Je veux soumettre un autre sujet à la réflexion des auteurs de la proposition de loi : la légitimité des motifs de mobilisation n’a pas de rapport avec le choix des formes de manifestation.
Nous avons connu des manifestations à visée sociale ou ayant pour objet de défendre les droits de la personne extrêmement variées au cours des trente ou quarante dernières années. Il s’agissait de mobilisations intenses, au sein desquelles les manifestants exprimaient de fortes convictions, mais qui étaient totalement régulées. Ce n’est donc pas parce que, aujourd’hui, on observe au travers de certains comportements un dévoiement du droit de manifester que cela rend les motifs de manifester plus légitimes.
La seule réponse à cette difficulté est de maintenir un usage encadré et strictement proportionné de ces armes, conditionné à la nécessité impérieuse de renforcer les contrôles hiérarchiques, comme M. le secrétaire d’État l’a expliqué, et de conduire avec exigence les enquêtes après le signalement d’accidents.
Lorsque plusieurs dizaines d’incidents requièrent une investigation approfondie, j’ai bien peur que, compte tenu de la charge de travail que cela représente, si on veut que les conclusions de ces enquêtes soient sérieuses et incontestables, nous ayons à attendre encore plusieurs mois. Je me souviens l’avoir évoqué en commission : quand on parle d’une enquête de l’IGPN, on parle de semaines d’investigation ; quand on parle d’enquête judiciaire, il s’agit même de mois de travail.
Mme Assassi a très légitimement soulevé une autre difficulté, celle des effets induits par la sursollicitation des forces de l’ordre. Notre pays n’a pas calibré les effectifs de ses forces chargées du maintien de l’ordre public en fonction d’éventuelles situations insurrectionnelles. Le nombre d’escadrons de gendarmerie mobile et de compagnies républicaines de sécurité a été fixé, avec un minimum de réflexion et de responsabilité de la part des gouvernements successifs, en fonction de manifestations dont le déroulement est prévisible.
Aujourd’hui, du fait de l’accumulation de ces mouvements, il est vrai qu’une partie des opérations de maintien de l’ordre est assurée par des policiers dont ce n’est pas la mission première. Cela étant, ce problème nous concerne tous politiquement. Que faire ? Comment nous organiser ? Je me plais à constater qu’un grand nombre de représentants des différentes familles politiques du pays veulent participer et faire réussir le grand débat national, de manière à sortir de cette situation de confrontation de rue.
Au regard de ces enjeux et de ces préoccupations sérieuses et profondes, le dispositif de la présente proposition de loi ne me semble vraiment pas adapté. C’est ce qui nous conduit à partager entièrement les conclusions de notre rapporteure et, donc, à rejeter ce texte.