Intervention de Alain Richard

Réunion du 7 mars 2019 à 15h00
Interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui se déroule sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE est tout à fait légitime. Il coïncide en effet avec une interrogation qui s’est développée au cours des dernières semaines dans notre société, donnant lieu à des échanges publics.

Au fond, ce débat nous amène principalement à prendre conscience et à rationaliser le changement de situation auquel nous avons assisté en matière d’ordre public et d’application du droit de manifester. Plusieurs collègues l’ont dit de façon tout à fait pertinente, ce changement n’a pas commencé avec le mouvement des « gilets jaunes ». Il est plus ancien et trouve son origine dans une série de mouvements de contestation.

Notre-Dame-des-Landes a été un marqueur très important du fait de sa durée et de la militarisation du comportement des occupants. En outre, depuis quatre ou cinq ans, nous avons assisté, lors de mouvements qui contestaient certaines législations sociales, aux dévoiements de manifestations par des groupes qui sont, en réalité, des combattants.

Ces mouvements sont venus très fortement perturber une longue tradition à laquelle nous nous sommes livrés, pour certains d’entre nous, à différents moments. C’était celle de manifestations de rue très encadrées qui faisaient l’objet, j’y insiste, d’une régulation partagée. Car ces manifestations, qu’elles soient pilotées plutôt par des organisations, disons humanitaires ou de défense des droits de la personne, ou qu’elles soient proposées plutôt par des organisations syndicales, avaient ce qu’on appelle couramment un service d’ordre. Ce qui importe surtout, c’est qu’elles suivaient une démarche de négociation et de partenariat préalables avec les forces de l’ordre. À Paris, les organisateurs s’adressaient à la préfecture de police, dont le très grand professionnalisme dans cette gestion partagée des manifestations était reconnu.

Ce à quoi nous devons maintenant nous confronter pour prendre des positions de responsabilités partagées en toute authenticité, c’est à la fréquence de manifestations qui débouchent sur des comportements organisés et agressifs de groupes venant à l’attaque des fonctionnaires et des militaires chargés du maintien de l’ordre.

Parallèlement à cela – je vais aborder ici un volet plus représentatif du dernier mouvement des « gilets jaunes » –, on observe un évitement de la faculté de déclaration de la manifestation et une défaillance quasi volontaire dans l’encadrement de ces manifestations. Il y a eu une perte de la conscience de la responsabilité qu’on prend en organisant une manifestation à laquelle participent des milliers ou des dizaines de milliers de personnes. En se retrouvant dans la rue sans être accompagnées de la moindre directive ou du moindre pilotage, le risque de les voir adopter des comportements problématiques est réel.

Le résultat, c’est cette contagion avec des manifestations qui débouchent sur des situations d’affrontements graves mettant très fortement en péril la sécurité des forces de l’ordre. De ce point de vue-là, j’ai l’impression de n’avoir pas entendu tout à fait les mêmes représentants des forces de l’ordre que les auteurs de la proposition de loi. En effet, nous avons été quelques-uns à dialoguer, autour de Mme la rapporteure, avec un éventail très large de syndicats de forces de police – évidemment, du côté de la gendarmerie, la forme de représentation était différente. Je le dis en toute honnêteté, aucune des organisations syndicales parmi celles qui devaient regrouper au total au moins les neuf dixièmes des fonctionnaires appelés à se prononcer sur le sujet n’envisageait sérieusement cette suppression des lanceurs de balles de défense.

Je suis obligé, au nom de mon groupe, de converger avec ce qu’ont dit plusieurs représentants de groupes et ce qu’exprime le rapport tout à fait argumenté de Mme Eustache-Brinio : la suppression de l’usage du lanceur de balles de défense, qui est le principal objet de la proposition de loi, signifierait la multiplication de situations de corps à corps et de mêlées violentes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion