Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 12 février 2019 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion générale commune

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

… notamment.

C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui pour les examiner en nouvelle lecture.

Alors même que ces deux textes ont fait l’objet de larges consultations, qu’ils ont évolué au cours des discussions entre la Chancellerie et le milieu judiciaire, un mouvement de contestation semble s’être cristallisé.

La commission des lois a, pour chercher à sortir de cette impasse, organisé le 30 janvier dernier une table ronde avec les représentants des milieux judiciaires, qui a été suivie par votre audition, madame la garde des sceaux.

Si je n’ai pu physiquement y assister, j’ai suivi ces discussions avec grand intérêt grâce à la captation vidéo qui a été retransmise sur le site internet du Sénat.

Je voudrais néanmoins effectuer une correction, qui a son importance, quant aux termes choisis par notre commission. Il ne s’agissait pas, comme j’ai pu le lire, de « tenter de renouer le dialogue », car celui-ci n’a jamais cessé.

Vous avez entrepris, madame la garde des sceaux, un grand tour des juridictions françaises afin de présenter votre réforme et vous avez, depuis le printemps, régulièrement rencontré les avocats. Vous vous êtes d’ailleurs rendue à la rentrée du barreau de Paris et, très récemment, à l’assemblée générale statutaire de la Conférence des bâtonniers.

Si ces échanges n’ont pas répondu à l’ensemble des attentes des acteurs de la justice, il est inexact de dire que votre position n’a jamais pu être infléchie et que vous vous êtes montrée hermétique aux arguments qui vous ont été opposés.

Au contraire, ces échanges nourris ont permis de faire évoluer sensiblement les textes examinés par notre assemblée.

Je pense, notamment, au renforcement des obligations des plateformes numériques ; à la simplification de la procédure de divorce contentieux qui permet de ne pas causer le divorce dès l’introduction de la procédure ; à la généralisation des règles protectrices en matière de perquisitions effectuées dans le cabinet d’un avocat, à son domicile, dans les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA ; ou encore à l’encadrement du rôle des CAF dans la révision des pensions alimentaires en rendant possible la suspension provisoire de la décision et le recours devant un juge.

Je pense également à la réforme des ordonnances d’injonction de payer, qui vise à centraliser le traitement des injonctions de payer aux fins d’une meilleure efficacité.

Paradoxalement, ces compromis ont parfois été qualifiés de reculs du Gouvernement. C’est à n’y rien comprendre !

Concernant l’organisation judiciaire, vous n’avez jamais cessé de tenter de rassurer les professionnels qui redoutent légitimement que la réorganisation des juridictions ne se traduise par la fermeture de sites, en martelant que vous maintiendrez les hommes, les lieux et les compétences existants. Lorsqu’il existe plusieurs TGI, le texte offre, je dis bien « offre », la possibilité aux juridictions de spécialiser les contentieux techniques et – et non pas ou, car la conjonction de coordination a ici son importance – de faibles volumes, ce qui exclut les contentieux de masse.

Face à la crainte légitime d’une « robotisation », d’une « déshumanisation » de la justice que pourrait induire la dématérialisation des procédures, vous avez précisé que le numérique ne viendra pas se substituer, mais viendra s’ajouter à l’accueil physique. Ainsi, pour les justiciables peu familiarisés avec les nouvelles technologies ou habitant dans une zone qui les prive d’un accès internet de qualité, un guichet d’accueil physique sera maintenu dans chaque lieu de justice.

La numérisation présente un intérêt tant pour les victimes, qui peuvent être intimidées par un dépôt de plainte dans un commissariat, que pour les praticiens du droit, lesquels se heurtent souvent – croyez-en mon expérience – à des temps d’attente téléphonique particulièrement longs pour obtenir parfois la seule confirmation qu’un acte a bien été enregistré.

L’Assemblée nationale a procédé à des améliorations intéressantes telles que l’extension des possibilités d’anonymisation des policiers et gendarmes dans les procédures ou encore le dossier entièrement numérique dans le cadre de la procédure pénale.

En revanche, si comme nombre de mes collègues, je suis favorable à réformer la justice des mineurs afin de la rendre plus lisible pour les professionnels et les justiciables, et de renouer avec son esprit fondateur, tendant à faire primer l’éducation sur la répression, je regrette néanmoins que vous ayez choisi de passer par la voie de l’ordonnance pour ce faire. J’aurais préféré que le Parlement ne soit pas ainsi dessaisi ab initio.

Je forme malgré tout le vœu que la réforme que vous envisagez tiendra compte des travaux de nos assemblées sur ce sujet – je pense, notamment, au rapport de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés ou à la mission en cours à l’Assemblée nationale sur la justice des mineurs –, et qu’elle sera menée en toute transparence, avec le concours des parlementaires. Je vous fais d’ores et déjà savoir que nous voulons y être associés.

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