Séance en hémicycle du 14 février 2019 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du bureau du Sénat, j’invite chacun à veiller à la courtoisie, au respect des uns et des autres et au respect du temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Cette semaine, des violences à l’encontre des juifs et la promotion de la barbarie nazie ont marqué l’actualité, provoquant la condamnation et l’indignation de tous. Ces actes succèdent à des profanations d’édifices catholiques – sept ont été recensées la première semaine de février.

Tout se passe comme si, à la crise sociale, à la crise territoriale, s’ajoutait une crise encore plus grave. Plus grave, parce que c’est celle du cœur, qui touche à l’essence même de notre humanité, à l’intimité de chacun de nous, à notre histoire personnelle et collective. La République, parce qu’elle est laïque, se doit de garantir à tous la liberté de croire ou de ne pas croire.

L’heure est grave, monsieur le Premier ministre. Que resterait-il d’une société où tout ce qui relève de la pensée et de la spiritualité ne serait pas garanti ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que chaque citoyen puisse aspirer à une spiritualité apaisée et que la France reste le pays de la liberté, des Lumières et ne devienne pas celui de la barbarie et de l’obscurantisme ? Ne pensez-vous pas que le moment est venu de nommer les fauteurs de troubles ?

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la multiplication des actes antisémites, sur la multiplication des actes de profanation de lieux de culte catholiques ou juifs, sur le climat nauséabond qui se développe dans notre pays. Vous me posez cette question avec beaucoup de gravité, marquant votre indignation et soulignant que vous ne pouvez pas vous contenter de cette indignation. Vous me dites souhaiter qu’en réponse à ces actes des politiques publiques et des réactions effectives puissent intervenir. Je voudrais vous assurer que nous sommes, de ce point de vue, parfaitement sur la même ligne.

Oui, nous constatons depuis quelques semaines – malheureusement, ces actes ne datent pas d’il y a quelques semaines ; ils ne se sont jamais complètement arrêtés dans notre pays – une multiplication des actes antisémites, inacceptables, répugnants, qui prennent des formes extrêmement variées : des menaces contre les personnes, des tags, des atteintes contre les symboles. Vous avez vu, comme moi, et je sais que nous aurons l’occasion au cours de cette séance de questions d’évoquer ce sujet, l’atteinte faite à la mémoire d’Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois.

Face à cette multiplication d’actes antisémites ou anticatholiques visant des églises et des cimetières, vous faites bien de rappeler que la République respecte le sacré. En France, dans notre République, nous avons le droit de croire ou de ne pas croire et, lorsque nous croyons, nous devons être respectés parce que nous croyons.

Toujours en France et toujours sous la République, on a respecté les églises, les cimetières, les lieux de culte. Il est impératif de rappeler qu’il doit toujours en être ainsi. Cela ne suffit pas de le dire, j’en ai parfaitement conscience, mais vous savez comme moi que le jour où nous ne le dirions plus, alors, tout serait perdu ! Nous devons donc rappeler la norme, qui est que, en France, on respecte les lieux sacrés, symboles de la République, les lieux de culte, les lieux où reposent les morts. C’est un impératif qui s’impose à tous et qu’il convient systématiquement de rappeler.

Cela ne suffit pas, vous avez raison ; il faut aller plus loin. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement – ces sujets s’inscrivent, au fond, dans un continuum d’actions – souhaite agir dans plusieurs domaines.

En matière de formation d’abord, car nous devons faire en sorte que ces actes antisémites ou anticultuels, si j’ose dire, scandaleux soient mieux décelés et retranscrits par les forces de l’ordre afin qu’ils puissent faire l’objet d’instructions plus complètes par les services de la justice et de sanctions, à mon sens, plus sévères prononcées par la magistrature. Ces efforts de formation, nous les avons engagés auprès des forces de police et de gendarmerie, comme auprès des magistrats : ils sont indispensables.

En matière d’éducation ensuite, car c’est un combat, ancien, permanent, qu’il faut livrer contre l’ignorance et l’obscurantisme – l’obscurantisme est un terme encore faible, parce qu’il est presque bienveillant… Nous devons livrer ce combat à l’école, partout, et nous savons qu’il est difficile.

Je me souviens, monsieur le président, que l’expression « hussards noirs » désignait autant la couleur dont étaient revêtus les instituteurs que la logique de combat qui les inspirait : le combat contre l’obscurantisme. Il faut que nous retrouvions, d’une certaine façon, cette logique et que nous livrions absolument partout et en tous lieux ce combat contre l’obscurantisme, contre la haine, contre les préjugés, contre la bêtise la plus crasse, contre la méchanceté la plus vive.

Éducation, formation, dénonciation et sanctions – des sanctions sévères, car les faits sont inacceptables – sont donc indispensables.

Il nous faut aussi transformer notre droit. Nous aurons l’occasion, au cours de l’année 2019, de soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat des dispositions législatives qui permettront de le faire évoluer. Je pense notamment à la possibilité d’engager la responsabilité de ceux qui gèrent les réseaux sociaux. Aujourd’hui, ils s’abritent derrière le fait qu’ils sont des hébergeurs et non des éditeurs, ce qui les dédouanerait de toute responsabilité à l’égard de ce qui se dit sur leurs réseaux. Ce discours est inacceptable ! Il nous faut donc changer le droit. Pour faire évoluer le droit communautaire, nous avons engagé une discussion avec nos partenaires européens. Déterminés à modifier le droit national sans attendre, nous saisirons le Parlement au cours de l’année 2019.

Enfin, nous devons nommer tous les auteurs de ces actes, qui trouvent leurs racines dans un vieil antisémitisme français – cet antisémitisme n’a jamais été, je le dis, car ce serait trop simple, l’apanage d’une famille politique ; il s’est déployé dans de très nombreuses familles politiques, a imprégné de très nombreux aspects de la société française, parfois très vivement, parfois très discrètement – ou qui sont liés à un antisémitisme résurgent qui se nourrit du conflit israélo-palestinien ou d’une radicalisation ou d’un radicalisme islamiste.

Tous ces éléments, toutes ces constituantes de l’antisémitisme qui se développent dans notre pays doivent être combattus et nommés, avec une indéfectible détermination. Je voudrais assurer le Sénat, que je sais attaché à cette cause, de l’indéfectible détermination de l’ensemble des membres du Gouvernement sur ce sujet.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Merci, monsieur le Premier ministre, de cette réponse, mais je crois, et vous l’avez souligné, qu’il faut avoir le courage de nommer les auteurs.

Les auteurs, on les connaît, c’est l’extrême gauche antisioniste, c’est l’islam radical qui veut imposer la charia

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Alors, permettez-moi de vous inviter très respectueusement à méditer cette belle phrase d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Au nom du groupe Union Centriste, j’exprime notre plus vive indignation contre les récentes profanations et les inscriptions antisémites qui ont notamment visé des personnalités emblématiques, telles que Simone Veil ou Ilan Halimi. Révulsés et affligés, nous affichons notre solidarité à l’égard de la communauté juive et nous condamnons avec force les insupportables profanations de tous les lieux de culte qui se multiplient dans les églises, synagogues et mosquées. Cela doit cesser !

Sans faire d’amalgame, il n’échappe à personne que le mouvement des « gilets jaunes » est aussi générateur d’appels à la haine. Chaque samedi, ces défilés entretiennent en France un climat nauséabond fait de populisme et d’antiparlementarisme.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Vous recevez comme moi, chers collègues, des courriers insensés qui nous appellent, entre autres choses, à la destitution du Président Macron. Au diable l’État de droit et le résultat des élections ! Peu importent aussi les conséquences économiques et les salariés mis au chômage technique !

Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que les commerçants expriment de plus en plus fort leur ras-le-bol, quand ils ne descendent pas, eux aussi, dans la rue, comme à Toulouse. Cette exaspération gagne désormais les élus municipaux, qui sollicitent le Gouvernement auquel ils demandent une indemnisation pour les villes touchées par les dégradations à l’issue des manifestations.

L’agitation de rue doit cesser ! S’ils veulent manifester, très bien, mais selon les règles républicaines : pas n’importe où, pas n’importe comment ! Le mandat d’Emmanuel Macron s’achèvera dans 166 semaines. Au train où vont les choses, peut-on imaginer qu’il y aura un acte LCXVI des « gilets jaunes » ?

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand comptez-vous faire rétablir l’ordre républicain ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le sénateur Cadic, vous avez raison de souligner que le mouvement dit « des gilets jaunes » a pris une tournure désormais réduite à des manifestations de voie publique. Ces manifestations se déroulent tous les samedis après-midi et, dans bon nombre de villes, elles dégénèrent, parfois au début, parfois à la fin. Quand je dis qu’elles « dégénèrent », c’est un euphémisme : quelques centaines d’individus s’en prennent à nos institutions, aux mairies, aux préfectures, aux forces de l’ordre, aux parlementaires, de manière extrêmement violente et agressive, ce qui nous conduit à déployer des dispositifs policiers partout en France pour chaque manifestation.

Convenez que ce mouvement est totalement inédit. Nous n’avons pas connu cela depuis plusieurs dizaines d’années, avec des manifestations jamais déclarées, infiltrées, vous avez raison de le souligner, par les milieux de l’ultra-gauche, parfois par les milieux de l’ultra-droite, avec des « gilets jaunes » radicalisés et qui, quand ils manifestent sur la voie publique et font dégénérer ces manifestations, ne représentent plus maintenant qu’eux-mêmes.

J’étais encore hier soir à Dijon pour saluer le courage et l’abnégation des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie nationale qui font face à ce mouvement. Tous les samedis, nous déployons, avec Christophe Castaner, des effectifs de voie publique qui encadrent ces manifestations et interviennent chaque fois qu’elles dégénèrent, procédant à des interpellations pour mettre un terme aux exactions. Depuis le 17 novembre dernier, nous avons, au total, interpellé 8 400 personnes sur lesquelles 7 500 ont été mises en garde à vue et 1 800 ont été condamnées.

Comptez bien sur notre détermination pour poursuivre cette action sur la voie publique et ces investigations judiciaires ultérieures qui permettent de confondre de nombreux casseurs plusieurs jours, voire plusieurs semaines après les actes. Soyez assuré que nous sommes totalement déterminés à mettre un terme à ces exactions. Sachez-le, nous attendons beaucoup des dispositions législatives que nous souhaitons voir adoptées et qui nous permettront d’écarter les casseurs des manifestations.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Comme l’avait annoncé le Premier ministre en septembre dernier, l’impôt sur le revenu est prélevé à la source depuis le 1er janvier 2019.

Réforme longtemps annoncée, demandée et attendue par les contribuables mais jamais mise en œuvre, le prélèvement à la source est aujourd’hui soutenu par les trois quarts des Françaises et des Français.

Vous avez fait, monsieur le secrétaire d’État, le pari de l’intelligence collective.

Le pari que les Français comprendraient les avantages pour leur quotidien et la gestion de leur budget d’un paiement en temps réel de l’impôt sur leurs revenus.

