Nous examinons le rapport pour avis de Mme Anne Chain-Larché sur le projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
Je remercie le rapporteur au fond de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, M. Jean-Claude Luche, de sa présence.
Le Gouvernement a présenté le 4 juillet 2018 son plan en faveur de la biodiversité.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les dispositions du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
Ce projet de loi a été renvoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cependant, notre commission, qui est compétente en matière de chasse, s'est saisie pour avis des articles 1er, 2, 2 bis A, 2 bis, 3, 10 et en tant que de besoin des articles 4 à 8.
J'ai entendu de nombreux acteurs : les chasseurs, les directeurs de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), les représentants des personnels de ces deux établissements, les représentants des agriculteurs, des forestiers et des pêcheurs, le ministère de l'environnement ou encore les associations de défense de l'environnement. La majorité de ces auditions ont été organisées avec M. Jean-Claude Luche, rapporteur au fond du texte.
Le premier axe du projet de loi vise à créer l'Office français de la biodiversité issu de la fusion de l'AFB et de l'ONCFS.
La loi de 2016 relative à la biodiversité avait déjà entrepris de rationaliser le nombre d'établissements intervenant en matière de biodiversité en créant l'AFB. Néanmoins les chasseurs s'étaient opposés à l'intégration de l'ONCFS au sein de cette agence. Résultat, deux établissements ont été maintenus.
L'AFB, créée en 2017, est issue du regroupement de plusieurs organismes, dont l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). L'agence compte 1 300 agents et dispose d'un budget de 224 millions d'euros. Elle contribue à la préservation et à la restauration de la biodiversité, participe au développement des connaissances en matière de biodiversité, à la gestion équilibrée et durable des eaux, et contribue également à l'exercice des missions de police de l'eau et de l'environnement.
L'ONCFS, créé en 1972, compte 1 500 agents et dispose d'un budget d'environ 117 millions d'euros, dont 74 millions sont issus des redevances cynégétiques. Il est chargé de réaliser des études relatives à la faune sauvage, dont il assure la surveillance, notamment les dangers sanitaires qu'elle peut représenter. Il veille au respect de la réglementation relative à la chasse et organise le permis de chasser. Ses missions ont évolué : je pense aux « brigades loup » ou à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes par exemple.
Les chasseurs ont finalement accepté la fusion de ces deux établissements dans un nouvel établissement : l'Office français de la biodiversité (OFB).
Mes auditions m'ont conduite à une première série d'interrogations sur la place de la chasse dans le nouvel établissement. Pour la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire Mme Emmanuelle Wargon, la dénomination de l'établissement est importante : au-delà du symbole, elle renvoie à son identité et à son ambition. En ne faisant pas apparaître le mot « chasse » dans la dénomination de l'établissement, tout est dit.
Le Gouvernement a construit ce nouvel établissement à l'image de l'AFB. Son conseil d'administration, calqué sur celui de l'agence, compte donc cinq collèges. L'État y est majoritaire avec les personnalités qualifiées. Les chasseurs sont noyés au sein du deuxième collège, qui comprend des représentants des secteurs économiques et des pêcheurs. Les agriculteurs et les forestiers ne sont pas expressément mentionnés.
Les députés ont complété la liste de ses missions en reprenant toutes les missions de l'AFB, mais omettant l'organisation matérielle du permis de chasser.
La seconde série d'interrogations porte sur le financement et les effectifs du nouvel établissement.
L'établissement doit bénéficier des ressources actuelles des opérateurs fusionnés, soit 343 millions d'euros, dont 258 millions d'euros des agences de l'eau, l'État n'apportant aucune subvention. Or il manque 41 millions d'euros : 21 millions en raison de la baisse du prix du permis national de chasser à 200 euros ; 9 millions d'euros en raison du transfert de deux missions - gestion des plans de chasse et des associations communales de chasse agréées (ACCA) - aux fédérations de chasseurs ; 11 millions d'euros pour les actions en matière de biodiversité, l'État s'étant engagé à verser 10 euros quand les chasseurs mettent 5 euros.
Le nouvel établissement devrait comprendre 2 700 agents, dont 1 700 inspecteurs de l'environnement. La fusion des établissements conduira à un rééquilibrage dans les missions de police au bénéfice de la police de l'eau et en défaveur de la police de la chasse. La situation est telle que le nouveau directeur général devra au regard des moyens précédemment indiqués faire des choix et je crains que la chasse ne soit pas la priorité.
Le deuxième axe du projet de loi concerne le renforcement des missions des inspecteurs de l'environnement. Il s'agit de permettre à ces inspecteurs de se déplacer partout sur le territoire et de mener plus facilement des enquêtes judiciaires, sans avoir à demander l'assistance des services de police et de gendarmerie.
Les inspecteurs pourront demander toutes informations utiles et requérir un expert, avoir accès au fichier national d'immatriculation des véhicules et recevoir des commissions rogatoires du juge d'instruction, mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites sur instruction du procureur de la République, constater les infractions à la réglementation relative aux armes.
Les agents qui sont investis de missions de police judiciaire au titre du code de l'environnement et du code forestier pourront mener leurs actions conformément aux procédures définies par le code de l'environnement.
Le dernier axe du projet de loi concerne le renforcement des missions des chasseurs.
La gestion du fichier des permis de chasser sera confiée non plus aux chasseurs, mais à l'Office français de la biodiversité. Néanmoins, les fédérations de chasseurs se voient transférer trois missions : la délivrance de l'autorisation de chasser, actuellement délivrée par l'ONCFS, la gestion des ACCA et des plans de chasse, actuellement sous la responsabilité du préfet.
Le transfert des plans de chasse doit permettre de donner aux chasseurs tous les outils pour maîtriser le développement des espèces et limiter les dégâts de gibiers. Les représentants des agriculteurs et des forestiers sont assez mécontents de ce transfert.
Le timbre national grand gibier et le fonds de péréquation cynégétique sont supprimés et la participation des territoires à l'indemnisation des dégâts est rendue obligatoire.
Les chasseurs sont des acteurs incontournables en matière de protection de la biodiversité. Leur rôle n'est pas reconnu à leur juste valeur. Le Gouvernement a souhaité inscrire dans la loi l'obligation de consacrer à ces actions un financement au moins égal à 5 euros par an et par permis. Mais les fédérations n'ont pas attendu le projet de loi pour conduire des actions en faveur de la biodiversité.
Le Gouvernement a par ailleurs souhaité améliorer la mise en oeuvre du principe de prélèvement raisonnable des espèces, en introduisant le concept de gestion adaptative des espèces. C'est un dispositif intéressant qui doit permettre d'adapter le prélèvement des espèces en fonction de leur état de conservation. Six espèces sont pour l'instant concernées.
Le projet de loi précise la mise en oeuvre du dispositif. Les chasseurs devront transmettre à leur fédération les données de prélèvement sous peine de sanction : interdiction de chasser l'espèce pendant la campagne de chasse en cours et pendant la campagne suivante ; en cas de récidive pendant les cinq campagnes qui suivent le premier manquement, interdiction de chasser l'espèce concernée pendant trois campagnes.
Les fédérations départementales devront transmettre à l'Office français de la biodiversité et à la fédération nationale des chasseurs les données de prélèvements réalisés par les chasseurs. Les chasseurs ont, à mon avis, tout intérêt à jouer le jeu de ce dispositif.
Les ACCA sont également des acteurs de la biodiversité. Elles ont deux objectifs : valoriser les territoires en rassemblant les territoires de petite taille et morcelés pour y faire revenir le gibier et favoriser une chasse populaire. Les députés ont précisé les règles de retrait de terrains d'une ACCA à la suite d'un arrêt du Conseil d'État autorisant un tel retrait lorsque plusieurs propriétaires se regroupent et atteignent le seuil minimal fixé par la loi.
Je partage les objectifs et la philosophie du projet de loi, qui tend à améliorer l'organisation et la coopération des acteurs en matière de biodiversité. Sans remettre en cause les dispositifs proposés, je vous proposerai trois séries d'amendements : des amendements porteront sur l'Office français de la biodiversité afin de donner leur juste place aux chasseurs et aux acteurs économiques concernés par la biodiversité - je pense aux agriculteurs et aux forestiers - ; des amendements renforceront les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement ; enfin, des amendements porteront sur les missions des chasseurs.
Ce regroupement est une erreur, si l'on en juge par les problèmes financiers et de représentativité qu'il crée. Espérons que le Sénat apportera les améliorations nécessaires.
La gestion adaptative des espèces peut être une vraie chance, mais peut aussi représenter un vrai risque si on ne lui donne pas un contenu précis.
Les décharges sauvages sont un vrai problème dans les milieux ruraux : il faudrait que les inspecteurs de l'environnement soient dotés de pouvoirs en la matière. Les maires sont souvent démunis, les procureurs de la République classant de surcroît la plupart du temps les plaintes. Avec la modulation de la taxe sur les ordures ménagères en fonction du poids, le risque est grand que ces décharges se multiplient. Ce texte pourrait être l'occasion d'apporter des réponses, car c'est là un vrai enjeu environnemental.
