Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 12 mars 2019 à 14h30
Maintien de l'ordre public lors des manifestations — Article 2

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Ce n’est pas la première fois que le législateur tente de contraindre les libertés constitutionnelles par la voie administrative. On connaît les interdictions administratives de stade, les IAS, fortement contestées plus de dix ans après leur instauration, y compris sur le plan du droit. On se rappelle aussi que certaines et certains ont voulu étendre une mesure analogue aux fraudeurs dans les transports en commun…

Il me semble essentiel de revenir sur deux points précis : le dévoiement, déjà prévisible, du dispositif et l’atteinte portée aux droits de la défense.

L’Assemblée nationale a supprimé la condition préalable d’une condamnation pénale pour que le préfet puisse prononcer une interdiction de manifester. Les députés du groupe En Marche ont soutenu qu’il s’agissait d’une mesure préventive et transitoire, visant à rendre le dispositif opérationnel et efficace, au vu des délais de jugement. Globalement, l’interdiction administrative de manifester n’était censée servir qu’à « faire tampon » entre la constatation des faits et le jugement, tout comme les IAS. On se retrouve donc dans un régime de primauté de la police administrative sur la police judiciaire : on peut rappeler à cet égard le passif des IAS, qui bien souvent font office de jugement, voire sont maintenues malgré une relaxe judiciaire, au mépris de l’article 66 de la Constitution.

Par ailleurs, cela exige de borner au plus près le dispositif pour permettre l’effectivité du droit au recours. Le rapport du Sénat proclame que notre chambre a prévu un droit au recours, mais il omet de rappeler que le référé-suspension peut être jugé dans un délai allant jusqu’à un mois, le caractère d’urgence de ce dernier étant déterminé par le juge. L’Assemblée nationale a cru résoudre le problème en instaurant une présomption d’urgence, mais nous doutons clairement de son applicabilité. Les journées ne font que vingt-quatre heures : avec toute la meilleure volonté du monde, on ne pourra pas changer cela et instruire dans de bonnes conditions les dossiers.

Reste donc la solution d’une procédure contradictoire préalable à l’intervention de la justice, avec un droit de recours devant le préfet lui-même. Une nouvelle fois, l’exemple des IAS – je vous renvoie au rapport du Sénat de 2007 – montre que cette solution n’est pas satisfaisante.

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