Intervention de Charles Guené

Réunion du 14 mars 2019 à 10h30
Bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositifs de soutien aux territoires appellent sans aucun doute une évaluation et une refondation. La situation actuelle des ZRR et les modifications erratiques dont elles ont fait l’objet en sont une illustration. Je remercie donc le groupe du RDSE de l’opportunité qu’il nous offre aujourd’hui d’avoir un tel débat.

Si la réforme du zonage ZRR votée à partir du rapport d’information Calmette-Vigier partait d’un bon sentiment, consistant à évaluer le système de 1995 au regard de l’aggravation des inégalités territoriales et à l’adapter au phénomène de l’intercommunalité, la réforme adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2015 n’en constitue pas moins une catastrophe pour bon nombre de territoires ruraux en déclin.

Ce texte a provoqué tout d’abord une modification exceptionnelle en faveur des territoires de montagne, dont la vigilance n’est plus à démontrer, puis un report des effets du dispositif à l’été 2020 lors de la discussion de la loi de finances pour 2017.

C’est une réaction normale, nous dirons les habitués de la fiscalité locale, car toute réforme est susceptible de créer des perdants et donc des mécontents. Mais encore faut-il qu’elle mette en œuvre un dispositif plus équitable.

Je souscris, à cet égard, à la nouvelle approche territoriale qui a permis d’instaurer un zonage nouveau au niveau des EPCI, car on ne pouvait plus longtemps raisonner en termes de ressources économiques, à l’échelon communal, surtout en milieu rural. En revanche, les critères retenus sont incohérents.

On a substitué aux critères précédents de la faible démographie et du déclin de la population deux critères cumulatifs qui relèvent, par leur association mathématique, du pâté de cheval et d’alouette !

En effet, on a posé comme base nouvelle la nécessité cumulative d’une démographie inférieure ou égale à la densité nationale médiane, soit 63 habitants au kilomètre carré, et d’un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à la médiane des revenus moyens des EPCI de l’Hexagone.

Lorsque l’on sait que le premier critère varie de 1 à 1 500, et le second de plus ou moins 15 %, on imagine les effets pervers d’une telle combinaison, qui substitue et privilégie la typologie sociale à la notion de déclin !

D’ailleurs, la cartographie résultant de cette opération est tout aussi choquante que lumineuse. §En effet, une grande partie des territoires ruraux de la diagonale aride à très faible démographie sort du zonage, au bénéfice d’une large partie ouest et sud-est de l’Hexagone.

J’ai certes tenté de corriger par voie d’amendement et par deux fois cette anomalie en proposant de maintenir les EPCI de moins de quinze habitants au kilomètre carré – il n’y en a que cinq en France –, dont le revenu médian par habitant « tangente » défavorablement le seuil, voire ceux de moins de vingt habitants, qui ne sont que vingt.

Le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, m’a opposé, par le biais du rapporteur général de l’Assemblée nationale, Joël Giraud, plus écouté, que de telles modifications, certes pertinentes, devraient s’intégrer dans une refondation globale de la politique en faveur des territoires ruraux : c’était en octobre 2018 !

Je ne conteste pas que sept régimes zonés coexistent actuellement – nous pourrions y ajouter les parcs nationaux –, dont la superposition fréquente rend peu lisible le régime précis.

Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de leur prétendue non-visibilité je puis vous dire, pour avoir aidé dans une autre vie à leur mise en œuvre auprès d’un certain nombre d’entreprises, l’intérêt des dispositions relatives aux ZRR !

Même si le coût avoisine 300 millions, en mesures tant sociales que fiscales, elles ne sont pas les chimères décrites par le second rapport Louwagie-Blanc, toujours de l’Assemblée nationale. Surtout, je vous en conjure, ne nous proposez pas, comme le prescrit ce rapport, d’en transférer le montant dans la DETR. Outre le fait que nous ne nous adresserions pas aux mêmes bénéficiaires, le précédent du sort de la réserve parlementaire et de son devenir au fil du temps nous laisse dubitatifs…

Pour conclure, il faut effectivement refonder les aides aux territoires, qui vont d’ailleurs toutes s’achever en 2020. Mais il faut dès maintenant, et en urgence, que nous puissions en définir les stratégies précises pour véritablement revitaliser la ruralité à l’écart des dynamiques et qui se meurt.

Si nouveau zonage il y a, les critères doivent être absolument rediscutés sur des bases qui relèvent non pas d’une mathématique abstraite, mais de la réalité des déficits des territoires.

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