Je signale que la fédération des chasseurs de la Somme a pris l'initiative d'organiser une journée de nettoyage de l'environnement, initiative reprise par la région Hauts-de-France. Les chasseurs, bien que décriés, ont un vrai rôle en matière d'environnement.
Je précise d'emblée que je ne suis pas un anti-chasse primaire ! Je lui reconnais son rôle de régulation. Mais je note le plaidoyer de Mme la rapporteure pour avis en faveur de la chasse, habituel dans cette assemblée.
Si ce regroupement avait été fait précédemment, nous aurions gagné du temps et de l'argent.
Les agents censés passer de la catégorie C à la catégorie B craignent les arbitrages de Bercy. Par ailleurs, les agents de l'ONCFS qui pourraient être dotés de pouvoirs d'officier de police judiciaire demandent à être suffisamment nombreux.
Les chasseurs ont été associés à la décision de créer l'office français de la biodiversité, ce qui me semble une bonne chose. Néanmoins, leur place me paraît insuffisante dans la gouvernance du futur office. Si l'on reconnaît leur rôle dans la biodiversité, ils doivent avoir toute leur place. Par ailleurs, les fédérations départementales de chasseurs se voient transférer de nouvelles missions, mais sans les moyens correspondants : n'existe-t-il pas un risque financier pour elles ?
Les agences de l'eau perçoivent des redevances, grâce auxquelles elles aident à la gestion de la ressource, contribuent aux actions de dépollution, de mise en valeur des milieux aquatiques. Or le texte ne dit rien de l'articulation entre les missions des agences avec celles des comités de bassin.
On a assisté à un véritable hold-up sur les agences de l'eau, au détriment de nos concitoyens qui ont payé pour l'assainissement collectif.
Les chasseurs jouent dans nos territoires un rôle majeur, notamment par leurs observations : ils sont les seuls à arpenter des secteurs notamment dépourvus de toute activité agricole ou forestière.
Il faut trouver une solution aux dégâts causés par les sangliers dans les prairies, dont la biodiversité végétale est ainsi mise à mal. De même, je veux indiquer que certains propriétaires forestiers ne reboisent plus, car ils en sont découragés compte tenu de la surpopulation de cervidés. Il faut retrouver ces équilibres, mais je ne suis pas certain que l'Office aura la capacité d'agir en ce sens.
Il manque 41 millions d'euros pour boucler le budget de ce futur office. En 2018, l'État avait demandé aux agences de l'eau de financer l'AFB à hauteur de 260 millions d'euros et l'ONCFS à hauteur de 37 millions d'euros. Ce siphonage régulier des ressources des agences de l'eau depuis plusieurs années n'est pas sans conséquence sur le financement des réseaux locaux d'eau et d'assainissement. Ces ponctions ne sont plus supportables et il faut les limiter.
La directive-cadre sur l'eau oblige à ce que l'argent pris sur l'eau aille à l'eau ! Et qu'il aille à l'eau pour faire vivre aussi la biodiversité. Ces ponctions des agences sont une erreur, car les objectifs fixés par la directive-cadre sont loin d'avoir été atteints. Au minimum, il faudrait s'assurer que ces ponctions sont compatibles avec la directive et servent réellement à améliorer la qualité de l'eau.
Je suis surpris que ce projet de loi ne soit pas complètement financé. Ce trou de 41 millions d'euros trouve essentiellement son origine dans la baisse de 50 % du prix du permis de chasse. Pourquoi l'État ne compense-t-il pas ?
La biodiversité s'effondre, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines : des espèces d'oiseaux, d'insectes disparaissent. Il faut mener un vrai travail de fond. Si les agents qui font respecter les règles en matière d'environnement n'ont pas de pouvoir de police, rien ne sera réglé. Aujourd'hui, certaines collectivités mettent en place une collecte au poids des déchets et en conséquence certaines personnes s'en débarrassent dans la nature ou dans la poubelle du voisin.
Lors de la création de l'AFB, il y a eu un loupé : la quasi-absence des forestiers. Il faut y revenir. La forêt est un élément majeur de la biodiversité et elle est vulnérable. Il doit y avoir une concertation entre les chasseurs et les forestiers.
Dissipons un malentendu : ce regroupement de l'AFB et de l'ONCFS n'est pas une erreur. Mais il faut apporter des solutions en termes de financement.
La gestion adaptative des espèces est une excellente chose, mais à condition qu'elle soit bien gérée et qu'elle soit l'affaire de tous, et non pas seulement celle des chasseurs. Toutes les parties doivent jouer le jeu. D'ailleurs, M. Jean-Noël Cardoux, président du groupe d'études chasse et pêche, déposera des amendements relatifs à cette gestion permettant de chasser les espèces en bon état de conservation et pas uniquement lorsque l'espèce cause des dégâts.
Le passage d'agents de la catégorie C à la catégorie B bute sur un problème budgétaire. Le renforcement des missions de police des inspecteurs de l'environnement permettra ce passage d'une catégorie à l'autre. M. Jean-Claude Luche et moi-même avons d'ailleurs prévu de déposer des amendements tendant à renforcer ces pouvoirs de police, sans empiéter sur ceux des officiers de police judiciaire.
Les chasseurs doivent avoir toute leur place. Le transfert de certaines missions aux fédérations départementales de chasseurs représente un coût de 9 millions d'euros. Pour minimiser ce coût pour l'ONCFS, nous proposerons que ce transfert n'intervienne qu'à partir du 1er janvier 2020, soit une économie de 4,5 millions d'euros.
Concernant les agences de l'eau, la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon nous a confirmé qu'elles financeraient bien a priori les actions en faveur de la biodiversité, soit les 10 euros promis par l'État dont je vous ai parlé.
Demander aux maires de procéder aux mises aux normes en matière d'assainissement collectif et non collectif sans financement correspondant, c'est insupportable. On nous renvoie au projet de loi de finances pour 2020. Il faudra que nous intervenions pour que cela soit corrigé.
Au sujet des dégâts causés par le gibier, l'emploi de la contribution à l'hectare est une forme de réponse des chasseurs à la suppression du timbre grand gibier et du fonds cynégétique.
Concernant les 41 millions d'euros non financés, des mesures seront prévues dans le projet de loi de finances. Ce n'est pas tout de créer un office de la biodiversité ; encore faut-il le doter de moyens. À ce jour, nous ne pouvons pas apporter de réponse.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
On fusionne deux agences : l'AFB et l'ONCFS. Le mot « chasse » disparaît de l'intitulé du nouvel établissement créé par l'article 1er du projet de loi. Je crois comprendre que le directeur de l'ONCFS aurait souhaité que ce mot ne disparaisse pas mais aussi que le nom de la nouvelle agence soit prononçable. C'est pourquoi nous proposons par cet amendement AFFECO.25 d'ajouter le mot « chasse » dans l'intitulé de l'établissement, qui s'appellerait donc « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
Le mot « biodiversité » me paraît suffisamment globalisant. Pourquoi insister sur la chasse ?
Il y a trois ans, lors du vote de la loi relative à la biodiversité, il n'était pas question de fusionner l'ONCFS et l'AFB. On le fait aujourd'hui. Les choses évoluent avec le temps.
L'amendement AFFECO.25 est adopté.
Les députés ont placé les missions de police du futur établissement en dernière position. Nous avons entendu les agents de l'AFB et de l'ONCFS, et, par l'amendement AFFECO.19, nous proposons d'en revenir au projet de loi initial et de remettre ces missions en première position.
Je suis très réservé. Sur le terrain, ce sera mal perçu, car certains se considèrent comme de petits shérifs.
De même, les pouvoirs de police de l'ex-Onema sont parfois très mal vécus. En revanche, il faut exercer des contrôles. Quel sera la place du code forestier ? Il ne faudrait pas que les prérogatives environnementales aillent à l'encontre des orientations de la politique forestière.
Ces missions de police sont exercées par 1 700 agents. Pour asseoir la crédibilité du nouvel établissement, il est important de les placer en tête.
Je ne suis pas d'accord. On vit une période de plus en plus sécuritaire, et, pour moi, l'essentiel, c'est la mission de reconquête de la biodiversité. Prenons garde aux dérives sécuritaires.
Je suis en désaccord avec M. Joël Labbé. Comment adopter un tel texte de loi en matière de biodiversité et faire l'impasse sur les dérives lourdes qu'on constate en la matière ?
Monsieur Labbé, valoriser cette mission de police permettra aussi aux agents de passer de la catégorie C à la catégorie B. Et je le rappelle, nous proposons là d'en revenir au texte initial.
L'amendement AFFECO.19 est adopté.
Par l'amendement AFFECO.2, nous proposons de confier à l'OFB l'organisation matérielle de l'examen du permis de chasser, comme le faisait jusqu'à présent l'ONCFS.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
Les quatre amendements qui suivent portent sur la composition du conseil d'administration de l'OFB. Nous souhaitons maintenir les équilibres. Un conseil d'administration d'une quarantaine de membres serait ingérable. C'est pourquoi nous proposons qu'il compte 35 membres.