Le pari que les entreprises françaises s’organiseraient en temps et en heure pour que ce prélèvement soit effectif et bien compris sur les fiches de paye de leurs salariés, mentionnant, par exemple, à titre d’information sur les dernières fiches de paye 2018 quel serait le salaire versé après le prélèvement à la source.

Le pari que les cinq millions de foyers bénéficiant d’un crédit d’impôt pour service à la personne ou pour frais de garde d’enfant percevraient ce crédit d’impôt sous forme d’avance de 60 % versée dès le 15 janvier et correspondant au crédit ou à la réduction d’impôt de l’année précédente, avant le versement de la totalité à l’été 2019.

Enfin, le pari que votre ministère et les fonctionnaires de votre administration déploieraient, pendant plusieurs mois et le temps nécessaire, des moyens de communication, d’information et d’accompagnement à la hauteur de cet enjeu.

Ce succès montre la préparation de la réforme. §Avant l’été dernier, un sondage montrait que les deux tiers des Français payant l’impôt sur le revenu se sentaient bien informés. Ce succès montre aussi que les Cassandre en tout genre, prompts à souhaiter l’échec du Gouvernement plutôt que la réussite collective, se sont trompés. On a parlé au Sénat d’usine à gaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Une proposition de loi pour retarder encore la réforme a même été déposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

(Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut maintenant transformer définitivement l’essai. Pouvez-vous nous expliquer les mesures qui sont prises pour assurer, durant cette année 2019, l’accompagnement des entreprises ? Quels sont les moyens

Nouvelles marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Alors, monsieur le secrétaire d’État, si la mise en œuvre du prélèvement à la source est d’ores et déjà un succès, ce succès, nous le devons à la fois aux entreprises et collecteurs. §…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

M. Bernard Buis. … mis en œuvre dans votre administration pour répondre aux questions que les contribuables ne manqueront pas de se poser et de vous poser avant qu’un rythme de croisière ne soit trouvé en 2020 ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur Buis, vous avez raison, le prélèvement à la source est une bonne réforme…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… et sa mise en œuvre est réussie. Les chiffres sont éloquents : plusieurs dizaines de millions de titres de revenus ont été traités. Il n’y a eu aucun bug systémique et l’ensemble des contribuables paient désormais un impôt contemporain, ce qui est l’objectif principal. En effet, 7 millions de contribuables français voient leurs revenus varier de plus ou moins 30 % chaque année. Dans le système ancien, ils étaient obligés de payer un impôt dont le montant ne correspondait plus au niveau réel de leurs revenus. Aujourd’hui, le montant de l’impôt payé chaque mois sera juste et plus soutenable, car il s’adaptera aux revenus des contribuables et des foyers fiscaux.

Nous avons mené cette réforme pour les contribuables et avec les agents des finances publiques, dont 40 000 ont été formés pour la mise en œuvre du prélèvement à la source. Nous avons souhaité qu’ils soient en mesure d’apporter des réponses aux particuliers, comme aux entreprises, soit dans les perceptions, soit via internet, soit avec la mise en place d’une plateforme téléphonique comportant quatorze centres d’appels et réunissant environ 1 000 agents des finances publiques.

Nous avons aussi travaillé, tout au long de l’année 2018, avec les sociétés éditrices de bulletins de paye pour faire en sorte que la mise en œuvre soit techniquement réussie. Nous avons souhaité que, dans l’immense majorité des cas, elle se limite pour les entreprises à une opération de maintenance des logiciels de déclarations sociales nominatives. Nous nous sommes attachés à leur éviter un investissement nouveau de manière à diminuer aussi fortement que possible le coût de la réforme chaque fois que nous le pouvions.

Tout au long de l’année qui vient, nos équipes vont rester mobilisées pour répondre aux contribuables et travailler pour faire en sorte de rendre les crédits d’impôt contemporains. Nous allons évidemment, comme nous nous y étions engagés devant le Sénat…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

M. Olivier Dussopt, secrétaire d ’ État. … à l’occasion de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, faire preuve de la plus grande bienveillance à l’égard les entreprises, de manière à ne pas sanctionner celles qui sont de bonne foi.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Léonhardt

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Lundi 11 février, les arbres plantés à Sainte-Geneviève-des-Bois à la mémoire d’Ilan Halimi ont été coupés, profanés. J’étais maire de cette commune en 2006 quand Ilan a été retrouvé agonisant, le long de cette voie ferrée, après vingt-quatre jours de terribles tortures.

Enlevé, frappé, brûlé, torturé, Ilan est mort simplement parce qu’il était juif. Personne ne pouvait plus ignorer qu’on pouvait de nouveau s’en prendre à un juif en France en pensant s’en prendre à une famille, à une communauté privilégiée, qui n’aurait aucun mal à payer une forte somme d’argent pour obtenir sa libération.

L’assassinat d’Ilan avait malheureusement un caractère annonciateur. Car, il faut le dire, depuis ce 13 février 2006, mourir en France parce qu’on est juif n’est malheureusement plus si exceptionnel que cela. Il faut le dire aussi, les condamnations de principe ne sont plus suffisantes, les cérémonies commémoratives et les minutes de silence ne peuvent plus être les seules réponses à l’intolérable.

Alors, je sais que vous allez me dire, à raison, que beaucoup de choses sont initiées pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. J’étais d’ailleurs avec vous, monsieur le Premier ministre, à Matignon, mardi, pour la remise du prix Ilan Halimi à des jeunes engagés contre ce fléau.

Je sais que vous allez me dire, à raison, que des actions sont engagées pour la formation des personnels, des enseignants, des policiers, des magistrats.

Je sais que vous allez me dire, à raison, qu’il faut adapter la loi pour agir plus sévèrement face aux messages haineux sur les réseaux sociaux.

Mais, monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’enjeu de la fraternité dans notre pays mérite une action encore plus résolue, des actions encore plus rapides et encore plus fortes ?

Nous savons le rôle de l’éducation pour répondre à ce défi et nous savons aussi qu’aujourd’hui, en 2019, des projets pédagogiques, associatifs ou institutionnels auprès de la jeunesse ne sont pas menés, faute de moyens. Ne pensez-vous pas que la gravité de la situation impose que notre pays consacre plus que 6 millions d’euros par an à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui dispose des seuls crédits…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Léonhardt

M. Olivier Léonhardt. … dédiés strictement à cet enjeu vital pour l’avenir de notre République ?

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le sénateur, lundi dernier, les arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois ont été profanés, coupés, ce qui a donné lieu à une immense émotion partout en France, une émotion sans doute encore plus forte chez tous ceux qui étaient présents au moment du drame – vous en étiez puisque, comme vous l’avez dit, vous étiez maire au moment des faits.

Je veux commencer par dire que je comprends parfaitement l’émotion que vous éprouvez depuis lundi et que vous avez exprimée dans votre question.

Mardi – la date avait été fixée depuis longtemps –, il nous appartenait de remettre, pour la première fois, le prix Ilan Halimi. Nous reprenions en cela une initiative lancée par le conseil général de l’Essonne et portée par son président, Jérôme Guedj, pour récompenser des projets pédagogiques organisés dans les collèges ou lycées destinés à faire comprendre la réalité de l’antisémitisme et à offrir un certain nombre d’instruments pour lutter contre ce fléau.

J’ai eu l’occasion de le dire – vous vous en souvenez peut-être – face à tous ces coups terribles que nous prenons, face à tous ces actes antisémites, face non pas au découragement mais à la menace de lassitude qui gagne parfois, ces initiatives qui mobilisent les jeunes et portées, ici, par une scène nationale, là, par un collège ou par une association, sont aussi des messages d’espoir.

Je crois que nous pourrons nous retrouver sur le fait que les quatre projets qui ont reçu un prix, projets retenus parmi la centaine de ceux qui avaient été réceptionnés, étaient absolument remarquables.

Oui, il faut former ! Oui, il faut éduquer ! Oui, il faut dénoncer ! Oui, il ne faut jamais renoncer ! Mais c’est un combat long, je le sais.

Les phrases que je prononce ont été dites avant moi, peut-être avec plus de talent mais pas avec moins de détermination, par des Premiers ministres qui se sont pleinement engagés dans la lutte contre l’antisémitisme.

Monsieur le sénateur, ce combat est un art d’exécution, c’est aussi un art de détermination. Il doit être mené de façon systématique. J’ai insisté sur le soutien que nous devons apporter à ceux qui proposent l’éducation dans nos écoles, collèges et lycées. Nous avons ainsi apporté un soutien matériel aux équipes de laïcité qui viennent épauler les personnes qui constatent de tels actes. Des personnes qui, malgré leur bonne foi et leur détermination, ne savent pas toujours y répondre. Nous devons continuer de les aider et les accompagner.

Est-ce suffisant ? Cela ne sera sans doute jamais suffisant pour mener ce combat difficile qui m’apparaît malheureusement éternel.

Monsieur le sénateur, si vous avez des pistes – vous en avez tracé quelques-unes – pour nous donner de nouveaux instruments dans ce combat, alors, je suis tout à fait prêt à en discuter avec vous, car nous avons besoin de l’engagement et de l’intelligence de chacun pour gagner ce combat.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

En décembre dernier, le ministre de la transition écologique nous disait qu’il y aurait plus qu’un « gel » des tarifs de l’électricité, que le Gouvernement travaillait sur des mesures qui permettraient de ne pas avoir de hausse. Il nous disait même : « Dans un mois, les tarifs de l’énergie vont baisser, je peux le garantir aux Français, de 2 % à 3 %. »

Aujourd’hui, c’est une hausse de 6 % des tarifs qui est annoncée, la hausse pouvant même être plus importante pour le mois de juin. Après la mobilité, vous allez créer de nouvelles fractures territoriales et vous prenez le risque de faire basculer dans la précarité énergétique de nouveaux ménages, alors qu’ils sont déjà près de 6 millions dans notre pays !

Vous demandez encore une fois à nos concitoyens de payer plus. Vous leur demandez de payer, alors que ces hausses successives ne sont que le reflet de l’échec de la libéralisation du marché de l’électricité.

Vous leur demandez de se résoudre à accepter une répercussion sur leurs factures de plus de 100 euros par an, alors que toutes les demandes de revalorisation du SMIC, de véritable négociation sur les salaires sont balayées d’un revers de main en ce moment même.

Hausse des prix du carburant, hausse des prix alimentaires, hausse des prix de l’énergie, gaz et électricité : c’est une véritable politique assumée de paupérisation de nos concitoyens que vous menez actuellement.

Monsieur le ministre, quelles dispositions pérennes allez-vous prendre pour endiguer ce phénomène continu d’augmentation artificielle du prix de l’électricité ? Quand accepterez-vous de baisser les taxes sur ce bien de première nécessité ? CTA, TFCE, TVA, CSPE : autant de taxes qui pèsent pour près d’un tiers dans la facture des ménages de notre pays ! Vous l’avez fait pour ADP et pour les data center s dans le cadre de la préparation du Brexit, pourquoi ne pas le faire, une bonne fois pour toutes, au profit de nos concitoyens ?

