Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du 14 février 2019 à 10h30
Élection des membres du parlement européen — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nathalie Loiseau :

Inverser cette tendance lors des élections européennes qui se tiendront entre le 23 mai et le 26 mai prochain dans les États membres, et le 26 mai en France, est un enjeu démocratique majeur. C’est aussi un enjeu politique essentiel au regard du fonctionnement même du Parlement européen. En effet, sur quelle majorité au Parlement européen le prochain président de la Commission européenne pourra-t-il par exemple s’appuyer ?

C’est à chaque citoyen européen d’en décider et je sais que, légitimement, les opinions sont partagées dans cet hémicycle, mais je gage que nous nous réunirons au moins sur un point : personne ne peut se satisfaire de ce que nous avons trop souvent connu dans le passé, une campagne politique peu mobilisatrice et au fond bien plus nationale qu’européenne, une participation faible et une forme de cogestion entre les principaux groupes politiques du Parlement européen qui n’a peut-être pas été très stimulante pour les électeurs.

Vous le savez, le Président de la République a souhaité redynamiser le projet européen. Cela passe par un renforcement de la légitimité, de la représentativité – sujet souvent débattu ces dernières semaines – et de la visibilité du Parlement européen. C’est dans cet esprit que la loi française du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen a été modifiée au mois de juin 2018, notamment afin de rétablir une circonscription électorale unique.

C’est également dans cet esprit que les États membres ont entrepris, un an avant les élections européennes, de finaliser les négociations sur la modification de l’acte électoral de 1976, qui avait été lancée en 2015 par le Parlement européen. L’objectif de cette réforme était de rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens, mais aussi plus « européen », en renforçant les principes communs qui régissent les élections au Parlement européen.

En effet, comment expliquer à nos concitoyens que les élections européennes obéissent à des règles aussi différentes d’un État membre à l’autre ?

Dans son rapport d’initiative législative adopté le 11 novembre 2015, le Parlement européen a formulé des propositions ambitieuses pour renforcer les principes communs pour les élections européennes. Cela n’allait pas de soi, si l’on considère la grande diversité de traditions électorales au sein des États membres, tout comme la forte sensibilité de ces questions. De fait, les négociations au Conseil ont été difficiles et plusieurs propositions du Parlement européen particulièrement parlantes ont été rejetées, telles que l’instauration d’une date commune pour la tenue du scrutin ou la mise en place de mesures visant à permettre à l’ensemble des citoyens européens résidant à l’étranger de participer aux élections européennes.

Les négociations au Conseil ont toutefois repris, après que les débats sur l’avenir de l’Union ont mis en lumière l’urgence de donner un nouvel élan démocratique à l’Union européenne. Elles ont permis d’aboutir à un accord entre le Conseil et le Parlement européen au mois de juin dernier. La décision modifiant l’acte électoral de 1976 a été adoptée par le Conseil des ministres le 13 juillet dernier, à Bruxelles.

Il revient à présent aux États membres d’approuver cette décision selon leurs procédures constitutionnelles respectives.

Cette réforme de l’acte électoral prévoit des modifications qui visent à renforcer les principes communs régissant l’élection au suffrage universel direct des membres du Parlement européen. Je précise, puisque c’est aussi une actualité européenne particulièrement brûlante, que même un Brexit sans accord serait sans incidence sur ces dispositions communes à tous les États membres.

Je regrouperai les modifications apportées par l’acte électoral, de façon à distinguer d’abord ce qui concerne les députés européens eux-mêmes, ensuite ce qui touche à la préparation et aux modalités du vote, enfin ce qui relève d’un meilleur contrôle.

S’agissant des députés européens eux-mêmes, l’article 1er de l’acte électoral est remplacé par un nouveau texte, qui précise que les membres du Parlement européen sont élus « représentants des citoyens de l’Union ». Cette modification, qui reprend les termes du traité de Lisbonne et s’inspire des parlements nationaux, vise à souligner la légitimité des membres du Parlement européen, qui représentent les citoyens de l’ensemble de l’Union européenne et non les citoyens du seul État membre dans lequel ils sont élus.