Le texte indique que le premier collège, composé de représentants de l'État et de personnalités qualifiées, représentera au moins la moitié des membres du conseil d'administration de l'Office. Par l'amendement AFFECO.1, nous proposons de ne pas donner de majorité au premier collège et d'instaurer en contrepartie un droit de veto au bénéfice de l'État, comme c'est le cas à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Par l'amendement AFFECO.27, nous proposons, afin de mieux équilibrer les collèges, que les gestionnaires d'espaces naturels - les parcs nationaux - soient représentés au sein de ce premier collège avec l'État, et non pas au sein du deuxième collège au côté des représentants des secteurs économiques, des chasseurs, des pêcheurs et des associations de protection de l'environnement.
Par l'amendement AFFECO.3, nous proposons que des représentants d'organisations professionnelles agricoles et forestières soient représentés au sein du deuxième collège.
Enfin, par l'amendement AFFECO.5, nous proposons de préciser qu'au moins un représentant de la Fédération nationale des chasseurs et un représentant de la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection du milieu aquatique siégeront au sein du deuxième collège, l'article 1er mentionnant simplement la présence de représentants des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir.
M. Jean-Noël Cardoux déposera un amendement tendant à ce que 10 % des sièges soient attribués à la Fédération nationale des chasseurs. Je vous propose d'adopter l'amendement que je vous soumets et de me donner mandat pour trouver une solution qui concilie techniquement mon amendement et celui de notre collègue.
Le Gouvernement n'a pas explicitement donné son accord à la proposition contenue à l'amendement AFFECO.1. En outre, vous aurez compris que l'effectif du conseil d'administration n'est pas figé. Il est intéressant de proposer une solution pour que l'effectif ne soit pas pléthorique. Ainsi l'État ne serait pas majoritaire mais disposerait d'un droit de veto. Cela fonctionne dans d'autres agences.
S'il y a un espace naturel réservoir de biodiversité, c'est bien la Camargue. A-t-elle été évoquée lors des auditions ? Sera-t-elle représentée ?
Je suis favorable à ces amendements. Remettre les espaces naturels dans le premier collège me semble absolument nécessaire. Je fais confiance à notre rapporteure pour trouver un équilibre avec la représentation des chasseurs. Il conviendrait en outre de prendre en compte le nombre de représentants des agriculteurs et des forestiers, car ce ne sont pas les urbains qui font la biodiversité, mais bien ceux qui sont dans l'espace économique territorial.
Si l'on veut mener des actions en faveur de la biodiversité, il faudrait aussi considérer les propriétaires de ces espaces. Comment sont-ils pris en compte ?
Procédons par sous-amendement. Pour l'heure, nous ne pouvons pas être trop précis...
Si nous arrivons à faire entrer les représentants du monde agricole et les forestiers dans le conseil d'administration - sachant que l'ONF sera présente dans le premier collège -, ce sera déjà beaucoup. Un texte trop lourd risquerait de se faire retoquer à l'Assemblée nationale : avançons prudemment. Et pourquoi évoquer la Camargue, plutôt que la Baie de Somme, la Vanoise ou le pays briard ?
L'amendement AFFECO.1 est adopté, ainsi que les amendements AFFECO.27, AFFECO.3 et AFFECO.5.
Article 2
Afin de rendre le traitement des procédures judiciaires plus rapide, plus efficace, et apporter une réponse pénale aux infractions commises, l'amendement AFFECO.13 autorise sur instruction du procureur de la République les inspecteurs de l'environnement à porter à la connaissance de l'auteur des faits la proposition de composition pénale faite par le procureur de la République et à notifier des convocations en justice. M. Luche proposera quant à lui à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond, un amendement donnant à ces inspecteurs un pouvoir de contrainte pour les auditions.
On créerait ainsi des super-sheriffs... Cohérent avec moi-même, je ne voterai pas cet amendement.
L'amendement AFFECO.13 est adopté.
Les textes actuels ne permettent pas à l'ONCFS, ni à l'AFB, d'obtenir l'affectation de biens saisis qui peuvent leur être utiles pour l'exercice de leurs missions, tels que les armes ou les véhicules. L'amendement AFFECO.6 y remédie en permettant au futur OFB de se voir affecter à titre gratuit des biens mobiliers dont la propriété a été transférée à l'État par une décision de justice devenue définitive. C'est une gestion de bon sens, en bon père de famille.
L'amendement AFFECO.6 est adopté.
Article 3
Les fédérations de chasseurs sont des organismes de droit privé régies par un statut législatif particulier ; elles sont investies de missions de service public. Les données qu'elles produisent relativement aux prélèvements ou aux comptages permettent à l'État d'élaborer des réglementations plus pertinentes, celles relatives aux dégâts de gibier permettent de mieux identifier les zones les plus concernées par ces dégâts et de prendre des mesures de gestion adaptées, et celles relatives à la sécurité à la chasse doivent être portées à la connaissance de l'État. L'amendement AFFECO.9 pose le principe selon lequel les données produites par ces fédérations seront systématiquement transmises à l'OFB, afin d'asseoir la crédibilité du dispositif.
Ces données sont destinées au ministre, qui peut ainsi prendre les bonnes décisions - l'OFB est un établissement public.
L'amendement AFFECO.9 est adopté.
L'État s'est engagé lors des débats à l'Assemblée nationale à apporter son concours financier au financement d'actions en matière de biodiversité en versant dix euros pour cinq euros versés par les chasseurs sur chaque permis de chasse validé. C'était une promesse du ministre Sébastien Lecornu reprise par sa successeur Emmanuelle Wargon. L'amendement AFFECO.12 propose d'inscrire dans la loi cet engagement de l'État.
On ne sait pas d'où viendra cette somme... Nous en discuterons certainement en séance.
C'est un engagement de l'État de verser 10 euros pour 5 euros versés par les chasseurs. Cela coûterait, pour 1,1 million de chasseurs environ, 11 millions d'euros, ce qui contribue au trou financier de 41 millions d'euros...
Ces 11 millions seraient pris sur les agences de l'eau, d'après les informations dont nous disposons.
L'amendement AFFECO.12 est adopté.
La création de l'OFB ne doit pas conduire l'État à abandonner ses missions de contrôle. Une fois les plans de chasse transférés aux fédérations départementales de chasseurs, le préfet devra continuer à fixer les nombres minimal et maximal d'animaux à prélever dans l'ensemble du département. Je propose même qu'il soit plus précis et fixe les prélèvements minimaux et maximaux d'animaux par sous-ensemble territorialement cohérent pour la gestion des espèces, en tenant notamment compte des dégâts de gibier dans le département. C'est l'objet de l'amendement AFFECO.20.
Que deviennent les comités régionaux sylvo-cynégétiques, mis en place récemment ?
Il faudrait en effet prévoir un lien avec les comités régionaux sylvo-cynégétiques, qui fonctionnent par massif, et qui sont très utiles ! Ils ont notamment pour mission d'identifier les dégâts de gibier et de faire des préconisations.
Nous allons creuser cette question, mais en toute hypothèse le plan de chasse sera élaboré après consultation des personnes concernées.
Attention : le comité paritaire sylvo-cynégétique installé au niveau régional n'a aucune autorité sur les comités départementaux qui fixent les prélèvements ; il formule simplement des recommandations à leur attention. Songeons à leur articulation.
C'est important car ces comités paritaires régionaux raisonnent par massif, et non par département.
Si ces comités émettaient des recommandations, ils continueront à le faire.
Selon le projet de loi, le préfet ne modifierait les plans de chasse qu'en cas de « défaillance grave dans la prise en compte par le plan de chasse des orientations du schéma départemental de gestion cynégétique ». Je vous propose avec l'amendement AFFECO.30 que le préfet puisse intervenir lorsque le plan de chasse ne prend pas en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique et pas uniquement en cas de défaillance grave. Il est également important que le préfet puisse modifier les plans de chasse en cas d'augmentation importante des dégâts de gibier dans le département. Restaurons la responsabilité des préfets.
C'est important car, si les chasseurs s'en tiennent aux valeurs minimales, il pourrait y avoir des dégâts importants en forêt ou dans les plaines, que le préfet n'aurait plus la possibilité de corriger.
Le chasseur qui n'a pas transmis les données de prélèvement sur une espèce soumise à gestion adaptative est sanctionné, en cas de récidive au cours d'une des cinq campagnes cynégétiques suivant le précédent manquement, par l'interdiction de prélever des spécimens de l'espèce concernée pendant la campagne cynégétique en cours et les trois suivantes. Or la sanction paraît disproportionnée. L'amendement AFFECO.21 la restreint en prévoyant une interdiction de prélever des spécimens de l'espèce pendant la campagne en cours et les deux suivantes en cas de récidive au cours d'une des trois campagnes suivant le premier manquement.
Parle-t-on de manquements aux règles visant les espèces protégées aux niveaux national et régional ?
Il s'agit des règles visant les espèces soumises à gestion adaptative, six espèces pour l'instant, mais leur nombre pourrait évoluer.
Pour récidiver, en la matière, il faut en avoir vraiment envie... Pourquoi réduire la sanction ?
Je le précise : sont ici visés les manquements à l'obligation de transmission des données. Le prélèvement zéro, même s'il suscite une levée de boucliers, paraît de bon sens.