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Laurent Duplomb et Jackie Pierre applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Madame la sénatrice Cukierman, vous avez évoqué trois types d’énergie et leurs tarifs.

Concernant les carburants, vous savez qu’ils avaient connu une forte hausse de prix au mois d’octobre, liée à l’augmentation des prix du pétrole sur le marché mondial.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Nous avons pris une décision, …

Debut de section - Permalien
François de Rugy

… alors que, par ailleurs, un mouvement de protestation important s’était levé à l’occasion de cette hausse. Je crois toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pourrions tomber d’accord pour reconnaître que les revendications de ce mouvement allaient bien au-delà de cette question. D’ailleurs, les prix des carburants ont entre-temps baissé de nouveau, en conséquence de la baisse des prix du pétrole sur le marché mondial.

Nous avons pris d’autres mesures, mais nous avons tenu notre engagement sur ce point : stopper la trajectoire de la taxe carbone et du rattrapage entre le diesel et l’essence – rattrapage motivé par des considérations de santé publique –, ainsi que la hausse de la taxation du gazole non routier. Cet engagement a été pris à la fin de l’année 2018 ; même si les prix du pétrole ont baissé entre-temps, il a été tenu.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Vous avez également évoqué, madame la sénatrice, les tarifs du gaz. Pour ma part, j’avais annoncé que ces tarifs baisseraient au 1er janvier 2019. Cette baisse a bien eu lieu, à hauteur de 2 % au 1er janvier 2019, pour ce qui concerne les tarifs régulés.

Enfin, vous avez mentionné les tarifs de l’électricité. Vous savez sans doute que le mode de calcul des tarifs régulés est fixé par la loi. Nous appliquons la législation, qui dispose que les tarifs doivent recouper les coûts de production. Ceux-ci ont augmenté ; les tarifs augmentent donc. Si nous ne procédions pas à une telle augmentation cette année, alors, vous le savez très bien, cela serait répercuté encore plus fort l’année prochaine.

Nous avons pris un engagement : pas de hausse des tarifs de l’électricité pendant l’hiver. Nous tenons cet engagement pour que cette hausse ne s’applique pas pendant les périodes où nos compatriotes se chauffent.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre d’État, je vous interrogeais sur la suppression de taxes ; vous me répondez sur les prix de l’électricité. Vous me dites augmenter les prix l’été plutôt que l’hiver, mais je crois qu’au mois de novembre prochain l’hiver sera quand même rude, et l’augmentation de cet été sera répercutée sur les factures de nos concitoyens l’hiver prochain. Vous ne réglez pas la question du pouvoir d’achat dans notre pays !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

À mon tour, monsieur le Premier ministre, d’insister sur ce sujet grave !

Rues de Paris noircies d’expressions antisémites, croix gammées sur les portraits de Simone Veil, « Juden » badigeonné sur la devanture d’un restaurant, arbres plantés en hommage à Ilan Halimi, ce jeune homme enlevé, séquestré et torturé à mort parce qu’il était juif, sciés : l’hydre toujours renaît !

Ces actes, d’une singulière lâcheté, révèlent un antisémitisme qui ne s’estompe pas, qui reste, qui mute ; un antisémitisme qui porte atteinte à la communauté nationale, qui percute nos valeurs républicaines, qui questionne notre devoir de mémoire ; un antisémitisme désinhibé par internet et les réseaux sociaux, sur lesquels prospèrent les mythes complotistes, des slogans tout droit sortis des poubelles de l’histoire, une insondable passion pour la haine.

Les actes et les menaces antisémites ont crû de 74 % l’an dernier. Ils traduisent une réalité vécue et ressentie tous les jours par de nombreux Français qui subissent des injures, des violences, en raison de leur kippa ou de leur patronyme, que ce soit dans la rue, dans les transports, sur internet, à l’école ou devant leur lieu de culte.

Nous ne pouvons accepter que nos compatriotes de religion ou de culture juives ne puissent vivre en sécurité simplement du fait de ce qu’ils sont. À ceux qui se croient imperméables, rappelons les mots de Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour lutter contre cet antisémitisme qui sème la honte et l’horreur dans la République, au pays des droits de l’homme ?

Cette lutte nécessite l’engagement de toutes et de tous, et nous serons aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui s’y engageront.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le sénateur, le Premier ministre a expliqué le contexte du plan de lutte contre l’antisémitisme et, de manière générale, contre le racisme que nous mettons en œuvre sur la période 2018-2020. Ce plan comporte toute une série de mesures ; permettez-moi d’en développer une plus précisément.

Vous avez cité les propos haineux qu’on trouve sur les réseaux sociaux. Je veux dire ici que nous y sommes extrêmement attentifs ; c’est une politique forte que nous menons. Nous avons mis en place une plateforme, PHAROS, qui nous permet de les détecter et de demander aux fournisseurs d’accès à internet de procéder à des retraits. Nous procédons également à de longues investigations judiciaires qui nous permettent de confondre leurs auteurs ; de ce fait, de nombreuses condamnations ont été prononcées.

Le Premier ministre citait précédemment une expérimentation très intéressante menée à Marseille, qui permet de former des enquêteurs et des magistrats afin de pouvoir mieux caractériser cette circonstance aggravante et odieuse qu’est le caractère antisémite d’une infraction.

Nous poursuivons la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, soit toute une panoplie d’actions menées avec beaucoup de détermination. Certaines de ces mesures touchent aussi au champ éducatif ; bien évidemment, nous allons les poursuivre.

Je voudrais aussi vous rassurer quant au travail que mène le ministère de l’intérieur en liaison très étroite avec l’ensemble des cultes, y compris le culte catholique.

Depuis 2015, nous avons des relations étroites avec les responsables des cultes et, notamment, ceux des lieux de culte, de manière à pouvoir sécuriser physiquement les cérémonies, les lieux de manifestation et les fêtes les plus importants. Nous menons là encore cette action de manière extrêmement résolue et déterminée ; l’ensemble des fonctionnaires de police et de gendarmerie y sont sensibilisés dans ce pays, comme le rappelait à l’instant le Premier ministre.

Enfin, comme vous le savez, nous engageons une politique d’aide à l’investissement en faveur de tous les dispositifs de sécurisation mis en place pour tous les cultes, y compris le culte juif et le culte catholique. Nous avons, au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, …

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

M. Laurent Nunez, secrétaire d ’ État. … une politique très active de soutien à la sécurisation de ces lieux qu’il convient de protéger à tout prix.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

À titre liminaire, je tiens à préciser qu’il n’y a ni provocation ni perfidie dans ma question. Un simple coup de téléphone informel aurait peut-être suffi. Si je la pose officiellement, c’est parce qu’elle est, me semble-t-il, révélatrice d’un malaise.

À tort ou à raison, la psychologie collective française veut condamner la classe politique, réduite à son impuissance.

Emmanuel Macron a lancé des pistes de réflexion sur les réformes constitutionnelles. Je veux rebondir sur l’une d’entre elles : l’amélioration de la qualité de la loi. La nécessité de simplifier la procédure parlementaire et d’accélérer le temps législatif a en effet été évoquée.

Le temps démocratique est légitimement long, mais parfois trop long à l’heure du numérique. Certes, nous sommes réticents lorsqu’il s’agit de toucher à nos droits parlementaires. Néanmoins, à l’instar d’autres pays, le Sénat a déjà expérimenté des procédures d’adoption simplifiées.

Tancés pour notre lenteur, permettez-nous, monsieur le ministre, à notre tour, de vous tancer sur la vôtre, celle de l’exécutif.

Le Sénat a examiné et adopté, le 13 juin 2018, une proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. Cette loi a été adoptée définitivement, le 30 juillet dernier, par l’Assemblée nationale. La procédure a donc été rondement menée.

Des décrets d’application sont prévus, après avis de la CNIL et du Conseil d’État. Nous sommes le 14 février 2019 ! Déjà sept mois d’attente, et les caméras sont toujours sagement rangées dans les tiroirs !

Monsieur le ministre, par votre action, ce dispositif des caméras-piétons a démontré son efficacité. À l’heure où les violences s’inscrivent désormais dans le rituel du samedi, pourriez-vous réfléchir également à accélérer le temps réglementaire ? Je ne mets pas en cause la qualité du travail fourni par vos services, mais je veux dénoncer ce décalage, incompris par l’opinion publique, entre la décision politique et sa concrétisation.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le sénateur, vous évoquez un décalage, une incompréhension. Je vais essayer de la lever, le plus simplement possible.

Vous avez raison de souligner que ces caméras-piétons sont un outil précieux pour les policiers et les gendarmes ; nous souhaitons qu’elles le soient pour les policiers municipaux. Une loi a effectivement généralisé ce dispositif à l’ensemble du territoire national après deux ans d’une expérimentation qui a porté ses fruits et s’est avérée extrêmement positive.

En effet, d’abord, ces caméras permettent de réduire les tensions lorsque des policiers municipaux interviennent. Ensuite, elles leur permettent de réunir des preuves judiciaires quand ils sont agressés. Enfin, comme vous le savez très bien, elles sont très utiles pour la formation des policiers municipaux.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

La loi en question a généralisé ce dispositif ; un décret d’application est en cours de préparation.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Il a reçu des avis de la CNIL et du Conseil national d’évaluation des normes ; le Conseil d’État en est saisi depuis janvier 2019. Ce texte est donc à l’étude.

Je rappelle que ce dispositif est extrêmement contraignant. Comme vous le savez, quand les policiers rentrent au service, ils ne peuvent pas visionner eux-mêmes les images, mais doivent les stocker dans des conditions de sécurité optimales.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Dès lors, si ces dispositions réglementaires méritent d’être étudiées avant d’être adoptées, c’est d’abord pour protéger ces fonctionnaires de police municipale, tout comme nous protégeons les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie nationales dans l’utilisation de ce dispositif.

Je peux en tout cas vous assurer qu’il n’y a aucune volonté du Gouvernement de ne pas mettre en œuvre ces dispositions. Bien au contraire, puisque nous travaillons main dans la main avec les polices municipales dans le cadre de la police de sécurité du quotidien et du continuum de sécurité que nous souhaitons.

À l’évidence, y compris dans le cadre de patrouilles communes, il est tout à fait indispensable, pour nous aussi, que les fonctionnaires de police municipale soient dotés de ces caméras-piétons. Tout sera donc mis en œuvre pour que ce décret soit publié le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

Les chiffres de la construction pour 2018 étaient connus ; ils sont mauvais, en baisse de 7 %. Le nombre de logements sociaux financés en 2018 vient tout juste d’être annoncé ; les chiffres ne sont pas mauvais, monsieur le ministre, ils sont très mauvais ! On relève une baisse de 20 % en deux ans en Île-de-France, une évolution en retrait de 20 % par rapport à l’objectif fixé pour 2018. Bien évidemment, tout le monde s’inquiète pour 2019, car il n’y a aucune chance que la situation s’améliore.

