Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’enjeu de ce projet de loi est très important, puisqu’il s’agit de la représentation de la France au sein du Parlement européen. Dans ces conditions, il est particulièrement regrettable que le Sénat ait initialement décidé de retenir la procédure d’examen simplifié pour ce texte. De ce fait, il ne devait y avoir ni amendement ni même explication de vote. La seule possibilité consistait à présenter une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, solution pour laquelle j’ai opté. Cette façon d’agir, malgré les protestations que j’avais pu adresser à la commission des affaires étrangères, au président du Sénat et à différentes autres autorités de notre assemblée, caractérise un incontestable manque de transparence démocratique.
Je remercie donc tout particulièrement Mme Assassi, présidente du groupe CRCE, d’avoir refusé cette procédure pour le moins accélérée – seuls les présidents de groupes peuvent en effet le faire –, ce qui nous permet d’avoir aujourd’hui un débat.
Le choix initial du Sénat est d’autant plus regrettable que la ratification de la décision du Conseil du 13 juillet 2018 est indissociable d’une autre décision de la même instance en date du 28 juillet 2018, laquelle répartit les sièges de députés entre les États membres, que l’on prend soin de ne pas même évoquer dans les débats parlementaires, puisque le Parlement ne sera même pas consulté. Or le vice de constitutionnalité de l’une rejaillit sur l’autre.
L’article 14 du traité de Lisbonne prévoit que chaque État doit avoir un nombre de députés européens « dégressivement proportionnel à sa population ». Comme l’indiquait la décision du Conseil du 28 juin 2013, qui a arrêté la répartition des sièges pour l’actuelle mandature, « chaque député du Parlement européen d’un État membre plus peuplé doit donc représenter davantage de citoyens que chaque député d’un État membre moins peuplé ».
Or la répartition actuelle des sièges montre une violation flagrante de cette disposition, puisqu’un député européen allemand représente actuellement 852 000 habitants contre 883 000 habitants pour un député européen français, alors même que l’Allemagne est plus peuplée que la France. Notre Constitution prévoit l’obligation de respecter les traités et cette violation du traité de Lisbonne vicie toute la procédure.
En 2018, lorsqu’il a fait ses propositions au Conseil des ministres pour la nouvelle répartition des sièges, qui sera mise en œuvre au mois de mai prochain, le Parlement européen a lui-même reconnu que « la répartition actuelle des sièges ne respecte pas le principe de proportionnalité dégressive ». En d’autres termes, même le Parlement européen reconnaît cette violation du traité de Lisbonne !
Sur ce fondement, la décision prise le 28 juin 2018 par le Conseil a prévu que, si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne, la France aurait cinq sièges supplémentaires. Le passage de 74 à 79 sièges respecterait alors l’obligation de proportionnalité dégressive.
Toutefois, la même décision du 28 juin 2018 a prévu que, si le Royaume-Uni était toujours membre de l’Union européenne au moment des élections, l’ancienne répartition des sièges continuerait à s’appliquer jusqu’au départ effectif du Royaume-Uni. Dans ces conditions, si le Royaume-Uni partait dans six mois, dans un an ou dans dix ans, on serait dans une situation évidente de violation du traité de Lisbonne.
Madame le ministre, je vous ai interrogée sur cette problématique par une question écrite n° 7142 au mois de novembre 2018. Vous m’avez répondu, « si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil du 28 juin 2018 deviendrait caduque ». Madame le ministre, c’est de l’enfumage total et un mensonge à un double titre.