Monsieur le ministre, je vous invite à venir à Saint-Pierre-et-Miquelon même si ce n'est pas les mêmes températures que là où vous avez prévu de vous rendre.
Je vous accorde le bénéfice du doute, mais nous ne sommes pas des « perdreaux de l'année » ! En décembre 2017, la ministre des outre-mer m'annonçait que France Ô ne disparaîtrait pas. J'avais interrogé Françoise Nyssen dans la foulée à ce sujet, début 2018, elle était également pétrie de bonnes intentions. En juillet, tout ce petit monde nous a annoncé la disparition de la chaîne !
La décision a pour moi été arrêtée, j'en prends acte, même si je peux la regretter pour les raisons que j'avais évoquées. David Assouline a raison de rappeler qu'il s'agit d'un alibi pour justifier un choix budgétaire. C'est tellement vrai qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, on vient de modifier l'heure du journal local d'une demi-heure. Pour reprendre une crainte exprimée par ma collègue, je pense que les stations locales sont également en difficultés financières et que les restrictions budgétaires vont inévitablement être répercutées.
Cela m'inquiète pour le devenir des chaînes locales, peut-être des groupes de travail seront-ils mis en place - je souhaite évidemment y contribuer. Mais j'ai une inquiétude à propos de cette injonction budgétaire qui a amené la disparition de France Ô.
Une question m'inquiète aujourd'hui : que veut-on faire de l'audiovisuel public français ? J'ai le sentiment que mettre une case outre-mer au niveau national constitue encore un alibi. Cela me gêne profondément. Que voulez-vous quand on parle de mettre l'outre-mer au niveau national ? Désirez-vous que l'on parle de citoyenneté, de culture, voulez-vous éduquer, divertir ? Sur la ligne éditoriale de France Ô, il y a aujourd'hui un sujet. La visibilité est aujourd'hui théorique ; elle peut prendre corps si on lui donne un contenu et si l'on s'est accordé sur celui-ci, reste ensuite la déclinaison des moyens. La difficulté de France Ô - mais ce n'est pas la seule chaîne à la connaître - c'est son positionnement et de savoir ce qu'on attend de l'audiovisuel public. C'est pour ces raisons que ce débat me gêne lorsque l'on nous dit que l'on supprime deux chaînes et que l'on va faire de la visibilité avec une case outre-mer au niveau national. Qu'est-ce que cela va apporter de plus ? Qu'attend-on de cette case ? De la culture ? Des paysages ? On peut apporter autre chose que les paysages outre-mer ! Par exemple, des regards croisés entre l'outre-mer et l'hexagone au sujet des valeurs citoyennes, du mélange des cultures. Il y a des choses qui ne sont pas abordées avant de parler des moyens, même si la visibilité dépend de ces derniers.
La ministre des outre-mer pourrait nous dire que non, France Ô ne disparaît pas, mais bascule sur le numérique. Certes, mais il n'existera plus de productions documentaires. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'intervenant que sur les chaînes hertziennes, vous arrêtez la production ultramarine en termes de documentaires - sauf à ce que vous me disiez que les règles d'intervention du CNC pourraient être modifiées à l'avenir pour les chaînes numériques. Mais il existe un chapelet de chaînes numériques audiovisuelles qui pourraient être intéressées par ce dispositif. Cela m'inquiète en termes de production audiovisuelle.
Tout ceci pose la question de la place de l'outre-mer au niveau national et de l'audiovisuel dans la société française d'aujourd'hui. Elle n'a pas encore été tranchée ; il est difficile de parler des moyens et de visibilité sans l'avoir traitée.