Cela pénalise évidemment les Français qui attendent un logement social, mais cela pénalisera aussi les communes, auxquelles, au titre de l’article 55 de la loi SRU, on assigne des objectifs de construction de logements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En 2015, le CGEDD, organisme d’État, avait déjà tiré la sonnette d’alarme en nous prévenant que les deux tiers des communes risquaient d’être carencées en 2019, parce que les objectifs assignés étaient trop importants. Si l’on y ajoute la crise du logement social, que vous avez créée par vos choix politiques, vous allez mettre beaucoup de communes dans une très grande difficulté !

Alors, monsieur le ministre, quelles instructions le Gouvernement entend-il donner aux préfets de région, qui président les comités régionaux de l’habitat, pour que cette difficulté soit prise en compte au moment où sera jugée la bonne volonté des maires pour la construction de logement social ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Monsieur le sénateur, vous évoquez les chiffres de la construction dans le domaine du logement social, qui viennent de nous parvenir.

À l’échelle du territoire national, en 2018, la construction d’environ 109 000 logements a été lancée, contre 113 000 l’année précédente. Le référentiel que vous donnez pour l’Île-de-France est celui de 2016, qui était une année exceptionnelle

Marques de satisfaction et exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

En Île-de-France, la baisse de 3 % par rapport à l’année précédente porte le niveau de construction à peu près au même niveau qu’en 2015. Voilà la réalité des chiffres dont nous disposons !

Monsieur le sénateur, nous nous connaissons trop pour que je vienne devant vous faire de l’angélisme et prétendre que les chiffres sont bons. Aujourd’hui, nous n’avons absolument pas suffisamment de logements sociaux. Alors, que faire face à ce problème ? Au moins deux démarches doivent être entreprises à très court terme.

La première consiste à faire en sorte de lever les incertitudes et les inquiétudes qui perdurent aujourd’hui au sein du mouvement des logements sociaux. C’est notamment toute la démarche de la clause de revoyure que nous avons engagée et à laquelle vous participez. Il s’agit de pouvoir trouver des solutions, notamment à l’égard des inquiétudes bien connues qui s’expriment pour l’année 2020.

La seconde consiste à mettre en œuvre la réforme que nous avons portée dans le cadre de la loi ÉLAN. Cela est absolument nécessaire ; j’en veux pour preuve un seul élément. Beaucoup de voix, y compris sur ces travées, ont porté l’idée d’un certain nombre de regroupements. Au moment où je vous parle, 340 structures de logement social sont concernées par de tels regroupements. À peu près 230 d’entre elles ont entamé ces procédures ; les deux tiers ont déjà bien progressé dans leur projet. Il faut continuer d’aller dans cette direction avec détermination.

Enfin, vous évoquez les carences d’application de la loi SRU. Vous connaissez très bien le système : vous savez qu’une appréciation des carences et de l’atteinte des objectifs triennaux est effectivement accomplie par les préfets. J’ai pris bonne note de votre recommandation à ce sujet, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, au moins sur le constat, nous devrions pouvoir tomber d’accord : il y a urgence pour le logement social ! Ici, au Sénat, des Républicains au parti communiste, à l’automne 2017 comme à l’automne 2018, tout le monde vous a dit que vos décisions allaient précipiter le secteur dans une crise.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Alors, il serait fort de café que les communes auxquelles la loi assigne des objectifs de construction paient les pots cassés de la politique que vous avez décidé de conduire. Regardez la réalité en face et prenez les bonnes décisions !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la ministre des solidarités et de la santé, l’épidémie de grippe touche de plein fouet notre pays ; elle est à son niveau maximum. Depuis le mois de janvier, nous dénombrons, hélas, près de 1 100 décès !

Nos services d’urgence ne désemplissent pas. Les complications respiratoires, ainsi que l’embouteillage classique des salles d’attente, expliquent en partie ce phénomène.

Dans le département de l’Essonne, à l’hôpital d’Arpajon, un médecin réanimateur expliquait à France 3 que la priorité était donnée aux urgences virales. Il indiquait que huit lits supplémentaires avaient été ouverts cette année. Surtout, des interventions programmées et des prises en charge de chimiothérapies ont dû être décalées.

C’est donc un sujet de santé publique sérieux, qui n’est pas à prendre à la légère. Ce sujet concerne l’ensemble des Français. Parmi la population, les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et les enfants sont les plus touchés, car ils sont les plus fragiles.

Selon l’Agence nationale de santé publique, les résultats préliminaires disponibles en semaine 5 indiquent une efficacité vaccinale chez l’ensemble des personnes à risque de 59 % contre le virus A-H1N1 et de 19 % contre le virus A-H3N2. Dans le même temps, toujours selon le bulletin d’information de l’ANSP, la couverture vaccinale en France métropolitaine a progressé de 1, 6 % par rapport à l’année dernière pour l’ensemble des sujets à risque.

Par conséquent, madame la ministre, plusieurs questions se posent.

D’abord, pouvez-vous nous confirmer ce bilan ?

Ensuite, même s’il est encore tôt pour tirer des conclusions, qu’en est-il vraiment de l’efficacité du vaccin ? Faudrait-il envisager, comme certains le proposent, une obligation vaccinale pour les publics fragiles et les professionnels exposés ?

Enfin, ne conviendrait-il pas de renforcer les campagnes de vaccination et de sensibilisation contre la transmission du virus ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice, je vous remercie d’intervenir sur ce sujet de santé publique qui préoccupe nos concitoyens.

Le virus de la grippe circule chaque hiver en métropole ; il est responsable de très nombreux décès. Ce virus a des conséquences potentiellement graves, surtout pour les sujets fragiles, les personnes âgées et celles qui ont déjà des pathologies chroniques ; cela peut évidemment entraîner le décès de ces patients.

Cette année, comme chaque année, lors du pic épidémique, les urgences sont saturées. Nous sommes donc très attentifs.

Nous renforçons les campagnes d’information afin de favoriser la couverture vaccinale chez les personnes à risque, à savoir les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, les personnes diabétiques, les personnes obèses et les femmes enceintes.

Nous avons également le souhait d’augmenter la couverture vaccinale des professionnels soignants ; cette couverture est insuffisante dans nos établissements de santé et nos établissements médico-sociaux.

À cette fin, j’ai pris deux mesures particulières cette année.

D’une part, j’ai élargi la possibilité de vaccination dans les pharmacies, en autorisant notamment les primo-vaccinations, ce qui n’était pas le cas auparavant, dans quatre régions françaises. Cela a abouti à 700 000 vaccinations en pharmacie. Cette mesure sera étendue à l’ensemble de la France dès l’année prochaine, en application d’une mesure adoptée au sein de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

D’autre part, j’ai demandé à tous les ordres des professionnels de santé qu’ils signent une charte d’engagement pour favoriser la vaccination des professionnels soignants.

Grâce à ces deux mesures, qui démarrent seulement, nous avons déjà augmenté la couverture vaccinale de 1, 6 %. Certes, l’efficacité du vaccin n’est, cette année, pas toujours optimale. Cependant, même quand tel est le cas, il permet de réduire les conséquences de la maladie et la circulation du virus.

En semaine 6, en médecine ambulatoire, ce vaccin a aujourd’hui une efficacité de 74 % sur l’une des souches et de 21 % sur la deuxième en circulation. Nous disposerons de chiffres consolidés d’ici à la fin de l’épidémie, dans quelques semaines.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Voilà déjà près de quatre-vingts ans, le statut des fonctionnaires était créé. Dans le respect de ses valeurs et ses principes, me semble-t-il, vous présentiez hier soir une transformation de la fonction publique aux partenaires sociaux.

Nous savons une telle transformation nécessaire, parce que le secteur public, au même titre que le secteur privé, est confronté à des mutations majeures : la montée en puissance du digital, notamment de l’intelligence artificielle, mais aussi, dans ce contexte, les exigences nouvelles des usagers pour un meilleur service public.

Elle est nécessaire aussi, parce que la fonction publique fait face à un enjeu d’attractivité en raison des attentes des jeunes générations et du manque de mobilité, non seulement entre les trois fonctions publiques, mais aussi avec le secteur privé.

Elle est nécessaire, enfin, parce que la fonction publique mérite l’allégement de contraintes qui entraînent de la précarité, voire de l’instabilité, qui limitent le redéploiement des services publics, particulièrement en milieu rural, ou l’accès à ses métiers par l’apprentissage ou encore par les professionnels titulaires de diplômes d’État, tels les professionnels de santé.

Depuis quarante ans, il est demandé aux agents publics de s’adapter, mais on ne leur en donne pas les moyens. Je pense notamment à la formation. Des métiers sont interrogés, remis en cause. Les agents doivent pouvoir bénéficier d’une deuxième carrière, voire d’une troisième, et ne pas être laissés sur le bord de la route.

Alors, je comprends que vous proposez, notamment, plus d’autonomie pour les cadres, la reconnaissance du mérite, tant pour les fonctionnaires que pour les contractuels, davantage de mobilité, ainsi que l’égalité de traitement et de carrière entre les hommes et les femmes.

Il n’est pas envisageable de maintenir un statu quo. Quelques syndicats ont pourtant exprimé des réserves.

Alors, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer la place que vous comptez donner, dans les semaines à venir, aux syndicats, aux associations représentatives des collectivités, au débat parlementaire, en particulier au Sénat, et bien évidemment aux agents publics ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez dit, j’ai présenté hier aux partenaires sociaux une réforme du statut de la fonction publique. Il s’agit, tout en restant fidèle à ses principes et à ses valeurs, de répondre à la nécessité impérieuse de transformer ce statut, d’apporter des souplesses pour permettre à l’administration d’être plus efficace, mais aussi de donner des droits nouveaux tant aux agents titulaires qu’aux agents contractuels.

Nous allons travailler, comme nous l’avons fait depuis un an, avec les organisations syndicales et les employeurs publics, pour mettre en place un dialogue social à la fois plus simplifié, recentré sur l’essentiel et protecteur, pour créer de nouveaux leviers managériaux en matière de diversification des recrutements et d’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels, mais aussi pour mieux tenir compte de l’engagement et du mérite.

Nous allons aussi travailler, à l’évidence, sur la question de la formation et des mobilités. C’est sur ce point que vous avez particulièrement insisté, en soulignant combien les employeurs publics doivent être exemplaires en la matière ; nous ne le sommes pas aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Nous devons permettre à des agents dont le métier est remis en cause par des évolutions technologiques, par des restructurations, par des réorganisations ou par des révisions de politiques publiques de connaître une deuxième ou une troisième carrière. Cela nécessite d’améliorer le système de formation initiale, mais aussi continue des agents.