L'amendement AFFECO.21 est adopté.
Article 10
Le projet de loi transfère aux fédérations départementales des chasseurs les compétences en matière de gestion des ACCA et de plan de chasse. Ce transfert donne lieu au versement d'une compensation financière versée par l'ONCFS jusqu'au 31 décembre 2019, puis par l'OFB à compter du 1er janvier 2020. Or cette compensation, estimée à 9 millions d'euros par an, n'a pas été prévue dans le budget de l'ONCFS. Pour ne pas accroître le déficit de l'ONCFS, l'amendement AFFECO.15 transfère ces nouvelles compétences en même temps que la création de l'OFB.
Les représentants des chasseurs, lors des auditions, ont estimé que la gestion des ACCA était un tel bazar que l'État devait s'engager à remettre de l'ordre dans les dossiers avant leur transfert. Avons-nous des garanties que ce sera fait ?
Cela donne six mois de plus pour organiser les choses... Et 4,5 millions d'euros d'économie en plus, ce n'est pas négligeable.
Comme on n'a pas d'argent, on en prend ailleurs, et c'est toujours sur les agences de l'eau ! Je ne voterai pas cela. Quand on crée des dispositifs, tout État français qu'on soit, on doit assumer son financement.
Et les fédérations demandent que les dossiers soient à jour. Cela va être très compliqué.
L'amendement AFFECO.15 est adopté.
Nous avons adopté un amendement autorisant les inspecteurs de l'environnement de l'OFB à délivrer sur instruction du procureur des convocations en justice : l'amendement AFFECO.14 prévoit la même chose, à titre transitoire, pour les inspecteurs de l'environnement de l'AFB et de l'ONCFS.
Nous avons également adopté un amendement permettant d'affecter au nouvel établissement les biens transférés à l'État par décision de justice : l'amendement AFFECO.7 prévoit la même chose, à titre transitoire, pour l'AFB et l'ONCFS.
L'amendement AFFECO.14 est adopté, ainsi que l'amendement AFFECO.7.
La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Je voudrais attirer l'attention de mes collègues sur les difficultés rencontrées par les agences de l'eau. L'Agence de l'eau Adour-Garonne, en 2015, avait un excédent annuel de 55 millions d'euros ; il est aujourd'hui de zéro. L'Agence de l'eau de Rhône-Méditerranée-Corse avait à la même époque un excédent de 25 millions d'euros ; il est également tombé à zéro. Il n'y a plus d'argent : comment les agences de l'eau vont-elles travailler ? La région Occitanie a un déficit annuel de 1,3 milliards de mètres cubes ! Comment pourra-t-on construire des récipients d'eau suffisants si les ressources des agences de l'eau sont ponctionnées chaque année ? Il va falloir remettre ce débat à l'ordre du jour prochainement.
Ce débat, essentiel, sera rouvert lors de l'examen de ce texte, de même qu'à l'approche du prochain projet de loi de finances. Le principe selon lequel l'eau paie l'eau est pour le moins remis en question.
La proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la souveraineté numérique a été renvoyée au fond à la commission des affaires économiques. Ce texte résulte du droit de tirage du groupe Les Républicains pour l'année parlementaire en cours. S'agissant de la création d'une commission d'enquête à la demande d'un groupe politique, les articles 6 bis et 11 du Règlement du Sénat s'appliquent : la demande de création d'une commission d'enquête doit être formulée au plus tard une semaine avant la Conférence des Présidents qui doit prendre acte de cette demande, ce qui devrait intervenir lors de sa prochaine réunion, le mardi 9 avril.
Dans la mesure où il s'agit d'une compétence liée, il n'est donc pas nécessaire pour nous de nommer formellement un rapporteur ce matin. Cette pratique a en effet été abandonnée, la commission au fond ne produisant pas de rapport préalable à la création de la commission d'enquête - il est d'ailleurs probable que le Règlement du Sénat s'adapte à ce changement prochainement. Cela dit, je me permets de souligner l'intérêt du renvoi au fond à notre commission de cette proposition de résolution, qui d'une part nous permet de réaffirmer notre compétence sur le numérique et d'autre part nous positionne favorablement pour la future commission d'enquête - à laquelle je ne saurais trop vous inviter à participer, mes chers collègues.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Philippe Knoche, directeur général d'Orano, pour évoquer avec lui la situation de l'entreprise et, plus globalement, l'avenir de l'énergie nucléaire en France et au plan international.
Monsieur Knoche, notre commission vous a entendu pour la dernière fois en avril 2015, peu de temps après l'annonce de pertes de près de 5 milliards d'euros. Nous étions alors en plein débat sur la loi de transition énergétique, et une vaste réorganisation de la filière nucléaire devait être annoncée dans les mois suivants.
Quatre ans après, c'est peu dire que votre entreprise a changé, et le paysage nucléaire français a changé avec elle. Areva est devenue Orano et s'est recentrée sur le cycle de l'atome - vous êtes en somme revenus au périmètre de l'ancienne Cogema - et vous avez engagé un plan très important d'économies. L'activité de construction des réacteurs, qui a repris le nom de Framatome, est désormais contrôlée par EDF, et une société d'ingénierie commune aux deux entreprises a été créée. Surtout, l'État a apporté 2,5 milliards d'euros au capital d'Orano, aux côtés de deux partenaires japonais qui ont investi à hauteur de 500 millions, et 2 milliards ont été injectés dans la structure Areva SA chargée de solder le dossier de l'EPR finlandais.
Quatre ans après, c'est donc l'occasion pour nous de voir si vos efforts comme ceux, non moins importants, du contribuable français, permettent d'envisager l'avenir de l'entreprise plus sereinement. Le 1er mars dernier, vous avez présenté des résultats financiers pour l'année 2018 qui comportent des signes encourageants, avec en particulier un flux de trésorerie positif pour la première fois depuis longtemps, une réduction de l'endettement, une performance opérationnelle meilleure qu'attendue, et un carnet de commandes représentant toujours près de neuf ans d'activité. Mais il y a aussi quelques motifs d'inquiétude, avec un nouveau recul du chiffre d'affaires et un nouveau creusement des pertes.
Quel bilan d'étape pouvez-vous dresser aujourd'hui du travail déjà accompli, notamment en termes d'amélioration des performances de l'entreprise ? Quelles ont été les conséquences sociales et territoriales de cette mutation, et quel chemin reste-t-il à parcourir pour rétablir définitivement la situation - si tant est que le terme « définitivement » ait un sens en économie ?
Même recentrées sur le cycle de l'atome, vos activités restent diverses, de l'extraction du minerai à la chimie, pour l'enrichir, du recyclage des combustibles usés à la logistique des matières radioactives ou encore aux activités de démantèlement et aux services. Quelles perspectives voyez-vous dans ces différents métiers ? J'insisterai sur deux points en particulier : le vieillissement du parc installé offrant de belles opportunités dans le démantèlement des installations, comptez-vous vous renforcer dans cette activité ? J'ai cru comprendre, s'agissant du parc français, qu'EDF envisageait de démanteler lui-même ses installations...
Par ailleurs, où en est le projet de construction d'une usine de traitement et de recyclage des combustibles usagés en Chine, pour laquelle un protocole d'accord a été conclu en janvier 2018, et dont la phase de travaux préparatoires s'est achevée fin 2018, sans traduction concrète depuis ? Peut-être la visite du président chinois ces derniers jours a-t-elle fait avancer les choses...
Je souhaiterais aussi connaître votre point de vue sur la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et sur le nouveau projet de loi « énergie » qui s'annonce, et qui doit entériner le report à 2035 de la baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique. Comment ces décisions sont-elles accueillies en interne, et parvenez-vous toujours à mobiliser les équipes, à maintenir les compétences ou à recruter dans un tel contexte ?
Au-delà du cas français, pensez-vous que le marché du nucléaire peut repartir au niveau mondial, notamment pour répondre à l'enjeu climatique ?
Merci de m'accueillir après une restructuration très importante que vous avez mentionnée, et dans une phase de stabilisation.
Orano compte aujourd'hui 16 000 salariés dans le monde, et plus de 12 000 en France essentiellement localisés dans le Nord-Ouest, la vallée du Rhône et le Narbonnais. Après la phase de restructuration, nous avons recruté en 2018, en France, 800 CDI et 700 alternants ou CDD. Les chiffres seront similaires pour 2019.
Alors que plus des trois quarts de nos salariés se trouvent en France, nous réalisons 55 % de notre chiffre d'affaires en dehors de l'hexagone. Notre politique d'accompagnement tout au long de la carrière va de pair avec des investissements dans les installations. À la Hague, par exemple, nous investissons 200 millions d'euros par an, et recourons à beaucoup d'approvisionnements locaux. Dans le Sud-Est, nous investissons plus de 200 millions d'euros par an.
Il s'agit d'investissements extrêmement importants. Les installations du Tricastin, par exemple, sont intégralement neuves : l'usine Philippe Coste pourra ainsi alimenter en uranium converti l'équivalent de 90 millions de foyers en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Nos activités débutent par des mines au Kazakhstan, au Niger et au Canada, pour les besoins d'EDF, mais également de nos clients mondiaux.
