… puisque la table ronde que nous avons organisée il y a quinze jours a fait apparaître une très large convergence des avocats, des syndicats de magistrats et des syndicats de personnels des greffes autour d’un certain nombre de demandes.
Madame la garde des sceaux, les professions de justice ont des attentes. Chacun est conscient de la nécessité de réformer. Nous partageons le même diagnostic sur la situation de notre justice. Les délais de traitement des affaires – la Cour des comptes vient encore de le rappeler – ne cessent de s’allonger. L’efficience de l’utilisation des crédits et des ressources humaines de la justice peut encore très largement progresser. De ce fait, nous aurions aimé collaborer plus étroitement avec vous à une réforme prenant en compte les années de travail de la commission des lois du Sénat, années qui ont donné lieu au rapport intitulé ambitieusement Cinq ans pour sauver la justice ! publié en avril 2017.
Je regrette que l’ultime chance que nous avons voulu proposer en déposant nos amendements de rouvrir la concertation afin de trouver des solutions consensuelles ne soit pas saisie. Cette impasse n’est pas une impasse législative.
Bien sûr, vous disposez, madame la garde des sceaux, d’une majorité à l’Assemblée nationale pour voter votre texte, car les institutions de notre pays apportent au Gouvernement la stabilité dont il a besoin : un Président de la République tout-puissant, un gouvernement qui lui est naturellement subordonné et une Assemblée nationale, dans sa majorité, qui a été désignée peu après l’élection présidentielle pour soutenir le Président de la République. C’est donc seulement ici, au Sénat, que vous pouvez trouver les voies d’un dialogue avec d’autres que ceux qui vous soutiennent, mais qui sont de bonne volonté pour permettre à la justice d’échapper au clivage partisan, ce qui est notre souhait le plus profond.
Nous avons vu récemment quels sont les résultats d’une méthode de gouvernement pouvant se résumer par la volonté d’un passage en force quand on est sûr d’avoir raison. Mais si le Gouvernement a une pédagogie, il lui manque une capacité de dialogue. Nous étions nombreux à penser que les leçons de l’expérience récente allaient servir et que la justice pourrait être le terrain d’expérimentation d’une autre méthode de gouvernement. Cet espoir est aujourd’hui largement déçu : j’en suis profondément navré, car c’est une occasion manquée.
Vous l’avez relevé vous-même, madame la ministre, il existe entre nous des divergences politiques sur certains points, ce qui est bien naturel en démocratie. Nous aurions pu, au fond, les laisser de côté pour nous intéresser surtout à ce qui nous réunit, car ce qui paraissait l’objet d’accords possibles avec le Gouvernement est tout à fait essentiel.
Le premier point de divergence politique – ce n’est pas une antienne que je répète à l’excès – est bien sûr l’abandon par le Gouvernement du programme du Président de la République de construction de places de prison. Vous avez affirmé que nous préférions la prison aux alternatives : c’est faux ! Dois-je vous rappeler que la période durant laquelle les alternatives à la prison – c’est-à-dire le bracelet électronique – se sont le plus développées, c’est la fin du mandat du Président Sarkozy ? Depuis, calme plat !