C’est l’occasion pour moi de saluer le travail que vous avez mené avec le député Jacques Savatier sur le système de formation continue des agents de la fonction publique territoriale. Vous avez remis, mardi dernier, un rapport à M. le Premier ministre sur ce sujet. Ce rapport utile et précieux, parce qu’il explore différents scénarios, est né d’une concertation et de rencontres nombreuses sur le territoire ; il nous permettra de nourrir les travaux en la matière.

Vous me demandez quelle place est donnée dans le processus de concertation aux organisations syndicales, aux employeurs et aux parlementaires, ainsi qu’à l’ensemble des agents du service public. Il s’agit d’une place forte : nous avons ouvert une concertation avec les instances représentatives, et j’attends des organisations syndicales des propositions de représentation.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

M. Olivier Dussopt, secrétaire d ’ État. Concernant les parlementaires, votre rapport est l’illustration des enrichissements que le débat parlementaire nous permettra d’apporter à ce texte pour construire une fonction publique moderne, rénovée, protectrice des agents et au service des usagers.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Dites plutôt que vous cassez la fonction publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Dans la guerre contre Daech, ce sont les Kurdes qui ont neutralisé plus de 30 000 djihadistes et chassé cette organisation terroriste de tous les territoires qu’elle occupait. Ils ont, pour ce faire, sacrifié des milliers de combattants et se sont révélés être des alliés remarquables. Alors, comment accepter qu’à l’heure de la victoire militaire les Kurdes soient abandonnés par la coalition internationale ?

Après le retrait annoncé de l’armée américaine, une fois privés de défense aérienne et d’armes lourdes, les Kurdes, mais aussi leurs alliés arabes et chrétiens, se retrouveront seuls face à une prévisible agression du Président turc et de ses supplétifs islamistes. Nous ne pouvons pas l’accepter ! L’invasion du canton d’Afrine, il y a tout juste un an, a déjà entraîné des crimes, des destructions et des déplacements de la population kurde qui s’apparentent à un véritable nettoyage ethnique.

Face à une situation très inquiétante, il est indispensable que la France et l’Europe s’engagent aujourd’hui avec force. Des voix s’élèvent pour appeler à une initiative européenne soutenant la création par l’ONU d’une zone de protection dans le nord de la Syrie. Cette zone de protection dissuaderait toute invasion de l’armée turque, ainsi que le retour des troupes du régime syrien. Elle empêcherait l’expansion de l’influence russe et iranienne. Enfin, elle favoriserait une meilleure protection des minorités dans les négociations sur l’avenir de la Syrie.

La France a là une occasion historique de sauver l’honneur de la coalition contre Daech en se mobilisant réellement avec ses alliés européens. Pouvons-nous compter sur le Président de la République et sur le Gouvernement pour agir en ce sens ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. François Bargeton et Mme Françoise Laborde applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, nous sommes à la veille d’une étape décisive au Levant.

L’engagement militaire de la communauté internationale dans la région vise à défaire Daech et à permettre aux forces irakiennes de contenir sa résurgence. L’opération Chammal, en formant les forces irakiennes et en appuyant les Kurdes syriens et leurs partenaires, permet d’achever la reconquête de l’ultime bastion de Daech. Cependant, je le dis aujourd’hui, les terroristes s’accrochent aux quelques enclaves qu’il leur reste ou se dissimulent au milieu des populations civiles.

Nos alliés américains ont annoncé leur retrait. Néanmoins, à la suite de discussions, ils ont conditionné ce retrait à la défaite du califat territorial. Il est également essentiel que ce désengagement de Syrie ne soit pas précipité, et ce pour deux raisons : nous entrons dans une phase difficile de vérification de terrain, d’une part, et la situation humanitaire s’aggrave et nous préoccupe, d’autre part.

Nous poursuivons donc nos discussions avec les Américains, au sein de la coalition, pour donner des garanties aux Kurdes de Syrie, contrer les ambitions iraniennes et éviter la dispersion des combattants étrangers.

Bien sûr, nous continuerons d’apporter notre soutien aux efforts menés en faveur de la stabilité de la région. Nous ne pouvons abandonner les forces arabes et kurdes, qui ont combattu vaillamment. Une solution négociée sera nécessaire ; elle devra préserver leur sécurité, mais aussi répondre aux préoccupations de sécurité légitimes de la Turquie.

Dans ce contexte, dont vous conviendrez qu’il est très complexe, nous restons naturellement attachés à ce qu’une solution politique puisse être apportée globalement à la crise syrienne et nous poursuivrons les échanges avec nos partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

M. Rémi Féraud. J’entends l’intention, mais je crois qu’il faudra, à un moment, passer de l’intention aux actes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Emmanuel Macron a décidé d’organiser le grand débat. Concertation, discussion, négociation, ouverture, écoute sont les mots que le chef de l’État martèle, à juste titre, dans ses échanges avec les maires et les Français depuis quelques semaines. Il les place haut ! Il en fait l’alpha et l’oméga de sa nouvelle méthode de gouvernance, et il a sans doute raison. Qu’importe que sa conversion au dialogue soit tardive. Elle seule permettra de sortir de la crise, car on ne peut pas réformer la société par voie d’autorité.

Cette nouvelle méthode aurait-elle échappé à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre ? Une réforme de la justice contre l’ensemble des professionnels du droit – magistrats, avocats, greffiers –, sans écouter les propositions du Sénat, qui vous a pourtant tendu la main en organisant une table ronde sur le sujet ; un projet de loi Santé contre les professionnels du secteur, qui dénoncent tous un texte élaboré sans concertation et dont l’essentiel des propositions sera formalisé par ordonnances ; annonce d’une réduction des dessertes de TGV – je ne crois pas avoir entendu les Français formuler une telle demande, pas même dans les grands débats – ; une carte pénitentiaire imposée aux élus locaux, sans dialogue ni concertation ; des ordonnances pour réformer la politique des déchets… Dois-je rappeler, ici, le travail colossal des parlementaires sur ce sujet, comme sur d’autres sujets que je viens d’évoquer ? Pourquoi les mettre à distance ?

Monsieur le Premier ministre, comme vous pouvez le constater, les exemples ne manquent pas. Ils sont nombreux. Je suis pourtant convaincu que la voie de l’apaisement est celle que vous recherchez. Alors, qu’attendez-vous pour mettre en œuvre dans votre politique la seule méthode qui vaille, celle de la concertation ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur Perrin, et du ton que vous avez employé. Au moment où se tient le grand débat, nous avons besoin, les uns et les autres, de pouvoir débattre sereinement. C’est ce que vous faites.

Vous interpellez le Gouvernement sur la tenue de ce grand débat, dont – nous partageons évidemment ce sentiment – vous soulignez l’utilité, mais aussi sur sa traduction législative et la manière dont nous pourrions travailler avec le Parlement.

Vous citez un certain nombre de textes sur lesquels il peut y avoir des désaccords. Dois-je vous rappeler, aussi, que nous avons trouvé des accords, y compris avec le Sénat, sur d’autres ? Je pense, par exemple, à la loi Ferroviaire.

Nous devons assumer – c’est le jeu démocratique – le fait que nous pouvons acter des désaccords sur certains textes, parfois en ayant trouvé des voies de convergence partielle, et que, sur d’autres, nous pouvons aboutir à des accords, avec le Sénat et l’Assemblée nationale, au travers des navettes ou des commissions mixtes paritaires.

Le grand débat est en cours. Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé un certain nombre d’étapes qui, nécessairement, auront leur traduction législative. La discussion aura alors lieu au Parlement. Nous comptons bien que celui-ci puisse se saisir de ces questions, car, comme vous l’avez dit, si le débat avec les Français est nécessaire, la démocratie représentative doit aussi être renforcée dans son rôle d’interface entre les citoyens et le Gouvernement.

Nous entendons donc travailler avec le Parlement – Sénat et Assemblée nationale – pour trouver des voies de convergence. Mais, je vous l’avoue, il se trouvera aussi des configurations dans lesquelles ce ne sera pas possible. C’est aussi sain en démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Pour dialoguer, il faut être deux ! Si le décalage entre les annonces qui sont en train d’être faites par le Président de la République et les actes se confirme, le remède pourrait être pire que le mal ! Sans doute la déception sera-t-elle, alors, à la hauteur des espoirs suscités par ces annonces. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur l’avenir que vous avez le pouvoir de réserver aux 240 salariés de l’entreprise Arjowiggins Security, dont la liquidation judiciaire a été brutalement annoncée à la mi-janvier, avec, à la clé, des familles bouleversées et des vies sans lendemain.

Ce sont 250 millions d’euros d’argent public qui ont été distribués par Bpifrance à des fonds voyous, qui se sont comportés comme des charognards.

L’entreprise Arjowiggins est le cœur battant de tout un territoire en Seine-et-Marne, le nôtre ! Elle dispose d’un savoir-faire exceptionnel pour fabriquer le papier sécurisé français pour nos passeports, cartes d’identité, cartes grises, permis de conduire. Aujourd’hui, la seule en France !

À ce jour, nous en sommes réduits à mendier auprès de la ministre du travail pour obtenir un PSE digne pour les salariés.

Je suis sénatrice de Seine-et-Marne, et je veux faire part à la Haute Assemblée de mon indignation face à votre mutisme.

J’ai écrit au Président de la République pour l’alerter sur l’extrême urgence à intervenir. Pas de réponse !

Je vous ai adressé une copie de ce courrier, ainsi qu’à Bruno Le Maire. Pas de réponse !

Hier, Christian Jacob vous a posé une question. Pas de réaction, ou si peu !

M. le Premier ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Que faut-il faire pour attirer votre attention ?

Il serait inconcevable que la France ne fabrique pas elle-même son papier sécurisé pour ses documents officiels. C’est en France qu’il faut le faire, et pas ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Qui d’autre qu’Arjowiggins pour le faire ? C’est une question, non seulement d’ambition, de stratégie, mais aussi de sécurité nationale.

Qu’attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour mobiliser un financement en vue d’aider ces salariés remarquables, investis et responsables, à créer une société coopérative et participative ? Qu’attendez-vous pour vous déplacer sur le terrain ? Les salariés se désespèrent d’obtenir votre aide concrète, et nous aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la situation de la société Arjowiggins Security de Jouy-sur-Morin, qui a été placée, comme l’ensemble des sociétés du groupe Arjowiggins, en liquidation judiciaire le 30 janvier dernier. Vous l’avez rappelé, Arjowiggins Security, ancienne filiale du groupe papetier Sequana, emploie 265 salariés, dont environ 220 sur le site de production que vous évoquez.

En avril 2018, l’entreprise avait été cédée par Sequana au groupe Blue Motion Technologies, détenu par le fonds germano-suisse Parter Capital Group. Dans ce cadre, le repreneur s’était engagé devant le tribunal à limiter les suppressions d’emplois et à soutenir cette société dans ses efforts de modernisation et de recherche de nouveaux marchés. Il s’était également engagé à subvenir au financement des opérations par le biais de divers instruments bancaires, notamment l’obtention de garanties d’un montant de 7 millions d’euros.