Plus de 40 % de nos équipes travaillent dans des métiers de service, en particulier la logistique. Nous réalisons plusieurs milliers de transports de matières nucléaires par an, que ce soit du matériel médical ou du combustible usé. Plus de 3 000 personnes travaillent en France au démantèlement de nos propres installations. Un fonds dédié de 7 milliards d'euros figure à notre bilan pour ce faire. Nous dépensons 200 millions d'euros par an pour le démantèlement. Nous intervenons dans ce cadre pour EDF en tant que sous-traitant.
Nous exerçons également ces métiers au niveau international et réalisons plus particulièrement des interventions sur tout ce qui est proche du coeur de la cuve. Nous intervenons cette année en Allemagne et aux États-Unis notamment, où il existe un potentiel de croissance.
Pour une entreprise spécialisée dans les matières nucléaires, le démantèlement d'une centrale représente à peu près dix fois moins d'activité qu'une centrale en fonctionnement. Il faut garder cet ordre de grandeur à l'esprit. En effet, une centrale qui fonctionne consomme de l'uranium, de l'uranium enrichi, et produit du combustible usé. Quand on la démantèle, il s'agit d'une opération ponctuelle qui consiste à enlever la cuve.
Nous intervenons également dans l'aval du cycle, en Asie en particulier, qui constitue la zone de croissance du nucléaire mondial. J'en profite pour rappeler que la production électronucléaire est en croissance depuis ces cinq dernières années. Elle a crû à peu près de 1 % par an depuis 2012, après avoir connu une baisse après Fukushima. En 2022-2023, on rejoindra les niveaux de production nucléaire mondiale les plus hauts. On aura alors compensé la baisse de Fukushima.
Les grands pays comme la Chine ont conscience à la fois de l'enjeu climatique et de la pollution des villes. Il s'agit donc de limiter la production d'électricité à base de charbon. La Chine vient de relancer des constructions supplémentaires de réacteurs nucléaires. Ses objectifs sont assez ambitieux et contribuent à la croissance de la production nucléaire mondiale.
Nos business models sont différents de ceux de l'ancienne Cogema : les marchés ont beaucoup évolué, les conditions de compétitivité sont très fortes et tous nos contrats sont aux prix du marché.
C'est dans ce contexte que nous avons dégagé en 2018, pour la première fois, un flux de trésorerie positif et qu'on a commencé à se désendetter de plus de 150 millions d'euros, pour une dette de 2,3 milliards d'euros. Nous avons encore du travail pour réduire notre endettement plus rapidement. Nos programmes ont permis d'économiser 500 millions d'euros par an sur les coûts de l'entreprise et nous avons lancé un nouveau programme de 250 millions d'euros supplémentaires couvrant à la fois les investissements et les frais de fonctionnement.
Les opérations ont dégagé plus de 500 millions d'euros de résultats l'année dernière ce qui, après paiement des frais financiers, aboutit à un résultat net ajusté positif. Le résultat net publié est en revanche négatif, nos actifs pour le démantèlement ayant en effet pénalisé nos comptes l'an dernier, avec un rendement de - 3,5 %.
En termes de perspectives, nous avons indiqué que notre génération de trésorerie nette continuerait à être positive. C'est notre mission première d'y contribuer chaque année. Un retour à la croissance est annoncé à partir de 2020, en particulier dans le développement en Asie, où nous réalisons 24 % de notre chiffre d'affaires. L'objectif est de l'augmenter encore. Nous avons fait une offre pour la construction d'une usine de recyclage en Chine. Nous avons obtenu un contrat préparatoire l'année dernière qui a été réalisé et payé par le client. Les négociations se prolongent. Elles doivent être gagnant-gagnant : il ne s'agit pas de vendre une technologie à un prix bradé. Il faut être dans les conditions du marché et répondre aux objectifs du client.
C'est également un sujet politique dans le contexte du moment. Les négociations, après une pause au deuxième semestre 2018, sont dans une phase active. On n'avance pour l'instant pas de calendrier compte tenu des enjeux à traiter. Ce peut être une source de croissance en Asie. Le redémarrage de la flotte de réacteurs japonais, qui s'étaient complètement arrêtés, est une autre source de croissance pour nos activités, neuf réacteurs ayant redémarré au Japon.
Vous m'avez interrogé sur la PPE. Le scénario retenu n'était pas celui que nous avions défendu, je le dis sans détour. Le coût de production des réacteurs nucléaires d'EDF est de 33 euros par mégawattheure. C'est compétitif, sûr, et cela permet une production en continu. Le Gouvernement en est convenu : le nucléaire n'est pas un frein au développement du renouvelable. Au contraire, sa disponibilité assure une fourniture en continu face à l'intermittence des énergies renouvelables.
Même si ce n'est pas le scénario que nous avions retenu, nous l'appliquerons néanmoins. Cela n'a pas d'impact sur l'entreprise à court terme. L'impact à moyen terme est lié au recyclage. Le recyclage a plusieurs avantages : il permet d'abord de reconditionner les déchets en réduisant leur volume par un facteur cinq, dans une matrice de verre vraiment très sûre. Aujourd'hui, 10 % de l'électricité de cette salle provient du recyclage de matières nucléaires. Avec les avancées industrielles qu'a prévues EDF, en 2023, plus de 15 % de l'électricité sera produite à partir de matières recyclées.
Il est pour nous important de préserver les avantages du recyclage, ce qui est annoncé dans la PPE. Les réacteurs qui autorisent le recyclage sont aujourd'hui de 900 mégawatts. Le « moxage » des réacteurs de 1 300 mégawatts est prévu à partir de l'année 2028, ce qui permettra d'assurer une continuité entre la fermeture des réacteurs et la mise en route des suivants.
On continue à préparer l'avenir avec le multi-recyclage des matières, ce qui n'a pas encore été fait en France, mais pour des clients étrangers. Nous travaillons en recherche et développement dans l'optique d'assurer une électricité décarbonée. Le nucléaire, selon les chiffres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), émet par kilowattheure à peu près aussi peu de gaz carbonique que l'éolien, soit 12 grammes de CO2, ce qui est en dessous du solaire, le charbon étant quant à lui à 800 grammes par kilowattheure.
Je vous invite d'ailleurs à télécharger sur votre téléphone l'application gratuite electricityMap pour vous rendre compte, en temps réel, des émissions de carbone des pays européens. Vous pourrez voir que la France est plus verte que l'Allemagne qui est pénalisée par ses émissions liées à l'utilisation du charbon. Ce n'est pas très difficile, mais cela vaut quand même la peine d'être rappelé !
Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que le nucléaire est, de notre point de vue, une énergie d'avenir, décarbonée, compétitive. Nous investissons dans la recherche et développement en matière de recyclage, afin d'être toujours plus efficaces, par exemple dans les techniques minières et dans les techniques de production. Nous avons été primés pour des initiatives de digitalisation de notre ingénierie.
Les matières nucléaires dont nous sommes spécialistes font également l'objet de tests cliniques pour soigner certaines tumeurs neuroendocrines. Cela fait partie de nos savoir-faire, même si cela n'a aujourd'hui pas d'impact direct sur le plan financier.
La parole est à Daniel Gremillet, puis à Roland Courteau, spécialistes de l'énergie.
Monsieur le directeur général, Orano reste mondialement reconnu pour son savoir-faire dans le recyclage des combustibles usés, dont on ne dira jamais assez qu'il permet de réduire considérablement le volume des déchets radioactifs.
Mais pour aller au-delà et envisager la fermeture totale du cycle du combustible, il faudra s'orienter vers les réacteurs de quatrième génération. Votre entreprise s'investit-elle aujourd'hui sur le sujet aux côtés du CEA ?
La réorganisation de la filière nucléaire française avait notamment pour objectif de mettre un terme aux querelles de clocher entre l'ex-Areva et EDF, qui nous ont sans doute coûté quelques contrats à l'exportation.
Maintenant que les rôles des uns et des autres sont parfaitement clarifiés, pouvez-vous nous dire quel est l'état de vos relations avec EDF ? S'agit-il de relations de client à fournisseur, comme il en existe tant d'autres, avec une mise en concurrence systématique, ou EDF tient-il compte, d'une façon ou d'une autre, du rôle clé joué par Orano dans sa chaîne d'approvisionnement, pour ne pas vous mettre en difficulté ? Je pense en particulier au moxage des réacteurs de 1 300 mégawatts qui est indispensable pour le devenir de l'usine de la Hague avec la fin programmée des réacteurs de 900 mégawatts, mais qui occasionnera à EDF des coûts d'adaptation de son outil industriel.
Enfin, que faites-vous pour sécuriser et diversifier vos approvisionnements en uranium ?
Monsieur le directeur général, il semblerait que le marché de la conversion se redresse. Quelles sont les perspectives économiques attendues en termes de projets sur le site de Malvési, à Narbonne, ainsi qu'en termes d'emplois ?
