Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 14 février 2019 à 10h30
Élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui approuve une décision du Conseil européen modifiant l’acte de 1976 portant élection des députés. Le plus simple, c’est ce qui est écrit dans ce texte ; le plus important, c’est ce qui n’y figure pas.

Le plus simple, ce sont les objectifs louables de l’Union européenne : rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens, consolider les principes communs régissant les élections dans chacun des États afin d’en souligner le caractère européen et, in fine, renforcer la légitimité, la représentativité du Parlement européen.

Vous le savez, Mme la ministre et notre rapporteur l’ont indiqué, notre droit électoral national intègre déjà en quasi-totalité les évolutions prévues par le Conseil européen. Nous ne pouvons qu’approuver ces mesures ou, plutôt, ces garanties.

Vous nous demandez en effet, madame la ministre, d’approuver la convergence, l’harmonisation du mode électoral avec nos vingt-sept ou vingt-six partenaires, suivant que l’on se place ou non après le 29 mars. Cette harmonisation étant nécessaire, pertinente, il n’y a nul suspense sur ce que sera le vote du groupe Union Centriste.

Toutefois, mes chers collègues, le plus important est ailleurs, chacun de nous ayant bien sûr la liberté, comme M. Masson, de s’exprimer.

Le plus important sera bien sûr la participation aux prochaines élections européennes, mais aussi la légitimité des parlements – les parlements nationaux et le Parlement européen – et l’articulation entre leurs rôles, cette question étant moins souvent évoquée.

La participation est le talon d’Achille de l’élection européenne : comment favoriser la participation de nos concitoyens le 26 mai et, plus largement, celle de l’ensemble de nos concitoyens européens ?

Cette question nous conduit à nous interroger sur le rôle de l’Union européenne, sur ce qu’on en comprend, sur la perception que nous avons des effets de ses politiques centrales sur notre vie quotidienne, en bref sur ce qu’est une pédagogie de l’Europe, sur les ambitions que l’Europe peut porter, sur le réalisme de ses propositions et peut-être également, ce qui est plus délicat dans notre société, sur une vision de long terme tant l’Europe se construit dans un temps long.

Comment finalement surmonter, chers collègues, le paradoxe d’une Europe qui doute d’elle-même, alors qu’elle a franchi de nombreuses étapes ? Je rappelle qu’elle a créé un marché unique, une monnaie unique, défini une charte des droits fondamentaux, développé l’espace Schengen, qu’elle s’est ouverte à des pays qui, pour les uns, ont pu y trouver la démocratie et, pour les autres, les conditions de l’indépendance et de la liberté, après l’effondrement du bloc soviétique. L’Europe a encore tant de chantiers devant elle, que ce soit dans le domaine social, économique, de la défense, des migrations, de la lutte contre le terrorisme ou dans le secteur agricole – objet, en début de matinée, d’une réunion commune à la commission des affaires européennes et à la commission des affaires économiques – et plus généralement dans le domaine des relations internationales.

Cette question nous confronte aussi, chers collègues, à la crise démocratique, à la crise de légitimité que traduisent nombre de prises de parole dans nos départements, dans le cadre du grand débat national. C’est une manière peut-être de vous dire, ou de nous dire, que tout est dans tout : à la fois la difficulté que nous avons à faire de la pédagogie sur les élections européennes, les débats, les contestations sur les éléments de la légitimité nationale et sur la manière dont, aujourd’hui, on structure celle-ci, la façon dont on concilie démocratie participative et démocratie représentative, sujet cher au président du Sénat, nous le savons.

La pédagogie sur l’Europe, pour reprendre la formule de M. Yung il y a quelques instants, ne devra pas s’arrêter le 26 mai, date des élections. C’est un exercice qui doit bien sûr s’inscrire dans la durée, car c’est la seule voie possible pour ceux qui souhaitent plus que jamais construire l’Union européenne.

Pour terminer, j’aborderai rapidement la question du rôle des parlements nationaux et du Parlement européen, sujet peu évoqué.

D’abord, je pense que nos parlements, et en particulier le Sénat, devraient reprendre ce que l’on avait appelé à l’époque le « paquet Tusk » – c’était avant le Brexit. Une discussion avait été engagée avec le Premier ministre britannique sur une revalorisation du rôle des parlements nationaux dans le processus de construction européenne. Ce sujet demeure d’actualité.

Ensuite, je pense à la question du sort des propositions de résolutions européennes, que vous viendrez évoquer devant la commission des affaires européennes dans quelques jours, madame la ministre. C’est un sujet auquel nous sommes attentifs.

Peut-être pourrons-nous également réfléchir à ces questions lors de l’éventuelle révision constitutionnelle ? L’article 88-6 en particulier soulève une question assez intéressante, dont nous parlerons, afin de faciliter le recours du Sénat ou du Parlement devant la Cour de justice de l’Union européenne.

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