Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France vit une période intense – c’est peu de le dire – en matière d’ordre public. Nos gendarmes et nos policiers sont particulièrement mobilisés à ce titre : interventions dans les ZAD pour rétablir l’ordre, mouvements socioprofessionnels et, enfin, crise des « gilets jaunes » exceptionnelle par son ampleur, comme par sa durée.
Le recours accru à la violence par une frange radicale d’opposants apparaît de plus en plus systématique. La présence de groupes d’individus, venus à la seule fin d’en découdre avec les forces de sécurité intérieure, est un phénomène de plus en plus récurrent. Provenant pour la plupart de mouvements ultras, ces individus intègrent les manifestations, afin d’y provoquer des incidents avec les forces de sécurité intérieure. Équipés de casques, de masques respiratoires et de protection, souvent armés et parfaitement organisés, ces individus cherchent l’affrontement.
Ainsi, 1 430 policiers et gendarmes ont été blessés depuis le 17 novembre. Et combien de commerces pillés, combien de voitures et de biens privés saccagés ? Mêlés à la foule des manifestants, ces voyous créent un climat délétère et cherchent à entraîner dans les affrontements d’autres catégories de personnes.
Nos forces de sécurité sont donc aujourd’hui confrontées à un défi paradoxal : assurer le bon déroulement de manifestations, afin de protéger les participants et les tiers, d’une part, et répondre de manière proportionnée et ciblée au déchaînement de violence, d’autre part.
Notre dispositif actuel de maintien de l’ordre est efficace pour répondre à ces enjeux parfois contradictoires. Il pourrait se résumer en quatre points clés : primat de l’autorité civile, seule habilitée à décider de l’emploi de la force ; gradation dans l’emploi de la force avec une palette de moyens permettant de répondre à tous les scénarios, du service d’ordre paisible jusqu’au rétablissement de l’ordre insurrectionnel ; maintien à distance des opposants, afin d’éviter les affrontements au corps à corps, dangereux pour les forces de sécurité, comme pour les opposants ; déploiement d’unités spécialement formées et entraînées au maintien de l’ordre.
La proposition de loi que nous examinons a pour principal objet d’interdire l’usage des lanceurs de balles de défense. Il s’agit d’une idée démagogique et dangereuse.
Le LBD 40 est un outil utile pour maintenir à distance des adversaires dangereux et agressifs qui, parce qu’ils portent des masques, sont particulièrement immunisés contre les gaz lacrymogènes et qui veulent s’approcher, soit pour lancer des projectiles sur les forces de l’ordre, soit pour les agresser avec des armes blanches. Le LBD 40 n’est pas prévu pour disperser un attroupement. Il n’est utilisé que pour se défendre face à des individus violents qui agressent les militaires ou cherchent à s’emparer d’un point ou d’un monument que ceux-ci ont à défendre. Son emploi est strictement encadré.
Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », le LBD a été utilisé à 1 185 reprises par la gendarmerie. À ce jour, aucun usage abusif avéré n’a été établi par l’IGGN, qui n’a reçu qu’un signalement relatif à l’usage d’un LBD sur un total de trente-six signalements reçus depuis le début de la crise. À ce jour, le LBD est un outil indispensable à la réussite de manœuvres d’ordre public sensibles, qui est éprouvé depuis plus de dix ans. En priver les forces de sécurité conduirait à les désarmer partiellement face à des individus violents, face auxquels le contact physique rapproché deviendrait l’unique solution.
Par ailleurs, les forces de sécurité intérieure ne pourraient plus dissuader les individus porteurs de projectiles particulièrement dangereux de les approcher. Personne ne souhaite que nous en arrivions là.
Les conclusions récentes du Conseil d’État, saisi au sujet de l’emploi du LBD dans le cadre du maintien de l’ordre, vont d’ailleurs dans ce sens. J’ajoute que chaque blessure fait évidemment l’objet d’une enquête interne, assortie d’une sanction lorsqu’une faute est commise.
Le vrai débat, mes chers collègues, ne porte pas sur la possibilité d’utiliser des lanceurs de balles de défense, mais sur les conditions d’emploi de ces LBD par les policiers ou les gendarmes dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre.
À ce sujet, je note que l’on envoie trop souvent, pour sécuriser des manifestations où figurent des individus potentiellement violents, des agents insuffisamment formés, par contraste avec les gendarmes mobiles ou les CRS. Cela tient essentiellement à une cause : à force de vouloir jouer la sécurité sociale du monde entier, l’État n’exerce plus correctement ses missions régaliennes !
Par ailleurs, il faut bien le dire, il existe une curieuse complaisance envers les casseurs d’extrême gauche. Comment peut-on expliquer, sans cela, que des individus notoirement violents et parfaitement identifiés puissent, sans la moindre difficulté, se joindre aux cortèges pour casser et piller ?
Mes chers collègues, je vous le demande pour nos policiers et nos gendarmes, ne les privons pas d’un tel moyen intermédiaire, entre gaz lacrymogène et armes létales ! Si nous le supprimons, nous irons vers des affrontements au corps à corps, avec des blessures plus graves et plus nombreuses.
De même qu’il est absurde de suspendre les libertés de tous les citoyens, au motif que certains d’entre eux sont violents, il est absurde d’empêcher les forces de l’ordre de se défendre parce que les LBD sont parfois, très rarement, utilisés à mauvais escient.