Ensuite, madame le ministre, vous êtes retournée à l’Assemblée nationale avec votre projet de loi. Vous avez rétabli le texte du Gouvernement et rajouté ce que je viens d’évoquer, sans que nous puissions le voir.
Le texte revenu au Sénat, il nous restait à déterminer une stratégie. Nous pouvions décider de le rejeter par une motion préjudicielle ; nous ne l’avons pas fait. Nous avons plutôt souhaité que le Sénat réaffirme ses positions.
La semaine dernière, lors de leur audition, les professions judiciaires – avocats, magistrats et greffiers, pour une fois à l’unisson – ont salué dans leur ensemble le travail accompli par le Sénat, lors de sa première lecture, et le texte sorti de cette maison.
Or, à l’issue de cette audition, madame le ministre, vous avez considéré, une fois de plus, que la messe était dite, qu’il n’y avait rien à dire et que vous ne changeriez rien. Vous êtes de nouveau montée à cette tribune, aujourd’hui, pour nous redire la même chose.
Madame le ministre, dans un monde qui bouge, dans une France qui doute, et alors que nos concitoyens vivent des situations difficiles, nous ne voyons pas ici les signes de l’apaisement. J’ai eu, dans le passé, à discuter avec d’autres ministres, avec des membres d’autres gouvernements, y compris récents ; on sentait chez eux une possibilité d’ouverture et de discussion. Nous ne l’avons pas sentie avec ce gouvernement sur ce projet de loi.
En conclusion de mon intervention, je voudrais redire que nous avons fait aujourd’hui le choix de conserver dans le texte les petites avancées que l’Assemblée nationale a retenues, sur une toute petite partie des avancées du Sénat. Gardons ce qui peut être gardé !
Nous avons en revanche décidé de rejeter tout ce qui a été rajouté à l’Assemblée nationale : la réforme de l’ordonnance de 1945, la fusion des greffes des conseils de prud’hommes et des tribunaux d’instance, ou encore les modifications que vous avez faites sur les tutelles.
Nous avons également décidé de réintroduire ce que nous avions jugé juste, à la fois en matière civile et en matière pénale, mesures que le Sénat a défendues et que j’ai évoquées au début de mon propos.
Nous avons enfin redit, très clairement, que les moyens budgétaires devraient être remis à niveau si l’on veut une ambition pour notre justice.
Voilà ce qu’a fait la commission des lois, la semaine dernière et encore ce matin. Voilà ce qu’elle souhaite, aujourd’hui, devant notre assemblée.
Yves Détraigne et moi-même restons convaincus, au nom de la commission des lois – j’espère que le Sénat nous suivra – que nous avons besoin de réformer ce grand ministère de la justice, qui est depuis de nombreuses années, malgré des investissements importants, le parent pauvre de l’administration, et qui a besoin d’être remis à très haut niveau.
Il y a un besoin d’organisation interne, de numérisation, bien évidemment, et de meilleure adaptation des procédures, mais cela se fera à l’unique condition que les justiciables y retrouvent leur compte et qu’ils puissent à tout moment rencontrer leur juge. Ainsi seulement, ceux qui doivent se défendre pourront le faire dans d’excellentes conditions. C’est le seul gage d’une justice acceptée, respectée, apaisante et garante du lien social absolument nécessaire dans notre pays qui est en train de souffrir de la douleur de la fraction.