Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte n’est pas une révolution. D’ailleurs, le Gouvernement avait initialement proposé une approbation par voie simplifiée. Toutefois, grâce au groupe CRCE, nous pouvons débattre de ce sujet, et c’est heureux, parce qu’il ne faut jamais escamoter le débat européen, et c’est bien le risque indirect que fait peser aujourd’hui la concentration de notre attention sur le grand débat national.
Il ne faut pas non plus réduire le débat européen à des oppositions de façade entre des pseudo-populistes et des pseudo-progressistes, mais entrer véritablement dans le fond des sujets pour voir quels sont les enjeux majeurs de la construction européenne et savoir si les principaux acteurs doivent en être les États membres ou les citoyens.
Ce texte constitue l’aboutissement d’un travail lancé par la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, à partir d’une proposition de Danuta Hübner et de Joe Leinen sur une évolution du mode d’élection du Parlement européen.
Le débat européen a tendance à escamoter le rôle du Parlement européen. Or il faut aussi connaître le rôle de ce Parlement et le travail qu’accomplissent nos parlementaires, toutes forces politiques confondues, pour faire évoluer, au service des citoyens, les règles européennes.
Il est dommage que, quelques mois avant les élections européennes, plutôt que de se pencher sur le travail accompli au Parlement européen, on recommence à débattre de ce que les États ne font pas.
Le Parlement européen reste en effet l’outil majeur de la démocratisation de l’Europe, même si une implication plus importante des parlements nationaux serait utile pour faire converger un certain nombre de politiques qui, sans relever de la compétence communautaire, permettraient de faire mieux fonctionner l’Union européenne.
Le fait que les critères démocratiques de Copenhague, au cours des dix dernières années, depuis la crise financière, se soient progressivement estompés au profit des critères de rigueur de Maastricht a profondément abîmé l’idée européenne, et c’est bien le risque majeur que nous affrontons aujourd’hui avant ces élections.
Que dire de cette proposition, sur le fond ?
Nous regrettons tout d’abord ce qui apparaît comme un recul du Gouvernement sur les Spitzenkandidaten, qui avaient été choisis en 2014 par les partis européens au moment des élections européennes en vue d’engager un débat sur le choix du président de la Commission européenne. Il semblerait que les gouvernements, mais aussi les partis européens, ne croient plus en cette procédure, qui était pourtant essentielle pour faire émerger un débat au niveau européen.
Nous saluons en revanche l’affirmation selon laquelle les parlementaires européens sont des représentants des citoyens de l’Union, et non des représentants des États dont ils sont issus.
Malheureusement, aucune évolution n’a pu intervenir sur les listes transnationales, mais je voudrais, sur ce point, rappeler la résolution du Sénat de 2016, qui proposait de créer une circonscription commune pour les citoyens de l’Union résidant dans un pays tiers, afin d’assurer à ceux-ci, de manière systématique et égale, le droit à une représentation au Parlement européen. Si la liste transnationale globale n’est pas possible, tentons au moins, pour 2024, selon les termes de cette résolution européenne du Sénat, de la constituer pour les Européens vivant hors de l’Union européenne.
Je regrette également le seuil nécessaire pour être représenté au Parlement européen. Pour avoir travaillé sur ces textes en 2015 et 2016, j’avais été surpris de voir que ce taux avait été instauré à la demande de l’Allemagne. Nos voisins pensaient à l’époque que, en instaurant un seuil minimum de représentation au Parlement européen, ils pourraient constitutionnellement en fixer un également pour leurs élections législatives et que cela suffirait à se prémunir contre la progression de l’AfD. Ce fut une erreur majeure, qui montre à quel point nous n’avons probablement pas encore pris la mesure de la crise politique qui peut survenir en Europe.
Enfin, en tant que représentant des Français de l’étranger, je salue le fait que cette décision incite l’ensemble des États membres à mettre en place des procédures permettant de représenter leurs citoyens qui vivent hors de leurs frontières. Toutefois, si les Européens peuvent voter là où ils vivent dans l’Union européenne, il serait logique que, lorsqu’ils vivent hors de l’Union, ils puissent voter ensemble pour une représentation spécifique.
Je voudrais aussi, madame la ministre, vous poser une question sur les manières de lutter contre les doubles votes. Nous avons l’expérience des dernières élections, il existe des échanges d’informations, mais il ne faudrait pas que des citoyens soient rayés des listes électorales consulaires, et donc privés de vote, au motif qu’ils se sont inscrits pour une élection municipale il y a dix ans dans leur pays de résidence. Nous avons connu de tels cas il y a cinq ans, et il est absolument indispensable de mettre en place un droit de recours pour que la lutte contre les doubles votes ne se traduise pas par l’impossibilité pour certains de voter.
Pour conclure, le groupe socialiste et républicain soutiendra l’approbation de cette décision. Elle constitue une petite avancée, même si le texte qui nous permettra de transformer cette communauté de destin qu’est l’Union européenne en une réelle communauté de desseins, contrôlés et orientés par l’ensemble des citoyens, est encore loin.