Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 14 février 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Article 1er

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le rapporteur, il n’existe pas en France de droit du sol : il existe un double droit du sol ou un droit du sol accompagné de conditions de séjour sur le territoire français, la nationalité pouvant être demandée à partir de treize ans. Il est important de le préciser, parce que, à force de parler d’exception au droit du sol, on pourrait penser qu’il existe un droit du sol en France et que notre droit de la nationalité est le même que celui qui est en vigueur aux États-Unis. Or ce n’est pas le cas ! Il n’y a pas d’exception au droit du sol pour la simple raison qu’il n’existe pas de droit du sol, et ces conditions seront encore différentes à Mayotte !

Même si nous avons déposé cet amendement, nous ne nions pas, bien entendu, que le département de Mayotte fait face à une situation dramatique, avec une pression migratoire qu’aucun autre département français ne connaît. Les élus des outre-mer et de métropole ont été nombreux à lancer des appels à ce sujet. Pourtant, nous n’avons jamais trouvé les solutions permettant de traiter ces enjeux particuliers à Mayotte. Ce diagnostic, je crois que tout le monde le partage ici.

Une action diplomatique auprès des Comores, la lutte contre l’immigration irrégulière et contre les passeurs, une politique économique et sociale globale, qui incorpore aussi la situation comorienne : voilà la solution durable à cette situation ! En revanche, il est absolument impossible d’imaginer que c’est un recul des droits et des libertés fondamentales qui serait une réponse adaptée : on ne peut prétendre cela ni dans l’Hexagone ni à Mayotte.

Il faut, de manière répétée, faire le constat lucide que les politiques qui consistent à renier les droits et les libertés fondamentales sont inefficaces. Je n’exprime pas là mon seul point de vue ou le seul point de vue de certains ici : des Mahorais – des avocats, des associations – constatent sur le terrain que la pente dangereuse sur laquelle le territoire de Mayotte s’engage avec la France n’est pas une solution.

Depuis des années, on multiplie les législations dérogatoires, et vous en avez rappelé certaines, monsieur le rapporteur. Je vous rappelle aussi que, alors que nous appartenions à la même majorité, vous avez voté avec nous la loi Cazeneuve, qui a établi le principe d’une situation égale pour tous.

Ce n’est pas en allongeant les délais de saisine du juge des libertés et de la détention que nous résoudrons le problème, bien au contraire. Parce qu’en « expédiant » rapidement l’étranger en situation régulière avant cinq jours – c’est ce qui va se passer –, on va accélérer le carrousel des expulsions et retours, enrichissant encore plus les passeurs, ce qui fera peser encore plus de risques et de menaces sur la vie des gens. C’est la raison pour laquelle, considérant que cette proposition de loi n’est pas bonne, nous proposons la suppression de cette disposition majeure qui n’apporte rien à personne.

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