Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, fort de plus de 80 000 articles législatifs et de plus de 240 000 articles réglementaires, notre corpus législatif frise la léthargie, voire la pachydermie ! À elle seule, l’année 2018 a donné le jour à quarante-cinq lois, 1 200 décrets et 8 300 arrêtés : ainsi, pour cette seule année, le Journal officiel ne comptait pas moins de 75 000 pages…
La mise en garde de Montesquieu – « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – n’a donc jamais été aussi opportune. Cette accumulation de textes, cet empilement législatif, ce « trop-plein », comme il est d’usage de le qualifier, nuit incontestablement à l’objectif premier de la loi : la clarté, l’intelligibilité et l’accessibilité. Nous aurions tout à gagner à nous affranchir de cette exception française, malheureuse et malvenue, que Montaigne pointait déjà dans ses Essais.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui abroge intégralement ou partiellement quarante-neuf lois adoptées entre 1819 et 1940 et désormais obsolètes.
En tant que représentant de la chambre des territoires, je ne puis que saluer les objectifs poursuivis par cette proposition de loi, eu égard à ses conséquences réelles et concrètes pour les collectivités territoriales. Celles-ci sont en effet les premières victimes d’un droit trop complexe et parfois abscons.
La complexité législative et normative actuelle freine assurément les collectivités et restreint par conséquent la performance de l’action publique territoriale. En témoignent les quelque 400 000 normes, avec lesquelles nos collectivités se débattent et sont contraintes de composer. Aussi nécessaires soient-elles, les normes ont en effet une incidence qu’on ne mesure pas toujours en termes de coût pour les collectivités. C’est notamment le cas pour les installations sportives ou en ce qui concerne l’accessibilité pour les personnes handicapées.
Notre ancien collègue Éric Doligé regrettait ainsi, à juste titre, « l’excès de zèle d’un État prescripteur, ignorant la réalité quotidienne du terrain et marquant la fracture entre l’échelon central et les territoires ».
Face à l’inflation législative ambiante, il incombe aujourd’hui à chacun dans cet hémicycle de se remémorer son expérience d’élu local. Aussi, plus qu’un autre texte peut-être, cette proposition de loi doit nous amener à partir des territoires et de cette réalité incontournable.
Ce texte constitue la première pierre du « bureau d’annulation des lois anciennes et inutiles », dit « Balai », chargé de faire la chasse aux « fossiles législatifs » et d’identifier les textes qui ont fait leur temps. Je rappelle que l’un des objectifs de cette salutaire initiative était de permettre à la Haute Assemblée de contribuer à un exercice essentiel : l’archéologie législative et l’abrogation des « fossiles législatifs » devenus caducs.
L’abrogation de ces lois caduques est d’autant plus nécessaire que le Conseil d’État a, depuis longtemps, confirmé que « lorsque la raison d’être d’une loi disparaît, la loi ne s’applique plus ».
En outre, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement d’autres travaux menés par le Sénat.
Je pense notamment à ceux de la délégation aux collectivités territoriales, chargée, entre autres, d’évaluer l’impact pour les collectivités des textes récents en matière de simplification des normes. Je rappelle que cette délégation a conclu une charte de partenariat avec le Conseil national d’évaluation des normes, afin de mieux identifier les attentes des collectivités territoriales en matière de simplification du droit.
Avec mes collègues de la délégation, nous nous sommes par ailleurs attachés à formuler des propositions concrètes pour simplifier le droit applicable, notamment en matière d’équipement sportif ou d’urbanisme. Monsieur le secrétaire d’État, je forme le souhait que ces propositions se transforment de manière concrète et effective dans les prochains mois !
« La multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu’un État est bien mieux réglé lorsque n’en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées » écrivait Descartes. Soyons cartésiens ! Notre État en sortira allégé et plus efficace.