En ce qui concerne le terme « agissements », le critère pour prononcer l’interdiction de prendre part à une ou à plusieurs manifestations ne réside pas dans les agissements commis par un individu. Le fondement essentiel de l’interdiction administrative de manifester prévue par ce texte est « la menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». C’est cette menace d’une particulière gravité pour l’ordre public que constituerait la présence d’une certaine personne à une manifestation qui amène le préfet à prononcer l’interdiction de manifester à son encontre.
Les menaces d’une particulière gravité représentent le degré le plus haut dans la gradation des menaces à l’ordre public, qui comporte également les menaces et les menaces aggravées : il est essentiel, me semble-t-il, de garder cet élément en tête.
Par ailleurs, la menace pour l’ordre public est caractérisée par des agissements antérieurs de l’individu commis à l’occasion de manifestations ayant donné lieu à de graves atteintes aux biens et aux personnes. Là encore, il ne s’agit pas de pénaliser quelqu’un qui aurait simplement participé à une manifestation.
Le préfet, comme l’a souligné Mme la rapporteure, devra caractériser de manière précise et objective la menace d’une particulière gravité, notamment en s’appuyant sur des notes de renseignement, pour interdire à une personne de participer à une manifestation. Cette menace se caractérise, là encore, par des actes violents, par des comportements violents, voire par la référence à la commission d’une infraction pénale, sans que celle-ci ait forcément déjà donné lieu à poursuites par l’autorité judiciaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas avoir peur des préfets. Dès lors qu’ils devront notifier l’interdiction dans les trois jours précédant la manifestation, leur décision risquera, le cas échéant, d’être annulée par le juge administratif. Les préfets n’aimant guère cela, soyez assurés qu’ils veilleront à ce que leur décision soit bien fondée comme je l’ai indiqué.
Il convient de garder à l’esprit que l’autorité administrative agit dans le cadre de la prévention de troubles à l’ordre public, en aucun cas selon une logique répressive. Elle devra fonder l’interdiction de manifester sur des éléments de fait attestant précisément de la dangerosité particulière du comportement de l’intéressé pour l’ordre public. Il n’est question que de cela !
Il y a tout de même une forme de paradoxe à ne pas trouver choquant qu’un préfet puisse interdire une manifestation, mais à juger scandaleux qu’un préfet puisse interdire de manifestation une personne qui présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public !