Intervention de Anne Chain-Larché

Commission des affaires économiques — Réunion du 27 mars 2019 à 9h00
Projet de loi portant création de l'office français de la biodiversité modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement — Examen du rapport pour avis

Photo de Anne Chain-LarchéAnne Chain-Larché, rapporteure pour avis :

Le Gouvernement a présenté le 4 juillet 2018 son plan en faveur de la biodiversité.

C'est dans ce cadre que s'inscrivent les dispositions du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

Ce projet de loi a été renvoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cependant, notre commission, qui est compétente en matière de chasse, s'est saisie pour avis des articles 1er, 2, 2 bis A, 2 bis, 3, 10 et en tant que de besoin des articles 4 à 8.

J'ai entendu de nombreux acteurs : les chasseurs, les directeurs de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), les représentants des personnels de ces deux établissements, les représentants des agriculteurs, des forestiers et des pêcheurs, le ministère de l'environnement ou encore les associations de défense de l'environnement. La majorité de ces auditions ont été organisées avec M. Jean-Claude Luche, rapporteur au fond du texte.

Le premier axe du projet de loi vise à créer l'Office français de la biodiversité issu de la fusion de l'AFB et de l'ONCFS.

La loi de 2016 relative à la biodiversité avait déjà entrepris de rationaliser le nombre d'établissements intervenant en matière de biodiversité en créant l'AFB. Néanmoins les chasseurs s'étaient opposés à l'intégration de l'ONCFS au sein de cette agence. Résultat, deux établissements ont été maintenus.

L'AFB, créée en 2017, est issue du regroupement de plusieurs organismes, dont l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). L'agence compte 1 300 agents et dispose d'un budget de 224 millions d'euros. Elle contribue à la préservation et à la restauration de la biodiversité, participe au développement des connaissances en matière de biodiversité, à la gestion équilibrée et durable des eaux, et contribue également à l'exercice des missions de police de l'eau et de l'environnement.

L'ONCFS, créé en 1972, compte 1 500 agents et dispose d'un budget d'environ 117 millions d'euros, dont 74 millions sont issus des redevances cynégétiques. Il est chargé de réaliser des études relatives à la faune sauvage, dont il assure la surveillance, notamment les dangers sanitaires qu'elle peut représenter. Il veille au respect de la réglementation relative à la chasse et organise le permis de chasser. Ses missions ont évolué : je pense aux « brigades loup » ou à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes par exemple.

Les chasseurs ont finalement accepté la fusion de ces deux établissements dans un nouvel établissement : l'Office français de la biodiversité (OFB).

Mes auditions m'ont conduite à une première série d'interrogations sur la place de la chasse dans le nouvel établissement. Pour la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire Mme Emmanuelle Wargon, la dénomination de l'établissement est importante : au-delà du symbole, elle renvoie à son identité et à son ambition. En ne faisant pas apparaître le mot « chasse » dans la dénomination de l'établissement, tout est dit.

Le Gouvernement a construit ce nouvel établissement à l'image de l'AFB. Son conseil d'administration, calqué sur celui de l'agence, compte donc cinq collèges. L'État y est majoritaire avec les personnalités qualifiées. Les chasseurs sont noyés au sein du deuxième collège, qui comprend des représentants des secteurs économiques et des pêcheurs. Les agriculteurs et les forestiers ne sont pas expressément mentionnés.

Les députés ont complété la liste de ses missions en reprenant toutes les missions de l'AFB, mais omettant l'organisation matérielle du permis de chasser.

La seconde série d'interrogations porte sur le financement et les effectifs du nouvel établissement.

L'établissement doit bénéficier des ressources actuelles des opérateurs fusionnés, soit 343 millions d'euros, dont 258 millions d'euros des agences de l'eau, l'État n'apportant aucune subvention. Or il manque 41 millions d'euros : 21 millions en raison de la baisse du prix du permis national de chasser à 200 euros ; 9 millions d'euros en raison du transfert de deux missions - gestion des plans de chasse et des associations communales de chasse agréées (ACCA) - aux fédérations de chasseurs ; 11 millions d'euros pour les actions en matière de biodiversité, l'État s'étant engagé à verser 10 euros quand les chasseurs mettent 5 euros.

