Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui, afin de dresser un bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles, à la suite d’une demande tout à fait pertinente du groupe du RDSE.
Le premier constat que nous pouvons partager est qu’il existe non pas une ruralité, mais des ruralités. D’une part, il existe une ruralité périurbaine, avec des zones en expansion. Les élus doivent continuer de promouvoir le foncier là où les activités économiques et culturelles se développent. Il convient également de promouvoir les services publics. C’est un challenge souvent difficile, mais enthousiasmant. D’autre part, il existe une ruralité profonde, plus éloignée. Cette ruralité, c’est celle où les élus se battent chaque jour pour maintenir la vie et la création d’emplois dans leurs territoires.
Cette hyper-ruralité a besoin d’un soutien spécifique, et c’est donc d’elle que je vous parlerai dans le cadre de ce débat. Il y va de l’avenir de notre cohésion territoriale : le principe constitutionnel d’égalité des territoires est en jeu !
À en croire les élus locaux de ces territoires, nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Les dispositifs mis en place n’ont pas tous été à la hauteur de l’enjeu.
Je pense d’abord aux zones de revitalisation rurale. S’il s’agit bien d’un projet initialement ambitieux, le dispositif se révèle aujourd’hui fragile, avec des aides diminuées, et peu efficace sur le plan opérationnel. Malgré les évolutions annoncées par le président François Hollande en 2015 et en 2016 lors des comités interministériels aux ruralités de Vesoul et de Privas, rien n’a changé. Les ZRR n’ont pas répondu aux attentes des territoires ruraux les plus fragiles.
Je pense ensuite aux contrats de ruralité. Ils sont censés coordonner les actions et les moyens pour faciliter le financement des PETR, avec l’accessibilité des populations aux services et aux soins. Ces contrats vont dans le bon sens, mais leur concrétisation n’est pas à la hauteur des attentes.
Concernant les éléments financiers, le bilan est plus positif : la DGF des communes se stabilise en 2018, mais reste deux fois moindre par habitant que pour les villes. La DETR et la DSIL augmentent légèrement.
Le développement des maisons de santé, du plan Santé et des maisons de services au public se poursuit. Voilà des dispositifs qui peuvent contribuer à renforcer l’offre de santé dans ces territoires, de même que la suppression du numerus clausus ou les aides à l’installation des médecins. C’est indispensable pour le maintien de la médecine en zone rurale. Il faudra également, comme en ville, mieux prendre en charge la dépendance à domicile et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad.
Certains dispositifs récemment mis en place apportent des réponses concrètes au sentiment d’abandon de ces territoires. C’est notamment le cas du déploiement accéléré du haut débit et de la résorption des zones blanches pour la téléphonie mobile.
Par exemple, en Corrèze, qui a courageusement été maître d’ouvrage, les gouvernements successifs et la région se sont engagés pour permettre l’accès de tous les foyers à la fibre en 2021, afin que les entreprises continuent de s’y implanter, que les touristes s’y rendent et que les particuliers puissent y mener une vie semblable à celle de leurs concitoyens sur le reste du territoire. C’est la base indispensable.
Toutes les dispositions que je viens d’énumérer ont une utilité et doivent être poursuivies. Mais l’État doit aussi s’engager dans une stratégie ambitieuse et cohérente pour la ruralité, afin d’y maintenir la vie par des créations d’emplois. Il faut consacrer de l’ingénierie aux territoires les plus fragiles, en prévoyant des moyens pour accompagner les communes et les EPCI, mais surtout en ayant une vision et une ambition pour les ruralités profondes.
Cela doit être une grande cause du ministère de la cohésion des territoires pour maintenir la vie dans nos départements les plus fragiles. Cette politique doit être relayée dans les territoires par des « préfets développeurs », aux côtés des élus locaux, des chambres consulaires, des départements, des régions et des fonds européens.
Seule une politique volontariste de création d’emplois pourra encourager l’installation de jeunes actifs en aidant les artisans et les TPE à maintenir et à développer l’activité économique.
Les dispositifs des zones franches, évoqués par Jean-Claude Luche, paraissent à cet égard pertinents. Pour les EPCI d’une densité inférieure à 15 habitants au kilomètre carré, par exemple, il faudrait également prévoir des ZRR nouvelle formule, avec des aides importantes, non diluées dans le cadre des PETR ruraux ou hyper-ruraux.
En effet, les EPCI de ces zones hypo-denses n’ont pas, seuls, les moyens de soutenir les entreprises, d’autant que les nouvelles régions n’aident plus l’immobilier d’entreprise. Cet effort doit désormais être réalisé avec le concours de l’État.
Cela passe aussi par une poursuite des mesures contenues dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, dont les agriculteurs attendent les premiers effets.
Dans un secteur où trois quarts des emplois ont été perdus depuis trente ans, l’application de la loi et le débat européen qui s’ouvre seront suivis avec beaucoup d’intérêt…
Tout comme les communes retenues au programme « Action cœur de ville », les bourgs-centres doivent bénéficier du Fisac. Ils doivent également bénéficier d’accompagnement pour la réhabilitation des logements. La DGF par habitant doit aussi être égale dans les campagnes et dans les villes.
La mobilité constitue également un enjeu essentiel pour la ruralité profonde. Je pense notamment aux actifs qui n’ont d’autre choix que de prendre leur voiture et de parcourir quotidiennement de longues distances pour aller travailler. L’État doit trouver une solution pour compenser ces frais qui ne peuvent pas seulement être pris en charge par l’entreprise. La taxe carbone ne doit pas être augmentée.
Enfin, le potentiel touristique de ces zones rurales pourrait être amélioré par le financement de la réhabilitation de logements touristiques et des hôtels-restaurants.
Au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, nous pensons qu’il faut réinventer les ruralités avec une présence forte de l’État. Il importe d’engager des actions volontaires dans l’hyper-ruralité et d’y soutenir les créations d’emplois.
Nous sommes prêts à accompagner les réflexions du Gouvernement en ce sens pour améliorer enfin réellement l’attractivité de nos territoires ruraux et afin d’y maintenir la vie par une action déterminée et collective. Il est absolument nécessaire de repenser les dispositifs spécifiques de soutien de l’État aux territoires ruraux les plus fragiles. Ils doivent être plus souples, plus simples, mais surtout s’inscrire dans le cadre d’une véritable politique d’aménagement du territoire.