Quelques mois à peine après la reprise, le groupe BMT n’avait proposé aucun plan industriel crédible et a toujours refusé d’octroyer le moindre euro pour remédier à une situation financière très dégradée. Malgré les nombreux efforts de l’État – vous les avez rappelés –, y compris sur le plan financier, et l’attitude constructive des salariés, qu’il faut saluer, car ils se sont montrés systématiquement ouverts pour améliorer la compétitivité du site, la déclaration de liquidation judiciaire confirme l’échec du groupe BMT et l’irresponsabilité des dirigeants du fonds Parter.

Vous avez souligné, madame la sénatrice, combien la production de cette usine était importante, notamment pour la production de papier sécurisé.

M. le Premier ministre a eu l’occasion de répondre, hier, au président Christian Jacob, qui posait une question sur le même sujet – vous l’avez aussi rappelé. M. le Premier ministre a mentionné un engagement total de l’État pour trouver des solutions, mais il a aussi souligné devant l’Assemblée nationale, comme je me permets de le faire devant le Sénat, le caractère extrêmement dégradé de la situation.

Vous connaissez ce site, madame la sénatrice, et sa situation financière. Nous pouvons ensemble dénoncer l’irresponsabilité de tel ou tel acteur économique privé ne tenant pas les engagements qu’il a pris et les risques qu’un tel comportement fait peser sur ce secteur. Il faut regarder cette réalité en face et travailler de concert.

La question posée, hier, par le président Jacob augurait d’une vraie capacité des élus à se rassembler, avec le Gouvernement, pour chercher ensemble toutes les solutions possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Mme Anne Chain-Larché. Assez de faire du vent ! Aujourd’hui, pour votre majorité, la question n’est pas de savoir si l’on doit cocher les cases « parent 1 » et « parent 2 » à la place de « père » et « mère » ; c’est de sauver des emplois, qui assureront une indépendance à la France !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie.

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Arnell.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à rétablir à cinq jours le délai de saisine du juge des libertés et de la détention dans le département de Mayotte. Cette dérogation au droit commun avait effectivement été supprimée par erreur dans la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Les auteurs de la proposition de loi nous proposent de corriger cette erreur matérielle.

Il est utile de préciser l’urgence à adopter ce texte. Sans cela, le délai de droit commun de deux jours s’appliquerait à Mayotte dès le 1er mars prochain. Toutefois, nous ne pouvons adopter cette proposition de loi au seul motif qu’elle vient corriger une erreur sans examiner au préalable la pertinence du dispositif qu’elle entend rétablir.

Pour mémoire, le délai de cinq jours avait été introduit à l’article 31 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques des députés de Mayotte MM. Boinali Said et Ibrahim Aboubacar.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Nos deux collègues parlementaires avaient indiqué, dans l’exposé sommaire, que leur amendement avait pour objet de garantir, dans le contexte migratoire particulier qui y prévaut, la mise en œuvre effective à Mayotte des principes des réformes contentieuses de la loi du 7 mars 2016.

Ayant lu avec attention le rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, il en ressort effectivement et très nettement que la pression migratoire sur son territoire est extrêmement forte – affolante, même. Ainsi, 48 % de la population de Mayotte est de nationalité étrangère, soit 120 000 personnes pour une population d’environ 256 000 habitants en 2017. Les estimations du nombre d’étrangers en situation irrégulière oscillent entre 60 000 et 75 000 personnes, chiffres très probablement sous-estimés.

Nous pouvons aisément imaginer le grand nombre de dossiers que le territoire doit traiter. Les représentants de la préfecture, lors de leur audition, ont ainsi fait part de leurs craintes quant aux conséquences difficilement surmontables d’une réduction du délai à deux jours. Le délai dérogatoire de cinq jours fait donc largement consensus, tant pour le Gouvernement que pour la majorité des groupes parlementaires. Aussi, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi.

Je veux néanmoins rappeler, à toutes fins utiles, que, lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie par la Haute Assemblée en juin 2018, je regrettais que bien des points n’aient pas été soulevés ou, du moins, approfondis. Ainsi, ce texte ne présentait pas ou peu de solutions sur différents points : la lutte contre la traite d’êtres humains ; la difficile question des mineurs, même accompagnés ; la nécessaire réflexion sur le codéveloppement partout où les États vacillent et où il y a de la détresse économique ; l’impérieuse nécessité, enfin, de confier un rôle plus important aux élus locaux dans la procédure des régularisations administratives.

À titre d’illustration sur ce dernier point, j’avais suggéré la création d’un office des migrations à Saint-Martin, pour mieux coordonner délivrance des titres de séjours et délivrance des titres de travail.

Bien que ces points n’entrent pas dans la discussion sur ce texte, je veux néanmoins inviter le Gouvernement – à travers vous, monsieur le secrétaire d’État – à se saisir ultérieurement de ces sujets importants.

Pour l’heure, au vu des délais contraints, le groupe du RDSE suivra les auteurs de la proposition de loi, afin que celle-ci soit adoptée avant le 1er mars 2019, raison pour laquelle nous n’avons pas non plus proposé d’amendements.

Mayotte, au regard de la pression migratoire exceptionnelle qui s’exerce sur son territoire, mérite que lui soit appliquée une législation différenciée. Mais, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela ne réglera pas ce problème, beaucoup plus profond et dont il faudra bien, un jour, se saisir.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les arguments et données présentés par le secrétaire d’État et le rapporteur Thani Mohamed Soilihi ce matin nous semblent emporter la conviction quant à l’opportunité de cette proposition de loi et de sa concentration sur son seul objet. Certains de nos collègues ont effectivement été tentés d’élargir le débat, mais il vaut mieux que nous restions prudents et respections scrupuleusement les principes de la procédure parlementaire. Nous allons donc soutenir cette démarche.

Je voudrais néanmoins formuler deux observations.

Premièrement, nous sommes ici face à un cas d’application de dispositions spécifiques en matière d’accueil et de contrôle des étrangers sur un territoire – en l’occurrence un département – d’outre-mer et nous avons eu l’occasion, voilà peu, d’obtenir du Conseil constitutionnel, saisi sur un texte de loi, une confirmation dans ce domaine. Selon ce dernier, il est parfaitement conforme au principe d’égalité et à l’ensemble des règles de protection des libertés d’appliquer des dispositions spécifiques à un territoire ou à un département ultramarin dont les particularités le justifient, à condition, bien entendu, de rester en ligne avec les principes directeurs de notre droit.

Deuxièmement, M. le secrétaire d’État a été ce matin tout à fait convaincant dans sa présentation des faits. La facilité, dans un tel débat, serait de s’en tenir à du « y a qu’à » – passez-moi l’expression – et de dire : « Compte tenu de l’encombrement, compte tenu du nombre de dossiers, alors rajoutez des moyens ! ». Or, on le voit bien, du fait de la rigidité de nos systèmes d’organisation, du fait des garanties qu’il faut prendre pour renforcer les services avec des personnels qualifiés, dans un certain nombre de situations qui engagent l’application du droit sur des questions qui ne sont pas mineures, on est bien obligé de trouver des dispositifs d’adaptation, sans simplement se réfugier derrière l’augmentation indéfinie des moyens. C’est aussi cela, la gestion publique, cette capacité pragmatique d’adaptation.

Au sein de cette assemblée, je crois que nous pouvons le comprendre et l’approuver. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera évidemment cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

À ce stade du débat, dans lequel chacun a pu s’exprimer, j’aimerais revenir sur ce qui a été dit. J’ai entendu des propos inexacts, désobligeants, voire outranciers.

Dans le registre de l’inexactitude, chère collègue Esther Benbassa, vous avez parlé de la suppression du droit du sol à Mayotte. Le droit du sol n’est pas supprimé à Mayotte ! Que vous continuiez à ne pas être d’accord avec les dispositions qui ont été votées et qu’Alain Richard vient de rappeler, nonobstant les décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, c’est votre droit le plus absolu, mais je ne peux pas vous laisser dire que le droit du sol a été supprimé à Mayotte !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cher collègue Jean-Yves Leconte, vous avez parlé de proposition de loi hypocrite. Alors, permettez-moi tout simplement de vous lire ceci : « Cet amendement ne revient en aucun cas sur les avancées récentes. Il organise les audiences, prenant en compte la situation très particulière de Mayotte, en conservant une égalité sur la durée totale de rétention, qui reste de quarante-cinq jours au maximum. L’article revient au droit existant avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 mars. C’est justifié par les contraintes pratiques que subit le juge des libertés et de la détention et par le nombre très élevé de contentieux. » Ces propos sont ceux d’Ericka Bareigts, alors ministre des outre-mer, qui défendait cet amendement déposé, je le rappelle, par des députés socialistes. De quel côté est l’hypocrisie ?

Enfin, et c’est toujours à vous que je m’adresse, cher collègue, vous me dites que l’on me maudira pour cette proposition. Vous rendez-vous parfois compte des propos que vous tenez ? En ce jour de la Saint-Valentin, on pourrait continuer à parler et à débattre librement de ces textes sans s’envoyer de tels mots. C’est ce à quoi je vous invite.

Sourires et applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

On fait de la politique ! On n’est pas des amoureux !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 8 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 21, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III bis de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi rédigé :

« III bis. – L’étranger mineur ne peut être placé en rétention en application des I et II du présent article. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Cet amendement a pour objet d’interdire en toute hypothèse le placement en rétention d’un mineur, qu’il s’agisse d’un mineur accompagné ou d’un mineur isolé, l’intérêt supérieur de l’enfant ne devant souffrir aucune exception. Cette interdiction est d’autant plus urgente que, à Mayotte, ce sont près de 4 000 mineurs qui sont retenus chaque année en centre de rétention administrative.

En vertu de cette proposition de loi, ces enfants pourraient désormais être retenus sans pouvoir saisir le juge des libertés et de la détention avant le sixième jour et, ce faisant, faire l’objet d’un éloignement sans que le juge ait été saisi et ait pu statuer sur la légalité et la régularité de leur rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cet amendement vise à interdire, en toute hypothèse, le placement en rétention des mineurs. Ce sujet est beaucoup trop sérieux pour que nous l’abordions ainsi au détour d’une proposition de loi technique sur Mayotte.

En tout état de cause, un amendement identique a déjà été rejeté par la commission des lois, puis par le Sénat, lors de l’examen de la loi Immigration, asile, intégration. La position du rapporteur à l’époque, notre collègue François-Noël Buffet, avait été de limiter, mais non pas d’interdire, la rétention des mineurs. Par cohérence, je vous propose de réserver le même sort à cet amendement et de le rejeter. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

L’avis du Gouvernement est défavorable.