Par ailleurs, connaît-on les disponibilités des ressources mondiales d'uranium à moyen et long terme ? C'est une question qui me paraît être essentielle en termes de compétitivité et de durabilité de l'énergie nucléaire. Aujourd'hui, le combustible des réacteurs représente une faible part du coût globale, mais si les ressources d'uranium se raréfient et que leur prix augmente fortement, cela peut remettre en cause la compétitivité du nucléaire par rapport aux autres modes de production d'électricité - à moins qu'apparaisse une technologie nucléaire plus sobre en uranium naturel ou que l'on dispose de technologies permettant d'extraire l'uranium à un coût comparable au coût minier.
Je souhaiterais donc connaître votre sentiment sur ces questions, notamment s'agissant des ressources mondiales actuelles et à moyen terme en uranium.
Monsieur le directeur général, à l'occasion de la visite en France du président chinois, pouvez-vous nous dresser un état des lieux du nucléaire en Chine, pays qui constitue maintenant l'un de nos concurrents dans ce domaine ?
Pouvez-vous également nous en dire plus
Par charité chrétienne, je suggère cette formulation afin de ne pas trop montrer que Mme Renaud-Garabedian pose une question à laquelle l'auditionné a déjà répondu dans son propos liminaire...
sur l'état d'avancement des négociations pour la construction d'une usine de traitement des combustibles nucléaires en Chine, dans le cadre des accords qui seraient réalisés pour environ 20 milliards d'euros ?
Monsieur le directeur général, vous l'avez rappelé, l'énergie nucléaire a de l'avenir, en France et dans le monde, en Asie particulièrement. Parallèlement à ce développement, on s'interroge sur le stockage ultime des combustibles usés. Il existe deux filières industrielles. J'aimerais connaître votre sentiment sur le choix à opérer entre l'entreposage à sec et l'entreposage en piscine.
Monsieur le directeur général, vous avez évoqué un prix de production de 33 euros par mégawattheure. Le démantèlement est-il intégré dans ce coût ?
La maîtrise du risque d'accident nucléaire nous préoccupe tous. Quelles sont les démarches en cours visant à sécuriser encore mieux nos installations de production ? Cela vaut pour la France, mais aussi pour le reste du monde. On a vu les conséquences que pouvait avoir Fukushima en dehors du Japon.
Enfin, ma dernière question rejoint celle de Roland Courteau : quelle analyse du risque géopolitique faites-vous en matière de ressources destinées à alimenter la filière nucléaire, dans un monde extrêmement instable, et dans des lieux dont les conditions géopolitiques sont plus que complexes et préoccupantes ?
Monsieur le directeur, vous nous avez parlé de perspectives. Je voudrais quant à moi évoquer l'exploitation minière que vous avez pratiquée pendant 25 ans dans le département de la Loire, sur la mine d'uranium de Saint-Priest-la-Prugne.
On éprouve aujourd'hui de grandes difficultés à comprendre comment vous imaginez la gestion de l'après-mine. 600 000 mètres cubes de stériles sont stockés dans un barrage artificiel sur site. Ce barrage, bien que de taille considérable - 42 mètres de haut, 500 mètres de long - déborde régulièrement dans un bac lors de fortes pluies.
À l'origine, le bac était régulièrement vidé par des personnels de votre entreprise. Aujourd'hui, leurs visites sont de plus en plus espacées. Un arrêté du préfet de la Loire paru en 2017 vous mettait en demeure de respecter les engagements pris en 1980. En réponse, vous avez attaqué l'arrêté au tribunal administratif. Pensez-vous y donner une suite favorable ?
Les riverains sont très inquiets : si le barrage déborde, ce qui risque d'arriver très rapidement, même si les précipitations sont moins importantes ces temps-ci, l'eau contaminée irait directement dans la rivière en aval. Je souhaiterais obtenir une réponse claire, d'autant que, lorsque nous vous avions déjà consulté, l'année dernière, vous nous aviez dit qu'une étude à long terme avait été lancée. Les résultats sont-ils parus ? Si c'est le cas, pouvez-vous nous les transmettre ?
Monsieur le directeur, je voudrais revenir, comme mon collègue, sur le traitement des déchets. Vous avez dit que la production d'énergie nucléaire repart à la hausse. Si c'est le cas, on va voir la quantité des déchets augmenter. Or vous savez combien leur gestion est une des principales préoccupations qui ressort des enquêtes d'opinion sur le nucléaire. Les solutions sont-elles satisfaisantes et sûres ?
Pouvez-vous nous parler de la situation de l'usine de La Hague en matière de saturation du stockage et du projet de Bure ? La Chine sera-t-elle la solution ? On ne peut réduire le nucléaire uniquement à son faible niveau d'émission de CO2. Ce serait un peu comme si l'on parlait de l'avion le plus performant au monde en oubliant la piste d'atterrissage !
Ma question porte également sur les déchets, mais sous l'angle de la recherche. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologues (Opecst) a auditionné Gérard Mourou, prix Nobel, au sujet de son laser, le CPA qui, selon lui, pourrait permettre de réduire d'un million d'années la durée de vie des déchets par une technique de transmutation.
Travaillez-vous avec M. Mourou sur ces projets qui, pour l'avenir du nucléaire dans le monde, sont essentiels ? Si tel est le cas, à quel horizon pensez-vous que les travaux puissent aboutir ?
Monsieur le directeur général, on estime les ressources en uranium à environ 32 ans. Confirmez-vous ce chiffre ?
Par ailleurs, il existe un débat sur les déchets entre déchets conventionnels et déchets radioactifs. Certains pays européens, pour des déchets faiblement radioactifs, pourraient recourir à un traitement purement conventionnel. Cette question s'est invitée dans le grand débat et préoccupe nos concitoyens.
En outre, quel est le prix réel de l'électricité nucléaire compte tenu du démantèlement des réacteurs ?
Enfin, des recherches sont-elles menées pour renforcer la sécurité de nos centrales face au dérèglement climatique ?
En tant que Drômois, je me satisfais, tout comme ceux que je représente, de l'installation de Pierrelatte et de la création de l'usine qui a redoré le blason de la filière nucléaire, après les problèmes de la Socatri , il y a quelques années.
Ma question porte sur le recrutement. J'ai entendu dire que vous auriez, sur Pierrelatte, des difficultés à trouver du personnel qualifié. Est-ce général ? Je ne sais si c'est lié à la filière nucléaire, mais on dit que certaines de vos offres d'emploi ne sont pas pourvues. Est-ce vrai ?
Monsieur le directeur, je vous trouve très serein par rapport aux enjeux futurs. Vous saluez le fait que le nucléaire est reparti au niveau mondial. Les risques géopolitiques et les risques d'attentats ont déjà été évoqués. Le Niger est le deuxième des pays les plus pauvres au monde. Je reconnais que ce n'est pas votre problème : moins le minerai est cher, mieux ça vaut pour votre société et pour la société occidentale en général, mais le sous-développement et la fragilité de ce pays pose véritablement question.
S'agissant du démantèlement, la plus vieille centrale de France est, je crois, celle de Brennilis, dans les monts d'Arrée, en Bretagne. On nous annonce la fin des travaux pour 2038, soit cinquante après sa fermeture ! Or il va bien falloir un jour arrêter les autres centrales, et cela assez rapidement. Quelles sommes avez-vous provisionné en la matière ?
Ce débat passionnant nous permet d'apporter les réponses les plus justes possible aux questions que se posent nos concitoyens.
Ma question est très simple, monsieur le directeur : vous avez évoqué des partenariats avec la Chine et le Japon. Nous sommes tout près des élections européennes. Partagez-vous avec les autres pays européens une stratégie énergétique et nucléaire ? Je pense que l'Europe doit montrer l'exemple en ce qui concerne son bilan carbone et sa transition énergétique.
Monsieur le directeur général, lors de la présentation de la PPE, en novembre dernier, le Président de la République a émis le souhait de voir passer la part du nucléaire dans le mix énergétique de 75 % à 50 %. Ce sont donc quatorze réacteurs qui vont fermer, dont la moitié dans moins d'une dizaine d'années, en comptant ceux de Fessenheim.
Dans ces circonstances, pensez-vous que la mise en oeuvre d'un nouveau programme électronucléaire dans les années à venir soit possible ?
Dans le prolongement de la question précédente, quelle sera la place des EPR dans ce nouveau programme ?
Je me posais moi-même la question qui a été soulevée par Catherine Procaccia concernant les perspectives que nous offre le laser.
Monsieur le directeur, vous avez la parole.
Tout d'abord, nos relations avec EDF sont d'ordre industriel mais se sont déroulées pendant toute la restructuration dans des conditions très professionnelles. C'est une relation positive et exigeante. Nous sommes mis en concurrence, pas seulement en matière de prix. La sécurité d'approvisionnement entre également en ligne de compte. C'est à EDF d'avoir sa politique dans ce domaine. EDF représente environ 40 % de nos ventes.
Le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), créé en 2018 au sein de la filière électronucléaire, regroupe EDF, Orano, le CEA, et plus de 2 000 entreprises. Ce groupement a préparé le contrat stratégique de la filière nucléaire avec le Gouvernement.
L'ensemble de la filière se restructure. C'est important pour relever les défis, que ce soit en termes de gestion et de développement des compétences, de numérisation, ou de recherche et développement.
