Au-delà de la remarque pertinente de notre collègue Loïc Hervé quant à la portée du terme « agissements », on attendrait, puisque vous prétendez viser les casseurs, la mention d’une peine, d’une condamnation. Or il n’y a pas, dans le texte, une ligne pour les réprimer. La seule peine prévue concerne les personnes qui ne se soumettraient pas à une interdiction de manifester ; il n’y a rien pour réprimer les actes que vous dénoncez ou pour fonder l’interdiction à une personne de manifester sur une condamnation judiciaire.
Le texte prévoit en revanche, avec les réserves qui viennent d’être exprimées, la possibilité pour le préfet d’interdire une personne de manifester sur la base d’actes qui mériteraient, le cas échéant, d’être traduits en justice. Mais manifester pour exprimer son opinion est tout de même un droit constitutionnel, auquel nous sommes tous attachés !
En 2015, notre pays a été confronté à de très graves attentats terroristes. Le gouvernement d’alors a puisé dans l’arsenal juridique, sur la base de l’état d’urgence, pour renforcer un certain nombre de mesures administratives, afin de prévenir la commission d’actes terroristes. En 2017, le gouvernement d’Emmanuel Macron a considéré qu’il fallait sortir de l’état d’urgence tout en en maintenant les mesures visant à prévenir de tels actes.
Aujourd’hui, nous parlons de prévenir non pas des actes terroristes, mais des manifestations ; c’est très différent ! À cette fin, il est prévu de donner des pouvoirs de police administrative aux préfets. En quatre ans, nous sommes passés de la lutte contre le terrorisme à la limitation de l’exercice d’une liberté constitutionnelle : c’est tout de même un glissement incroyable !
De belles âmes nous expliquent que certaines démocraties sont « illibérales ». Lorsque je considère certaines évolutions que connaît notre pays, je m’interroge… En tout état de cause, madame la rapporteure, chers collègues de la majorité sénatoriale, il n’est pas sérieux d’affirmer que ce texte vise à réprimer les actes des casseurs : ce n’est pas vrai !