Outre le fait que cet amendement est dépourvu de tout lien avec le texte, je rappelle que le placement en rétention des mineurs ne contrevient absolument pas à nos obligations internationales et européennes : il est très encadré, très limité et n’intervient que dans des conditions très précises. Je rappelle également qu’il faut que la famille du mineur étranger – puisque les mineurs sont toujours placés en rétention avec leur famille – ait fait obstacle à son éloignement une première fois. En outre, la durée du placement en rétention est la plus brève possible : la durée moyenne de placement des mineurs – et donc des familles – est d’un peu plus d’un jour à peine.

Il me semble donc que les conditions actuelles de placement sont suffisamment encadrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je suis contre la détention des enfants. Je soutiens donc l’amendement de mon collègue Jean-Yves Leconte.

En réponse à M. le rapporteur, je veux dire qu’il y a eu une dérogation au droit du sol à Mayotte. Ne jouons pas avec les mots !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous ne nous faisons pas d’illusion sur le sort de cet amendement. Simplement, je souhaite que vous ayez raison, monsieur le secrétaire d’État, dans la description que vous faites de la manière dont se déroulent la rétention et l’éloignement des enfants à Mayotte.

Je me souviens que, lors des auditions auxquelles nous avions procédé pour préparer l’examen de la loi Collomb, les représentants de la préfecture de Mayotte nous avaient dit eux-mêmes qu’ils allaient un peu au-delà de ce qui était prévu par les textes. Pour peu qu’il lui ressemble, il arrive ainsi qu’on décide que telle personne est le parent de tel mineur, faisant de celui-ci un mineur accompagné, contrairement à la réalité.

À cet instant, dans cet hémicycle, c’est le moment de vous dire que nous ne pouvons pas jouer avec cela, qu’il est absolument indispensable que, à Mayotte, un mineur non accompagné reste un mineur non accompagné, qu’il soit traité comme tel et qu’on ne lui assigne pas un parent un peu plus âgé pour peu qu’il lui ressemble.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Je ne sais pas ce qui s’est dit lors de ces auditions, mais je peux vous confirmer que les règles sont strictement appliquées, que nous y veillons, que les fonctionnaires de la préfecture y veillent, à Mayotte comme sur le reste du territoire national.

La rétention est une chose suffisamment sérieuse pour que nous appliquions le droit, tout le droit et rien que le droit.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

(Non modifié)

Les 18° et 19° de l’article L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont ainsi rétablis :

« 18° À la deuxième phrase du premier alinéa du III de l’article L. 512-1, au I de l’article L. 551-1, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 552-1, à l’article L. 552-3, au premier alinéa de l’article L. 552-7 et à la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 555-1, les mots : “quarante-huit heures” sont remplacés par les mots : “cinq jours” ;

« 19° Au premier alinéa et à la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 552-7, le mot : “vingt-huit” est remplacé par le mot : “vingt-cinq”. »

Debut de section - PermalienPhoto de Abdallah Hassani

L’objet de cette proposition de loi est de réparer un défaut de coordination dans la rédaction d’un texte à l’Assemblée nationale. Je ne reviendrai pas sur la nécessité de rétablir à Mayotte un délai de rétention administrative de cinq jours pour les étrangers en situation irrégulière, le rapporteur Thani Mohamed Soilihi et bien d’autres collègues l’ont parfaitement explicité. Je voudrais simplement ajouter que cette correction ne saurait devenir le prétexte à une surenchère démagogique, d’un bord ou d’un autre.

La situation à Mayotte, vous l’avez compris, chers collègues, est très difficile. L’île est petite – 374 kilomètres carrés seulement – et très peuplée : 900 habitants par kilomètre carré. En outre, 48 % de la population est étrangère, dont la moitié en situation irrégulière. La très grande majorité vient de l’État voisin, qui revendique ouvertement la souveraineté sur Mayotte.

Les Mahorais ont sans cesse à cœur la volonté d’être reconnus comme Français à part entière – cela remonte à loin – et la crainte de ne pouvoir vivre décemment et éduquer leurs enfants correctement, compte tenu de l’insuffisance énorme des infrastructures, de la pauvreté et de l’insécurité qui règne. Aussi, toute disposition relative aux étrangers doit être étudiée avec la plus extrême attention, dans le respect de la population mahoraise, qui vit au quotidien des difficultés dont on ne mesure pas l’ampleur dans l’Hexagone, sauf peut-être quand les troubles sociaux paralysent l’île plusieurs mois.

Pour autant, ce n’est pas que les Mahorais ne sont pas respectueux des droits de tout être humain : leurs traditions d’accueil tout au long de leur histoire peuvent en témoigner. Mais comment faire face aux milliers d’arrivées chaque année, alors que 84 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, que les enfants vont par rotation à l’école et que les bidonvilles s’étalent sur des collines inconstructibles ?

Abordons donc les amendements qui nous sont proposés – et dont plusieurs ont été déclarés irrecevables – avec la plus grande prudence. D’ailleurs, une mesure qui semble séduisante peut engendrer de redoutables effets pervers. Pas de précipitation donc, même si cette proposition de loi de simple coordination légistique n’est sans doute pas le véhicule le plus approprié pour tenter de répondre à l’ensemble des inquiétudes et des attentes des Mahorais.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 22, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le rapporteur, il n’existe pas en France de droit du sol : il existe un double droit du sol ou un droit du sol accompagné de conditions de séjour sur le territoire français, la nationalité pouvant être demandée à partir de treize ans. Il est important de le préciser, parce que, à force de parler d’exception au droit du sol, on pourrait penser qu’il existe un droit du sol en France et que notre droit de la nationalité est le même que celui qui est en vigueur aux États-Unis. Or ce n’est pas le cas ! Il n’y a pas d’exception au droit du sol pour la simple raison qu’il n’existe pas de droit du sol, et ces conditions seront encore différentes à Mayotte !

Même si nous avons déposé cet amendement, nous ne nions pas, bien entendu, que le département de Mayotte fait face à une situation dramatique, avec une pression migratoire qu’aucun autre département français ne connaît. Les élus des outre-mer et de métropole ont été nombreux à lancer des appels à ce sujet. Pourtant, nous n’avons jamais trouvé les solutions permettant de traiter ces enjeux particuliers à Mayotte. Ce diagnostic, je crois que tout le monde le partage ici.

Une action diplomatique auprès des Comores, la lutte contre l’immigration irrégulière et contre les passeurs, une politique économique et sociale globale, qui incorpore aussi la situation comorienne : voilà la solution durable à cette situation ! En revanche, il est absolument impossible d’imaginer que c’est un recul des droits et des libertés fondamentales qui serait une réponse adaptée : on ne peut prétendre cela ni dans l’Hexagone ni à Mayotte.

Il faut, de manière répétée, faire le constat lucide que les politiques qui consistent à renier les droits et les libertés fondamentales sont inefficaces. Je n’exprime pas là mon seul point de vue ou le seul point de vue de certains ici : des Mahorais – des avocats, des associations – constatent sur le terrain que la pente dangereuse sur laquelle le territoire de Mayotte s’engage avec la France n’est pas une solution.

Depuis des années, on multiplie les législations dérogatoires, et vous en avez rappelé certaines, monsieur le rapporteur. Je vous rappelle aussi que, alors que nous appartenions à la même majorité, vous avez voté avec nous la loi Cazeneuve, qui a établi le principe d’une situation égale pour tous.

Ce n’est pas en allongeant les délais de saisine du juge des libertés et de la détention que nous résoudrons le problème, bien au contraire. Parce qu’en « expédiant » rapidement l’étranger en situation régulière avant cinq jours – c’est ce qui va se passer –, on va accélérer le carrousel des expulsions et retours, enrichissant encore plus les passeurs, ce qui fera peser encore plus de risques et de menaces sur la vie des gens. C’est la raison pour laquelle, considérant que cette proposition de loi n’est pas bonne, nous proposons la suppression de cette disposition majeure qui n’apporte rien à personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cher collègue, je vous ai rappelé, avec d’autres intervenants, les chiffres qui témoignent de la pression migratoire exceptionnelle qui pèse sur l’île et les graves conséquences économiques et sociales de celle-ci.

Le délai dérogatoire pour l’intervention du juge des libertés et de la détention à Mayotte se fonde sur l’article 73 de la Constitution. Il est justement destiné à tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières.

Je vous rappelle encore une fois, cher collègue, que cette disposition dont vous demandez la suppression a été introduite en 2017 sous un gouvernement socialiste par des collègues députés mahorais socialistes – et donc de la même sensibilité que la vôtre –, disposition soutenue par le rapporteur Victorin Lurel et adoptée avec un avis favorable de la ministre d’alors, Ericka Bareigts.

La pression migratoire exceptionnelle n’a pas évolué ces deux dernières années à Mayotte. Aussi, je comprends assez mal ceux qui veulent aujourd’hui remettre en cause une adaptation utile, alors que leurs propres collègues en sont à l’origine.

J’ai peut-être changé de bord, mais je suis constant dans mes positions : je demande le maintien de cette disposition.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Je ne reviens pas sur ce que vient de dire le rapporteur au sujet du rétablissement du délai de cinq jours. Je rappelle simplement que le délai pour saisir le juge d’une OQTF est de quarante-huit heures, délai suspensif qui continue à s’appliquer à l’intérieur de ce délai de cinq jours dont nous souhaitons le rétablissement. Je rappelle également que les individus qui sont placés en rétention bénéficient d’un accompagnement d’une association que nous finançons en grande partie, Solidarité Mayotte, laquelle, je crois, fait très bien son travail.

L’avis est donc défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Loïc Hervé. M. Masson n’est pas là, c’est dommage !

Sourires sur les travées du groupe Union Centriste.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un titre ainsi rédigé :

« Titre …

« Dispositions applicables à Mayotte

« Art. L. … – Par dérogation au présent livre, à Mayotte, les mesures d’éloignement peuvent être prises uniquement sur la base de troubles à l’ordre public, sans application des notions de : “menace pour l’ordre public”, “menace grave pour l’ordre public”, “menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société”, “nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique” ou de “comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes”. »

La parole est à M. Roger Karoutchi.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce n’est pas la peine de faire des commentaires désagréables sur ceux qui ne sont pas là ; cela peut arriver à tout le monde, y compris à vous !

Cet amendement est un rescapé. J’en avais déposé cinq, issus d’ailleurs des réflexions de notre ami Mansour Kamardine, mais quatre d’entre eux ont été déclarés irrecevables. Je me vois donc complètement désarmé par l’article 45… J’en parlerai avec le président Bas et avec le président Larcher. J’accepte tout à fait l’article 45, mais, l’Assemblée nationale et le Sénat n’en ayant pas la même interprétation, il est assez embêtant qu’on ne puisse aborder dans cet hémicycle des sujets qui sont parfois débattus par les députés. Une harmonisation serait peut-être souhaitable, même si, naturellement, chaque assemblée est libre.