Le nouvel établissement devrait comprendre 2 700 agents, dont 1 700 inspecteurs de l'environnement. La fusion des établissements conduira à un rééquilibrage dans les missions de police au bénéfice de la police de l'eau et en défaveur de la police de la chasse. La situation est telle que le nouveau directeur général devra au regard des moyens précédemment indiqués faire des choix et je crains que la chasse ne soit pas la priorité.

Le deuxième axe du projet de loi concerne le renforcement des missions des inspecteurs de l'environnement. Il s'agit de permettre à ces inspecteurs de se déplacer partout sur le territoire et de mener plus facilement des enquêtes judiciaires, sans avoir à demander l'assistance des services de police et de gendarmerie.

Les inspecteurs pourront demander toutes informations utiles et requérir un expert, avoir accès au fichier national d'immatriculation des véhicules et recevoir des commissions rogatoires du juge d'instruction, mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites sur instruction du procureur de la République, constater les infractions à la réglementation relative aux armes.

Les agents qui sont investis de missions de police judiciaire au titre du code de l'environnement et du code forestier pourront mener leurs actions conformément aux procédures définies par le code de l'environnement.

Le dernier axe du projet de loi concerne le renforcement des missions des chasseurs.

La gestion du fichier des permis de chasser sera confiée non plus aux chasseurs, mais à l'Office français de la biodiversité. Néanmoins, les fédérations de chasseurs se voient transférer trois missions : la délivrance de l'autorisation de chasser, actuellement délivrée par l'ONCFS, la gestion des ACCA et des plans de chasse, actuellement sous la responsabilité du préfet.

Le transfert des plans de chasse doit permettre de donner aux chasseurs tous les outils pour maîtriser le développement des espèces et limiter les dégâts de gibiers. Les représentants des agriculteurs et des forestiers sont assez mécontents de ce transfert.

Le timbre national grand gibier et le fonds de péréquation cynégétique sont supprimés et la participation des territoires à l'indemnisation des dégâts est rendue obligatoire.

Les chasseurs sont des acteurs incontournables en matière de protection de la biodiversité. Leur rôle n'est pas reconnu à leur juste valeur. Le Gouvernement a souhaité inscrire dans la loi l'obligation de consacrer à ces actions un financement au moins égal à 5 euros par an et par permis. Mais les fédérations n'ont pas attendu le projet de loi pour conduire des actions en faveur de la biodiversité.

Le Gouvernement a par ailleurs souhaité améliorer la mise en oeuvre du principe de prélèvement raisonnable des espèces, en introduisant le concept de gestion adaptative des espèces. C'est un dispositif intéressant qui doit permettre d'adapter le prélèvement des espèces en fonction de leur état de conservation. Six espèces sont pour l'instant concernées.

Le projet de loi précise la mise en oeuvre du dispositif. Les chasseurs devront transmettre à leur fédération les données de prélèvement sous peine de sanction : interdiction de chasser l'espèce pendant la campagne de chasse en cours et pendant la campagne suivante ; en cas de récidive pendant les cinq campagnes qui suivent le premier manquement, interdiction de chasser l'espèce concernée pendant trois campagnes.

Les fédérations départementales devront transmettre à l'Office français de la biodiversité et à la fédération nationale des chasseurs les données de prélèvements réalisés par les chasseurs. Les chasseurs ont, à mon avis, tout intérêt à jouer le jeu de ce dispositif.

Les ACCA sont également des acteurs de la biodiversité. Elles ont deux objectifs : valoriser les territoires en rassemblant les territoires de petite taille et morcelés pour y faire revenir le gibier et favoriser une chasse populaire. Les députés ont précisé les règles de retrait de terrains d'une ACCA à la suite d'un arrêt du Conseil d'État autorisant un tel retrait lorsque plusieurs propriétaires se regroupent et atteignent le seuil minimal fixé par la loi.

Je partage les objectifs et la philosophie du projet de loi, qui tend à améliorer l'organisation et la coopération des acteurs en matière de biodiversité. Sans remettre en cause les dispositifs proposés, je vous proposerai trois séries d'amendements : des amendements porteront sur l'Office français de la biodiversité afin de donner leur juste place aux chasseurs et aux acteurs économiques concernés par la biodiversité - je pense aux agriculteurs et aux forestiers - ; des amendements renforceront les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement ; enfin, des amendements porteront sur les missions des chasseurs.

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