Les États membres sont encouragés, dans un nouvel article 3 ter, à prendre des mesures pour que l’affiliation des candidats à un parti politique européen puisse apparaître sur les bulletins de vote, ce qui est d’ores et déjà possible en droit français, même si cette disposition n’a pas de caractère obligatoire. Là encore, il s’agit d’aider le citoyen à faire le lien entre son vote et l’action européenne de ses députés au Parlement européen.

L’article 3 de l’acte électoral est également modifié, afin de rendre obligatoire la mise en place d’un seuil électoral dans les circonscriptions de plus de 35 sièges, compris entre 2 % et 5 % des suffrages exprimés – ce sujet a fait l’objet de discussions au sein de votre commission. Comme vous le savez, ce seuil permet de favoriser l’émergence de groupes politiques d’une taille significative et de faciliter ainsi le processus législatif au Parlement européen.

Cette obligation doit intervenir pour les élections au Parlement européen de 2024, si la décision entre en vigueur avant les élections du mois de mai 2019. Je rappelle cependant qu’en France la loi du 7 juillet 1977 fixe d’ores et déjà le seuil électoral à 5 % des suffrages exprimés.

L’acte électoral révisé précise les dispositions à retenir pour la préparation et les modalités mêmes du vote. Il permet d’abord de mieux harmoniser le calendrier du dépôt des candidatures dans les États membres en prévoyant, dans un nouvel article 3 bis, une date limite pour le dépôt des candidatures, pour autant que la législation de l’État membre en prévoie une, au plus tard trois semaines avant le début de la période électorale. Cette disposition est donc cohérente avec ce que nous faisons en France, puisque la loi du 7 juillet 1977 fixe la date limite pour le dépôt des candidatures au quatrième vendredi précédant le jour du scrutin.

Les États membres sont également encouragés à prévoir le vote par correspondance, le vote électronique ou le vote par internet aux élections européennes, ainsi que le prévoit l’article 4 bis, et à mettre en place des mesures destinées à permettre à leurs citoyens résidant dans un pays tiers de participer à ces élections, comme le précise l’article 9 ter. En France, la loi du 7 juillet 1977 permet déjà aux citoyens français résidant à l’étranger de voter, lors des élections européennes, par procuration ou dans des bureaux de vote installés dans le réseau diplomatique et consulaire.

Enfin, la décision qui vous est présentée prévoit, à l’article 9, que les sanctions contre le double vote seront renforcées, afin de s’assurer que les citoyens européens ne puissent pas voter dans plusieurs États membres à la fois. Les États membres devront par ailleurs, aux termes de l’article 9 ter, désigner une autorité chargée des échanges sur les données relatives aux électeurs et aux candidats, afin de faciliter l’échange d’informations entre les États membres. En France, le décret du 28 février 1979 charge l’Institut national de la statistique et des études économiques et le ministère de l’intérieur de transmettre aux autres États membres les informations relatives respectivement aux électeurs et aux candidats. La France prévoit par ailleurs, en cas de vote multiple, des peines qui peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros.

Je formulerai un regret, celui que le Parlement européen n’ait pas donné suite à la proposition qu’il avait initialement exprimée dans son avis du mois de novembre 2015, proposant la création d’une « circonscription électorale commune » dans laquelle les candidats auraient été élus sur la base de listes transnationales de chaque famille politique. La France avait défendu cette idée, qui aurait pu être mise en œuvre pour un nombre limité de sièges et qui aurait contribué à une approche plus européenne de ces élections, ce qui est indispensable de notre point de vue. Le Conseil européen a dû faire le constat que cette idée ne pouvait être mise en œuvre dès 2019. Il a néanmoins souhaité que les travaux se poursuivent dans la perspective des élections européennes de 2024. La France reste mobilisée et continuera à défendre cette idée.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de la révision de l’acte électoral. Elle représente au total une avancée européenne et une harmonisation progressive par le haut, qui entrera en vigueur lorsque l’ensemble des États membres l’auront autorisée. Je souligne que, compte tenu des normes dont nous disposons en droit français, l’approbation de la décision du Conseil n’appelle pas de modification des règles applicables aux prochaines élections européennes dans notre droit interne.

La France, comme l’ensemble des États membres, est fermement attachée à ce que cette décision puisse entrer en vigueur avant les prochaines élections européennes. C’est pourquoi je vous demande d’autoriser l’approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018.

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