L’objet de cet amendement est extrêmement simple : il tend à ce que des mesures d’éloignement puissent être prises uniquement sur la base de troubles à l’ordre public, sans application des notions de menace pour l’ordre public ou menace sur la sécurité publique, difficiles à caractériser. De fait, ces deux dernières notions donnent l’impression qu’il faut avoir fait des choses absolument abominables pour que des mesures d’éloignement soient prises. Ce n’est pas le cas avec la notion de troubles à l’ordre public, évidemment beaucoup plus facile à caractériser.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cet amendement vise à modifier la notion d’ordre public applicable à Mayotte pour suspendre les garanties dont bénéficient certains étrangers.

Un tel débat de fond, qui est pertinent, mériterait d’avoir lieu à l’occasion de l’examen d’un texte de loi spécifique, et non au détour de cette proposition de loi technique destinée à corriger une erreur de coordination.

Adopter cet amendement, c’est prendre le risque de manquer la date butoir du 1er mars et de relancer la navette. Je rappelle que, faute d’un vote de ce texte dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, nous risquons de mettre dans de sérieuses difficultés les services de l’État à Mayotte.

Sur le fond, la rédaction du présent amendement pose aussi de nombreux problèmes. Elle semble même aller à l’inverse de la volonté de son auteur. En effet, l’amendement vise des troubles à l’ordre public dans des cas où, actuellement, une simple menace suffit. Tel qu’il est rédigé, je crains qu’il ne complique la tâche de l’administration chargée des éloignements.

Cet amendement traite d’un sujet parfaitement légitime, mais les circonstances m’incitent à vous demander, cher collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est très attentif aux questions d’ordre public en matière de lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte. La menace à l’ordre public doit être suffisamment grave pour fonder la décision de l’autorité administrative.

La sauvegarde de l’ordre public doit être conciliée avec d’autres considérations qui résultent de normes constitutionnelles et conventionnelles, notamment le droit à une vie familiale normale ou la protection contre les traitements inhumains et dégradants. La loi essaie d’avoir un traitement équilibré de cette question, comme nous nous y employons sur le terrain.

Toute modification, comme la simple référence aux troubles à l’ordre public, pourrait méconnaître certains de nos engagements internationaux ou être inconstitutionnelle et donner lieu à une censure du juge administratif, y compris du Conseil d’État. Je rappelle que le contrôle, dans ce contentieux, est un contrôle normal.

De plus, nous disposons déjà d’une politique extrêmement offensive concernant les OQTF, qui sont mises en œuvre pour des troubles à l’ordre public suffisamment graves, y compris de la part d’étrangers qui sont détenteurs d’un titre. Le retrait est également possible, puisque nous le pratiquons tout à fait régulièrement – je tiens aussi à vous rassurer à cet égard.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je déplore moi aussi que nous n’ayons pu déclarer recevables davantage d’amendements.

Monsieur Karoutchi, je sais à quel point vous êtes investi, avec notre collègue Alain Richard, en faveur de la bonne régulation de nos travaux. Comme secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, vous avez naturellement été sensible, et vous l’êtes encore, à la nécessité que la loi garde sa cohésion et ne soit pas déformée par la dispersion des articles qui la rendent parfois obèse en abordant de multiples sujets. Au fond, nous avons intérêt à veiller à ce que les amendements aient un lien suffisant avec le texte en discussion.

Vous avez mentionné une approche différente de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour la loi ÉLAN, après décision du Conseil constitutionnel, vingt articles ont été annulés pour être des cavaliers, dix-huit issus de l’Assemblée nationale et deux du Sénat. Nous sommes donc plus respectueux de la règle. Reste que je suis d’accord avec vous.

Nous avons eu hier après-midi un débat provoqué par des rappels au règlement sur l’interprétation de l’article 45 de la Constitution et sur le recours qui pourrait être possible pour les auteurs d’un amendement ayant été déclaré irrecevable – aujourd’hui, aucun recours n’est prévu. Il serait intéressant de réfléchir aux voies et moyens qui permettraient de faire trancher, par l’autorité compétente, c’est-à-dire le Conseil constitutionnel, des différends susceptibles de surgir sur l’interprétation que nous donnons dans les commissions permanentes, et pas seulement au sein de la commission des lois, de l’article 45 de la Constitution, en croyant juste respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui est plus sévère qu’autrefois.

J’en viens à l’amendement « rescapé » que vous avez présenté. Il pose, selon moi, un problème de fond qu’il faut traiter, et la réponse qu’il y apporte va dans la bonne direction. Vous avez mentionné notre collègue député Mansour Kamardine, avec qui j’ai également été en relation ces derniers jours. Il a raison : une meilleure prise en compte des menaces ou des troubles à l’ordre public est nécessaire pour faciliter l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière.

Cela étant, nous considérons que le texte de votre amendement n’est pas suffisamment abouti ; nous aimerions pouvoir en discuter davantage. En outre, nous avons un impératif prioritaire : la proposition de loi doit être promulguée avant le 1er mars pour éviter que ne soient réduit le délai de rétention et mises en péril un certain nombre de mesures d’éloignement. C’est la raison pour laquelle, après avoir émis un jugement positif sur le fond de cet amendement, je préférerais vraiment que vous le retiriez, pour éviter qu’il ne fasse l’objet d’un vote contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’en reparlerai avec Alain Richard lors de la nouvelle réflexion qui va s’engager sur le règlement du Sénat.

Au demeurant, l’interprétation des articles est bien compliquée. Par exemple, dès que vous demandez 10 centimes, la commission des finances met en avant l’article 40, mais elle laisse passer systématiquement toutes les demandes de rapport au Gouvernement. Or il suffirait que j’invoque le coût du rapport pour le Gouvernement qui va devoir le produire pour que l’amendement visé tombe sous le coup de l’article 40. Dans ces conditions, même des demandes de rapport ne pourraient plus passer. Sur ce sujet, je le redis, une réflexion s’impose.

M. le président de la commission des lois envisage un recours devant le Conseil constitutionnel. Je ne suis pas sûr que cela accélère le travail parlementaire si on le fait pour le moindre amendement. S’il faut suspendre les travaux le temps du recours, le travail parlementaire risque d’être un peu long… Donc, je n’y crois guère.

Sur le fond, j’ai bien entendu l’argumentation du président de la commission, du rapporteur et du secrétaire d’État, selon laquelle le texte doit entrer en vigueur le 1er mars. Par conséquent, je retire mon amendement, même si je suis sûr, monsieur le président Bas, qu’il aurait presque pu obtenir la majorité. Toutefois, je ne veux pas mettre en difficulté le Gouvernement avec un vote non conforme sur la proposition de loi, qui devrait ensuite retourner à l’Assemblée nationale. Ah, monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez pu obtenir la même chose de la part de l’Assemblée nationale sur le texte de loi anticasseurs !

M. Loïc Hervé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 3 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie, monsieur Karoutchi.

Je ne souhaite nullement que l’on interrompe le débat législatif en attendant l’appréciation de la recevabilité d’un amendement par le Conseil constitutionnel. Toutefois, quand la loi est adoptée et que des amendements ont, à tort, été déclarés irrecevables, nos collègues concernés devraient pouvoir en faire l’observation de manière que nous ayons une nouvelle grille de lecture de la recevabilité. C’est simplement une piste parmi d’autres, mais il y a suffisamment de collègues qui se plaignent de l’application de cette règle en matière d’irrecevabilité pour que nous en débattions.

(Non modifié)

L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le k est complété par les mots : «, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières » ;

2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les données quantitatives énumérées au présent article font l’objet d’une présentation distincte pour la France métropolitaine et pour chacune des collectivités d’outre-mer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 16 n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 1er bis.

L ’ article 1 er bis est adopté.

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur le 1er mars 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Les amendements n° 17 et 18 ne sont pas soutenus.

Je mets aux voix l’article 2.

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues qui ont pris part à la discussion de cette proposition de loi, y compris ceux avec lesquels nous n’avons pas été d’accord. Je remercie également M. le secrétaire d’État, ainsi que M. le président de la commission.

La situation de Mayotte, il faut la vivre. Nous avons beaucoup parlé d’éloignement, parce qu’il était question de corriger une erreur concernant la législation en la matière. En revanche, nous avons peu évoqué les étrangers, dont il ne faut pas croire que leur maintien à Mayotte soit quelque chose de positif, tant s’en faut. Nous n’avons pas parlé des bangas, ces taudis, souvent à flanc de colline, sans eau ni électricité, dans lesquels vivent ces étrangers dans des conditions indignes. Il y a un an, lors de la précédente saison des pluies, une mère et ses quatre enfants, à la suite d’un glissement de terrain, ont trouvé la mort. Voilà aussi les conditions qui sont réservées aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte !

J’invite ceux de nos collègues qui s’expriment sur Mayotte depuis l’Hexagone – je les remercie de s’intéresser à ce territoire – à y venir. C’est la démarche qu’ont faite certains députés à la suite de la loi Asile et immigration. Une fois sur place, nous pourrons en rediscuter.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je regrette bien entendu l’issue de cette discussion, qui ne sera pas une surprise.

Monsieur le rapporteur, même si je comprends l’urgence que vous invoquez afin que la loi soit votée avant le 1er mars, je souligne que, en pratiquant l’article 45 de manière un peu rapide, vous prenez vous-même le risque que soixante parlementaires considèrent qu’il faut vérifier la manière dont la procédure d’adoption de cette proposition de loi a été suivie, auquel cas son entrée en vigueur sera retardée.

Sur le fond, puisque vous avez considéré qu’il y avait une erreur dans la loi Collomb et qu’il fallait revenir sur ce point, il aurait peut-être été judicieux de convaincre aussi le Gouvernement que des étrangers en situation régulière ne soient pas cantonnés à Mayotte. Cela pose un vrai problème, vous le savez, puisque nous avons combattu ensemble lors de l’examen de la loi Collomb sur ce sujet. Si on fait une loi spécifique sur Mayotte pour corriger certaines dispositions votées voilà quelques mois, on aurait pu penser aussi à cela. Je regrette qu’il n’en ait pas été ainsi.

Quoi qu’il en soit, si vous déposez une proposition de loi sur ce sujet précis, vous pouvez compter sur le soutien du groupe socialiste, car il n’est pas logique, j’y insiste, que l’Hexagone cantonne des étrangers en situation régulière exclusivement à Mayotte, pour faire pleurer ensuite sur les conditions difficiles qu’ils rencontrent. Il faudrait que l’ensemble de l’Hexagone soit solidaire, ce qui n’est pas le cas.

Nous sommes bien conscients de la difficulté, mais c’est une erreur de penser que c’est en multipliant les différences qu’on améliore la situation. L’égalité républicaine est un principe !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 février 2019 :

À quinze heures : explications de vote des groupes sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission n° 294, 2018-2019) et sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission n° 293, 2018-2019).

De seize heures à seize heures trente : scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission n° 294, 2018-2019).

À seize heures trente :

Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission n° 294, 2018-2019) ;

Vote sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission n° 2093, 2018-2019).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq : débat sur les relations entre l’État et les sociétés autoroutières.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-sept heures cinq.