J'ai indiqué qu'on allait passer au moxage des réacteurs de 1 300 mégawatts : la première recharge est prévue en 2028. C'est EDF qui en est le chef de projet. Nous serons bien entendu fournisseurs.
Au-delà, il faut prouver que le multi-recyclage du Mox usagé est possible. Nous ferons un assemblage test dans entre 2025 et 2028. Nous continuerons par ailleurs les études sur la quatrième génération de réacteurs dont l'un des avantages est de réduire la durée de vie des déchets. L'autre est d'économiser de l'uranium par surgénération de plutonium. En la matière, la ressource est abondante, ce qui a d'ailleurs provoqué une forte baisse des prix. Les réserves en uranium peuvent s'évaluer en siècles.
Par ailleurs, pour un mégawattheure à 33 euros, le combustible revient à 5 euros. Ce sont des chiffres faibles. 5 % du coût de l'électricité vient de l'uranium naturel. Même si son prix doublait ou triplait sur très longue période, l'impact ne serait pas du tout le même que si le même cas se présentait pour une centrale fossile, où le coût du combustible peut représenter jusqu'à 70 %.
Il n'empêche qu'il faut économiser l'uranium. L'énergie la moins chère, c'est celle qu'on ne consomme pas. De ce point de vue, l'augmentation du taux de recyclage constitue une économie qui permettra de faire durer les ressources d'uranium le plus longtemps possible.
S'agissant de la conversion et de Malvési, le site représente 450 emplois. Plusieurs projets prévoient de traiter des matières stockées sur le site, soit en développant des activités, soit en renouvelant des installations, comme l'hydrofluoration. Notre programme d'investissement est supérieur à 300 millions d'euros pour les années à venir. Une équipe d'ingénierie s'est installée sur place. Douze personnes nous ont rejoints à Malvési. On table à terme sur 50 personnes. C'est le fruit de l'investissement de l'entreprise, mais aussi du pays. Les installations de conversion du Tricastin et de Malvési sont les plus modernes au monde. Nous allons continuer à investir, ce que nos concurrents n'ont pas fait.
Si le marché se redresse, c'est parce que certaines usines de 30 ou 40 ans, bien plus anciennes que la nôtre, se font dépasser technologiquement par les perspectives que la France a choisi à travers Orano en matière de conversion. Cela prouve que les nouvelles technologies permettent de réduire les risques de sécurité et les rejets, et ceci ouvre des perspectives reconnues par nos clients mondiaux. Les investissements dans l'industrie payent en termes d'emplois et de commerce extérieur.
Concernant la Chine, ce pays développe aujourd'hui son parc nucléaire. Avant le milieu de la prochaine décennie, on comptera plus de centrales nucléaires en Chine qu'en France. D'ores et déjà, toutes proportions gardées, la Chine représente un peu moins de 10 % du chiffre d'affaires d'Orano suivant les années. Il nous arrive certaines années de vendre plus d'uranium en Chine qu'en France.
Les Chinois développent leur propre industrie du cycle. Même s'ils iront à terme sur les marchés mondiaux et compte tenu du développement rapide de leur parc, cette industrie reste à ce stade axée sur leurs besoins propres et Orano reste en situation de fournisseur.
Le chiffre que vous avez cité concernant l'usine de recyclage que je mentionnais en introduction n'est pas du tout le chiffre de nos approvisionnements. Notre client chinois a pour habitude de dire que l'ampleur du chantier représente l'équivalent du barrage des Trois-Gorges, dont le coût total s'élevait à 20 milliards de dollars. C'est l'ordre de grandeur pour la totalité d'un projet dont nous ne serions que l'un des fournisseurs.
Je rends d'ailleurs hommage à nos équipes qui, depuis longtemps, maîtrisent la technique du recyclage et produisent chaque année un millier de conteneurs de déchets de très haute activité, ce que personne d'autre ne fait à travers le monde. Elles fabriquent également une centaine de tonnes de combustible recyclé, contribuant ainsi à économiser la ressource. Ce contrat éventuel avec la Chine représenterait pour la France une activité complémentaire et une reconnaissance de nos technologies.
Le stockage des combustibles usés, en piscine ou à sec, présente des niveaux de sûreté reconnus mondialement. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a publié, en juin 2018, un rapport indiquant que les deux solutions répondaient aux normes de sûreté. D'un point de vue industriel, les combustibles usés doivent refroidir en piscine quelques années. C'est un passage obligé. Les clients qui ont une vision de développement du nucléaire et du recyclage entreposent plutôt le combustible en piscine parce qu'il est alors plus facile de les reprendre pour les recycler, les valoriser, voire pour les mettre directement en stockage définitif. Les clients qui, comme les Américains à Yucca Mountain, ont une perspective de stockage définitif plus difficile et ne recyclent pas, préfèrent des solutions d'entreposage à sec. Cela dépend aussi des sites. En France, le choix du recyclage implique plutôt un stockage en piscine.
Les coûts du démantèlement - comme le confirme la Cour des comptes - sont inclus dans les comptes d'Orano et d'EDF. Ces coûts sont non seulement provisionnés, mais font également l'objet de fonds dédiés. S'il est besoin en cours d'année de les abonder, cela rentre dans nos comptes de trésorerie. Nous sommes d'ailleurs une des rares industries à avoir un fonds absolument dédié aux charges futures. Pour EDF, le coût du démantèlement représente 15 % de la construction.
Les projets d'infrastructures ont des temps de démantèlement longs, cela vaut pour le nucléaire mais aussi pour les énergies renouvelables ou pour le gaz. La durée de cinquante ans a été citée mais d'ores et déjà, certaines installations ont été déclassées. D'autres, dans le Sud-Est par exemple, sont en attente de déclassement administratif mais les travaux physiques sont achevés, parfois depuis plus de trois ans. La prochaine étape est celle de l'enquête publique relative au déclassement. Il n'y a plus de bâtiments et le site est rendu à un usage industriel. Aux États-Unis, une dizaine de centrales nucléaires ont été complètement démantelées. Ces sites ont été rendus à l'usage public. Certains sites sont plus ou moins compliqués que d'autres, mais c'est tout à fait faisable aujourd'hui.
Cela m'amène à la question de Saint-Priest-la-Prugne. Nous effectuons les relevés. Nous traitons les débordements - qui sont prévus -, nous réalisons les travaux d'entretien, de prélèvements, et c'est pourquoi nous considérons que l'arrêté préfectoral n'a pas n'a pas lieu d'être...
Je suis frontalier, je sais que ce n'est pas le cas ! Donnez-nous les calendriers de réalisation de ces travaux !
Nous les continuons bien sûr. Les études de renforcement du barrage ont été réalisées. Je peux vous faire parvenir le calendrier des travaux. Nous réalisons les prélèvements, l'entretien de la station de traitement...
Non, car il nous demande de faire des choses que nous faisons. Il est très rare que nous attaquions un arrêté préfectoral. On en a pourtant plusieurs par an, ainsi que des enquêtes publiques. Des sensibilités très diverses s'expriment autour de ce site. Les habitants des deux départements ne sont pas du même avis sur les travaux de contournement. Nous ne les réaliserons pas en raison de l'opposition de certains habitants. Ce n'est d'ailleurs pas nécessaire sur le plan de la sûreté nucléaire. Nous allons procéder cependant à des travaux de renforcement du barrage.
Historiquement, nous avions pour missions de surveiller plus de 200 sites miniers en France. Lorsque les sites sont extrêmement stables, le code minier prévoit leur retour à l'État quand les conditions sont remplies. Parmi ces 200 sites miniers, seuls un peu plus d'une dizaine sont des installations classées pour la protection de l'environnement. Pour ceux-là, les contraintes sont bien entendu supérieures.
Nous sommes un acteur responsable. Nous continuons la surveillance et le traitement. Lorsque les sites seront complètement stabilisés, ils retourneront à l'État. Nous comptons aujourd'hui un certain nombre de sites transformés en fermes solaires.
La maîtrise des risques d'accident et la sûreté nucléaire constituent le premier sujet de chaque salarié d'Orano. Nous faisons non seulement tout notre possible, mais nous améliorons jour après jour et année après année les conditions dans lesquelles nous opérons. Le meilleur juge en est l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui rend régulièrement compte au Parlement de l'état de sûreté des installations. Je ne peux que me faire l'écho de ce qu'ils ont déclaré publiquement en indiquant que la situation de la sûreté nucléaire en France s'améliore, ainsi que la situation des exploitants. Elle est satisfaisante, mais nécessite une certaine attention, par exemple en ce qui concerne la reprise de certains déchets anciens et très anciens, que nous sommes en train d'accélérer.
D'une façon générale, les exploitants de chaque pays doivent impérativement tenir compte des retours d'expériences. On le fait à travers l'Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO), qui a pour objectif de s'assurer que chacun apprend des autres au fur et à mesure.
Il existe en effet un risque géopolitique à propos des mines, même si, historiquement, il est moins fort en matière d'uranium que de combustibles fossiles. Néanmoins, Orano est présent dans des zones géographiques distinctes - Canada, Niger, Kazakhstan -, avec des programmes de recherche dans d'autres pays du monde, de façon à avoir un profil de risques diversifié et à ne pas être dépendant d'une seule zone géographique ou présentant des facteurs communs.
