et agrégateurs d’informations, qui exploitent les articles, tirent profit des recettes publicitaires et captent une partie du lectorat de la presse, sans pour autant reverser le moindre centime aux créateurs de contenus.

L’Union européenne reste le seul rempart de protection efficace pour éviter les effets collatéraux que l’Allemagne et l’Espagne ont connus en 2013 et en 2014, après avoir mis en place des droits voisins nationaux pour la presse. Alors qu’ils espéraient valoriser financièrement leurs productions, les éditeurs de presse ont perdu plusieurs millions d’euros supplémentaires en raison du déréférencement de leurs contenus par Google News.

Cette réaction témoigne du pouvoir démesuré dont bénéficient désormais les nouveaux intermédiaires que sont Facebook et Google dans la diffusion de l’information entre journalistes et lecteurs. Ils sélectionnent librement les informations qu’ils vont mettre en avant, selon le diktat d’algorithmes opaques nourris de nombre de clics et de sponsoring.

Monsieur le ministre, si nous voulons contrer efficacement cette disqualification de l’information par des acteurs extraterritoriaux, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur le fonctionnement et la transparence des algorithmes qui référencent les articles de presse.

Une autre question se pose, celle de la durée de validité des droits voisins, si nous ne voulons pas décrédibiliser la France dans les négociations en cours. Sur ce sujet, les autorités françaises maintiennent un niveau d’exigence élevé, sans pour autant verrouiller pour une durée déraisonnable l’exploitation des contenus.

La durée de validité des droits voisins pour la presse, fixée initialement à cinquante ans par la présente proposition de loi, paraissait exorbitante au regard de la nature du contenu dont il est question. La commission de la culture a d’abord adopté un amendement du rapporteur visant à porter cette durée à vingt ans, puis, alors que notre groupe proposait un an, un compromis a été trouvé sur une durée de cinq ans. Sous réserve de l’adoption de l’amendement qui en résulte, nous voterons cette proposition de loi.

Nous savons tous pourtant que nous n’aurons réglé qu’une petite partie du problème. Il restera le sujet de la fiscalité, de l’optimisation, des transferts de profits d’un pays à l’autre, des paradis fiscaux ; celui des pratiques anti-commerciales, des déréférencements des produits et services des concurrents, de la restriction des accès aux données, du manque de transparence des critères de recherche ; celui, encore plus préoccupant, des monopoles : monopole du search pour Google – 94 % du marché en France –, de l’e-commerce pour Amazon, du social media pour Facebook, de l’iOS pour Apple.

Malgré tous les efforts de la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, qu’il faut saluer, malgré le ciblage d’Amazon par Donald Trump, qui, malheureusement, semble s’inscrire dans le cadre d’une animosité personnelle envers Jeff Bezos plus que dans une réelle stratégie antitrust, nous sommes encore bien loin du compte. La Standard Oil, lorsqu’elle a été démantelée en 1911 aux États-Unis grâce à la loi antitrust de 1890, était bien moins puissante que ne le sont les GAFA aujourd’hui.

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