Nous voulons impérativement que la justice civile reste à la portée du justiciable. Nous ne refusons pas sa numérisation, nous approuvons les plateformes numériques, mais nous avons simplement demandé qu’elles soient certifiées, afin que les personnes qui utiliseront ce dispositif soient protégées. Vous nous l’avez refusé !
Nous ne refusons pas toute évolution. En matière de divorce pour faute, nous pensons simplement que la conciliation est utile, parce qu’il est nécessaire que les personnes qui se séparent douloureusement puissent au moins voir leur juge et régler devant lui quelques difficultés. Vous avez balayé cette approche, au motif qu’il y avait trop d’affaires et pas assez de temps !
Nous estimons que le règlement des pensions alimentaires relève non pas d’un directeur de la fonction publique, aussi brillant et intelligent soit-il, mais d’un juge. Voilà nos divergences !
Nous jugeons, certes, que les tribunaux d’instance et de grande instance peuvent être regroupés, mais cela ne peut se faire en vidant nos territoires d’un certain nombre de tribunaux. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité spécialiser les compétences des tribunaux d’instance et des chambres déléguées afin d’assurer cette présence territoriale.
Nous avons en revanche été absolument déterminés à supprimer de ce texte la spécialisation des tribunaux de grande instance. En effet, nous savons tous ici, de façon honnête et certaine, que cela signifiera, à terme, la disparition d’un certain nombre de TGI dans nos départements. Nous ne voulons pas de cette disparition, car la présence de la justice au service de nos concitoyens n’est pas uniquement un service public : elle participe aussi fortement à l’aménagement du territoire. Voilà où nous en sommes en matière civile.
Nous avons proposé des évolutions en matière de droit commercial ; vous les avez refusées, alors que tout le monde était d’accord !
Nous avons également proposé un certain nombre d’évolutions en matière pénale. Nous n’avons pas refusé les principes de cette réforme en la matière, nous avons même accepté l’expérimentation du tribunal criminel de première instance. En revanche, concernant les pouvoirs d’enquête renforcés du parquet, dont nous ne contestons pas le principe, nous avons décidé que l’avocat pourra, dans ce cadre, être informé d’une perquisition. Nous n’avons même pas demandé qu’il soit présent, nous avons simplement souhaité qu’il soit informé. Vous nous l’avez refusé !
Nous avons estimé que certaines procédures exorbitantes d’enquête, dont on peut comprendre la nécessité dans certains cas, devraient pouvoir s’appliquer quand la peine encourue est supérieure à cinq ans d’emprisonnement, plutôt que trois ans, comme vous le proposiez. En effet, on ne peut pas utiliser ces moyens exorbitants dans toutes les circonstances. Voilà ce que nous avons dit !
Nous désapprouvons par ailleurs le choix que vous avez fait d’une procédure quelque peu exotique, à délai différé. Un dossier non bouclé pendant l’enquête préliminaire pourrait être renvoyé devant le tribunal correctionnel, qui devrait en juger, après un délai minimum de deux mois. Or, pendant ce temps, un mandat de dépôt pourrait être prononcé contre la personne poursuivie, alors même que vous nous dites qu’il faut vider les prisons ! Nous ne sommes pas d’accord avec cette procédure. De deux choses l’une : soit le dossier est prêt, auquel cas il va au tribunal, soit il ne l’est pas, et une information judiciaire est ouverte. Si vous faites le choix inverse, faites-le, mais faites-le clairement !
Nous avons en revanche accepté – je l’ai déjà dit – le tribunal criminel de première instance. Faisons-en l’expérience, regardons si cela fonctionne ! Nous savons que des inquiétudes s’expriment, mais le Sénat a accepté d’avancer sur ces sujets.
Le Sénat s’est efforcé d’être le plus constructif possible, mais à chaque fois que nous avons proposé des sujets de débat dans cet hémicycle, le Gouvernement s’y est fermement opposé.
Lorsque nous avons évoqué la politique des mineurs et la réforme de l’ordonnance de 1945, vous nous avez rassurés : il y aura un texte ! Or vous avez demandé, à l’Assemblée nationale, une habilitation de légiférer dans ce domaine par voie d’ordonnance. Comment voulez-vous que nous l’acceptions ? Vous le justifiez en affirmant que vous voulez vous contraindre vous-mêmes. En quoi légiférer par voie d’ordonnance représenterait-il une contrainte ? Vous auriez pu déposer un projet de loi : nous l’aurions examiné avec beaucoup d’intérêt et de manière très constructive.