Sans transition, la gestion des déchets est pour nous impérative. Notre métier est d'en diminuer le volume. Je confirme que les déchets nucléaires constituent un point qui fait l'objet de toute notre attention. Aujourd'hui, en France, 90 % des volumes de déchets produits par l'électricité nucléaire ont des solutions de traitement ou de stockage : ce sont tous les déchets à très faible ou à faible activité. La recherche de solutions pour le futur concerne donc 10 % des déchets restants, qui sont à haute activité et à vie longue.
La production actuelle des déchets de haute activité représente 200 mètres cubes par an. On ne conteste bien entendu pas le stock des déchets historiques mais 200 mètres cubes par an, c'est une piscine municipale à l'échelle de la France. Il s'agit d'un volume par habitant très faible. Certes, ce sont des déchets radioactifs, mais l'ASN a indiqué que leur vitrification est une solution sûre, de même que les entreposages de La Hague également, et ce pour plusieurs décennies. Pour les accueillir, nous construisons un bâtiment tous les cinq ans dans l'attente de l'intervention de Cigéo. Il n'y a donc pas de saturation à La Hague. Plus de vingt ans de production sont stockés dans un bâtiment à taille humaine.
S'agissant de l'entreposage en piscine, en amont du conditionnement de déchets et du recyclage, on est à 70 % de la capacité administrative autorisée, et à 90 % en termes de capacités physiques. Il nous appartient de réaliser les investissements pour l'augmenter. Au rythme actuel, les besoins sont entre 30 et 100 tonnes supplémentaires par an pour le combustible en piscine. Les piscines ne seront pas saturées avant 2030. Il n'y a donc pas de question fondamentale à cet horizon. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas prévoir la suite, en particulier du fait de l'arrêt des réacteurs de 900 mégawatts, qui soulèvera la question. EDF en décidera avec l'ASN à un horizon de temps relativement long.
Concernant les phénomènes climatiques, on réexamine la sûreté des installations tous les dix ans. On prend en compte les événements climatiques lorsque c'est nécessaire, qu'il s'agisse des vents, des crues, des tornades, de même que des menaces externes en termes de sécurité.
Concernant le recrutement du personnel, il faut avoir en tête que nous n'avons pas recruté pendant la restructuration. J'ai indiqué que nous avions retrouvé ce chemin. Auparavant, nous avions dix CV pour un poste ; aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait le cas. Il faut s'en féliciter, car d'autres industries attirent. Nous disposons de nos propres centres de formation, mais également des CFA. La tension existe. On essaie toutefois de la résoudre par la formation. Nous organisons des événements locaux au Tricastin, dans le Gard, en région parisienne, à Cherbourg. Nous sommes également en relation avec Pôle emploi. Nous formons plus d'alternants que nous n'en recrutons. Ils rejoignent ensuite des entreprises intermédiaires.
Il existe une tension sur les métiers de la mécanique qui sont pourtant des métiers qui permettent de progresser tout au long de la carrière. Ce sont des métiers qualifiés, avec des salaires au-dessus du Smic. Nous menons beaucoup d'actions dans ce domaine. Nous avions six événements labellisés au titre de la semaine de l'industrie, dont un dans le Sud-Est qui a bien fonctionné, que ce soit pour les métiers de service ou de production.
Dans les territoires, nous sommes reconnus comme un employeur de qualité. Peut-être le Grand Paris draine-t-il plus d'emplois que d'autres régions. Nous sommes, avec nos programmes industriels de digitalisation ou de recherche, à la limite de la science. Nous sommes parmi les industries les plus avancées au niveau mondial, et continuons d'attirer les personnes passionnées par la technique, qui souhaitent apporter quelque chose à leurs concitoyens. Avec 220 000 emplois, le nucléaire est la troisième filière en France, après l'aéronautique et l'automobile et restons donc une industrie perçue comme porteuse.
Autre sujet : le Niger. 90 % des retours économiques de l'exploitation d'uranium vont à ce pays, que ce soit en termes de salaires, de taxes pour l'État ou de développement d'infrastructures. Nous finançons également hôpitaux, routes, écoles parfois. Le Niger connaît des enjeux très forts, mais nous contribuons à son économie, ce que les parties prenantes nous rappellent également. Nous contribuons aussi à des projets de développement et de redéveloppement à notre échelle. Nous ne constituons cependant qu'une toute petite partie de l'activité économique du Niger.
La stratégie européenne n'est pas la stratégie allemande. Beaucoup de pays en Europe, notamment à l'est et au sud-est de l'Allemagne - République tchèque, Slovaquie, etc. -, sont favorables au développement de l'industrie nucléaire. Il n'y a en revanche pas d'alignement complet des États membres sur le sujet, ne serait-ce que du fait de la position allemande, qui annonce une sortie du charbon en 2038. Même s'ils remplacent le charbon par du gaz - ce qui fait sens du point de vue du CO2 -, ils continueront quand même d'émettre beaucoup plus de CO2 par kilowattheure que la France, probablement environ trois ou quatre fois plus, puisqu'ils ont saturé leur potentiel de consommation en termes d'énergies renouvelables. Il y a dix jours, le prix de l'électricité, même en France, était négatif du fait du vent. Dans ces conditions, les allemands peuvent produire plus qu'ils n'ont besoin ; en revanche, quand il n'y a pas de vent, ils sont obligés de faire appel au charbon.
Il n'y a manifestement pas de politique européenne en la matière. De ce point de vue, le développement des interconnexions entre les pays va dans le bon sens, mais lorsque j'entends dire que l'Allemagne ne veut pas importer du nucléaire peu cher, je me dis que la compétitivité du nucléaire est au moins reconnue en Allemagne. Cela signifie que le nucléaire est compétitif !
Enfin, un des plus gros enjeux de la compétitivité de la filière se situe dans les réacteurs neufs. Le parc existant a en effet un coût de production très compétitif. En revanche, le nucléaire neuf doit se situer dans la plage de compétitivité. C'est ce qui a été annoncé par EDF.
L'ensemble de la filière, avec EDF, doit présenter, dans le cadre de la PPE, un dossier sur la construction de réacteurs neufs. EDF a clairement indiqué que des EPR améliorés seraient présentés en 2021, avec l'ensemble de leurs impacts, qu'ils soient techniques, financiers ou qu'il s'agisse de leur intégration dans les territoires. D'ores et déjà, trois régions sont candidates à l'implantation d'EPR.
C'est EDF qui est maître d'ouvrage et maître d'oeuvre. L'EPR de Taishan 1 fonctionne mieux que son modèle concurrent. Taishan 2 démarrera dans l'année. Le réacteur finlandais a obtenu son autorisation de chargement. L'EPR de Flamanville progresse et fait l'objet de communications de la part d'EDF. Il faut aujourd'hui tirer toutes les leçons des premières difficultés, qui ont permis à Taishan de conduire le chantier plus rapidement, à hauteur d'environ 40 %. EDF et Hinkley Point ont déjà construit deux nouveaux EPR. Ce réacteur aura donc été construit à six reprises au moment où le dossier sera déposé, en 2021.
Enfin, s'agissant du laser, je suis convaincu que les progrès des sciences vont nous amener à réduire la durée de vie des déchets. Les déchets que nous produisons aujourd'hui ont un volume limité, mais la réduction de la durée de vie des déchets à vie longue constitue un véritable enjeu. On examine l'innovation proposée à travers le prisme du CEA, puisqu'elle reste très en amont en termes scientifiques. Ce laser interviendrait couplé à un accélérateur, domaine d'expertise du CEA.
Nous essayons de développer des solutions capables d'accueillir ces dispositifs amont, encore en recherche fondamentale. Nous sommes ici plus les cibles que les émetteurs. Le laser permettrait d'exciter un accélérateur qui, lui-même, viserait des cibles. Nous prenons soin, dans la recherche que nous menons sur les déchets nucléaires eux-mêmes, et surtout sur les déchets à vie longue ou sur les actinides mineurs, d'être compatibles avec des recherches plus fondamentales de type laser et accélérateur.
Vous avez parlé des déchets à haut risque, que vous avez estimés à 200 mètres cubes par an. Avez-vous une idée de leur volume cumulé ?
Pour les déchets à haute activité vitrifiés, il faut tenir compte de la production historique. Cela doit représenter vingt-cinq ans ou trente ans. Une partie de l'inventaire d'aujourd'hui représente des déchets historiques qui ne sont plus produits. On reviendra vers vous à ce sujet mais l'inventaire national de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est bien fait.
Monsieur le directeur général, EDF indique que le démantèlement représente 15 % de l'investissement environ. Vous nous dites tout avoir provisionné dans vos comptes. Le chiffre de 33 euros intègre-t-il ces coûts ?
Aujourd'hui, tous les coûts afférents au démantèlement sont inclus dans les comptes d'EDF. Les sorties de cash sont incluses dans les 33 euros.
Merci pour ces informations et pour votre action.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 heures 45.